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Les conseillers d’Obama discutent des préparatifs de guerre contre l’Iran
Par Peter Symonds
10 novembre 2008
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A la veille de l’élection américaine, le New York Times faisait prudemment remarquer l’émergence d’un consensus entre le Parti démocrate et le Parti républicain pour une nouvelle stratégie agressive envers l’Iran. Alors que presque rien n’a été dit à ce sujet pendant la campagne électorale, de hauts conseillers des camps Obama et McCain ont discuté de l'escalade rapide de la pression diplomatique et de sanctions punitives contre l'Iran, soutenues par des préparatifs pour des frappes militaires.
L’article intitulé « New Beltway debate: what to do about Iran » notait avec une certaine inquiétude : « c’est une idée effrayante, mais ce n’est pas seulement l’administration Bush à la gâchette facile qui discute – ne serait-ce que théoriquement – de la possibilité d’une action militaire pour arrêter le programme d’armes nucléaires de l’Iran…Des gens raisonnables des deux partis sont en train d’étudier la prétendue option militaire, ainsi que de nouvelles initiatives diplomatiques ».
Derrière le dos des électeurs américains, des conseillers du président élu, Barack Obama, ont préparé la scène pour une escalade importante de la confrontation avec l’Iran dès que la nouvelle administration prendra ses fonctions. Un rapport publié en septembre par le Bipartisan Policy Center, une « fabrique d’idées » bipartite basée à Washington, a fait valoir qu’un Iran disposant de l’arme nucléaire était « stratégiquement intenable » et détaillait une approche robuste « incorporant de nouveaux instruments diplomatiques, économiques et militaires d’une manière intégrée ».
Un des principaux membres du groupe de travail de ce centre a été le haut conseiller d’Obama concernant le Moyen-Orient, Dennis Ross qui est connu pour ses points de vue belliqueux. Il a soutenu l’invasion américaine de l’Irak et il est étroitement lié à des néo-conservateurs comme Paul Wolfowitz. Ross a travaillé sous Wolfowitz dans les administrations de Carter et de Reagan avant de devenir l’envoyé en chef au Moyen-Orient sous les présidents Bush père et Clinton. Après avoir quitté le département d’Etat en 2000, il a rejoint un groupe de réflexion de droite pro-Israël (le Washington Institute for Near East Policy / Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient) ) et il a été engagé comme analyste en matière de politique étrangère par la chaine de télévision Fox News.
Le rapport du Bipartisan Policy Centre insistait sur le fait qu’il y n’y avait pas de temps à perdre et déclare : « Les progrès réalisés par Téhéran signifient que la prochaine administration pourrait bien avoir peu de temps et moins d’options pour faire face à cette menace. » Il rejetait sans autre forme de procès à la fois les affirmations de Téhéran selon lesquelles son programme nucléaire était destiné à des fins pacifiques et l’Estimation nationale des services de renseignements américains de 2007 qui révélait que l’Iran avait mis fin à tout programme nucléaire militaire en 2003.
Ce rapport critiquait l’échec de l’administration Bush à arrêter les programmes nucléaires iraniens, mais sa stratégie est essentiellement la même – des incitations limitées par des sanctions économiques plus sévères et par la menace d’une guerre. Son plan pour consolider le soutien international est également fondé sur l’action militaire préventive contre l’Iran. La Russie, la Chine et les puissances européennes doivent toutes être averties que leur échec à mettre en œuvre des sanctions sévères, y compris un blocus provocateur sur les exportations de pétrole de l’Iran ne feront qu’accroître la probabilité de la guerre.
Pour souligner ces avertissements, le rapport proposait que les Etats-Unis auraient besoin de renforcer immédiatement leur présence militaire dans le Golfe persique. « Cela devrait commencer le premier jour où le nouveau président entre en fonction, d’autant que la République islamique et ses acolytes, pourraient vouloir tester le nouveau gouvernement. Cela impliquerait un pré-positionnement de forces américaines et alliées, le déploiement de groupes de combats supplémentaires de porte-avions et de dragueurs de mines [et] la mise en place d’autre matériel de guerre dans cette région » déclarait-il.
