Par : Mustapha Hammouche
Les élèves de terminale sont en colère parce que leur programme est surchargé. Après avoir manifesté pour un allégement de la charge de cours, ils revendiquent désormais le report d’une semaine des épreuves du baccalauréat, une semaine de cours en moins qui fera en même temps une semaine de révision en plus.
À part cet aspect quantitatif, relevé par les lycéens eux-mêmes, l’École algérienne ne semble plus poser problème. À tous les niveaux. Sauf pour ses diplômés qui peinent à trouver un débouché. Le président de la République a insisté, lors de son bref discours d’inauguration de l’année universitaire. “L’Université algérienne se porte bien”, a-t-il martelé par trois fois, déniant par cette profession de foi tous les classements internationaux qui renvoient les universités nationales aux derniers rangs des établissements d’enseignement supérieur.
La qualité de l’enseignement a cessé d’être un souci pour l’opinion, pour les politiques, pour les enseignants, pour les enseignés et pour leurs parents. Les personnels scolaires et universitaires n’expriment plus que des revendications sociales. Les augmentations itératives obtenues, catégorie par catégorie, occupent leur énergie. L’année 2011 a été consacrée aux revalorisations salariales au profit des fonctionnaires, dont les enseignants, consacrant les nouveaux termes de l’échange entre État et société : “augmentations contre paix sociale.” Entendre “argent contre paix civile”. À cette réforme de la distribution de la rente devait succéder, en 2012, une réforme plus politique visant à associer plus de factions au partage du pouvoir, lui-même fort rémunérateur. Cette entreprise, qui consiste à éclabousser plus de monde des effets de la rente, ne laisse pas beaucoup de temps aux soucis de réformes structurelles concernant l’économie, la justice, l’administration ou l’école. L’argent servi individuellement et sur-le-champ fait oublier les grands desseins collectifs à long terme.
On s’accommode donc d’un arrêt de développement et d’une économie de bazar puisqu’on a de quoi faire ses courses assurées par l’importation, comme on s’accommode d’une école sinistrée. Les parents d’élèves ne s’offusquent plus que des grèves qui perturbent la fonction de garderie de l’institution.
Les élèves et les étudiants semblent ne voir dans les études que le diplôme. Si peu soucieux de la qualité des connaissances que ceux-ci représentent, ils attendaient de compléter leur alphabétisation dans des écoles privées ou au… CCF. À leur sortie, ils sont surpris qu’on préfère l’expérience digérée des retraités aguerris à leur science mécanique. Qu’à cela ne tienne ! L’institution scolaire ne sera pas avare de diplômes et les taux de réussite bondissent de record en record. Il est même arrivé d’amputer le programme de terminale de chapitres entiers pour l’alléger. Alors pourquoi pas cette année, doivent se dire nos jeunes manifestants ? Au point où nous en sommes dans la braderie scolaire, on pourrait même annoncer le taux de réussite au bac 2012, un taux forcément record en ces temps de troubles. On pourra, en prime, dire que l’École va bien. On le sait maintenant, quand le pouvoir va bien, tout va bien. La facture c’est pour les générations qui viennent. Et, désormais, le pouvoir n’est pas seul à s’accommoder de l’échec.