Printemps arabe : "les événements ont redonné une position centrale à l'armée"
Hadjer Guenanfa
Le rôle joué par l'institution militaire dans les soulèvements populaires du monde arabe était vendredi au centre de l'intervention du premier secrétaire du FFS Karim Tabbou, invité à l'université d'été du Parti socialiste (PS) français qui se tient à la Rochelle, en France. « Comment ne pas voir le grand paradoxe que constitue la place de l’armée dans les processus politiques en cours ? », s’est‑il interrogé. Les dirigeants des régimes autoritaires contestés, a‑t‑il rappelé, sont dans leur grande majorité une pure fabrication de cette institution militaire. Et ils sont restés au pouvoir grâce à elle. « On a pu dire pour certains de ces pays que l’armée est responsable de tous les désastres », a‑t‑il soutenu.
Mais cette institution a également joué un rôle très important dans la chute de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte, ainsi que dans la gestion des affaires de ces pays après leur départ. « Nous ne pouvons que constater que les événements actuels ont entraîné et redonné parfois une position centrale à l’armée dans les processus politiques en cours », a prévenu le SG du FFS. Et de poursuivre : « les militaires sont revenus au‑devant de la scène politique. La stratégie, les choix politiques et institutionnels de l’institution militaire, les rapports que cette institution entretiendra avec les différents acteurs politiques et sociaux seront déterminants quant à l’évolution et à l’issue des processus politiques en cours ».
Pour Karim Tabbou, tous les scénarios sont possibles aujourd'hui. Il n'écarte pas un éventuel retour des régimes dictatoriaux « par le biais d’une stratégie sécuritaire sous habillage anti‑terroriste ». Le responsable du FFS n'a pas manqué de rappeler dans ce sens les échecs essuyés par les pays où les dirigeants ont prôné une gestion sécuritaire. « Les logiques d’affrontement, les gestions sécuritaires ne protègent pas les populations, bien au contraire, elles font le lit des organisations extrémistes et leur donnent un avenir politique. L’exemple de mon pays est à cet égard emblématique ».
Dans ce contexte, M. Tabbou appelle à la vigilance. « Les forces qui s’opposent au processus de changement sont encore considérables et peuvent infléchir les options démocratiques en œuvre », a‑t‑il souligné. Les problèmes économiques dont pâtissent les pays où des soulèvements populaires sont survenus peuvent également entraver, selon lui, le processus de changement démocratique.
Karim Tabbou a en outre appelé une nouvelle fois à la redéfinition des relations entre les puissances occidentales et les pays arabes. « Il est important que soient réaffirmées l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme, il est important que soit réaffirmé le principe que l’accès et l’exercice du pouvoir requiert le consentement des gouvernés, il est important que soient garantis tous les pluralismes. Il est important que soit bannies l’omerta et la complaisance devant la violence et corruption », a‑t‑il insisté.