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peuple pauvre

  • L’Algérie, un pays prisonnier de l’absurde (Opinion)

     

     

    Bouteflika, lors de la signature de la LF2014

    Boutef ou Toufik ? Saadani a choisi son camp. L’Algérie aussi : elle nage dans l’absurde.

     

     

    Dans une Algérie en régression morale et politique, le ridicule n’est jamais loin. L’absurde non plus. Il tend même à s’installer partout, y compris à la présidence de la république, ainsi que dans les principaux centres de pouvoir, au sein des partis et dans la nébuleuse des réseaux qui gravitent autour de la rente. Ceux qui sont supposés diriger le pays et ceux supposés décider de son sort sont en effet installés dans une situation parfaitement ubuesque : ils se chamaillent pour savoir si un homme physiquement diminué, en très mauvaise santé, incapable de se mouvoir et de participer aux forums internationaux, incapable même de se déplacer et de participer aux réunions, doit rester au pouvoir pour un mandat supplémentaire de cinq ans.

    Ces hauts responsables sont, à priori, l’élite politique du pays. Ministres, hauts fonctionnaires, officiers supérieurs, diplomates chevronnés, tous occupent des fonctions prestigieuses, roulent en luxueuse voiture officielle, touchent de salaires très élevés, et sont souvent entourés de gardes du corps et d’une multitude d’assistants formés dans les meilleures écoles. Mais ce n’est qu’une façade, car ces hauts responsables sont réduits à des considérations parfaitement ridicules, liées à une inconnue : gérer au jour le jour, en fonction de l’évolution de l’état de santé du chef de l’Etat. Ils ont oublié la politique, les projets, l’idéologie, la compétition, la démocratie. Ils sont absorbés par une seule hantise : Abdelaziz Bouteflika sera-t-il candidat ou non? Comment savoir, pour faire le bon choix, en vue de le soutenir en cas de candidature, ou prendre ses distances si jamais il est lâché ?

    Le premier ministre Abdelmalek Sellal concentre toutes ces contraintes. Cet énarque, qui a une longue carrière de fonctionnaire et de ministre, devrait être au top de sa carrière. Il en est à sa phase la plus humiliante : il est chargé d’entretenir le suspense sur la candidature de M. Bouteflika. Il le fait avec un zèle remarquable, mais il ne se prononce jamais clairement sur le sujet, même s’il montre la direction à suivre. Jamais la gestion du pays n’a été aussi approximative, mais il ne s’en préoccupe guère. Il joue un autre rôle, non prévu par la constitution : occuper la scène, faire des promesses, se rendre dans les wilayas, en attendant le grand jour, celui de l’annonce de la candidature de M. Bouteflika.

    Une nergie mal dépensée

    L’habileté de M. Sellal et de ses pairs, ainsi que leur savoir-faire politique, sont mobilisés autour de questions grotesques. En privé, ils doivent bien se rendre compte que leur comportement frise le ridicule. Mais en public, il faut assurer. Rester digne, ne pas perdre la face. Un exercice périlleux, impossible à accomplir: comment rester cohérent quand on est amené à organiser la campagne électorale d’un homme qui est lui-même physiquement incapable de faire campagne ? Comment soutenir, contre tout bon sens, que M. Bouteflika est en bonne santé, que son cerveau fonctionne mieux que celui des Algériens, selon la formule de M. Amara Benyounès, alors que les images de M. Bouteflika, diffusées par la télévision algérienne, sont si cruelles ?

    Les plus zélés au sein cette « élite » vont encore plus loin. Ils agissent pour neutraliser les adversaires du quatrième mandat, au sein du pouvoir et dans l’opposition. Et ils anticipent, en pensant aux moments les plus délicats. Ils réfléchissent déjà à la manière d’organiser la cérémonie de dépôt du dossier de candidature au conseil constitutionnel, où tout candidat devrait formellement se rendre. Ils mettent aussi en place le cérémonial pour la prestation de serment, lorsque le chef de l’Etat devra apparaitre devant les corps constitués et le corps diplomatique, pour jurer qu’il va respecter une constitution qui n’a plus de sens !

