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    Le départ d’Ouyahia du Premier ministère constitue-t-il, à vos yeux, un changement d’orientation politique ?
     
  • Alors que les parlementaires n’exercent pas leurs missions constitutionnelles

     

    Pourquoi veulent-ils tous être députés ?

    Par : Nadia Mellal

    Les députés algériens exercent-ils les fonctions et missions principales du Parlementaire une fois élus à l’Assemblée populaire nationale (APN) ? Certainement pas, s’accordent à dire les observateurs qui hantent les coulisses de la Chambre basse ? Pourquoi donc les députés actuels et autres nouveaux prétendants sont-ils aussi nombreux à trouver aussi motivante “la bataille de la députation” ?

    à quelques mois de la fin de la législature, les députés s’agitent dans tous les sens. Il s’agit pour eux de se montrer le plus souvent et sous leur meilleur jour pour gagner la sympathie de ceux qui décident de les porter sur les listes électorales pour les législatives du 10 mai prochain. Mais pour mieux comprendre cette agitation, une image peut, à elle seule, illustrer la voracité des députés à se faire remarquer.
    À l’occasion des débats autour du dernier projet de loi examiné en janvier lors de la session d’automne du Parlement en l’occurrence le code de wilaya, quatre députés “ont accaparé”, à eux seuls, les débats. Ces quatre parlementaires (deux FLN et deux de l’opposition) se sont succédé pour intervenir pratiquement sur chaque article de ce projet qui compte… 183 articles.
    Sachant que les chances de voir leurs amendements adoptés étaient vraiment minimes, ces députés ont quand même prolongé les débats. Mais qu’est-ce qui fait courir ces députés et, par-delà, les candidats à la députation ? Les députés algériens exercent-ils les fonctions et missions principales du parlementaire une fois élus à l’Assemblée populaire nationale (APN) pour être aussi motivés par la députation ? Ou alors cette mobilisation répond-elle à d’autres objectifs ? 
    “La députation est une mission politique qui permet de faire valoir ses convictions politiques dans un cadre réglementaire et au service de la nation en général mais en Algérie comme les jeux sont biaisés, ce sont plus des carriéristes qui prennent le relais au détriment de l'intérêt des citoyens”, estime un député de l’Alliance présidentielle. Selon lui, “dans la conjoncture actuelle, cela ne sert à rien d’être député si l’on pense que la députation est faite pour servir le citoyen”. Au-delà des propos de ce député, plus fondamentalement, en Algérie, les missions du député sont-elles exercées ?  

    Absence de la mission de contrôle du gouvernement
    Il faut dire à ce propos que la mission majeure et fondamentale du député est celle du contrôle de l’Exécutif, c’est-à-dire du gouvernement. Le parlementaire peut interroger ce dernier de manière orale ou écrite sur des questions nationales qui intéressent au premier chef le citoyen.
    En Algérie, effectivement tant le Sénat (le Conseil de la nation) que l’Assemblée nationale organisent à tour de rôle une fois par quinzaine une séance de questions orales adressées aux ministres.
    Quand on se focalise sur l’apparence, on a effectivement l’impression que le Parlement interroge régulièrement le gouvernement sur des questions d’importance. Mais en réalité, les deux institutions “programment des questions qui ne fâchent pas, et de plus les ministres répondent aux questions deux à trois mois plus tard voire plus, et ce, après avoir réglé le problème pour venir dire que la question est prise en charge”, nous explique un député. L’exemple porte sur le bac, où la question orale est programmée après cet examen, ce qui ne sert à rien.
    Autres exemples illustratifs du non-contrôle de l’Exécutif par le Parlement : “nous avons demandé un débat général sur le pouvoir d’achat, une commission d'enquête sur les émeutes de Berriane et de Chlef tout en respectant les conditions requises, mais nos demandes ont essuyé des refus”, arguera un député de l’opposition. 

