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La démocratie toujours muselée

 

 

20 ans après l’arrêt du processus électoral

 

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Les officiels algériens ne cessent de dire que l’Algérie a bien connu son Printemps arabe, et qu’elle a été le précurseur dans la région à connaître l’ouverture démocratique.

 

Ces mêmes officiels évitent toutefois de dire que la parenthèse démocratique a vite été refermée sur une expérience d’ouverture qui aura été de courte vie et au souffle coupé. Mais l’histoire est là pour marquer de son verdict ce que l’on veut arracher à la mémoire.
L’histoire a ce pouvoir de nous rattraper avec son lot d’événements pour réclamer au souvenir cette fameuse page signant l’arrêt d’un processus démocratique. Aujourd’hui, l’Algérie rappelle donc à sa mémoire ce qui a été présenté comme la «démission volontaire» de Chadli Bendjedid un certain 11 janvier 1992. Chadli Bendjedid, démission ou coup d’Etat ? L’histoire a inscrit qu’il a bel et bien été contraint par l’armée à déposer sa démission. Dans le langage juridique, une telle action ne peut être jugée que comme un coup d’Etat ; une armée respectueuse de la Constitution n’étant pas habilitée à arrêter un processus électoral et encore moins exiger d’un Président de le faire. Au-delà de cet acte justifié par ses initiateurs comme un barrage à la montée de l’intégrisme, il aura sans conteste signé l’avènement d’une ère de violence terrible.


COUP DE FORCE


Vingt années auront été écrites dans les pages de l’histoire d’une Algérie tourmentée, une Algérie qui peine à ce jour à sortir du règne des coups de force, une Algérie qui n’a finalement sauvegardé ni la République ni la démocratie. Vingt ans est l’âge d’une génération d’Algériens qui n’aura connu que la violence, le mal-vivre et le désespoir. Le constat est terrible, mais on ne peut en faire l’économie si l’on veut éviter que d’autres générations ne soient sacrifiées. Des erreurs de jugement sont possibles, mais ne pas les reconnaître est plus dangereux dans la mesure où l’on refuse de tirer les leçons d’un passé qui se conjugue malheureusement toujours au présent. Certains diront aujourd’hui, nous avons eu raison de nous opposer à l’arrêt du processus électoral, d’autres diront que c’était inévitable mais que l’armée n’a pas tenu sa promesse de préserver la démocratie, le fait est que vingt ans plus tard le bilan est là pour jeter à la face du régime son entière responsabilité d’avoir plongé le pays dans le chaos. 200 000 morts, plusieurs milliers de disparus, le contentieux est lourd et le jugement sans appel. Chaque goutte de sang d’innocents algériens versée appelle justice. Les vaines tentatives de passer sous silence ce qui s’est passé de longues années durant, traduites par les concorde et charte dites pour la paix et la réconciliation nationale, ne réussiront pas à tairer le questionnement de la mémoire tant que la vérité et la justice n’auront pas dit leur mot.


PARENTHÈSE DÉMOCRATIQUE


La parenthèse démocratique a été bien courte et sacrifiée au carrefour des calculs d’une caste dont le seul souci est de pérenniser un régime. La parenthèse démocratique, brandie aujourd’hui comme un trophée par les officiels du pays, n’a pas eu raison du régime qui depuis 1962 continue de peser de son poids oppressant sur l’Algérie. Le régime avait trente ans en 1992, il en compte 50 ans aujourd’hui, et le hasard veut que l’on se retrouve à la veille d’élections législatives. Ironie du sort ou juste logique, le régime s’est aujourd’hui allié aux islamistes, les rendant fréquentables et les devançant même en appliquant la charia par le truchement de lois et de pratiques destinées à ancrer dans la société algérienne des divisions d’ordre dogmatique. L’on est tenté de dire «1992-2012, même combat ». Choisir entre le pouvoir et les islamistes semble être la seule équation que le régime impose aux Algériens. La coalition pouvoir-islamistes est si naturelle qu’il est aisé de déduire que c’est à la démocratie qu’on a toujours voulu faire barrage et non à l’intégrisme.  

 

 

Nadjia Bouaricha

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