Dans un langage qui rappelle fortement celui de Bush lorsqu’il insiste sur le fait que « toutes les options restent sur la table », le rapport déclarait encore : « Nous croyons qu’une attaque militaire est une option réalisable et doit rester un dernier recours pour retarder le programme nucléaire iranien ». Une telle frappe militaire « aurait pour objectif non seulement l’infrastructure nucléaire de l’Iran, mais également son infrastructure militaire conventionnelle dans le but de supprimer une riposte iranienne. »
De manière significative, le rapport a été rédigé par Michael Rubin, du néo-conservateur American Entreprise Institute, qui a été fortement impliqué dans la promotion de l’invasion de l’Irak en 2003. Un certain nombre de hauts conseillers démocrates a « approuvé à l’unanimité » ce document, y compris Dennis Ross, l’ancien sénateur Charles Robb qui a coprésidé le groupe de travail, et Ashton Carter qui a servi en tant que secrétaire adjoint à la Défense sous Clinton.
Carter et Ross ont aussi participé à la rédaction d’un rapport publié en septembre pour le Center for a New American Security (Centre bipartite pour une nouvelle sécurité de l'Amérique). Ce rapport concluait que l’action militaire contre l’Iran devait constituer « un élément dans toute véritable option ». Tandis que Ross y examinait les options diplomatiques en détail, Carter y définissait les « éléments militaires » qui devaient les sous-tendre, y compris une analyse des coûts et bénéfices d’un bombardement aérien de l’Iran.
D’autres hauts conseillers d’Obama au niveau de la politique étrangère et de la défense ont été étroitement associés à ces discussions. Une déclaration intitulée « renforcer le partenariat : comment approfondir la coopération entre les Etats-Unis et Israël concernant le défi nucléaire iranien », rédigée en juin par un groupe de travail de l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient, recommandait que la prochaine administration mène des discussions avec Israël sur « l’ensemble des options politiques », y compris « l’action militaire préventive ». Ross était un co-animateur du groupe de travail et les hauts conseillers d’Obama Antony Lake, Susan Rice et Richard Clarke ont tous mis leur nom sur le document.
Ainsi que le New York Times le notait lundi, le conseiller d’Obama en ce qui concerne la défense, Richard Dantzig, un ancien secrétaire à la Marine sous Clinton assistait à une conférence sur le Moyen-Orient rassemblée en septembre par le même groupe de réflection pro-Israël. Il dit à l’assistance que son candidat croyait qu’une attaque militaire de l’Iran était un choix « terrible », mais qu’il « se pourrait que dans un monde terrible nous allons devoir nous faire à ce genre de choix terrible ». Richard Clarke, qui était lui aussi présent, déclara qu’Obama estimait qu’il fallait « enrayer l’influence grandissante de Téhéran et que l’acquisition d’armes nucléaires par Téhéran était inacceptable ». Tandis que « sa tendance première était de ne pas appuyer sur la gâchette » dit Clarke, « si les circonstances demandaient l’usage des armes, Obama n’hésiterait pas. »
Si l’article du New York Times était formulé avec discrétion et n’examinait pas les rapports de façon trop en détail, la journaliste, Carol Giacomo, était de toute évidence inquiète des parallèles avec l’invasion américaine de l’Irak. Après avoir fait remarquer que « le public américain était dans une large mesure inconscient de ce débat », elle déclarait : « Ce qui me rend nerveuse, c’est ce qui s’est passé dans la période qui a précédé la guerre en Irak. »
Giacomo poursuivit : « Les responsables de l’administration Bush ont mené la discussion, mais les initiés étaient complices. La question fut posée et on y a répondu dans les cercles politiques avant que la majorité des Américains ne sachent ce qui arrivait…En tant que correspondant diplomatique pour Reuters à l’époque, j’éprouve une certaine responsabilité pour ne pas avoir fait plus pour assurer que la décision désastreuse d’envahir l’Irak n’ait été contrôlée avec davantage de scepticisme ».