    Peu de permanences parlementaires ouvertes
    Par ailleurs et contrairement aux idées reçues, la partie la plus importante du travail d’un député (en termes d’heures) a lieu non pas en séance plénière mais en commissions, auditions, groupes de travail, même si bien entendu les temps forts de l’action parlementaire ont lieu dans l’Hémicycle. On peut, à titre d’exemple, citer les débats récents en commission juridique de l’Assemblée nationale autour de la loi électorale. Au lieu que les députés concentrent leurs efforts sur les dispositions de cette loi, ils se sont focalisés sur la députation des ministres.
    Et de la nécessité pour eux d’être en poste au gouvernement et candidats à la députation simultanément. Les débats idéologiques et partisans prennent donc le dessus sur l’intérêt général.
    Un autre aspect extrêmement important lié à la mission parlementaire réside dans l’ouverture de permanences parlementaires et la présence sur le terrain des députés. Il faut dire, à ce propos, qu’il n’existe aucune disposition enjoignant les députés ou même les sénateurs à ouvrir des permanences parlementaires. 
    Rares, nous dit-on, les députés qui ouvrent des permanences quand d’autres utilisent les sièges du parti pour recevoir des citoyens.
    Quid des visites des parlementaires de la Chambre basse sur le terrain ? “Certains se déplacent de façon désintéressée sur le terrain pour s’enquérir des problèmes des citoyens”, nous explique un sénateur, par contre, dit-il “les députés et sénateurs de l’Alliance présidentielle (RND, FLN, MSP) font des visites d'accompagnement des ministres dans les wilayas”. Ceci dit, une des missions phares des parlementaires est bien entendu de faire des propositions de loi ainsi que de débattre, enrichir et adopter les avant-projets élaborés par le gouvernement. Là encore, les parlementaires algériens sont de mauvais élèves puisque, lors de cette 6e législature, aucune proposition de loi n’a été formulée par les députés.
    Quant au débat et à l’enrichissement des projets, les habitués du Parlement savent qu’il n’en est rien. En effet, la quasi-totalité des interventions des députés vient soutenir le gouvernement, d’autres évoquent leurs communes tandis que d’autres versent dans les règlements de comptes. L’exemple est donné par les réponses des députés FLN aux voix qui se sont élevées pour revendiquer “sa mise au musée”. 
    Lors d’un débat sur la loi sur les partis, des députés de la formation majoritaire se sont succédé pour défendre leur sigle ignorant que leur mission consiste à débattre du projet de loi.
    L’APN coûtera plus cher
    La facture de l’Assemblée populaire nationale sera à coup sûr salée lors de la prochaine législature. Cette institution, considérée comme étant budgétivore, va encore le confirmer à travers l'augmentation du nombre de ses sièges qui passe de 389 à 462. Cela veut dire plus de charges encore avec les 73 sièges supplémentaires décidés récemment en Conseil des ministres.
    Il faut préciser, à ce propos, que le salaire d’un simple député est de 260 000 DA. Ce dernier bénéficie d’une prime des dépenses générales de l’ordre de 45 000 DA, une indemnité véhicule d’un montant de 8 000 DA et d’une indemnité téléphone de 5 000 DA. Le député, président d’une commission perçois, quant à lui, au titre du salaire 306 000 DA avec une indemnité de responsabilité de l’ordre de 58 919 DA.
    Ce dernier bénéficie d’un véhicule de service avec chauffeur et des bons d’essence (25 bons/mois).
    Le vice-président de l’Assemblée nationale a, quant à lui, les  mêmes avantages que le président d’une commission avec deux véhicules de service, chauffeur et des bons essence.
    Par ailleurs, les députés peuvent être logés dans la résidence du Club-des-Pins ou louer en dehors et là, l’APN débourse 63 000 DA/mois chaque année pour permettre au député de louer en dehors de cette résidence. Il faut expliquer, à ce propos, que le budget annuel de l'Assemblée nationale est estimé approximativement à 5 milliards de dinars. C’est d’ailleurs pour cette raison que le statut de député est très prisé.

