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régime

  • Un non-événement pour les Sétifiens

     

     
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    le 27.03.14 | 10h00 Réagissez

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    Pour de nombreux citoyens approchés, les conditions climatiques n’y sont pour rien l Cette indifférence s’apparente à une bouderie ne disant pas son nom.

    Du côté de la capitale des Hauts-Plateaux, chef-lieu d’une wilaya disposant du deuxième corps électoral du pays de plus de 919 342 électeurs dont 409 513 électrices, la campagne électorale est le moins qu’on puisse dire un non-événement pour une population vaquant, comme à l’accoutumée, à ses tâches quotidiennes.
    Au troisième jour, la campagne de la présidentielle ne démarre toujours pas à Aïn Fouara, où le froid glacial revient au galop. Pour de nombreux citoyens approchés, les conditions climatiques n’y sont pour rien, cette indifférence s’apparente à une bouderie ne disant pas son nom.  A travers les différentes rues et ruelles sillonnées, rien n’indique que nous sommes à quelques encablures d’une importante échéance électorale. Même les effigies des candidats se font rares.

    Tout comme les «soutiens» aux deux principaux candidats, à savoir Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis, qui ne désirent pas s’afficher publiquement. De nombreux militants de l’ex-parti unique optent pour la même démarche : «Pour ne pas être taxés de redresseurs ou de partisans du président-candidat, le jour nous sommes avec l’un, la nuit nous optons pour l’autre. Comme les choses ne sont toujours pas claires, nous attendons le moment propice pour nous démarquer», avouent sous le couvert de l’anonymat des FLNistes tenant la canne par le milieu. Le «froid» caractérise également les alentours des permanences de candidats zappés par le citoyen lambda. Celui-ci affiche clairement son insensibilité vis-à-vis de la chose «politique» et plus particulièrement du scrutin du 17 avril prochain : «Je ne vais pas déposer un bulletin qui ne vaut absolument rien.

    Sachant que nos voix sont facultatives pour nos gouvernants insensibles à notre quotidien de plus en plus difficile», dit Salim, un jeune accosté à la sortie de la grande poste. «Méprisé des années durant, on ne se rend compte de l’existence du petit peuple qu’à l’approche des échéances électorales durant lesquelles on lui promet monts et merveilles. Comme dit l’autre : ‘‘Fakou’’», peste un autre Sétifien. «Avec une vie impossible, sachant que mon pouvoir d’achat s’érode de jour en jour, la prochaine élection est le dernier de mes soucis. Qu’on le veuille ou non, Bouteflika ou Benflis, c’est kif-kif. Car ils ne sont ni plus ni moins que deux faces d’une seule et unique pièce de monnaie», tonne Mohamed, un maçon rencontré à la gare routière n’ayant de gare que le nom.  

    Sur place, des jeunes de Bougaâ et d’autres localités du nord de la wilaya lancent un message : «Pour mesurer notre désarroi avec le transport en commun, nous invitons les candidats qui n’ont jamais pris un bus à faire le trajet Sétif-Bougaa-Beni Ourtilane. On ne peut donner nos voix à des gens ne se souciant guère de notre misère», martèlent nos interlocuteurs qui attendent le doublement de la voie précitée. «Ne nous parlez surtout pas du vote, un acte réservé aux citoyens jouissant de tous leurs droits. Forcés d’aller dans un hôpital datant de 1939, ne pouvant de ce fait bénéficier d’une bonne prise en charge médicale, les malades d’une wilaya de plus de 1,6 million d’habitants, n’ont pas eu droit à un 2e CHU», soulignent non sans une certaine amertume de nombreux médecins.

