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Contrechamp

La rumeur, une spécificité du système politique

Par : Mustapha Hammouche

La veille de son limogeage, l’ancien président-directeur général, Nordine Cherouati, fustigeait les colporteurs de ragots qui fabulaient sur son supposé remplacement. Puis la rumeur devenait information : Abdelhamid Zerguine est officiellement nommé à la tête de la compagnie nationale des hydrocarbures.
Le tapage médiatique reprenait, aux yeux du patron déchu, un bruit diffusé par des milieux dont Cherouati “dérangeait” les intérêts. Si l’on comprend bien, ces intérêts ont eu gain de cause et la tête du P-DG redresseur de tort. Maintenant qu’il n’est plus là pour tenir le siège de notre citadelle pétrolière et financière assaillie, son patriotisme devrait l’obliger à dévoiler la nature de ces intérêts et l’identité des milieux qui les servent.
Mais non, bien sûr, il n’y aura pas de suite. Nos responsables n’agissent qu’à partir de positions officielles. Ce sont toujours les autres, ceux qui sont tenus, ou qui se tiennent, loin des institutions qui sont susceptibles de malveillance antinationale. Et s’ils se mettent à anticiper sur le destin des dirigeants en place, ils déclenchent les diatribes les plus enflammées. La réaction ne se limite au “démenti de la rumeur” ; elle y décèle le complot et le dénonce, bien entendu, sans jamais aller jusqu’à en franchement désigner les auteurs.
Pourtant, contrairement au statut infamant dont elle souffre, la vérité est tout autre : dans le contexte algérien, la source d’information la plus crédible est la rumeur. Et ce sont les animateurs du système, ceux-là mêmes qui font que la décision et, donc, l’information évitent d’emprunter le cheminement institutionnel, qui s’en offusquent à la première occasion, reléguant la responsabilité de la rumeur à l’intermédiaire et au consommateur final. Or, le fonctionnement occulte de l’État est à la base de la fiabilité et du succès de la rumeur. Elle est à l’information ce que le marché noir est à la contrebande et à la pénurie : le produit ne change pas ; c’est le circuit qui change.
En usant de rétention et de désinformation, avec la connivence mécanique des médias, le pouvoir a décrédibilisé sa voix et les supports de sa voix, qu’ils soient de nature institutionnelle ou sociale. Les médias officiels et la presse en ont perdu leur crédibilité ; le démenti des autorités et des dirigeants et leur harcèlement judiciaire complète l’œuvre de déconsidération de la fonction informative. Par dissimulation ou par rétention, ils ne se confient qu’à leurs proches. L’information en devient affaire d’initiés, non de procédures, d’institutions et de professionnels. Leurs proches s’en ouvrent à qui ils veulent, histoire de prouver leur proximité de la source.
Parfois, c’est l’État qui, fuyant la responsabilité de ses actes, agit par “source proche” interposée. Pour ne pas signer leurs actes, des responsables laissent “fuir” l’information au lieu de la proclamer. Ainsi en est-il de la visite de l’islamiste El-Ghannouchi, dont nous ne devons pas savoir qui l’a invité : il est là, en hôte officiel, mais on ignore l’institution qui en a eu l’initiative et le sens de cette visite.
La rumeur ce n’est pas l’invention de colporteurs de ragots, c’est le fonctionnement d’État qui est à la source du prestige de la rumeur et de sa… crédibilité et de son utilité.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr

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