    “Tout le monde veut être député”
    “Tout le monde veut être député”, nous explique un membre du bureau de l’APN. Un membre de le direction du Front de libération nationale (FLN) confirme cette tendance. “Le statut du député intéresse toutes les catégories de personnes cela va des chauffeurs, des coiffeuses et autres esthéticiennes aux hauts diplômés sans oublier bien évidemment tous les députés actuellement en poste, les ministres, les mouhafadhs, les militants de kasmate, les membres du Comité central dans leur totalité, c'est-à-dire tout le monde”, dit-il. Même topo au RND où le parti croule sous les dossiers de candidatures, nous explique-t-on. Il faut dire qu’il n’y pas un profil particulier du député.
    Car la députation, surtout s’agissant de partis engagés dans le gouvernement n’est, selon des témoignages recueillis, pas synonyme de “compétences ou de qualifications”. “Je veux la députation pour le salaire et les avantages et je sais que je ne perds rien, puisque la seule chose qu’ils vont me demander, c’est juste de lever la main”, nous explique un ancien député FLN, qui présente sa candidature pour la future législature. Selon lui, cette déclaration est surtout valable pour les ministres candidats. Preuve en est qu’ils sont parvenus à modifier la loi électorale dans son article 93 qui les obligeait à démissionner du gouvernement trois mois avant les législatives.
    On se rappelle, en effet, du forcing des députés du FLN pour supprimer cette disposition afin que cette bataille permette aux ministres en poste d’être candidats à la députation. “Quand on a goûté aux 30 millions par mois, on a du mal à partir”, nous dira un autre député qui rempile. Il faut rappeler, à ce sujet, que c’est en 2008 que les députés ont substantiellement réévalué leurs salaires. Le triplement de leurs salaires représente plus de 20 fois le Salaire national minimum garanti (Snmg).
    Un député de l’opposition nous expliquera que chacun à sa raison de devenir député. “Pour les uns, c’est le confort social et pour les autres, c’est l'immunité parlementaire, tandis que pour d’autres, c’est de se rapprocher des centres de décision etc. Je me rappelle d'un député, qui était avec moi dans une commission et qui a avoué qu’il n’avait aucun lien idéologique avec son parti mais qu’il s'était retrouvé ministre tout de même”, témoigne-t-il.


    N. M

  • Le vingtième anniversaire des élections législatives sabordées par le régime

     

     

    Par Ait Benali Boubekeur

     

    Il y a vingt ans, les Algériens votent, pour la première fois, pour une élection nationale majeure, en l’occurrence les législatives. Bien que d’emblée son issue ait été difficile à prévoir, les Algériens, en âge de voter, ont pris part massivement à cette joute électorale. Mais ce que les électeurs ignorent c’est que leurs voix ne peuvent être comptabilisées que lorsque les détenteurs réels du pouvoir valident ou non le scrutin. Et c’est là que le bât blesse. Car jusque-là l’organisation du pouvoir s’est faite en excluant uniment le peuple. En effet, dans tous les pays concernés par ce genre de transition démocratique, l’institution militaire joue un rôle péremptoire dans ces processus. Pour William Quandt, dans « Société et pouvoir en Algérie » : « Partout où les régimes ont permis des ouvertures, l’assignation d’un rôle précis aux militaires a constitué un problème de taille : il est extrêmement difficile d’écarter les militaires de la scène politique, comme l’ont montré les cas de la Turquie et du Chili ». Du coup, l’Algérie, pendant la période allant de 1989 à 1992, n’a pas échappé à ce schéma.