    «Les candidats qui relèguent l’aspect historique au second plan vont-ils institutionnaliser le 8 Mai 1945 comme Journée nationale de la résistance ? Vont-ils en outre octroyer aux victimes de ces massacres le statut de martyr ?» s’interrogent des vieux qui attendent, à l’instar de tous les Algériens, une réponse claire des six candidats qui ne devront pas esquiver un sujet aussi sensible. «L’indifférence des gens est justifiée. Elle exprime ule ras-le-bol. Le Sétifien qui n’a pas vu, ces dernières années, la couleur d’un logement social n’a pas la tête aux urnes. Le blocage de nombreux autres projets importants accentue l’amertume des gens gavés par les promesses. La mise en veilleuse d’une région où 40 000 logements de différents segments ne sont toujours pas lancés ne laisse pas indifférents les électeurs», explique un
    universitaire. Bref, l’ambiance est morose à Sétif, où les gens approchés ne sont pas chauds à aller le jour J placer leur bulletin dans l’urne…
     

    Kamel Beniaiche
  • Pot de confiture : le gros doigt de Chakib et les mouches du régime


    Par Boubakeur Hamidechi
    hamidechiboubakeur@yahoo.fr
    Elle n’attendra pas longtemps avant de reprendre ses droits. Elle sera probablement à l’œuvre dès les prochaines semaines puisque les moulins à prière du Ramadhan viennent d’être soigneusement rangés et que la passion du divin occupera moins les esprits. Avec le retour des jours profanes, les gens seront moins attentifs aux imprécations des bonnes œuvres de la foi et se remettront à l’écoute de ce qui se dit sur la situation du pays, ou bien, connaîtront, comme il se doit, ce que cette fameuse rumeur colporte, voire ce que les «sources bien informées» daignent distiller à leur intention. Et comme il n’y a rien de plus croustillant comme révélations que celles qui se rapportent au catalogue des scandales de la corruption et de la rapine, les premières journées de cet Aïd seront copieusement servies.
    Grâce à la presse qui, dans sa totalité en avait fait sa pâture lors de sa dernière livraison du mois de Ramadhan, l’opinion a pris connaissance des chiffres récents des hold-up commis par Chakib Khelil et ses acolytes. C’est ainsi que pour le seul «casse» réussi, avec la complicité des Italiens de Saipem, l’ami intime du président de la République aurait détourné quelque 197 millions de dollars. Soit l’équivalent de 2 000 milliards de notre pauvre monnaie nationale ! L’énormité du délit, scrupuleusement calculé, vérifié et recoupé par la justice italienne, a même laissé sans voix, ou plutôt sans qualificatif précis les commentateurs des journaux qui s’étaient sobrement contentés de signaler l’étendue du méfait à travers une périphrase à peine digne de la «correctionnelle» des tribunaux. «L’étau se resserre sur…», se sont-ils, presque, accordés pour titrer sur l’évènement alors qu’il eût fallu, pensions-nous, transgresser la prudence journalistique en mettant en exergue ce «point de détail» dans son contexte réel. Celle d’une mafia d’Etat (exactement !) qui a commencé à saigner les finances du pays, il y a déjà 10 ans.
