Au rythme où vont les grèves dans le système éducatif national, on parlera de moins en moins de fuite des cerveaux. La baisse du niveau scolaire, qui s’est accélérée ces dernières années, deviendra dramatique à court terme si l’école reste livrée aux dysfonctionnements institutionnels et au radicalisme des partenaires sociaux. Le droit de grève est garanti par toutes les Lois fondamentales du monde, mais il n’est pas interdit non plus d’évaluer les répercussions des cycles de débrayage lorsqu’ils s’inscrivent dans la durée, à plus forte raison quand cela touche un secteur aussi sensible que la formation des jeunes générations. Est-on en train de former des «premiers de la classe» ou des contingents d’apprentis grévistes ? Inculque-t-on aux jeunes le sens de l’effort ou le réflexe du débrayage ? Des lycéens n’ont pas manqué de rappeler, ces derniers jours, qu’ils étaient déjà en grève pour réclamer le fameux seuil pédagogique, bien avant le déclenchement de l’actuel mouvement de grève des enseignants. Les élèves entrent désormais en concurrence avec leurs propres enseignants dans le perpétuel bras de fer avec le gouvernement. Le ministère œuvre, à temps plein, à désamorcer les crises et non à rouvrir les manuels scolaires pour relire les contenus et les moderniser, si tant est que ce projet est à l’ordre du jour.
La grève est si ancrée dans les mœurs, particulièrement dans le système éducatif, que même les comptes rendus de presse parlent à présent de «reprise de la grève». La reprise du travail est beaucoup plus aléatoire et problématique, même quand la tutelle brandit la menace de recourir à l’application stricte de la loi. Si les péripéties des négociations entre l’administration centrale et les syndicats de l’éducation sont suivies par l’opinion publique à travers les médias, ce que l’on sait moins, ce sont les conditions de reprise des cours et la manière avec laquelle sont gérés les retards de scolarité engendrés par ces longs passages à vide. L’ambiance dans les établissements scolaires et les salles de classe, au lendemain des mouvements de grève, ne doit pas être très éloignée d’un climat d’anarchie, prélude aux dérapages pouvant être observés lors des examens de fin d’année, à l’image de la dernière session du bac.
Des rattrapages improvisés, des défalcations inévitables dans les programmes, pour offrir au final, à l’élève, une année scolaire amputée, en plus d’avoir été perturbée. Le système éducatif est l’un des rares secteurs où l’obligation de résultats est complètement évacuée. Par résultats, il faut entendre qualité de la formation et non taux de réussite aux examens, lesquels découlent de savants dosages arithmétiques pouvant dépendre y compris de l’humeur politique des autorités. L’examen du «sinistre» de l’école algérienne pour élaborer un véritable plan de sauvetage, avec la contribution de tous les segments de la société, ne sera possible que lorsque les questions sociales soulevées par les enseignants auront été résolues. Cette tâche incombe exclusivement aux autorités en charge du secteur.