     

     

     

    Cependant, pour mieux comprendre la nature du pouvoir algérien, un rappel historique est requis. Dans les années 1960 et 1970, le pouvoir a été assumé sans partage par l’institution militaire. Ainsi, celui qui a réussi à créer un consensus au sein de cette institution fut incontestablement Houari Boumediene. Pendant son règne, la politique algérienne fut incarnée par sa seule volonté. Bénéficiant d’un soutien indéfectible de l’armée, il gouvernait sans partage. Après sa disparition, le centre du pouvoir s’est élargi, mais il n’a pas quitté le centre préalablement constitué. Le meilleur exemple pouvant étayer cette thèse est la solidarité de l’armée pour organiser la succession de Boumediene. En effet, bien que cette bataille ait généré une guerre de positions entre les différents clans, d’une façon générale, l’institution militaire est restée unie. Par conséquent, tout au long du règne du parti unique, la politique du pays a été conçue dans des cercles échappant à tous les contrôles constitutionnels. Dans une analyse fort intéressante de Madjid Benchikh, intitulée « Les obstacles au processus de démocratisation en Algérie », le juriste constate que : « La stratégie du système n'est pas déterminée au sein du parti unique, elle est déterminée par le commandement militaire. Le plus souvent, la conception, les décisions et la stratégie du commandement militaire sont annoncées au sein du parti par les membres militaires du comité central. L'essentiel des autres groupes rejoint alors la ligne définie par le commandement. Toute l'histoire de la prise du pouvoir dès le lendemain de l'indépendance du pays en 1962 est en ce sens ».

     

     

     

    Cependant, lorsque l’Algérie s’apprête à inaugurer une nouvelle ère démocratique, la question lancinante est de savoir quel rôle va échoir à l’institution militaire. Bien que les militaires, membres du comité central du parti unique, décident de démissionner de leur fonction politique en mars 1989, ils gardent quand même un œil sur l’évolution du processus démocratique. Cette nouvelle situation laisse parfois pantois les observateurs. Après trois décennies de dictature, les Algériens sont enfin libres de participer à la vie politique de leur pays sans faire allégeance au régime. Par ailleurs, cette liberté mérite une nuance. Il s’agit d’un octroi plus que d’une acquisition. « La constitution de 1989 ouvre, au texte même, quelques chemins de liberté, mais ce sont des chemins étroits, parsemés d'embûches et de fausses pistes. C'est que les libertés que la constitution reconnaît n'ont pas non plus été arrachées par des forces sociales organisées», écrit Madjid Benchikh. Quoi qu’il en soit, le jeu politique est d’emblée biaisé. L’article 40 de la constitution permet certes aux Algériens de participer à la vie politique. En revanche, ils ne peuvent pas créer des partis politiques, mais des associations à caractère politique. L’auteur des obstacles au processus de démocratisation en Algérie dissèque la mauvaise foi des dirigeants en notant : « L'ambiguïté de la reconnaissance du multipartisme est révélatrice du rapport des forces en présence à la fin de l'année 1988 : le processus d'effondrement du FLN a commencé, mais le mouvement démocratique est embryonnaire. L'ouverture démocratique apparaît aux yeux du pouvoir en place comme une recette préconisée pour faire face à la crise économique et sociale et pour dépasser les contradictions qui minent le système ».

     

     

     