    Et c’est justement «ainsi que parlait» le quidam accoudé au comptoir de son café habituel et ce qu’il répétera dans les jours qui viennent, après la trêve du jeûne. «Il n’est pas possible, dira-t-il, que ce voyou de la République ait pu commettre toutes ces successions de malversations sans que l’appareil de l’Etat ne se soit aperçu de rien !» Pertinemment donc, le mythe du pot de confiture et du seul doigt d’un Chakib pris en flagrant délit ne convainc plus personne. Il était certes le maître d’œuvre et l’homme breveté qui a conçu le procédé à siphonner de l’argent mais pouvait-il seul et de son propre chef accéder aux véritables visas pour développer son «affaire» ? Nul ne le pense, désormais. Indiscutablement, des donneurs de feux verts et des complicités passives ont encadré cet ensemble d’opérations. Les premiers, en tant que facilitateurs, tout comme les seconds auteurs qui par lâcheté et carriérisme se sont servis en silence. Tout ce beau monde n’était-il pas niché dans le premier cercle du pouvoir ? Ce n’est pas peu dire ou écrire donc, que si un procès national de la corruption devait se tenir un jour, il ne pourrait faire la moindre concession ni l’impasse sur l’examen minutieux du rôle joué par l’ensemble du personnel politique ayant gravité autour de l’actuel chef de l’Etat.
    Même si la prescription constitutionnelle immunise le chef de l’Etat de toute poursuite, au nom du concept de «l’irresponsabilité» positive de sa position vis-à-vis des actes de gestion, qui empêcherait par contre la justice d’ordonner des investigations sur les rôles joués par tous les Premiers ministres, ou du moins ce qu’ils en savaient. Au pire et pour ménager certaines susceptibilités politiques, pourquoi ne pas exiger des Benflis, Belkhadem et Ouyahia (dans sa double version à ce poste) d’être entendus comme témoins assistés ?
    Car à la limite, les lézardes dans les institutions de la République sont telles de nos jours, que la prétendue préoccupation d’une succession au sommet devient secondaire tant que le domaine de l’Etat n’a pas été préalablement moralisé par une «révolution» anti-prédation. A ce sujet et sous le bénéfice de la confirmation, nous avons cru lire dans les journaux, d’il y a quelques semaines, que c’est à Mouloud Hamrouche que l’on doit une formule-clé qui résume toute la problématique de ce pays. Substantiellement, il aurait déclaré ceci : «Ce n’est pas tant les noms des voleurs qui font question mais comment des vols avaient pu avoir lieu ?» Ce qui revient à s’interroger essentiellement sur le comment du pillage qui a fini par faire système et son corollaire l’institutionnalisation de l’impunité.
    Point nodal, par lequel doivent transiter toutes les théories du changement et de la refondation, la morale de l’Etat est également le principal sujet des Algériens et précisément celui des électeurs parmi eux. Ceci étant la politique et la quête du pouvoir, qui est son unique vocation, peut-elle encore intéresser une société fortement hostile ? Plutôt à raison qu’à tort, les Algériens ont aujourd’hui des comptes à régler avec l’élite qui gouverne. Ayant dépassé le statut de «veaux» à qui l’on avait fait croire n’importe quoi, ils expriment dorénavant leur discrédit à travers chaque scrutin. Bien plus que l’absentéisme aux urnes qu’ils ont exercé d’une façon récidive, ils sont parvenus à la réfutation même d’un «Etat» en lettres majuscules. Que les Ali, Mouloud, Ahmed ou Abdelmalek soient intéressés par la succession à Abdelaziz n’est que le cadet de leur souci ou de leur choix. Ce qui les intéresse au premier abord, c’est surtout de prendre la bonne mesure de la paille qui a engrossé les panses des élites. Quitte à être abusés par les excès de la rumeur, ils la préfèrent aux mensonges officiels et aux parjures des princes qui les ont gouvernés.
    B. H.

