17 salles de soins ont été fermées dans la wilaya de Tizi Ouzou par manque de personnel ou pour des raisons de sécurité, selon les responsables du secteur.
Dans les zones rurales enclavées de la wilaya de Tizi Ouzou, le secteur de la santé publique reste défaillant. Ce service vital que l’Etat est tenu d’assurer à la population est rudement mis à l’épreuve. Les citoyens et des professionnels de la santé rencontrés lors d’un déplacement dans trois communes rurales du sud de la wilaya, Ouadhias, Boghni, Ath Ouacif et Tizi N’tlata, parlent de leurs difficultés. Ils évoquent «une gestion balbutiante» du secteur, caractérisée par le manque de médicaments, de matériel et de personnels spécialisés ; salles de soins fermées, des structures vétustes et des polycliniques réduites à répondre aux seuls soins de base. Nous sommes au pied du mont Djurdjura, dans les ruelles d’Ait Abdellali, un village de la commune de Aït Boumahdi, à 40 km au sud de Tizi Ouzou. Nous rencontrons Badreddine, un père de famille, qui nous conduit vers la salle de soins de son village. Elle est fermée depuis 10 ans en raison du manque de personnel.
«Nous attendons toujours sa réouverture. Les autorités nous ont promis de la remettre en service mais nous attendons toujours», déplore ce quinquagénaire. Délaissée, la salle de soins ressemble à une vieille maison abandonnée par ses occupants. Aucune enseigne n’y est accrochée.
Pour toute urgence ou besoin en soins, les villageois sont contraints de se rendre à Ait Boumahdi ou à Ath Ouacifs, chef-lieu de daïra situé à une dizaine de kilomètres du village. Officiellement, il existe à travers la wilaya de Tizi Ouzou 17 salles de soins fermées pour des raisons diverses; l’insécurité, absence de médecins et vétusté des structures. Ces salles sont localisées en zones rurales relevant des daïras d’Azeffoun (5 salles), Ouacifs (4), Iferhounene (4), Draa Ben Khedda (3) et Azazga (1 salle).
Les salles en activité dans ces régions sont confrontées aussi à d’autres problèmes, tels que le manque de personnel médical, de moyens, de médicaments, notamment de vaccins. «Ma femme vient d’accoucher par césarienne ; à chaque fois que je l’emmène dans l’un des établissements dépendant de l’EPSP de Ouacifs, elle met deux heures à attendre qu’on lui change son pansement», s’est offusqué un autre citoyen, ajoutant : «En plus, vous devez tout acheter, même le pansement et les seringues, parce que rien n’est disponible dans la structure publique». Virée dans les établissements de santé à la rencontre des praticiens. Sous l’anonymat, ils ont accepté de dérouler un vécu lamentable aussi bien pour eux que pour les patients.
«Le manque de personnel est remplacé par l’esprit de volontariat qui anime nos médecins et infirmiers, même lorsqu’ils sont recrutés dans le cadre du pré-emploi», dit un radiologue, qui explique : «Le manque de médicaments n’inclut pas uniquement les vaccins, mais aussi des produits pour des soins de base : pansements et films pour radiologie que nous n’arrivons pas avoir facilement. L’hydrocortisane, qui sert pour la réanimation, est introuvable... Et cela fait très mal d’annoncer l’indisponibilité d’un produit qui coûte très cher à une vieille femme vivant d’une dérisoire pension», ajoute, dépité ce jeune praticien. Dans la commune de Tizi N’Tlata, la polyclinique, rénovée, n’est toujours pas mise en service. «Un équipement flambant neuf demeure toujours dans les cartons d’emballage parce que nous n’avons pas de personnel qualifié (radiologue, infirmiers) pour le mettre en marche…», indiquent encore nos interlocuteurs.
A la polyclinique de Ouadhis, les conditions de travail ne sont pas à la mesure du dévouement du personnel. Celui-ci souffre notamment de l’insécurité et d’absence de commodités, en plus de l’exigüité du pavillon des urgences. Cette structure accueille jusqu’à 140 malades par jour. «Nous sommes dos au mur. Les nuits de gardes sont souvent agitées. Les infirmières, les sages femmes et les médecins travaillent la peur au ventre. Nous recevons toutes sortes de visiteurs la nuit, nous manquons d’agents de sécurité», dit une praticienne. Son collègue met l’accent sur le manque de vaccins. «Dans cette partie de la wilaya nous recevons environs 300 unités d’un type de vaccin qui seront ensuite réparties sur les 2 polycliniques et les 15 salles de soins de la région. C’est insuffisant, d’autant plus qu’il y a des vaccins comme celui contre l’hépatite qui figurent dans le calendrier des vaccinations, mais n’est pas disponible. D’autres vaccins arrivent par petites quantités, tels que ceux contre la rage (antirabique), l’anti tétanos…». Enfin, il ne suffit pas de compter le nombre de structures de santé en réalisation ou celles qui sont ouvertes chaque année.
Les doter en personnel et en moyens, assurer la disponibilité des médicaments et des produits de vaccination ainsi que la sécurité, sont des priorités, clament nos interlocuteurs. Cela permettra de bien prendre en charge le citoyen, qui continue d’endurer les retombées de la contreperformance des responsables du secteur tant au niveau local qu’au niveau national.