    Dans ces conditions, il est difficile de parler d’une volonté des dirigeants de remettre le pouvoir au peuple algérien. D’ailleurs, mis à part le FFS d’Ait Ahmed et le FIS d’Abassi, dont le seul point commun réside dans leur réelle opposition au régime, les autres partis se contentent d’applaudir les dirigeants. Certains, sans les nommer, critiquent le pouvoir apparent. Dans le fond, ils ne sont jamais en désaccord avec le pouvoir occulte. Cela dit, la stratégie du régime consiste à subventionner les partis afin de mieux les contrôler. Du coup, pour échapper à l’emprise du pouvoir, le FFS et le FIS refusent tout bonnement l’argent du gouvernement. Cependant, le premier test électoral, en l’absence du FFS, tourne à l’avantage du FIS lors des élections municipales du 12 juin 1990. Par ailleurs, bien que les Algériens votent massivement pour le FIS, il n’en reste pas moins que le résultat électoral ne reflète pas le poids du parti dans la société. Cette victoire écrasante n’est possible que grâce à la loi électorale, conçue au départ pour favoriser le FLN. Celle-ci stipule que : « Si aucun parti n’obtenait pas la majorité absolue, le parti au score le plus large recevrait la moitié des sièges plus un, le reste étant réparti proportionnellement entre tous partis ayant obtenu plus de 7% de voix ». Partant, avec seulement 34% de voix par rapport au nombre d’inscrits, le FIS obtient 57% d’Assemblées communales et 66% d’Assemblées de wilayas. Analysant ces résultats, Madjid Benchikh écrit : « La victoire du Front islamique du Salut (FIS) à ces élections surprend le gouvernement. Mais au lieu d'en tirer les leçons en effectuant des changements substantiels dans la politique, les méthodes et le personnel politique et de gestion, le gouvernement entreprend de réorganiser le FLN au profit des tendances qui le soutiennent, et médiatise, notamment grâce au contrôle des organes d'information, les réformes qu'il préconise ».

     

     

     

    Quoi qu’il en soit, le régime refuse de voir la réalité en face. Car cette victoire n’était pas accidentelle. Bien que les réformes de Mouloud Hamrouche puissent constituer des avancées incontestables, l’impopularité du régime fait que les Algériens s’en éloignent de toute solution émanant de ce pouvoir. Ainsi, malgré le discrédit du régime, le gouvernement prévoit la tenue des élections législatives pour le 26 juin 1991. Le 1er avril, le chef du gouvernement soumet au parlement un projet de loi régissant ces législatives. Le découpage électoral, et c’est le moins que l’on puisse dire, favorise le FLN réformateur et le FFS. Plus tard, Ait Ahmed expliquera que l’alliance avec les réformateurs du FLN, dirigé à ce moment-là par Abdelhamid Mehri, aurait donné naissance à un gouvernement républicain et réformateur. Toutefois, étant donné que le FIS était considéré dangereux, les détenteurs du pouvoir réel auraient pu se réjouir d’une telle alliance. Hélas, le commandement militaire n’en voulait pas d’un gouvernement républicain qui pourrait échapper à son contrôle. Au même moment, le FIS occupe la rue. Bien qu’il crée un désordre en occupant les voies publiques, l’intervention de l’armée va provoquer l’annulation des élections de juin 1991. Ainsi, selon Madjid Benchikh, avec la démission de Hamrouche le 4 juin 1991, « L'armée rappelle aussi qu'elle peut écarter même un gouvernement FLN dont le chef avait jusque-là la confiance du Président de la République. L'intervention de l'armée de juin 1991, alors même que tous les événements durant cette période montraient que le FIS n'était pas armé, indique que le commandement militaire ne peut tolérer une évolution du processus démocratique qu'il ne maîtrise pas, même s'il faut faire pression sur le chef de l'État et écarter ses hommes de confiance ».

     

     

     

    D’une façon générale, le départ de Mouloud Hamrouche satisfait le FIS et le commandement militaire. L’arrivée de Ghozali va conforter le FIS. Le nouveau premier ministre propose de revoir la loi électorale du 1er avril 1991. Désormais, le nombre de députés est relevé à 430 au lieu des 295 proposés par son prédécesseur. Quant au commandement militaire, sa satisfaction réside dans le fait qu’une alliance Hamrouche-Ait Ahmed est définitivement écartée. Cependant, le 12 octobre 1991, l’Assemblée nationale, dont les députés sont issus du parti unique, adopte le nouveau découpage électoral. Pour le spécialiste Willaim Quandt : « Le nouveau premier ministre Sid Ahmed Ghozali avait promis l’organisation d’élections libres et honnêtes, avec une nouvelle loi électorale, ce qui pouvait ressembler aussi à une victoire du FIS ». Dans la foulée, Chadli Bendjedid fixe la date des législatives pour le 26 décembre 1991. Parlant au conditionnel, il ajoute que le second tour « pourrait se tenir le 16 janvier 1992 ».