  • Le vingtième anniversaire des élections législatives sabordées par le régime

     

     

    Par Ait Benali Boubekeur

     

    Il y a vingt ans, les Algériens votent, pour la première fois, pour une élection nationale majeure, en l’occurrence les législatives. Bien que d’emblée son issue ait été difficile à prévoir, les Algériens, en âge de voter, ont pris part massivement à cette joute électorale. Mais ce que les électeurs ignorent c’est que leurs voix ne peuvent être comptabilisées que lorsque les détenteurs réels du pouvoir valident ou non le scrutin. Et c’est là que le bât blesse. Car jusque-là l’organisation du pouvoir s’est faite en excluant uniment le peuple. En effet, dans tous les pays concernés par ce genre de transition démocratique, l’institution militaire joue un rôle péremptoire dans ces processus. Pour William Quandt, dans « Société et pouvoir en Algérie » : « Partout où les régimes ont permis des ouvertures, l’assignation d’un rôle précis aux militaires a constitué un problème de taille : il est extrêmement difficile d’écarter les militaires de la scène politique, comme l’ont montré les cas de la Turquie et du Chili ». Du coup, l’Algérie, pendant la période allant de 1989 à 1992, n’a pas échappé à ce schéma.

     

     

     

    Cependant, pour mieux comprendre la nature du pouvoir algérien, un rappel historique est requis. Dans les années 1960 et 1970, le pouvoir a été assumé sans partage par l’institution militaire. Ainsi, celui qui a réussi à créer un consensus au sein de cette institution fut incontestablement Houari Boumediene. Pendant son règne, la politique algérienne fut incarnée par sa seule volonté. Bénéficiant d’un soutien indéfectible de l’armée, il gouvernait sans partage. Après sa disparition, le centre du pouvoir s’est élargi, mais il n’a pas quitté le centre préalablement constitué. Le meilleur exemple pouvant étayer cette thèse est la solidarité de l’armée pour organiser la succession de Boumediene. En effet, bien que cette bataille ait généré une guerre de positions entre les différents clans, d’une façon générale, l’institution militaire est restée unie. Par conséquent, tout au long du règne du parti unique, la politique du pays a été conçue dans des cercles échappant à tous les contrôles constitutionnels. Dans une analyse fort intéressante de Madjid Benchikh, intitulée « Les obstacles au processus de démocratisation en Algérie », le juriste constate que : « La stratégie du système n'est pas déterminée au sein du parti unique, elle est déterminée par le commandement militaire. Le plus souvent, la conception, les décisions et la stratégie du commandement militaire sont annoncées au sein du parti par les membres militaires du comité central. L'essentiel des autres groupes rejoint alors la ligne définie par le commandement. Toute l'histoire de la prise du pouvoir dès le lendemain de l'indépendance du pays en 1962 est en ce sens ».

     

     

     

    Cependant, lorsque l’Algérie s’apprête à inaugurer une nouvelle ère démocratique, la question lancinante est de savoir quel rôle va échoir à l’institution militaire. Bien que les militaires, membres du comité central du parti unique, décident de démissionner de leur fonction politique en mars 1989, ils gardent quand même un œil sur l’évolution du processus démocratique. Cette nouvelle situation laisse parfois pantois les observateurs. Après trois décennies de dictature, les Algériens sont enfin libres de participer à la vie politique de leur pays sans faire allégeance au régime. Par ailleurs, cette liberté mérite une nuance. Il s’agit d’un octroi plus que d’une acquisition. « La constitution de 1989 ouvre, au texte même, quelques chemins de liberté, mais ce sont des chemins étroits, parsemés d'embûches et de fausses pistes. C'est que les libertés que la constitution reconnaît n'ont pas non plus été arrachées par des forces sociales organisées», écrit Madjid Benchikh. Quoi qu’il en soit, le jeu politique est d’emblée biaisé. L’article 40 de la constitution permet certes aux Algériens de participer à la vie politique. En revanche, ils ne peuvent pas créer des partis politiques, mais des associations à caractère politique. L’auteur des obstacles au processus de démocratisation en Algérie dissèque la mauvaise foi des dirigeants en notant : « L'ambiguïté de la reconnaissance du multipartisme est révélatrice du rapport des forces en présence à la fin de l'année 1988 : le processus d'effondrement du FLN a commencé, mais le mouvement démocratique est embryonnaire. L'ouverture démocratique apparaît aux yeux du pouvoir en place comme une recette préconisée pour faire face à la crise économique et sociale et pour dépasser les contradictions qui minent le système ».

     

     

     