    Si le président Bouteflika est reconduit, cette prestation de serment sera précisément une épreuve particulièrement cruelle pour l’Algérie et les Algériens. La communauté internationale assistera, ce jour-là, à travers ses représentants, à une sorte de forfaiture collective. Elle sera le témoin d’une scène durant laquelle le pouvoir algérien scellera, en groupe, sa dérive. Une sorte de reddition en pleine campagne de la part d’une « élite » qui applaudit un parcours absurde. Et ce n’est pas l’intrusion de Amar Saadani dans cette situation grotesque qui va améliorer les choses. Bien au contraire. Elle va juste augmenter la confusion. Car au lieu de parler de l’absurde question de l’état de santé du président Bouteflika, on va parler du grotesque duel Boutef-Toufik.

  • L’Algérie suspendue à l’évolution du marché mondial

     

     

     

    Les prix du pétrole détermineront les priorités économiques

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    L’Algérie risque de payer cher sa dépendance aux hydrocarbures à moyen et long termes.

    Le prochain Président et son administration devront composer avec le fait que la concurrence sur le marché pétrolier et gazier dans les quelques années à venir sera de plus en plus rude (lire l’entretien de Francis Perrin). L’émergence de nouveaux pays producteurs, le développement des gaz non conventionnels et l’arrivée des Etats-Unis comme exportateurs de gaz sont autant d’éléments qui vont reconfigurer le marché. Et ce sont les recettes d’exportation de l’Algérie qui seront en péril. De plus, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a déjà prévu à l’horizon 2018 une croissance de la demande pétrolière moins rapide que la production, pouvant ainsi déboucher sur une baisse des cours du pétrole.

    Avec un niveau d’importation très élevé et des recettes éventuellement moins importantes, l’Algérie pourrait être confrontée à une question de choix quand il s’agira de consentir des investissements, alors que la relance de la machine productive s’annonce déjà comme une priorité. Une urgence d’autant plus que le pays aura à peine cinq ans pour construire une économique capable de résister à la concurrence induite par l’entrée en vigueur, en 2020, de la zone de libre-échange avec l’Union européenne.De nouvelles barrières tarifaires seront levées devant d’autres produits industriels européens importés.

    Les acteurs économiques et sociaux ont multiplié ces dernières années les propositions pour faire face à ces exigences. Récemment encore, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) a fait une liste de 25 propositions destinées à relancer l’investissement et à développer la production nationale. Le salut de l’économie algérienne passe, selon la centrale syndicale, par la promotion du made in Algeria, la limitation des importations aux produits non fabriqués localement, l’encouragement des partenariats public-privé, et la levée des barrières bureaucratiques.

    Du côté des entreprises, on promeut davantage la libéralisation de l’initiative privée et le renforcement du soutien de l’Etat à ce secteur. Le Forum des chefs d’entreprise propose notamment de réorienter vers la production les subventions actuellement destinées à la consommation.

    «Choc macro-économique»

    Certains avis d’experts vont dans ce sens. La forte pression des besoins sociaux «a installé l’Etat durablement dans une gouvernance de l’urgence marquée par le recours à la dépense et le report de la sanction économique et de la sanction tout court», note l’économiste Mohamed Bahloul. Ce mode de gouvernance caractérisé par «les laxismes monétaires et budgétaires expose le pays, dans une perspective de baisse des revenus pétroliers, à un nouveau choc macro-économique plus dur que les précédents».

    Pour le prévenir, le pays aura tout de même quelques avantages à son actif, notamment une dette extérieure réduite à moins de 4 milliards de dollars, un taux de chômage autour de 9%, une gestion prudente des réserves de change et des dépenses en infrastructures théoriquement moindres dans les années à venir compte tenu de ce qui a déjà été consenti ces 15 dernières années.
    Développer la production nationale et l’exporter, limiter les importations et la dépendance aux hydrocarbures, renforcer les capacités concurrentielles des entreprises, encourager l’investissement privé, rationaliser la dépense publique, dynamiser le secteur bancaire, lever les blocages administratifs…

    Ces défis qui se dressent devant le prochain Président sont colossaux, mais ce ne sont pas les seuls. Pour l’économiste Mohamed Bahloul, la priorité doit aller à «la formation des institutions de l’économie», car «le multiplicateur d’investissement ne peut fonctionner dans une économie ouverte et peu structurée par des règles, des organisations et des normes sociales stables et efficientes».