     

    Toutefois, sous la direction d’Abdelkader Hachani, libéré de prison en octobre, le FIS annonce, après moult tergiversations, sa participation aux législatives le 14 décembre 1991. Ainsi, pour la première fois, les Algériens peuvent envoyer les députés de leur choix à l’Assemblée nationale. Ce droit intervient après trente ans d’attente. Du coup, on peut dire que les Algériens sont prêts à rentrer de plain-pied dans cette nouvelle ère démocratique. Hélas, le rêve est de courte durée. Bien que le vote soit entaché de quelques irrégularités, dans l’ensemble, le scrutin s’est déroulé normalement. Après les dépouillements, le général Larbi Belkheir, ministre de l’Intérieur, annonce les résultats. Le FIS obtient, au premier tour, 188 sièges. Il est suivi par le FFS avec 25 sièges. En troisième position, le FLN remporte 15 sièges. Avec ses résultats, les prévisions des vrais décideurs tablant sur le tiers des sièges pour le FIS se sont trompées lourdement. A la stupéfaction générale, une voix de sagesse se prononce. Ait Ahmed, chef historique de la révolution algérienne, préconise le respect du verdict des urnes. Toutefois, aux manœuvres du commandement militaire et des faux démocrates, Ait Ahmed organise une marche gigantesque pour faire appel au sens des responsabilités des Algériens. Il rejette au passage la fatalité qui se résume soit par l’instauration d’un État intégriste soit par un État policier. Malheureusement, comme le constate Madjid Benchikh, élu du FFS à Ain El Hammam en décembre 1991, le vrai pouvoir en Algérie ne se trouve pas dans les urnes : « Mais l'analyse du rapport de force montre bien que ni le FIS ni les forces démocratiques impulsées par le FFS ne sont suffisamment organisées pour imposer l'alternance. Le commandement militaire13 décide d'annuler le deuxième tour des élections législatives prévu pour le 15 janvier 1992. Le Président de la République "est démissionné", un Haut Comité d'État présidé par Mohamed Boudiaf reçoit les pouvoirs du Président de la République ».

     

     

    Pour conclure, il va de soi que depuis l’indépendance, la vie politique se décide en dehors de la participation du peuple algérien. À la faveur des événements d’octobre 1988, les Algériens espèrent jouer le rôle qui devait leur revenir de droit depuis 1962. Hélas, bien que le peuple algérien soit prêt à composer avec les règles démocratiques, les vrais décideurs, habitués à imposer leurs vues sans concertation, ne sont pas sur la même longueur d’onde. En décrétant que le peuple a fait un mauvais choix [ce qui s’explique par la volonté du peuple algérien de rompre avec le régime responsable de la gabegie depuis 1962], ils décident de mettre fin au processus démocratique. Sur le plan politique, quoi qu’en puisse épiloguer sur cet épisode, l’Algérie est replongée dans l’avant 1988. Vingt ans plus tard, cette vision prévaut encore. Malgré les révolutions qui se sont déroulées chez nos voisins, en accordant des miettes, le régime se refuse à tout changement profond. D’ailleurs, dans quelques mois, il va même organiser des élections législatives. Or, en refusant de rompre avec les anciennes méthodes, celles-ci ne seront guère différentes des précédentes. À moins que des observateurs neutres puissent les contrôler. Dans ce cas, quelle garantie le régime donnera-t-il pour laisser le peuple algérien se décider sans être tenu à la gorge ?

  • La dérive du régime algérien : le pourissement jusqu’à l’explosion.