L’émergence d’un consensus sur l’Iran dans les cercles de la politique étrangère américaine souligne, une fois de plus, le fait que les différences entre Obama et McCain étaient de nature purement tactique. Tandis que des millions d’Américains ont voté pour le candidat démocrate croyant qu’il allait mettre fin à la guerre en Irak et répondrait à leurs besoins économiques urgents, des sections puissantes de l’élite américaine se sont mises derrière lui, le considérant comme un meilleur véhicule pour poursuivre les intérêts économiques et stratégiques au Moyen-Orient et en Asie Centrale — y compris avec l’usage de la force militaire contre l’Iran.
(Article original publié le 6 novembre 2008)
Un faucon anti-Iran pourrait bien hériter du poste de secrétaire d’État dans la future administration Obama si le démocrate est élu le 4 novembre [aujourd'hui - Nldr]. Le récit de « Bakchich ». Dennis Ross, le principal conseiller de Barack Obama sur l’Iran mais aussi possible successeur de Condoleeza Rice au poste de Secrétaire d’État, a signé un manifeste sur l’Iran qui prône une ligne dure. Tellement dure que, si elle est appliquée, elle provoquera l’entrée en guerre de l’Amérique contre le pays des mollahs. A l’origine, Ross, 59 ans, est un expert de feu l’URSS, rompu et formé à la Guerre Froide. Il a servi au Conseil de sécurité nationale de Ronald Reagan et notamment dans le staff du néo-conservateur Paul Wolfowitz, pour ensuite devenir le Directeur du planning du Département d’État sous James Baker, secrétaire d’État dans l’administration de Bush père. Il a également été l’émissaire spécial pour le Moyen-Orient de Bill Clinton. Mais lorsqu’il menait les négociations israélo-palestiniennes, selon les dires de Dan Kurtzner, un juif orthodoxe – cité par Time magazine – qui participait à ces pourparlers aux cotés de Ross et qui est de surcroît un ancien ambassadeur en Israël soutenant Obama, les préjugés pro-israéliens de Ross étaient tellement visibles qu’il n’était pas perçu comme « un médiateur honnête ». Le conseiller du candidat démocrate est en outre le co-fondateur du Washington Institute for Near East Policy, un think-tank établi par l’AIPAC, qui prône une ligne pro-israélienne dure et où Ross officie aujourd’hui comme un « Fellow distingué ». Mais il y a plus scabreux à son sujet. Lorsque Obama a dévoilé qu’il l’accompagnait comme conseiller principal lors de son voyage en Israël en juillet dernier, Time a intitulé son article sur cet énergumène de la sorte : « Le choix conservateur d’Obama pour le Moyen-Orient » et a relevé que, compte tenu de son passé, il était « surprenant de le voir devenir un membre officiel de l’équipe d’Obama ». Et pour cause ! Ross a été le principal auteur du discours très musclé et guerrier d’Obama à la convention de l’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee, le très conservateur lobby pro-israélien) en juin dernier et dont Bakchich s’était fait l’écho. Un sommaire passé inaperçu dans le Washington Post Intitulé « Meeting the Challenge : U.S. Policy Toward Iranian Nuclear Development », le manifeste anti-Iran a été préparé par un groupe de travail de onze personnes dont Ross. Ses 87 pages ont soulevé tant d’inquiétude et d’indignation chez les intellectuels démocrates progressistes et experts en politique étrangère redoutant une frappe contre l’Iran qu’ils préparent pour après l’élection une lettre ouverte de protestation à l’attention d’Obama. Deux hommes, précisément deux ex-sénateurs de droite ont présidé à la rédaction de ce texte : Dan Coats de l’État d’Indiana (un républicain conservateur pur et dur) et Chuck Robb de Virginie. Ce dernier est un démocrate conservateur, ancien gendre du Président Lyndon Johnson, ancien officier du Marine Corps