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Voter, acte citoyen ou acte de foi ?

 

Par : Mustapha Hammouche

Après les opérateurs de téléphonie, c’est au tour des mosquées d’être sollicitées pour appeler les citoyens à voter.
Le ministre des Affaires religieuses dit n’avoir pas instruit les imams pour qu’ils incitent les fidèle à aller voter lors des prochaines législatives, mais n’a pas écarté le fait qu’ils évoquent ce sujet dans leurs prêches.
C’est ainsi qu’on peut récapituler la difficile contorsion sémantique à laquelle s’est essayé Bouabdallah Ghlamallah pour admettre que le gouvernement met la mosquée à contribution dans la campagne électorale. Tout en fourvoyant les lieux de culte dans une opération électorale, et de nature politique, le ministre reconnaît, du bout des lèvres, que ce n’est pas là sa vocation.
Quand il s’engage à éviter que “les mosquées ne se transforment en tribunes électorales ou en porte-voix de parti”, il semble oublier qu’il fait prendre à la mosquée, dans un débat sur la participation et l’abstention… le parti du pouvoir. Un parti n’est pas une affaire d’agrément. C’est une affaire d’intérêts et de convictions. Et aujourd’hui, il y a une ligne de partage qui sépare les tenants de la participation et les partisans de l’abstention. Et pour justifier l’usage électoral des lieux de culte, le ministre proclame que le vote “reste un acte de responsabilité et de citoyenneté qui sont des préceptes de notre religion”.
Or, la question de l’abstention renvoie à un vrai clivage politique qui repose sur des convictions politiques divergentes : l’une atteste que les élections sont libres et qu’il faille y prendre part pour donner au pays l’Assemblée la plus représentative de la volonté populaire ; l’autre proclame que les élections seront, comme de coutume, manipulées et que la responsabilité et la citoyenneté consisteront justement à ne pas avaliser la fraude.
Si Ghlamallah voulait éviter à la mosquée de se compromettre plus qu’elle ne l’est déjà dans la confrontation des ambitions de pouvoir, il lui aurait intimé l’orientation d’éviter de s’impliquer dans une telle opération, une opération à enjeux strictement politiques.
S’il fallait une preuve que le pouvoir est un parti, le parti de la fraude, ce serait “la commission d’enquête parlementaire” sur… la fraude électorale aux législatives de 1997. Ses résultats, sûrement scandaleux, sont à ce jour tenus secrets. Un pouvoir qui, à un moment de divergence interne, s’est lui-même accusé de tricherie électorale, ne peut avoir ni la volonté de respecter le choix des citoyens ni le crédit qui lui permettrait de prétendre à l’organisation d’élections justes.
Le pouvoir étant un parti, au sens large du terme, il ne peut pas prétendre au monopole de “la responsabilité et de la citoyenneté” ; celles-ci sont d’abord des attributs de ceux qui luttent pour la transparence et la démocratie. Loin d’être indemne des méfaits des ambitions de pouvoir, la mosquée a toujours constitué un enjeu politique que les islamistes de l’opposition et le versant islamiste du pouvoir se disputent.
Quelle que soit la force qui, conjoncturellement, domine l’institution, son usage politique profite à l’avancée de l’intégrisme. Le consentement de Ghlamallah à la poursuite de cette mission n’avait pas besoin de se justifier ; il est dans la nature d’un système qui fait feu de tout bois pour conjurer les effets de la fraude institutionnelle : du SMS au minbar.

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