par M. Mehdi, Le Quotidien d'Oran, 27 mai 2012
Des «responsables» (…) «ligués dans une communauté d'intérêts indus» et qui occupent les «avant-postes pour soi-disant mener les réformes» ont « pris en otage la Santé publique algérienne», affirme le Syndicat national des praticiens de la Santé publique (SNPSP), dans une lettre adressée au président de la République Abdelaziz Bouteflika.
Le syndicat appelle à la «clair voyance» du président de la République et sollicite son «arbitrage» afin «d'imposer les solutions pour le règlement de la crise multidimensionnelle que vit le secteur». Les «moyens financiers appréciables», le «maillage conséquent du territoire national en structures de santé», la «multidisciplinarité concrète» et la «disponibilité d'un potentiel humain», le secteur de la Santé publique est dans «l'incapacité de mettre à profit ces moyens pour les traduire en prestations de soins et en actions préventives, à la mesure de ce qui est permis d'ambitionner pour notre pays», ajoute le document adressé le 22 mai au président de la République.
Selon le SNPSP la carte sanitaire «peine à coller à la réalité sanitaire nationale». Il en a résulté «des perturbations chroniques dans la disponibilité et la distribution des médicaments et des vaccins, des plateaux techniques en souffrance de maintenance ».
A cela, affirme la lettre, il faut ajouter « l'émergence non régulée d'un secteur privé, qu'il est urgent de mettre au diapason des exigences du système national de Santé ».
Le SNPSP qualifie d'« approximative», «voire aléatoire», la gestion administrative du secteur, à laquelle sont confrontés aussi bien les patients et que les praticiens.
Pour faire face aux « bouleversements socio-économiques que connaît le pays », les praticiens de la Santé publique recommandent de faire face « à la prévalence des pathologies qui ont pour origine les modifications des modèles de consommation ainsi que des problèmes environnementaux liés aux comportements humains». «La demande de soins induite par ces bouleversements se doit d'être hiérarchisée, quantifiée, évaluée à travers des paramètres scientifiquement établis», ajoute la lettre qui préconise de promouvoir la «recherche appliquée» afin «d'établir les profils épidémiologiques pour chaque entité géo-sanitaire et orienter par la même nos programmes de prévention ».
Si cette démarche devait être mise en place, elle implique, selon le syndicat, une « ouverture » de la part du ministère de la Santé envers les «compétences», en «s'affranchissant des comportements autosuffisants et autarciques qui sclérosent l'initiative ».
L'attitude de la tutelle est décrite comme suit : « un ministère obnubilé par la collecte des chiffres et des données statistiques accommodés et qui conduisent immanquablement à des incohérences et des attitudes irrationnelles dans l'usage de ressources bien souvent évanescentes ».
DISQUALIFICATION DES PARTENAIRES SOCIAUX PAR LA TUTELLE
Evoquant les conflits des différents syndicats du secteur avec la tutelle, le SNPSP affirme que l'actuel ministre de la Santé cherche à « disqualifier les partenaires sociaux ». Les praticiens de Santé publique réclament d'être associés dans la refonte de la loi sanitaire, « une loi qu'il est temps de revisiter mais qui nécessite, pour ce faire, une «concertation inclusive, participative» avec l'ensemble des acteurs concernés, sans quoi l'exclusion qui semble être la seule voie prônée actuellement par Monsieur le ministre de la Santé, conduirait inexorablement vers l'impasse ».
« A l'heure où les acteurs de la Santé publique, à tous les échelons, revendiquent leur implication dans la conception, la conduite et l'évaluation des actions de Santé publique, l'administration, hostile à ce processus, multiplie les entraves à l'exercice syndical et au droit de grève », ajoute la lettre du SNPSP qui fait état de «suspension des délégués syndicaux (Alger, Ouargla, Tamanrasset, Sétif, Bordj Bou Arreridj) », et même «d'ingérence dans le fonctionnement des organisations syndicales» et «le recours systématique à la justice pour interdire le droit à l'arrêt collectif et concerté du travail, pourtant consacré aux travailleurs, en cas d'échec de la négociation ».