qui a servi au Vietnam et co-fondateur du Democratic Leadership Council, l’association de démocrates de droite, très faucons en politique étrangère. Robb a également été nommé membre du President’s Foreign Intelligence Board par George W. Bush en 2005. Coats et Robb ont publié un sommaire vaguement maquillé du manifeste dans un article qu’ils ont co-signé dans le Washington Post du 23 octobre. Un article passé inaperçu… Le groupe de travail qui a préparé le manifeste compte parmi ses autres membres une belle brochette de néo-conservateurs et d’anciens militaires de haut rang. Les principaux auteurs en sont Michael Makovsky qui a travaillé au Pentagone de Donald Rumsfeld, sous Doug Feith, sous-secrétaire à la Défense, où Makovsky faisait partie de l’équipe qui a fabriqué de toutes pièces les faux renseignements sur les armes de destruction massive ayant servi à justifier l’invasion de l’Irak. Autre co-auteur : Michael Rubin, aujourd’hui membre du staff de l’American Enterprise Institute, un think tank bastion des néo-conservateurs qui a, lui aussi, travaillé dans le cabinet de Rumsfeld. Et que dit exactement ce manifeste ? Qu’aucun accord permettant à la République islamique d’Iran d’enrichir de l’uranium sur son propre territoire de quelque manière que ce soit (y compris sous le contrôle strict d’inspecteurs internationaux) n’est possible. Mais aussi que l’abandon total par Téhéran de l’enrichissement d’uranium est un préalable à toute négociation. Pouvoir attaquer l’Iran depuis « plusieurs endroits » Toujours selon ce texte, pour montrer à l’Iran qu’il ne laissera rien passer, le nouveau président doit en outre fortement accroître la présence militaire américaine dans la région dès « le premier jour où il accède à la Maison-Blanche ». Plus précisément, il devra « mettre en place dans la région des forces militaires américaines et alliées plus importantes, déployer des groupes de porte-avions et des navires-démineurs, implanter dans la région des stocks de matériel de guerre (y compris des missiles), augmenter localement le nombre de bases militaires, conclure des partenariats stratégiques avec des pays comme l’Azerbaïdjan et la Géorgie pour pouvoir être opérationnel contre l’Iran de plusieurs endroits ». Le manifeste va même encore plus loin dans l’hostilité à l’encontre de Téhéran et ajoute que « la présence des forces U.S. en Irak et en Afghanistan offre de nombreux avantages en cas de confrontation avec l’Iran, car l’Amérique peut y implanter plus de forces armées et de matériel sous couvert des conflits en Irak et Afghanistan ; et ainsi maintenir un effet de surprise [sic !] stratégique et tactique ». En clair, si Téhéran n’est pas prêt à abandonner tout enrichissement d’uranium sur son propre territoire (ce que l’Iran n’acceptera jamais comme préalable à une négociation), la guerre devient inévitable. Et toutes les étapes intermédiaires, y compris des négociations directes si le nouveau président américain choisit d’en mener, ne seront en réalité que du bla-bla et prétexte à relations publiques pour se faire soutenir par la communauté internationale en vue d’une attaque contre le pays des mollahs. Le fait que ce conseiller très écouté par Barack Obama ait signé et aidé à rédiger ce manifeste de faucons anti-Iran n’a pas encore été relevé par la presse américaine. Mais qu’un tel type ait l’oreille du candidat démocrate et semble destiné à un poste important aux Affaires étrangères au sein de la future administration de Barack Obama fait tout simplement froid dans le dos. par Doug Ireland pour Backchich.info, le 4 novembre 2008
Le principal conseiller d’Obama est un faucon anti-Iran
Le Monde Diplomatique : A l’ombre de la pensée américaine, quelle réflexion stratégique européenne ?