Par : Mustapha Hammouche
Mais pourquoi la Banque d’Algérie annonce-t-elle qu’elle va augmenter le montant de l’allocation touristique autorisée pour les Algériens ?
La tâche d’une Banque centrale consiste à faire des règlements qui ont pour but de protéger la monnaie nationale contre les effets dépréciatifs de la concurrence des monnaies étrangères et des politiques de leur Banque centrale ; autrement dit, des règlements qui s’imposent à tous. C’est le type même d’institution qui ne fait pas de politique, donc pas de communication, mais juste de l’information, pour que ses prescriptions et ses décisions soient portées à la connaissance du public.
Pourquoi la Banque d’Algérie nous envoie-t-elle alors un conseiller en porteur de bonnes nouvelles pour annoncer le droit de changer plus de dinars en devises pour faire du tourisme ou pour nous soigner à l’étranger ? Nous allions pourtant finir par le savoir en temps voulu.
Il y a, dans cette évidente recherche d’effet d’annonce, un aspect politicien, que l’on peut comprendre de la part d’un gouvernement, mais pas de celle d’une institution apolitique d’arbitrage et de souveraineté.
Avec une réelle autonomie de la Banque centrale, les banques primaires n’auraient pas eu à exécuter des instructions administratives illégales comme celles qui consistent à interdire les crédits à la consommation ou à obliger des banquiers à “soupçonner” leurs clients quant à l’origine de leurs dépôts. Au demeurant, si les “déclarations de soupçons” avaient quelque efficacité dans la lutte contre le blanchiment de l’argent sale, cela se serait su, depuis le temps que la formule a été instituée. Dans un système où la rapine est de fondement politique, l’inculpation de blanchiment ou de détournement ne peut être que d’inspiration politique. Les fortunes d’origine transparente sont identifiables, et les enrichissements douteux crèvent les yeux.
Il est vrai qu’avec un taux d’inflation de près de 10%, la Banque centrale n’est, plus que jamais, pas en état de revendiquer les égards que le gouvernement doit à une institution de souveraineté. Et c’est peut-être bien cela qui l’oblige à botter en touche, en matière de communication grand public. Cela fait une belle jambe au citoyen, dont la monnaie a perdu un dixième de son pouvoir d’achat, de pouvoir, peut-être un jour, changer trente mille dinars par an, au lieu de quinze mille, quand il voyagera… et au cas où il pourrait un jour voyager ! Et c’est peut-être, justement, cette défaillance dans sa mission de fond, de défendre la valeur de notre monnaie qui a réduit la Banque d’Algérie à un appendice administratif du pouvoir politique. Jusqu’à occuper un siège de membre de la tripartite, membre accessoire, puisque l’institution, informelle, de tripartite ! Et jusqu’à être sommée de prendre des mesures qui la font évoluer de la mission d’encadreur de l’activité bancaire à celle de facilitateur de la relation banques-entreprises.
Rien d’étonnant que ce soit des ministres qui tentent de nous convaincre de l’intérêt à tolérer la “chkara” à la place du chèque, et de l’utilité du change parallèle au lieu de la convertibilité du dinar. Encore une officine sans objet pour un système autoritariste où les institutions ne remplissent plus que des rôles alibi ?