Par                    : Mustapha Hammouche 
 Lu : (799 fois)
Ben  Ali aura tout tenté pour assurer la survie de son système. Après avoir  dénoncé, dès le 28 décembre, “la récupération politique” du suicide du  jeune Mohamed Bouazizi, il montrait du doigt, le 10 janvier, les “voyous  cagoulés” qui commettaient “des actes terroristes” et promettait 300  000 emplois pour 2011-2012 ; le 12 janvier, il limogeait son  ministre de l’Intérieur et désignait une commission d’enquête sur la  corruption et la libération des manifestants n’ayant pas “participé à  des actes de vandalisme” ; le soir même, le couvre-feu était instauré  pour Tunis ; le 13, il s’engageait à quitter le pouvoir en 2014, dit  “avoir compris” les manifestants et promet la liberté totale de la  presse et la démocratie ; le 14, il limoge son gouvernement et promet,  encore, des législatives “dans six mois”, puis quitte le pays après  avoir désigné son Premier ministre pour le remplacer “provisoirement”.
Mais  après son départ, ses héritiers cèdent sur le provisoire et adoptent la  situation de la vacation définitive du pouvoir en proclamant la  présidence par intérim du président de l’Assemblée nationale. Tout au  long de ces “concessions”, le soulèvement s’est amplifié et la  répression s’est aggravée. Il devient, au fil des heures, clair que les  Tunisiens veulent mettre fin au système Ben Ali et exigent que le mode  de transition les mette à l’abri d’une régénération du système.
Même  après le pathétique “je vous ai compris” du maître de Carthage, et y  compris dans sa fuite, il n’a pas échappé aux Tunisiens et observateurs  que Ben Ali n’a pas renoncé à la virtualité d’un retour et encore moins à  la perpétuation d’un Benalisme sans Ben Ali.
S’ils ne l’avaient à  l’esprit, le destin du soulèvement d’octobre 1988 en Algérie conforte  objectivement la vigilance du mouvement tunisien et la clairvoyante  résolution d’aller jusqu’au bout de l’objectif de renversement du  système politique.
En Algérie, les réformes partielles du lendemain  des émeutes d’octobre 88 n’ont pas abouti à l’instauration de la  démocratie justement parce que la condition d’évacuation du système  politique n’ayant pas été remplie. Celui-ci a exploité son rôle de  maître d’œuvre du projet démocratique pour se régénérer. Une scène  politique polluée par l’irruption programmée de l’intégrisme,  l’entretien tactique du régionalisme, une liberté de presse écrite  seulement, des moyens financiers suffisants pour la corrompre et  convertir les opposants… Ajoutons à ces atouts, une école qui a éradiqué  la citoyenneté et une société qui a troqué les valeurs de civisme  contre un intégrisme religieux débridé et l’on comprend que, plus de  vingt ans après Octobre, les Algériens subissent un régime encore plus  autoritaire que celui contre lequel ils se sont soulevés. Ce déficit  sociopolitique algérien qui explique l’impasse dans laquelle finissent  toutes les initiatives contestataires en Algérie.
Mais la Tunisie,  quant à elle, en plus de ne pas subir “la malédiction du pétrole”,  n’offre pas à son régime les moyens de corrompre les consciences à  grande échelle et entretenir une société civile maison ; elle a fait  “l’erreur” de construire une école moderne qui forme à la citoyenneté et  des institutions qui diffusaient le sens de l’état dans la société.  C’est ce qui explique la clarté et la ténacité de la demande populaire  d’une démocratie républicaine.