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Saoudiennes, entre Twitter et djilbab

 

Par : Mustapha Hammouche

Une vidéo laissant deviner la scène où une femme tient tête à des agents de la “Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice” a fait actuellement le buzz sur la Toile. La jeune Saoudienne proteste contre les vigiles qui voulaient la refouler d'un centre commercial : “Vous n'êtes pas responsables de moi, et le fait que je mette du vernis à ongle ne vous concerne pas.” Elle précise même qu'elle resterait là juste pour savoir ce qu'ils “pourraient bien lui faire”.
Cette initiative rappelle celle de sa compatriote Manal al-Sharif, qui, l'année dernière, à la même époque, avait mis en ligne un clip la montrant en train de conduire un véhicule. Cette jeune consultante en sécurité informatique chez Aramco fut condamnée à 10 coups de fouet avant d'être… graciée par le roi.
L'archaïsme du statut de la femme en Arabie Saoudite n'est plus à décrire ou à dénoncer. Il n'a été observé dans aucune société parmi les plus sexistes répertoriées dans les annales anthropologiques. Mais il convient d'observer l'écart géologique qu'il y a entre la nature des libertés dont les Saoudiennes sont privées et la modernité des moyens dont elles disposent couramment et dont elles usent parfois pour exprimer leur protestation quand, parfois, elles en ont l'audace.
Le roi vient de leur accorder le droit de vote et de candidature aux élections municipales (qui se tiennent parfois bien après l'échéance, les prochaines étant prévues pour 2015, et dont la moitié des membres sont nommés), mais leur refuse toujours le droit de prendre le volant. Or, ce droit constitue la première revendication des Saoudiennes. Comme plus de la moitié d'entre elles sont diplômées et comme la société est inondée de moyens électroniques et de gadgets de communication, le hiatus devient insoutenable entre une frange sociale disposant des dernières innovations en matière de TIC et une société qui veut les maintenir en dehors d'un espace public dédié aux seuls hommes.
D'ailleurs, dans les débats que suscitent ces “incidents”, les hommes saoudiens condamnent à neuf contre dix ces actes de protestation et les revendications anti-islamiques de leurs auteures. Ainsi, certains internautes, parce que le Net sert aussi aux hommes à exprimer leur conservatisme intégriste, ont demandé, après avoir visionné le clip “scandaleux”, l'installation de “plus de caméras” dans les centres commerciaux afin d'y renforcer… la “sécurité”. D'ailleurs, certaines bloggeuses se demandent si leurs hommes seront disposés à les conduire jusqu'au bureau de vote quand viendra le moment de faire valoir ce droit nouvellement acquis.
On a longuement discouru sur le rôle des réseaux sociaux dans la révolte du Printemps arabe, mais on attend la contribution à une rupture tectonique avec une morale d'un autre millénaire qu'attendent des Saoudiennes maintenues dans l'obscurité “pré-civilisationnelle” à l'époque du village planétaire.

 

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