Par : Mustapha Hammouche
Moubarak l’avait fait avant lui, la leçon de l’arrêt du processus électoral qui tourne à la guerre civile. Aujourd’hui, l’Égypte est confrontée à la question de savoir s’il faut laisser les islamistes sévir à partir des institutions ou prendre le risque de les voir sévir dans la clandestinité. L’Algérie servait, chez Moubarak, en la circonstance, pour justifier le refus de légaliser les partis islamistes ; elle sert, aujourd’hui, chez Moncef Marzouki, à présenter la prise de pouvoir par les islamistes en Tunisie comme sans risque pour la démocratie. “Si les Algériens avaient accepté les résultats du vote, le pays n’aurait pas sombré dans la violence et les bains de sang”, proclame-t-il.
Depuis, il a beau multiplier les gestes de dénégations, la contrainte diplomatique ne peut pas rattraper, a posteriori, l’irrépressible expression de la pensée profonde.
Marzouki avait déjà donné ce genre de gages de fieffé défenseur de l’islamisme en s’adressant, dans un impromptu “message aux Français”, sollicité par le site Mediapart, à “certains politiciens français” pour les appeler à “ne pas trop utiliser la carte de l’islamophobie”. Dans la Constitution provisoire de la Tunisie, la politique extérieure constitue l’un des rares secteurs où le président peut encore intervenir “en concertation avec le Premier ministre” ; ce qui lui donne l’opportunité de se poser en sentinelle de l’ennemi extérieur du régime du gouvernement Ennahda.
Les deux ennemis pour l’instant identifiés sont “certains politiciens français” et “l’exemple algérien” d’arrêt du processus électoral.
On comprend maintenant pourquoi Moncef Marzouki s’est retrouvé sans concurrent pour la fonction de président de la République de la Constituante. Ce n’est pas la première fois que dans les pays dits arabes, l’intégrisme trouve ses meilleurs alliés dans une certaine gauche, celle qui n’a d’espoir de goûter aux saveurs du pouvoir que comme faire-valoir de forces à idéologie antirépublicaine.
Marzouki sait qu’il ne pouvait régner que le temps de cette “fenêtre” politique que durera l’Assemblée constituante. Et les islamistes ne pouvaient pas trouver mieux qu’un président primesautier, au verbe délivré, trop heureux de se répandre sur le siège présidentiel pour ménager ses gestes de convenance envers le pouvoir réel, le parti Ennahda.
Qu’il s’efforce de diffuser des gages de respect de la souveraineté de l’Algérie n’ôte rien au fait qu’il soit en train de dilapider ce providentiel mandat d’une année à s’investir dans la défense de quelque affinité démocratique d’une idéologie qui, au-delà des arrangements de conjoncture, reste de nature totalitaire au lieu de le consacrer à baliser, autant qu’il le peut, le domaine républicain de Tunisie. Le président Bouteflika avait, à l’époque, exprimé son avis que l’annulation de la victoire des islamistes algériens était une “violence” et l’on comprend que la déclaration du président tunisien ne heurte point la position de fond du régime actuellement en place en Algérie.
Au demeurant, la question est importante parce que c’est moins l’Algérie que la Tunisie qui pâtirait de cet empressement pro-islamiste de Marzouki. Il ferait mieux de s’employer à sauver ce qui peut l’être du péril islamiste destructeur que de se regarder présider.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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