     

     

    Yahia Bounouar

     

     

    In kalimadz

     

    « Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable ».
    John Fitzgerald Kennedy

     

    Mais que fait donc le régime algérien ? Alors que de toute part le monde bouge, que les révoltes ( révolutions) arabes chamboulent la région, que le reste de la planète est confronté à une crise économique sans précédent, que les bouleversements géopolitiques sont entrain de modifier la face du monde, le régime à Alger, fait l’autruche et espère passer entre les gouttes de l’histoire.

     

    Partout sur la planète, dans les pays riches comme dans les autres, les dirigeants se creusent les neurones pour tenter de trouver une improbable solution. Partout, des scénarios sont élaborés, discutés, amendés. Partout sur la planète, des stratégies sont mises en place, même sans aucune garantie de succès. Partout des femmes et des hommes réfléchissent aux moyens de sortir d’une crise énorme. Partout des citoyens s’emparent de leur destin et pèsent sur les choix et tentent de trouver des solutions à cette phase historique de « transition globale ».

     

    Pendant ce temps, à Alger, poursuivant son petit bonhomme de chemin, à un rythme de septuagénaire, le régime algérien s’attèle à ce qu’il nomme des « réformes » qui lui permettront se succéder à lui même tout en faisant croire, tout à la fois, aux algériens et à la communauté internationale, qu’il y a eu «  une révolution » en Algérie.

     

    Pour faire comme les voisins, le pouvoir s’apprête à organiser des élections législatives sans dynamique politique citoyenne, ni libéralisation des médias, mais aussi et surtout sans changement de régime préalable.

     

    Après avoir été « socialistes » lorsque cela correspondait au contexte international dans les années 60 et 70, « capitalistes et libéraux », lors des décennies suivantes, ils seront « islamistes »  après le printemps arabe. L’essentiel pour eux, est de garder le pouvoir de manière exclusive, quelque soit l’orientation politique à adopter. Les dirigeants algériens actuels n’ont aucune conviction politique, ni vision stratégique. Leur seule ambition : demeurer au pouvoir et profiter des richesses du pays.

     

    De toute façon, cela fait maintenant plusieurs années que l’Algérie n’est plus gérée. Le chef de l’état, n’est pas en mesure d’assumer sa charge depuis le début de sa maladie en 2005. Ces déplacements se raréfie et il ne parle plus au peuple. Il arrive difficilement à organiser 4 à 6 conseils des ministres par an alors même qu’il a concentré la quasi totalité des pouvoirs. Lorsque la « rumeur » sur son état de santé prend de l’ampleur, il s’arrange pour apparaître à la télévision, aux coté d’un étranger de passage en Algérie. Le mandat du président du conseil constitutionnel a expiré depuis plusieurs mois sans qu’il ne soit remplacé. Le gouvernement, réduit à une équipe de collaborateurs est à la dérive et se donne en spectacle avec avec des « chamailleries » indécentes et indignes entre certains ministres et le premier ministre. La vie politique est au « congélateur ».

     

    Seul la manne financière et les appareils répressifs (police et DRS) tournent à plein régime. La première dilapidée sans retenue, ni réflexion a pour objectif d’acheter la paix sociale et d’inciter les algériens à renoncer à leurs droits et leur dignités en contre partie d’un argent qui leur appartient, de toute façon. Les seconds activent, également sans retenue, pour étouffer dans l’œuf toutes les tentatives d’organisation d’une quelconque contestation en utilisant les méthodes habituelles des régimes autoritaires comme la manipulation, le harcèlement, les arrestations arbitraires et les chantages en tous genres.

     

    Le régime algérien ne pourra pas, comme il l’espère, « tromper » l’histoire et le monde en jouant, dans le même temps, son propre rôle et celui de son alternative.

     

    A y regarder de plus près et si l’on enlevait seulement deux ou trois journaux, à bien des égards, l’Algérie de décembre 2011, ressemble étrangement à celle du début de l’année 1988. Combien de temps le pays peut-il encore tenir dans cette situation avant l’inévitable explosion?