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  • Intégrisme, intolérance et “république”

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Cette année, le mois de Ramadhan n’aura pas été celui du jeûne pour tous. La série d’opérations inquisitoires inaugurée en 2001, par l’affaire de Aïn El-Hammam, les autorités ont fini par contraindre les non-jeûneurs à la réaction.
    En répondant par la tolérance à l’initiative de non-jeûneurs de Tizi Ouzou, le pouvoir a préféré adopter la position tactique. Car il serait naïf de croire que les interpellations de non-jeûneurs sont le fait spontané de policiers zélés ou de gendarmes animés par une intolérance instinctive. Il y a eu des procès et des verdicts qui attestent d’une option politique pour la répression des manifestations de non-respect des pratiques rituelles. Mais plutôt que de voir le mouvement battre le rappel de tous ceux qui se sentent excédés par la pression inquisitoire de l’État et des islamistes et de prendre ainsi le risque de pousser à l’émergence d’un mouvement de défiance active, il a sagement opté pour la marche arrière.
    Et comme il ne restait que quelques jours à jeûner, il y a des chances que le pique-nique de Tizi Ouzou ne laissera que le souvenir anecdotique d’une réunion d’excités voulant étaler leur impénitente irréligion.
    Et si, en plus, Ali Belhadj et ses affidés, se pointent sur les lieux pour les purifier de la pollution impie, cela réduirait l’action à un conflit d’extrême. Le pouvoir, lui, dans son infinie sagesse, ménage le chou et la chèvre.
    Pourtant, ce qui est en jeu dans cet affrontement entre “l’inquisition” et “la provocation”, pour reprendre les termes des accusations  mutuelles, est peut-être bien plus grave que cela. Nous sommes dans une société foncièrement intolérante. Et le pouvoir trouve intérêt à cette vertu “standardisante” d’une religion hégémonique. La laïcité, c’est-à-dire la reconnaissance effective de la liberté de culte, favorise la liberté de mode de vie. Or, dans un État de non-démocratie, comme le nôtre, le mieux, pour le pouvoir, est que rien ne puisse dépasser de cette foule compacte et uniforme, qui, au moment, fait la même chose et pense à la même chose. Et donc — ô paradis des dictateurs ! — pense la même chose. Et puisque l’autorité officielle n’a pas le crédit nécessaire au formatage des consciences par son discours propre, elle sous-traite la fonction idéologique à l’islamisme. Ce faisant, il doit en adopter tous les attributs culturels. Dont l’intolérance religieuse.
    Il ne suffit donc pas au régime que les “particularismes” se fassent discrets. Leur existence même est insupportable du fait de son potentiel subversif. Il ne suffit pas que les non-jeûneurs se claquemurent pour s’alimenter ; il ne faut qu’il y ait plus trace de survie de l’espèce. Car agir autrement, c’est penser autrement. Un pouvoir promoteur de l’arbitraire, de l’injustice, du népotisme, de la prédation et de la corruption ne peut avoir aucune vocation rédemptrice. Il suffit d’observer le développement effréné des mœurs mafieuses, des trafics, économie de contrebande, pour s’en convaincre.
    C’est seulement dans leur aspect politiquement subversif que le geste de ne pas jeûner le Ramadhan ou celui de prendre de l’alcool le reste de l’année indisposent le pouvoir. Si les vigiles intégristes sont intolérants, c’est parce qu’ils sont dressés pour agresser la différence ; si l’État fait de même c’est pour éradiquer la pensée différente.


    M. H.
    musthammouche@yahoo.f