    Dans ces conditions, il est difficile de parler d’une volonté des dirigeants de remettre le pouvoir au peuple algérien. D’ailleurs, mis à part le FFS d’Ait Ahmed et le FIS d’Abassi, dont le seul point commun réside dans leur réelle opposition au régime, les autres partis se contentent d’applaudir les dirigeants. Certains, sans les nommer, critiquent le pouvoir apparent. Dans le fond, ils ne sont jamais en désaccord avec le pouvoir occulte. Cela dit, la stratégie du régime consiste à subventionner les partis afin de mieux les contrôler. Du coup, pour échapper à l’emprise du pouvoir, le FFS et le FIS refusent tout bonnement l’argent du gouvernement. Cependant, le premier test électoral, en l’absence du FFS, tourne à l’avantage du FIS lors des élections municipales du 12 juin 1990. Par ailleurs, bien que les Algériens votent massivement pour le FIS, il n’en reste pas moins que le résultat électoral ne reflète pas le poids du parti dans la société. Cette victoire écrasante n’est possible que grâce à la loi électorale, conçue au départ pour favoriser le FLN. Celle-ci stipule que : « Si aucun parti n’obtenait pas la majorité absolue, le parti au score le plus large recevrait la moitié des sièges plus un, le reste étant réparti proportionnellement entre tous partis ayant obtenu plus de 7% de voix ». Partant, avec seulement 34% de voix par rapport au nombre d’inscrits, le FIS obtient 57% d’Assemblées communales et 66% d’Assemblées de wilayas. Analysant ces résultats, Madjid Benchikh écrit : « La victoire du Front islamique du Salut (FIS) à ces élections surprend le gouvernement. Mais au lieu d'en tirer les leçons en effectuant des changements substantiels dans la politique, les méthodes et le personnel politique et de gestion, le gouvernement entreprend de réorganiser le FLN au profit des tendances qui le soutiennent, et médiatise, notamment grâce au contrôle des organes d'information, les réformes qu'il préconise ».

     

     

     

    Quoi qu’il en soit, le régime refuse de voir la réalité en face. Car cette victoire n’était pas accidentelle. Bien que les réformes de Mouloud Hamrouche puissent constituer des avancées incontestables, l’impopularité du régime fait que les Algériens s’en éloignent de toute solution émanant de ce pouvoir. Ainsi, malgré le discrédit du régime, le gouvernement prévoit la tenue des élections législatives pour le 26 juin 1991. Le 1er avril, le chef du gouvernement soumet au parlement un projet de loi régissant ces législatives. Le découpage électoral, et c’est le moins que l’on puisse dire, favorise le FLN réformateur et le FFS. Plus tard, Ait Ahmed expliquera que l’alliance avec les réformateurs du FLN, dirigé à ce moment-là par Abdelhamid Mehri, aurait donné naissance à un gouvernement républicain et réformateur. Toutefois, étant donné que le FIS était considéré dangereux, les détenteurs du pouvoir réel auraient pu se réjouir d’une telle alliance. Hélas, le commandement militaire n’en voulait pas d’un gouvernement républicain qui pourrait échapper à son contrôle. Au même moment, le FIS occupe la rue. Bien qu’il crée un désordre en occupant les voies publiques, l’intervention de l’armée va provoquer l’annulation des élections de juin 1991. Ainsi, selon Madjid Benchikh, avec la démission de Hamrouche le 4 juin 1991, « L'armée rappelle aussi qu'elle peut écarter même un gouvernement FLN dont le chef avait jusque-là la confiance du Président de la République. L'intervention de l'armée de juin 1991, alors même que tous les événements durant cette période montraient que le FIS n'était pas armé, indique que le commandement militaire ne peut tolérer une évolution du processus démocratique qu'il ne maîtrise pas, même s'il faut faire pression sur le chef de l'État et écarter ses hommes de confiance ».

     

     

     

    D’une façon générale, le départ de Mouloud Hamrouche satisfait le FIS et le commandement militaire. L’arrivée de Ghozali va conforter le FIS. Le nouveau premier ministre propose de revoir la loi électorale du 1er avril 1991. Désormais, le nombre de députés est relevé à 430 au lieu des 295 proposés par son prédécesseur. Quant au commandement militaire, sa satisfaction réside dans le fait qu’une alliance Hamrouche-Ait Ahmed est définitivement écartée. Cependant, le 12 octobre 1991, l’Assemblée nationale, dont les députés sont issus du parti unique, adopte le nouveau découpage électoral. Pour le spécialiste Willaim Quandt : « Le nouveau premier ministre Sid Ahmed Ghozali avait promis l’organisation d’élections libres et honnêtes, avec une nouvelle loi électorale, ce qui pouvait ressembler aussi à une victoire du FIS ». Dans la foulée, Chadli Bendjedid fixe la date des législatives pour le 26 décembre 1991. Parlant au conditionnel, il ajoute que le second tour « pourrait se tenir le 16 janvier 1992 ».