Le SNPSP regrette que le ministre de la Santé « réduise notre revendication de plan de carrière à une demande d'augmentation de salaire bassement corporatiste », qualifiant cette démarche de Ould Abbès « d'entreprise de sape et de diabolisation d'un corps professionnel au cœur du dispositif de Santé », ce qui, ajoute le syndicat, « n'est pas de nature à préserver la confiance de nos concitoyens dans le personnel soignant ». « Le Syndicat national des praticiens de Santé publique au nom des milliers de médecins, de chirurgiens-dentistes et de pharmaciens algériens, ayant à charge la santé de la population, en appelle à votre clairvoyance et sollicite votre arbitrage afin d'imposer les solutions pour le règlement de la crise multidimensionnelle que vit le secteur de la Santé en dépit de la politique des reformes qui l'accompagne à ce jour », conclut la lettre du SNPSP adressée à Bouteflika.
de la santé
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Les praticiens de la Santé écrivent à Bouteflika
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L’intersyndicale reprend la protestation
Sit-in devant le ministère de la Santé
L’Intersyndicale de la santé publique a maintenu son appel à un rassemblement, aujourd’hui, devant le ministère de la Santé. Quatre syndicats du secteur ont adhéré à cet appel. Les sympathisants et adhérents du SNPSSP, du Snapsy, du SNPSP et du SNPP attendent une réponse du ministère de la Santé qui a fermé toutes les portes du dialogue avec ses partenaires sociaux.
En plus de la politique de la fuite en avant qu’il prône depuis le début du mouvement de protestation, le ministre est en pleine campagne de désinformation», accusent les syndicats. Djamel Ould Abbès multiplie les sorties médiatiques, avec des déclarations commentant les revendications des syndicats du secteur. Les réduisant à une quête purement matérielle, le ministre de la Santé a coupé court à toute lueur d’espoir quant à l’aboutissement des réclamations des syndicats du secteur qui concernent, en priorité, l’ouverture du dossier de la révision des statuts particuliers régissant les différentes catégories des travailleurs, sachant que l’actuel statut, «conçu par la tutelle sans consultation des partenaires sociaux», entrave l’évolution des praticiens dans leur carrière et maintient la confusion concernant le statut des établissements de santé publique, créant des lacunes dans la prise en charge du malade.
Ce point est largement développé par les différents syndicats qui sont montés au créneau à maintes reprises, cherchant toujours une réponse auprès de la tutelle qui, elle, campe sur sa position. «C’est le statu quo depuis l’installation du ministre», constate le président du SNPSSP. Bien que des réunions de conciliation aient été tenues suite aux différents mouvements de protestation, rien n’a été fait depuis l’installation du ministre à la tête de ce département. Il avait pourtant promis, en 2010, l’ouverture du dossier de l’amendement du statut, comme cela a été fait par le ministère de l’Education nationale. Les syndicats des professionnels de la santé se disent également «outrés» par les propos rapportés par les médias concernant les menaces du ministre de divulguer «les salaires des praticiens et les augmentations qu’ils ont perçues».
M. Ould Abbès déroute le débat. «Il ne s’est jamais agi d’un problème d’argent. Nous exigeons la concrétisation des accords concernant le statut des praticiens, les mesures incitatives pour le service civil et l’application de la carte sanitaire, brouillée aujourd’hui avec le détournement des établissements de santé publique de leur vocation réelle», explique le docteur Yousfi. L’Intersyndicale réclame aussi le respect des libertés syndicales «aujourd’hui bafouées». Outre les ponctions sur les salaires des grévistes et l’interdiction d’accès au ministère, les syndicats du secteur doivent également faire face à l’attitude de M. Ould Abbès qui a clairement déclaré qu’il ne les reconnaît plus comme partenaires sociaux. A souligner que les spécialistes sont en grève ouverte depuis le 29 avril dernier.
Le secteur de la santé traverse également une crise sans précédent de rupture de stocks de médicaments et de difficulté dans la prise en charge des malades. «Le pourrissement à un stade avancé», commente un syndicaliste.Fatima Arab