Par : Mustapha Hammouche
C’est aujourd’hui que les Égyptiens vont renouveler leur assemblée. Depuis que les dictatures d’Afrique centrale et de l’Ouest sont de plus en plus contraintes à des élections relativement ouvertes, l’Égypte et les autres pays d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) sont les dernières “démocraties” où les résultats restent parfaitement prévisibles. D’ailleurs, les sondages y sont généralement interdits et, de toute manière, inutiles.
Le Parti National “démocratique” ne pourra donc qu’améliorer son score actuel de 311 députés pour l’amener vers les deux-tiers (sur 518 sièges) qui autorisent la maîtrise constitutionnelle du pays. Le résultat est assuré par le contrôle administratif total des opérations, la répression brutale de l’opposition et le refus catégorique de toute observation internationale.
Depuis Nasser, le régime s’emploie à distraire ses sujets dans l’enchantement d’être citoyens de “la Mère du Monde” et à les bercer de l’illusion d’être les ressortissants “élus” du creuset d’une antique civilisation. Mais, dans un pays où le Smig officiel, maintenu depuis 1984 à… quatre euros (oui, quatre euros par mois !), vient d’être tout juste porté à…cinquante euros (400 livres), le discours mystificateur a atteint ses limites. Les limites de la… faim : près de quarante pour cent des Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté.
Les causes de substitution comme celle de voir son président co-présider la mort-née UPM ou celle d’être les plus forts d’Afrique en football, font ce qu’elles peuvent mais sans leurrer le quidam égyptien sur la portée effective de son vote. Résultat : aux dernières législatives (2005), et presque exactement comme en Algérie, en 2007, ils n’étaient que 10% d’électeurs à se présenter aux bureaux de vote, une participation révisée par un taux officiel de…26%.
En matière d’autoritarisme politique, nous sommes frères. Et même frères jumeaux, tant les procédés discrétionnaires se ressemblent. Jusque dans l’argumentaire de l’arbitraire à huis clos : le refus de l’ingérence que Moubarak a opposé à la demande d’envoi d’observateurs internationaux, ou la menace brandie par le président de “l’Assemblée du peuple” : “Les pressions des États-Unis (pour une élection plus ouverte) risquent de nous amener vers un État théocratique (allusion faite au risque de prise de pouvoir par les Frères musulmans, principale force d’opposition organisée). Les Occidentaux semblent sensibles à l’argument, à en juger par la formule mémorable de Sarkozy : “En Algérie, c’est Bouteflika ou les talibans”. Des dictatures “démocratiques” comme remparts aux dictatures islamistes ! Mais des dictatures qui se substituent à l’islamisme qui les contestent en manifestant une vigilance et une intolérance zélées envers les “déviances” et les autres pratiques religieuses. La répression des Coptes du Caire a tout l’air d’un prix de consolation décerné aux Frères musulmans écartés du processus électoral officiel. On connaît les dégâts que continue à générer cet intégrisme d’État, conçu comme un intégrisme de substitution au projet théocratique.
Une atmosphère de laborieuse fin de règne plane sur les pays d’Afrique du Nord où des régimes usés s’accrochent par tous les moyens au pouvoir, sur des peuples politiquement bâillonnés et socialement accablés.