     

    Toutefois, sous la direction d’Abdelkader Hachani, libéré de prison en octobre, le FIS annonce, après moult tergiversations, sa participation aux législatives le 14 décembre 1991. Ainsi, pour la première fois, les Algériens peuvent envoyer les députés de leur choix à l’Assemblée nationale. Ce droit intervient après trente ans d’attente. Du coup, on peut dire que les Algériens sont prêts à rentrer de plain-pied dans cette nouvelle ère démocratique. Hélas, le rêve est de courte durée. Bien que le vote soit entaché de quelques irrégularités, dans l’ensemble, le scrutin s’est déroulé normalement. Après les dépouillements, le général Larbi Belkheir, ministre de l’Intérieur, annonce les résultats. Le FIS obtient, au premier tour, 188 sièges. Il est suivi par le FFS avec 25 sièges. En troisième position, le FLN remporte 15 sièges. Avec ses résultats, les prévisions des vrais décideurs tablant sur le tiers des sièges pour le FIS se sont trompées lourdement. A la stupéfaction générale, une voix de sagesse se prononce. Ait Ahmed, chef historique de la révolution algérienne, préconise le respect du verdict des urnes. Toutefois, aux manœuvres du commandement militaire et des faux démocrates, Ait Ahmed organise une marche gigantesque pour faire appel au sens des responsabilités des Algériens. Il rejette au passage la fatalité qui se résume soit par l’instauration d’un État intégriste soit par un État policier. Malheureusement, comme le constate Madjid Benchikh, élu du FFS à Ain El Hammam en décembre 1991, le vrai pouvoir en Algérie ne se trouve pas dans les urnes : « Mais l'analyse du rapport de force montre bien que ni le FIS ni les forces démocratiques impulsées par le FFS ne sont suffisamment organisées pour imposer l'alternance. Le commandement militaire13 décide d'annuler le deuxième tour des élections législatives prévu pour le 15 janvier 1992. Le Président de la République "est démissionné", un Haut Comité d'État présidé par Mohamed Boudiaf reçoit les pouvoirs du Président de la République ».

     

     

    Pour conclure, il va de soi que depuis l’indépendance, la vie politique se décide en dehors de la participation du peuple algérien. À la faveur des événements d’octobre 1988, les Algériens espèrent jouer le rôle qui devait leur revenir de droit depuis 1962. Hélas, bien que le peuple algérien soit prêt à composer avec les règles démocratiques, les vrais décideurs, habitués à imposer leurs vues sans concertation, ne sont pas sur la même longueur d’onde. En décrétant que le peuple a fait un mauvais choix [ce qui s’explique par la volonté du peuple algérien de rompre avec le régime responsable de la gabegie depuis 1962], ils décident de mettre fin au processus démocratique. Sur le plan politique, quoi qu’en puisse épiloguer sur cet épisode, l’Algérie est replongée dans l’avant 1988. Vingt ans plus tard, cette vision prévaut encore. Malgré les révolutions qui se sont déroulées chez nos voisins, en accordant des miettes, le régime se refuse à tout changement profond. D’ailleurs, dans quelques mois, il va même organiser des élections législatives. Or, en refusant de rompre avec les anciennes méthodes, celles-ci ne seront guère différentes des précédentes. À moins que des observateurs neutres puissent les contrôler. Dans ce cas, quelle garantie le régime donnera-t-il pour laisser le peuple algérien se décider sans être tenu à la gorge ?

  • Le voile sera-t-il levé sur l’argent des dirigeants algériens en Suisse ?



    Par Le Matin DZ/Elwatan | Les comptes numérotés suisses doivent contenir bien des secrets.

    Les fonds entreposés par les dirigeants arabes dans les paradis fiscaux sont au centre d’une attention particulière depuis le début du Printemps arabe.

