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L'algerie n'applique pas les lois , pas de justice, une république bananiere

Noureddine Benissad. Juriste, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme

 

"La loi sur les associations est anticonstitutionnelle?"

 

El Watan,

 

En dépit de l’opposition de la majorité des partis politiques et des organismes de la société civile, la nouvelle loi sur les associations a été adoptée dans le cadre des réformes politiques. Noureddine Benissad, juriste et vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, met le doigt sur les atteintes à la liberté de l’association régies par cette loi tant décriée.

 

- En tant que vice-président de la Laddh, quelle lecture faites-vous des dernières lois adoptées dans le cadre des réformes politiques ?

 

Tout d’abord, le problème réside en ces réformes politiques annoncées de toutes parts. Dire que les réformes sont venues de manière spontanées, ça ne correspond pas à la réalité. En revanche, le pouvoir en place a commencé à parler de réformes lorsque les pays de la région ont vécu des événements exogènes, à savoir le Printemps arabe. Cependant, le gouvernement a distillé un discours pour annoncer les réformes politiques répressives dans la forme et dans le fond. Est-ce que le toilettage des textes juridiques implique des réformes politiques ? Ces dernières exigent la dissolution de l’Assemblée, mettre en place un gouvernement provisoire, préparer des élections libres, chose qui n’a pas vu le jour. Autre anomalie, on élabore des lois et on parle de réformes sans préciser de timing. Tout est fait dans la hâte et dans l’anarchie. D’ailleurs, entre les avant- projets de loi et les projets de loi, il y a de flagrantes modifications. Ceci ne reflète que les divergences et le dysfonctionnement dans la vision globale au niveau du pouvoir. En plus de la différence des tendances politiques au sein du gouvernement, je citerai le rôle de l’armée. Il existe un pouvoir occulte que la Constitution n’a pas prévu, mais qui interfère dans tout le fonctionnement du système. D’ailleurs nous ne savons même pas quelle nature veut-on donner au régime politique ? Parlementaire, présidentiel, semi-présidentiel ? Après le Printemps arabe, tous les systèmes présidentiels ont abouti à ce qu’on a vu maintenant. Pas de séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif, concentration des pouvoirs, absence de contre-pouvoir : cela engendre tout simplement une catastrophe.

 

- Quels sont les articles de la loi nouvellement adoptée, contestés et considérés comme une atteinte à la liberté des associations ?

 

La loi a été mise en place dans l’objectif de contrôler l’activité des organismes de la société civile, déjà muselée, et freiner l’émergence d’une société civile dynamique. La loi en question impose l’agrément pour tout individu désireux de créer une association. On est passé du système déclaratif à un système d’agrément. Le premier consistait en le dépôt de dossier pour ,récupérer un récépissé qui autorise la création de l’association, ce qui était plus simple. Avec l’avènement de la nouvelle loi, un agrément est exigé pour commencer à activer. De prime abord, on ne constate aucune volonté de faciliter les choses en ayant recours à une administration qui contrôle avec une série d’enquêtes et des procédures bureaucratiques. Deuxième anomalie : le nombre d’éléments exigé est revu à la hausse. Il est passé de 15 membres à 25 pour pouvoir créer une association. Alors que l’association est un contrat régi par le code civil qui stipule qu’il faut au moins deux personnes. Ceci est une violation de la loi civile algérienne. C’est anticonstitutionnel.

 

- Que réserve la loi pour le financement des associations ?

 

Toutes les associations sont assujetties au contrôle d’un commissaire aux comptes. En règle générale, il doit être exigé pour les associations qui bénéficient d’une aide publique importante, afin de justifier les dépenses. Mais une petite association de quartier n’a pas les moyens de payer un commissaire aux comptes ! Même le financement étranger est interdit, car auparavant, il fallait seulement obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur. Le problème est que les institutions de l’Etat perçoivent des financements extérieurs ! Autre violation de la loi : la coopération et l’adhésion à des réseaux internationaux sont tributaires d’une autorisation du ministère de l’Intérieur. Dorénavant, les associations algériennes ne pourront être affiliées aux associations étrangères qu’à condition que l’Etat algérien ait un accord intergouvernemental avec le pays de l’association étrangère. Si cette dernière n’est pas régie par la loi de son pays, les associations algériennes ne peuvent collaborer avec elle. Ceci est une atteinte aux principes de l’indépendance de l’association. Dans les pays voisins, la société civile est très active et représente son pays à l’échelle internationale. Dans notre cas, on va se retrouver sur le plan international avec une société civile désignée par le gouvernement. Ce que j’appelle «l’opposition choisie» ou la politique de la chaise vide. Par conséquent, les organismes de la société civile ne pourront faire un vrai travail de lobbying à l’étranger.

 

- Tout le monde décrie l’article 40…

 

Ils ont introduit un article dangereux (article 40) qui stipule que toute association peut être suspendue ou dissoute dès lors qu’on s’ingère dans les affaires internes du pays et porte atteinte à la souveraineté nationale. C’est aberrant !

 

- Ces affaires internes sont-elles bien définies ?

 

Non. En droit, ceci est une notion très vague. Par exemple, parler des droits de l’enfant, du chômage, de la corruption, pourrait être interprété comme ingérence dans les affaires internes du pays. Ceci ouvre la voie à l’arbitraire. Le gouvernement doit comprendre que l’association peut-être un contre-pouvoir et, à la fois, une passerelle de régulation entre le gouvernement et le citoyen. Dans une démocratie, il faut qu’il y ait un pouvoir et un contre-pouvoir qui activent dans le cadre de la loi et de la Constitution.

 

- Quel est le sort des associations existantes ?

 

Selon la nouvelle loi, les associations qui existent doivent se mettre en conformité avec la loi, c’est-à-dire refaire leur dossier, alors que c’est un droit acquis.

 

- L’argument retenu par les auteurs de cette loi est le risque d’ingérence sur les plans politique et religieux…

 

C’est un argument qui ne tient pas la route. Ceci est un prétexte pour justifier la limitation de l’exercice des libertés. Le droit à l’association est un droit fondamental consacré par la Constitution algérienne. De plus, l’Algérie a ratifié toutes les conventions internationales, nous sommes donc tenus d’appliquer ces lois et de se soumettre à des mécanismes du contrôle de l’ONU. Et puis, il n’y a pas eu d’association en Algérie traduite en justice pour financement extérieur ou activité contre les intérêts du pays.

 

- Que pensez-vous du régime spécial consacré aux associations religieuses ?

 

Dans le monde entier, les associations religieuses sont régies par un dispositif spécifique pour faire la part des choses entre les activités caritatives et celles ayant trait aux partis politiques, notamment ceux à caractère religieux.

 

Bio express :

 

Né le 1er avril 1957 à Bouira, Me Noureddine Benissad effectua ses études primaires et secondaires dans sa ville natale. Il poursuivit ses études universitaires à Alger puis à Paris 7. Il a obtenu un magistère en criminologie à l’université d’Alger. Père de trois enfants, Me Noureddine Benissad est membre de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme (aile Bouchachi), depuis 20 ans, et son vice-président depuis trois ans. Avocat depuis 1989, il fait partie du Conseil de l’ordre des avocats d’Alger. Son père est Mohand Amokrane, instituteur connu à Bouira, qui a contribué à la formation de plusieurs centaines de cadres.

Lamia Tagzout

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