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Sortir de la FrançAlgérie

 

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Zehira HOUFANI BERFAS

 

Dans un monde idéal, en plus d’être réjouissant, tout rapprochement entre les pays, les continents, les peuples, est de bon augure pour l’humanité. Or nous vivons dans un monde qui est loin d’être idéal et les relations internationales ne sont pas régies par les peuples, mais par les intérêts. De Gaulle disait : « La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ». Voilà exprimée de façon claire et parfaite, la realpolitik qui, hier comme aujourd’hui, domine dans les échanges internationaux, en marge des discours humanistes propres aux tribunes des Nations unies.

 

À partir de là, on peut observer les pays dont les dirigeants agissent conformément à ces intérêts, notamment en mesurant le niveau de développement atteint par leurs populations. Dans un tel palmarès, l’Algérie ferait sans aucun doute triste figure, malgré l’importante manne pétrolière et 50 ans d’une indépendance chèrement payée par son peuple. Les raisons de notre sous-développement sont multiples, et la proximité de nos gouvernants avec l’ancienne puissance coloniale n’est pas des moindres. Beaucoup d’Algériens voient derrière les malheurs qui frappent leur pays depuis des décennies, les mains invisibles de la nébuleuse FrançAlgérie[1], satellite local des réseaux maffieux de la FrançAfrique dont la mission est le maintien de l’économie des ex. colonies, amarrée aux intérêts de la France. Aussi il ne s’agit pas de penser rapprochement ou renforcement de ces relations conflictuelles, à la limite de l’inceste, il serait plutôt salutaire pour l’Algérie, la grande perdante, de s’en distancer.

 

Bien sûr, la mainmise de la France dans les affaires algériennes ne dédouane en rien nos dirigeants, dont bon nombre sont impliqués et en bénéficient. Leur responsabilité est entière dans le chaos infligé au pays à travers des politiques et des partenariats préjudiciables aux intérêts du peuple algérien. Pour preuve, au lieu d’œuvrer comme tout bon politicien à inciter la production locale dans son pays, notamment en faisant venir des partenaires créateurs d’emploi (usines de véhicules, de textiles, etc.), les dirigeants algériens, au grand bonheur des entrepreneurs des pays « partenaires », ont enfermé le citoyen dans un statut débile de simple consommateur de leurs produits, et fait de l’Algérie un bazar au service des économies étrangères. Tout cela, bien sûr, au profit des importateurs du régime qui font leur beurre en gonflant les factures, en toute impunité, tandis que la société est acculée au chômage et à la misère.

 

Partenariat inégal au détriment de l’Algérie

Un exemple type de cette curée est l’importation de véhicules qui serait la plus élevée au monde. Pour le 1er semestre 2012,  250 000 véhicules ont été importés. Sur ce chiffre, les marques françaises Renault et PSA Peugeot-Citroën trônent avec respectivement 63 221 unités pour une valeur de 500 millions d’euros, en hausse de 59,4 % par rapport à l’année précédente, et 26 781 d’une valeur de 240 millions d’euros.[2] Comme on le voit, le marché algérien est extrêmement lucratif pour ces deux marques, alors qu’elles sont en crise dans le reste du monde. Pourtant, ce n’est pas en Algérie que Renault investit dans une usine de production. Elle choisit de s’installer au Maroc, contribuer à l’économie marocaine et fourguer ses véhicules aux Algériens. Il ne s’agit pas de jeter le blâme sur Renault ou autre compagnie, ce n’est pas à elles de défendre les intérêts de l’Algérie. Mais nos décideurs oui. Comment expliquer leur incapacité à intéresser d’autres marques? Ce n’est pas possible que l’Algérie ne soit pas aussi attractive que d’autres pays pour attirer l’investissement productif. À moins que le choix ne se limite qu’à la France. Et là, c’est vraiment grave puisque le constructeur français se croit irremplaçable et impose des conditions contraires aux intérêts de l’Algérie.

 

Cet exemple, qui est loin d’être unique en matière d’aberration, coûte très cher à l’Algérie, non seulement en terme d’emplois (directs et indirects), mais également, de savoir-faire pour les jeunes, et bien sûr de transfert de technologie. Des pratiques qui renseignent sur l’absence de volonté du régime algérien de promouvoir les activités essentielles au développement du pays. Ce n’est pas surprenant que l’Algérie s’enfonce dans le désarroi du sous-développement, tandis que les décideurs érigent des fortunes grâce à la corruption et aux détournements de fonds publics dans le cadre de contrats d’importation et/ou de partenariat avec des opérateurs étrangers. Étant le 1er fournisseur de l’Algérie, la France et ses entreprises, coutumières de commissions et rétro-commissions  participent ainsi au pillage de l’Algérie.

 

Quel intérêt don pour ces partenaires de construire des usines en Algérie, puisque de toute façon, le marché leur est acquis, grâce à une clique d’importateurs issus de la sphère au pouvoir et introduits dans les réseaux de la « Françalgérie » source de monopoles qui paralysent l’économie algérienne, empêchant, à la fois l’émergence de la production nationale, et l’accès des Algériens aux avantages de la concurrence du marché mondial. Certes, avec la mondialisation et l’arrivée de la Chine dans l’économie de la région, les relations «privilégiées » entre l’Algérie et la France sont en train de s’estomper. Les Algériens, les jeunes en particuliers, veulent entamer une nouvelle ère de l’indépendance. Une ère dans laquelle les dirigeants du pouvoir totalitaire, tout autant que leur vis-à-vis français seront chose du passé. Côté français, on enterre le projet mort-né de traité « d’amitié » entre la France et l’Algérie, conçu par Jacques Chirac en 2003, mais jamais concrétisé. Et pour cause! Entre gouvernements, il n’y a place que pour la Realpolitik, comme disait De Gaulle. Cessons donc de nous mentir et de voir l’amitié, là où elle n’est pas. Au sommet des États. Plus encore entre ceux dont l’histoire commune se résume en dominants/dominés. Une histoire qu’on demande aux victimes d’oublier, ou encore d’aller se faire voir, langage grossier de Gérard Longuet, ministre de la défense de Sarkozy dans son bras d’honneur à l’endroit de l’Algérie sur le plateau d’une télévision. Quelques indignations des deux côtés de la méditerranée, l’homme assume et l’actualité passe à autre chose.

 

Quoi qu’il en soit, et au-delà des discours, il y a un bouleversement certain dans les esprits, particulièrement dans les pays du Sud, où la question des droits de la personne a fait sa propre révolution et rentre peu à peu dans les mœurs. En aucun cas, les peuples ne revivront l’oppression des dictatures soutenues clandestinement par les puissances occidentales. Même en Algérie, le statu quo en vigueur n’est qu’apparence. La grande majorité des gens n’ont pas confiance en la capacité de leurs dirigeants, qu’ils considèrent trop compromis avec l’ancienne puissance coloniale, pour défendre correctement les intérêts de leur pays. Comment penser autrement d’un régime malade de sa corruption, prisonnier de ses alliances maffieuses et contesté dans sa légitimité. Désormais, il porte la mention « en sursis ». Idem pour la FrançAlgérie.

 

Zehira Houfani Berfas

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