    Le gel des avoirs de dictateurs arabes déchus a surtout permis de lever une partie du voile sur l’ampleur de la saignée. Les organes des Nations unies ont pu aboutir au gel de 186 milliards de dollars d’avoirs libyens appartenant au clan Kadhafi.

    En Egypte, on évoque entre 40 et 70 milliards de dollars détournés par les Moubarak. Quant au clan Ben Ali-Trabelsi en Tunisie, même si aucun chiffre n’a été avancé pour le moment, les nouvelles autorités de Tunisie ont émis pas moins de 57 commissions rogatoires internationales pour récupérer les fonds détournés. D’ailleurs, la Suisse et son inaltérable secret bancaire sont en première ligne des accusations. Une pression qui persiste même si les responsables de la Confédération helvétique s’engagent à restituer les biens mal acquis.

    La conjoncture est-elle donc favorable pour amener la Confédération helvétique à se défaire d’une partie de son secret bancaire lorsqu’il s’agit de questions liées au respect des droits de l’homme et des droits des peuples ? Si cela semble encore irréalisable, certains veulent y croire. C’est le cas du Syndicat suisse des services publics qui, inquiet de l’état des libertés syndicales en Algérie et dans un élan de solidarité avec le Snapap, a récemment exigé, dans un communiqué, des autorités fédérales helvètes, de veiller "à empêcher le dépôt de fonds de dirigeants algériens dans les banques suisses ou de faire en sorte de pouvoir bloquer ces fonds".

    Une telle exigence et l’atteinte d’un tel objectif exigent une tâche qui s’apparenterait au nettoyage des écuries d’Augias. L’existence ou non de comptes numérotés où seraient entreposés des fonds détournés par des dirigeants algériens est frappée du sceau de l’omerta. Un silence justifié par les impératifs de respect du secret bancaire suisse. D’ailleurs, le secrétaire général du Syndicat suisse des services publics, Stefan Giger, nous a confié que ce même secret bancaire ferme l’accès aux données nécessaires. Il s’est indigné du fait que le gouvernement suisse "pourrait bloquer les comptes des dictateurs. Mais souvent ceci a été fait trop tard".

    Cependant, les seules données accessibles actuellement relèvent des statistiques annuelles établies par la Banque nationale suisse. On y apprend par exemple que les avoirs algériens en Suisse ont été estimés, en 2010, à 97 millions de francs suisses (80 millions d’euros) pour 574 millions de francs suisses (470 millions d’euros) d’engagements. Toutefois, ces chiffres ne concernent, selon nos interlocuteurs de la BNS, que "les avoirs et les engagements des banques en Suisse" et ne constituent donc pas de données globales. Et de préciser que "les données sur des titres dans les dépôts de la clientèle auprès des banques ne sont pas publiées en répartition géographique", et ce, dans le strict respect du secret bancaire. On aura donc fait chou blanc auprès de la BNS.

    Des milliards qui s’évaporent dans la nature

    Des chiffres et des listes avaient bien circulé concernant l’existence de ce genre de comptes et les montants qui y seraient déposés. Toutefois, les informations ayant circulé jusqu’à présent demeurent difficiles à vérifier, notamment à l’image de la liste publiée par la Swiss Bank Control (SBC), où figuraient d’ailleurs les noms de bon nombre de dirigeants algériens. L’institution, en elle-même, est blacklistée par l’autorité fédérale suisse de surveillance des marchés financiers, car ne disposant pas de registre du commerce ni de présence physique en Confédération helvétique. La chaîne helvète germanophone Arena y est allée aussi de son estimation, annonçant plus de 700 millions d’euros d’avoirs algériens entreposés dans des banques suisses.

