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La parade de "l’apprentissage démocratique" de Bouteflika

 

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Abdelaziz Bouteflika

Le président Abdelaziz Bouteflika a estimé mercredi que l’Algérie était encore à l'étape de l'"apprentissage" de la démocratie. On a quelque doute à lui accorder crédit.

Vingt ans après l’ouverture démocratique, le président estime que nous sommes encore loin. "Je ne dis pas que nous avons franchi toutes les étapes et il n'y a pas lieu de faire des comparaisons entre ce qui se passe chez nous et ce qui se passe en Grande-Bretagne ou même en France (qui) nous ont devancés en démocratie depuis des siècles déjà", a-t-il déclaré à l'ouverture de l'année judiciaire.

Pourtant arrivé au pouvoir il y a douze ans, à l’issue d’un scrutin verrouillé par le système pour lui ouvrir grand le chemin du plébiscite, le président estime aujourd’hui que l’Algérie doit aller à son rythme, celui-là même qu’il imprime. 

"Nous faisons notre apprentissage en la matière, en conséquence aucun reproche ne doit être fait à notre encontre ou à l'encontre de ceux qui nous critiquent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur", avertit-il comme pour conjurer de probable levée de boucliers sur ses projets. D’apprentissage, on ne peut pas dire que la décennie du président actuelle soit la plus exemplaire. C’est le moins que l’on puisse dire. Contrairement à ce qu’avance Bouteflika, il n’y a point d’avancée en matière de libertés depuis son arrivée au pouvoir. Et ses réformes n’ont manifestement pour objectif que le verrouillage de l’espace politique pour baliser les échéances électorales prochaines pour ses soutiens politiques. A ce titre on doute fort bien que les leçons données sur le fonctionnement démocratiques par le président soient les meilleures. Le viol de la Constitution qu’il a mené avec la complicité des partis de la majorité marquera à jamais son passage à la présidence. Il sera pour l’histoire celui qui a tripatouillé la loi fondamentale pour son propre destin politique.

Quand Abdelaziz Bouteflika déclare qu’"il est possible qu'il y ait des lacunes ou des étapes (dans l’apprentissage démocratique, Ndlr) non encore franchies. Celles-ci interviendront progressivement et émaneront de notre peuple qui n'a confiance qu'en ses propres réalisations", il faut comprendre le contraire. Pourquoi ? Pour la simple raison que le peuple n’a pas été véritablement consulté par le président. Bien au contraire. Les deux consultations fondamentales de ses trois mandats ont été caractérisées par la fraude doublée d’une abstention historique qu'une administration aux ordres du ministère de l'Intérieur (sous Nordine Yazid Zerhouni) a dû combler par le bourrage des urnes. M. Bouteflika a promis que l’Algérie se dirigeait vers "d'importantes échéances politiques qui laissent transparaître des horizons où régnera une démocratie qui réunit tous les éléments nécessaires". Cette démocratie, déclare-t-il, "permettra de rétablir la confiance entre le citoyen et les institutions parlementaires à tous les niveaux", a-t-il souligné. Quel aveu d’échec ! Le président reconnaît en filigrane ici le fossé entre élus et électeurs. Mais comment rétablir une confiance en un seul scrutin quand on n'a pas su le faire en 12 ans de règne. Difficile à croire donc.

Une dernière chose. Il est de bon temps d’ergoter sur les vertus de la  démocratie devant des magistrats qui attendaient de lui qu’il leur parle de la corruption qui règne à tous les étages du gouvernement. De la justice complètement inféodée à l’exécutif. Le président ne craint pas d’être démenti, mais encore faut-il qu’il écoute la  contradiction.

Ainsi, il a déclaré aux magistrats : "Notre ambition a toujours consisté à faire régner la justice au sein de la société et à promouvoir la qualité des rapports entre la justice et les justiciables de manière à rétablir la confiance entre le peuple et ses institutions afin de réunir toutes les conditions garantissant un retour à une vie normale et paisible et une poursuite de la progression du pays vers le parachèvement des réformes sur des bases solides répondant aux critères bien établis pour l’édification d’un Etat moderne". Le retour de la confiance envers la justice devrait être donné d’abord par les tenants du pouvoir. Autrement dit, du président himself qui a fait des magistrats de simples courroies de transmission d’un semblant de justice. La confiance en les magistrats c’est comme celle envers les élus. L’une comme l’autre ne tiennent qu’à la volonté du régime que dirige le président de changer les choses. Là encore, les 12 ans de règne ont montré les limites des promesses maintes fois réitérées par Bouteflika.  

Quand celui-ci évoque "l’importance accrue de poursuivre le processus d’amélioration de la performance de la justice dans le traitement des affaires qui lui sont soumises", aucun des magistrats présents n’ignore que le seul processus en marche est celui  de la mise au pas de la justice au service du pouvoir. 

Mais non le président a préféré botter en touche pendant plusieurs minutes. La justice attendra, comme attendent les véritables politiques. Le président avance à son rythme. Il a manifestement le temps. Mais pas les Algériens.

Yacine K.

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