"Dial 'C' for corruption in India" - Composez 'C' pour corruption en Inde -. Joli titre pour un article visant à répertorier les scandales à répétition qui secouent l'Inde depuis quelques semaines. Un clin d'oeil, surtout, à celui qui a fait surface récemment : accusé d'avoir "bradé" des licences de téléphonie mobile 2G, le ministre des télécommunications Andimuthu Raja (photo ci-desus/CNN-IBN) a été contraint de démissionner dimanche dernier. Pour l'état, ses activités licencieuses ont entraîné un manque à gagner de 40 milliards de dollars... soit le budget de la défense du pays.
Analyste à Inter Press Service, Ranjit Devraj met le doigt sur ce mal endémique indien qu'est la corruption. D'emblée, il pose la question qui est sur toutes les lèvres : est-ce que cette fois les coupables seront punis ? "La corruption est devenue une maladie, c'est un mal endémique difficile à éradiquer. Nous avons besoin de toute urgence d'un bon traitement", affirme à l'auteur de l'article publié par Asia Times Online un médecin qui mène dans le pays sa propre croisade anti-corruption. Le problème, relève Ranjit Devraj, est qu'aujourd'hui la coalition de centre-gauche au pouvoir et l'opposition emmenée par le BJP, le parti nationaliste hindou, se renvoient la balle, s'accusant mutuellement de porter "la plus grande responsabilité" de ce mal qui ronge l'Inde depuis longtemps.
Le scandale des licences de téléphonie mobile 2G attribuées à tort et à travers par l'ex-ministre des télécommunications met sur la sellette le gouvernement de Manmohan Singh. Il pourrait même, si l'affaire s'envenime, ternir l'image du Premier ministre, qui a pourtant une réputation d'honnêteté au-dessus de tout soupçon. Pourquoi a-t-il "protégé" aussi longtemps son ministre des télécoms ? Le Premier ministre aura à en répondre devant la Cour suprême.
De quoi s'agit-il ?
En janvier 2008, Raja a attribué les fameuses licences à tort et à travers, faisant la part belle aux groupes les mieux informés. Alors qu'il aurait dû avoir recours à une vente aux enchères, il les a bradées aux prix de 2001, bien qu'en sept ans le marché ait explosé. Résultat, des compagnies ayant acquis les licences à bas prix ont aussitôt revendu six fois plus cher une partie de leur capital à des firmes étrangères. L'état indien, lui, a ainsi perdu l'occasion de gagner plusieurs dizaines de milliards de dollars...
Cette affaire, qualifiée par l'opposition de "mère de tous les scandales", s'ajoute à celle qui a conduit à l'éviction du ministre régional du Maharashtra (parti du Congrès). Soupçonné dêtre impliqué dans la construction illégale d'un immeuble de 31 étages dans l'un des meilleurs quartiers de Bombay, le ministre a été déchu de ses fonctions par Sonia Gandhi, la présidente du parti. Mais le mal est fait. Des politiciens, des bureaucrates et des officiers de l'armée profitaient de ces appartements merveilleusement situés face à la mer dans une ville où 60% de la population vit dans des bidonvilles.
Et puis il y a eu les affaires de corruption liées aux Jeux du Commonwealth, début octobre... Selon Transparency International (TI), l'image de l'Inde en a été quelque peu écornée.
Pour l'analyste économique Paranjoy Guha Thakurta, c'est surtout l'image du parti du Congrès qui pourrait être ternie. "Réfléchissez seulement au nombre d'écoles ou de dispensaires qui auraient pu être construits avec 40 milliards de dollars... les gens observent tout cela", dit-il en référence au scandale des télécoms.