     Un chiffre qui contraste lourde ment avec les 25,7 milliards de dollars recensés par le Global Finance Integrity (GFI) pour évaluer les fonds ayant quitté l’Algérie entre 1970 et 2008. Des fonds issus non seulement de la corruption, mais aussi du blanchiment d’argent. Aussi, est-il difficile d’imaginer que l’estimation des avoirs détournés par des responsables algériens s’arrête là. Depuis le détournement du trésor du FLN du temps de la Banque commerciale arabe dissoute depuis, les fonds entreposés en Suisse stimulent la curiosité. Le vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Jean Ziegler, avait dénoncé depuis des décennies l’existence de réseaux discrets de financement transitant en Suisse. Aussi, les modes de gestion de l’économie opaque favorisant les comportements rentiers et la corruption n’ont fait qu’installer des certitudes sur les fortunes amassées par de hauts responsables et transférées à l’étranger.

    Briser l’omerta

    Cependant, il est difficile de faire la part des choses dans un tel fouillis, d’autant plus que les fonds mal acquis finissent systématiquement dans des comptes numérotés préservant l’anonymat des bénéficiaires et rendant difficile toute tentative de recoupement. Il y a aussi le fait que depuis l’instauration en Suisse de règles de surveillance concernant les "personnes politiquement exposées" pousse les indélicats à maquiller leurs transferts dans une pléthore de sociétés-écran gérées par des pantins qui, à leur tour, multiplient les acquisitions mobilières et immobilières. Certaines pistes commencent toutefois à apparaître, empruntant dans la plupart des cas les circuits fiscaux. Il faut savoir dans ce sens que la Confédération helvétique s’est engagée, sous la pression constante de l’OCDE, à revoir d’ici à février 2012 sa législation concernant le secret bancaire, particulièrement pour les détenteurs de comptes bancaires non résidents en Suisse.

    La Confédération s’engage à ne plus opposer son secret bancaire lors des enquêtes pour évasion fiscale. Toutefois, cette piste pose le préalable de l’ouverture d’une enquête pour évasion fiscale avant tout échange d’information avec les instances judiciaires. Une autre piste s’ouvre. Celle de l’instauration du système Rubik. Mis en place par l’Association des banques étrangères en Suisse (AFBS), Rubik prévoit l’instauration d’un impôt anticipé libératoire sur les fortunes dissimulées et fournir des informations "au cas par cas" à un pays désireux de rapatrier le produit de la fraude de ressortissants "convaincus" d’évasion fiscale.

    Là encore, l’instrument proposé fait face non seulement à l’opposition de la toute puissante Union des banques suisses, et récemment de la Commission européenne, mais demeure aussi très limité en termes de possibilités. Celui-ci ne permet en fait que de récupérer le produit de l’évasion fiscale. Il est également tributaire de la signature d’un accord bilatéral. Il y a aussi la possibilité pour le gouvernement algérien de déposer une moindre requête en entraide judiciaire internationale comme ce fut proposé il y a quelques années par Jean Ziegler, mais rien n’en a été.

    Il faut comprendre en conclusion que toutes les possibilités offertes en ce sens sont liées à la volonté des gouvernants à lever le voile même partiellement sur les fortunes détournées. En attendant, pour ceux qui trouveraient que les cieux européens sont moins cléments depuis le gel des avoirs des dictateurs arabes déchus, il suffit de regarder vers de nouveaux paradis fiscaux, lesquels ne seraient forcément pas dans l’ornière occidentale. Il y a Hong-Kong, Beyrouth ou encore ce qu’on appelle aujourd’hui la Dubaï Connection, laquelle bénéficie depuis quelques années d’un attrait particulier !

    Une pétition pour recouvrer les biens et les avoirs financiers détournés

    Une pétition publique circule depuis le printemps dernier sur la Toile afin de geler les fonds algériens déposés en Suisse. Hébergée par le site www.petitionpublique.fr, la pétition, initiée par de nombreux Algériens expatriés, appelle le Conseil fédéral suisse à "geler les avoirs financiers que les dirigeants indélicats détiennent dans des comptes bancaires suisses". Et d’ajouter : "Ce précédent contribuera non seulement à préserver un patrimoine financier subtilisé au peuple, parfois au prix du sang, mais aussi, et surtout, à dissuader d’autres régimes prédateurs de piller leur peuple."

    Roumadi Melissa