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Procès d’Oslo : une certaine idée de la justice

Par : Mustapha Hammouche

Dans le procès du tueur de l’île d’Utoya, les fanfaronnades de l’accusé. Si le consensus contre la retransmission télévisée des audiences est manifeste chez les Norvégiens, c’est toujours un spectacle édifiant de voir une vraie justice en action.
Entendre un citoyen estimer qu’il est bon de montrer à ce criminel haineux que la Norvège lui donne la possibilité de s’expliquer, voir une juge récusée suite à la publication préalable, sur facebook, d’un commentaire relatif au traitement que mérite l’assassin des soixante-dix-sept jeunes… Tout cela constitue, pour des justiciables sevrés de vraie justice comme nous, un véritable voyage dans une autre galaxie, une galaxie de droit.
Il n’est pas nécessaire de l’observer à partir du tiers-monde pour être épaté par l’avance prise par le droit en Scandinavie et sa citoyenneté sur le reste du monde. C’est peut-être pour cela que la possibilité de suivre un tel procès constitue une opportunité pédagogique, autant pour ceux qui ont l’infortune de subir une justice conçue comme outil d’abus de pouvoir que pour ceux qui ont la chance de pouvoir en user comme un instrument de leurs excès.
D’abord, le cas norvégien rappelle l’obligation de justice pour la victime comme pour le bourreau, et tout autre échappatoire ne peut constituer qu’au mieux un faux-fuyant ou, au pire, un déni de justice. Autant la souffrance des victimes vaut bien un procès qui les aide à apprivoiser leur malheur, autant les accusés ont le droit de s’expliquer, voire de se justifier, sur leur geste, si abominable soit-il.
Il est impossible, devant un tel fait de justice, de ne pas songer au cas de déni de justice que constitue l’opération de “déjusticialisation” des crimes de terroristes menée sous le couvert de la “réconciliation nationale”. La pilule reste difficile à avaler, même après avoir été dissoute dans un référendum. Peut-être plus encore pour avoir été enveloppée dans un plébiscite. De quel droit une majorité aurait-elle, pour son confort politique ou sécuritaire, toute latitude de priver une catégorie de citoyens de leur droit à la vérité et à l’équité et de dispenser des coupables de rendre compte de leurs méfaits ?
Déjà que les Algériens n’ont pas le sentiment d’être protégés par une justice jouissant elle-même de l’autonomie que lui assurerait le respect hypothétique de ses propres règles. Une justice dont on use autoritairement pour réprimer la contestation, pour briser les grèves, pour couvrir les intouchables, ne peut pas rassurer.
Après le procès d’Oslo, les Norvégiens qui se sentent concernés par le drame d’Utoya — autant dire tous les Norvégiens — repartiront très probablement soulagés d’avoir vu (la) justice se faire. Les victimes aussi, même si la souffrance survivra au procès. Et la Norvège pourra ainsi poursuivre sa vie de société de justice, avec ses effets apaisants sur la population.
En cela, ce genre de procès est captivant pour nous ; non pas dans ce qu’il traite d’un cas significatif, mais dans ce qu’il “réconcilie”, c’est le cas de le dire ici… avec une idée de la justice.

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