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Otages algériens au Mali : les faux-fuyants d'Alger

 

Par Le Matin DZ |

 

 

 

Qu'est-ce qui retient Alger pour libérer les trois terroristes arrêtés à Ghardaia le 15 août dernier pour sauver la vie des trois fonctionnaires de l'Etat algérien, otages du Majao? La concorde civile de Bouteflika n'a-t-elle pas gracié des milliers de terroristes du GIA et du GSPC aussi sanguinaires que ceux arrêtés à Berriane?

 

Un groupe du Mujao au nord du Mali.

 

Un article publié, ce jeudi, dans le site "maliweb" sur l'affaire des otages algériens du Mujao au nord du Mali se pose la question de savoir si l’Etat algérien libérera les terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique arrêtés le 15 août dernier à Ghardaïa, pour sauver la vie des trois autres otages ou au contraire, s'il laissera leur sort aux mains du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'ouest. Une question pertinente sans doute mais qui prête aux autorités algériennes un pseudo-principe, celui de ne pas céder au chantage politique du Mujao. Alger aurait-elle laissé faire au lieu de se voir discréditée dans sa lutte antiterroriste qui a repris du regain cette fin d'été par plusieurs coups durs infligés aux groupes terroristes locaux d'Al Qaïda au Maghreb islamique, d’'autant que, parmi les trois terroristes arrêtés à Ghardaia, figure l'un des chefs d'Aqmi, l'algérien Necib Tayeb dit Abderrahmane Abou Ishak El Soufi, présenté comme le bras droit de l’émir d’Aqmi, Abdelmalek Droudkel. 
Pourtant, les risques de voir un nouveau revers de la diplomatie algérienne qui conduirait à l’exécution des autres fonctionnaires algériens, après celle du vice-consul Tahar Touati, n’ont jamais été aussi grands et inquiétants.  Depuis son dernier communiqué évasif rendu public vingt quatre heures après celui du Mujao annonçant avoir tué le vice-consul, le département de Mourad Medelci est resté silencieux.

 

Que traduit ce silence au moment où les familles des otages interpellent le président de la République pour faire toute la lumière sur le sort de leurs proches ?  Si le ministère des Affaires étrangères s'est voulu rassurant à leurs égards en affirmant que les contacts avec les ravisseurs n’ont pas été rompus, très peu de détails, en revanche, ont filtré sur les négociations. Dix jours après qu'il avait affirmé que l'"information (l’assassinat de Tahar Touati) fait actuellement l'objet de vérifications nécessaires pour s'assurer de son authenticité", les autorités algériennes n'ont plus rien dit alors que la situation sécuritaire et politique ne cesse de se détériorer au nord du Mali:  l'intervention militaire de la Cedeao est au poids mort, Al Qaïda au Maghreb islamique conquiert d'autres territoires à la lisière du sud du pays, les groupes armés qui lui sont affiliés, Ansar Eddine et le Mujao, semblent se livrer une guerre de leadership sur les rançons d'otages et les réseaux des narcotrafiquants. La récente vidéo des quatre otages français détenus par Al Qaïda au Maghreb islamique dans la région du Sahel, une semaine environ après l'annonce par le Mujao de l'assassinat d'un des otages algériens, participe de cette logique d'un redéploiement des groupes terroristes d'Al Qaïda qui accentue les menaces sur Alger et Paris.

 

Alger qui, sous le prétexte  de ne jamais céder au chantage des terroristes, est aujourd’hui dans l’embarras, prise dans ses propres contradictions qui se sont avérées mortelles pour les fonctionnaires consulaires, otages du Mujao. Car, faut-il encore le souligner, comment invoquer le refus de toute négociation avec les groupes terroristes quand le chef de l'Etat, lui-même, est le premier à céder au chantage politique d'Al Qaïda au Maghreb islamique en invitant à Alger des émissaires d'Ansar Eddine.  Aveuglée par la politique de concorde civile, le pouvoir de Bouteflika a minimisé, dès les premiers jours de l'occupation du Nord du Mali par Al Qaïda au Maghreb islamique, la chute de la ville de Gao devant l'irruption du Mujao. Aucune disposition particulière ne semble avoir été prise par Alger pour protéger sa représentation diplomatique.  Les terroristes du Mujao  ont fait irruption dans le consulat d’Algérie à Gao le 5 avril dernier pour prendre en otage avec une facilité déconcertante sept diplomates dont la libération de trois d’entre eux a été annoncé dans un communiqué datant du 12 juillet par le porte parole du Mujao. Ainsi, ces trois otages ont été libérés grâce à des négociations intenses tant que celles-ci ne mettaient pas l'Algérie dans une situation similaire à celles exigées par le groupe terroriste avant l'exécution de Tahar Touati : à savoir la libération des trois terroristes arrêtés à Ghardaia par les services de sécurité algériens.  Ainsi, l’arrestation de trois djihadistes  le 15 Août par les forces de sécurité algériennes a été suivie quelques jours plus tard par une requête du Mujao menaçant Alger de représailles s’il ne les libère pas  immédiatement.

 

Avant l’exécution de Tahar Touati, le Mujao avait accordé un délai de huit jours à Alger pour libérer les trois terroristes ; un délai au cours duquel les autorités algériennes, se  congratulant suite à la "grosse" prise de Ghardaïa, n'avaient pas vu arriver la menace du Mujao qui a réclamé leur libération même si Necib Tayeb dit Abderrahmane Abou Ishak El Soufi, l'un des chefs d'Ami, n'appartient pas organiquement au Mujao.  La rançon pécuniaire exigée pour la libération des trois otages n'est plus de mise. La rançon politique exigée par le Mujao, la libération des 4 otages contre celle des trois terroristes, met le Mujao en position de négociateur politique et non plus agissant dans les règles basiques des narcotrafiquants qu'il l’est aussi. Pour quelles raisons l'Algérie n'a-t-elle pas obtempéré aux revendications du groupe terroriste pour sauver la vie de ses fonctionnaires consulaires  comme l'a fait, il y a plus de deux ans, l’Etat malien dans l’affaire de l’otage français Pierre Camatte  libéré le  23 février 2010 contre la remise en liberté, par les autorités maliennes, de quatre islamistes réclamés par Al Qaïda. L'Algérie et la Mauritanie avaient alors, en signe de protestation, rappelé leurs ambassadeurs à Bamako.

 

Or, combien d'"émirs" sanguinaires du GIA et du GSPC ont bénéficié de la grâce amnistiante de Bouteflika depuis 2006 et qui sont plus "importants" que les trois terroristes réunis arrêtés à Ghardaia. En effet, si la lutte antiterroriste en Algérie n'avait pas été trahie par la concorde civile de Bouteflika, l'Algérie ne serait pas dans cet embarras politique qui révèle toutes les inconséquences politiques et idéologiques vis-à-vis d'Al Qaïda au Maghreb islamique dont les principaux chefs sont des "émirs" algériens de l'ex-GSPC, condamnés par la justice algérienne. Dans cette logique, l'assassinat de Tahar Touati, s'il relève physiquement du Mujao, tient, avant tout, de la responsabilité du chef de l'Etat qui refuse de libérer trois terroristes d'Al Qaïda pour sauver ses concitoyens fonctionnaires de l'Etat alors qu'il ne cesse d'ouvrir ses bras et de dérouler le tapis rouge à ses terroristes qui écument les maquis du pays. L'argument avancé par Alger sur son refus de toute négociation politique avec le Mujao est totalement fallacieux.

 

R.N

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