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zeroual

  • Dans un message adressé aux algériens

     

     

     

    Liamine Zeroual fait le procès de Bouteflika

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    le 20.03.15 | 08h00 6 réactions

    zoom | © photo : AFP
     
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    L’ancien président de la République estime que le prochain mandat présidentiel est celui de «l’ultime chance à saisir pour engager l’Algérie sur la voie de la transition véritable». Une ambition que ne saurait être l’œuvre d’un seul homme.

    Un tournant. L’ancien président de la République, Liamine Zeroual, sort de sa réserve,  s’adresse à la nation et exprime ses «craintes», à la veille d’une élection présidentielle remplie d’incertitudes. Dans une lettre écrite, remise exclusivement à trois quotidiens nationaux, dont El Watan, il met en garde contre les risques d’une série d’événements qui marquent l’actualité nationale.                  

    Ce qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale ne peut laisser indifférent et interpelle la conscience de tout citoyen algérien jaloux de l’indépendance de son pays», relève l’ancien chef de l’Etat. L’impasse périlleuse dans laquelle se trouve le pays, conséquence de la vacance du pouvoir et du passage en force entrepris pour se maintenir au pouvoir de l’actuelle équipe dirigeante, a visiblement secoué la conscience d’un homme qui a eu à diriger le pays dans sa phase la plus critique.

    Face au danger qui menace sérieusement le pays, Liamine Zeroual, tel un vieux soldat, ne pouvait manifestement se confiner indéfiniment dans l’obligation de réserve. «L’attitude de réserve ne m’a jamais empêché d’être toujours sensible aux pulsations de la société algérienne et d’observer avec une attention régulière et un intérêt particulier l’évolution de l’actualité nationale. La survenance d’une série d’événements et de déclarations, autant multiples qu’inhabituels, notamment à la veille d’une importante échéance électorale, m’a mis dans l’obligation morale de m’exprimer et de partager mes sentiments et mes craintes avec mes concitoyens algériens», révèle-t-il dans son message. En évoquant les «craintes», Liamine Zeroual, connu pourtant pour son sens de la mesure, confirme toute la gravité de la crise et les périls qui pèsent sur le pays. Son intervention est assurément synonyme d’un tournant sensible dans la vie nationale chargée d’inquiétudes.
    Son implication dans le débat va certainement changer la donne politique et pourrait fort probablement bouleverser les rapports de force tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pouvoir. Son message provoquera sans nul doute un déclic dans une société en colère contre un pouvoir autoritaire qui impose des choix politiques funestes.


    L’armée et la démocratie


    Dans son communiqué, Liamine Zeroual n’a pas passé sous silence les «diatribes» contre l’armée, qui avaient révélé de profondes divisions dans le sérail. «Malheureusement et tout récemment, l’institution militaire s’est vue exposée à une regrettable diatribe dont la finalité n’est autre que celle de fragiliser l’appareil national de défense et de sécurité nationale et d’ouvrir ainsi la porte aux multiples dangers qui guettent l’Algérie», regrette-t-il. L’ancien chef d’Etat dans son analyse insère les «diatribes» contre l’armée dans un contexte politique bien particulier. «Ce qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale ne saurait être grossièrement éludé au profit de certaines approches dont les intentions cachées ne servent pas nécessairement les intérêts vitaux de l’Algérie», accuse-t-il. A l’endroit de l’équipe actuelle au pouvoir qui arbore avec arrogance les «succès économiques», Liamine Zeroual lui envoie une sévère mise en garde. «Il faut se garder de sous-estimer la situation actuelle et de penser que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d’une crise de confiance structurelle. Même fondé, l’étalage des statistiques et de bilans chiffrés à l’adresse d’une opinion nationale exsangue n’est pas pour convaincre son scepticisme exacerbé, ni de nature à contenir l’effervescence citoyenne que connaît actuellement la scène politique nationale», avertit-il. Et contrairement aux partisans d’un quatrième mandat imposé à une société en colère, Liamine Zeroual apporte un appui sans faille aux Algériens opposés au statu quo. Il juge que «l’effervescence citoyenne qui n’a d’autre ambition légitime que celle d’apporter sa propre contribution à l’édification d’un nouvel ordre politique dans la fidélité à l’esprit de la déclaration du 1er Novembre 1954 et en harmonie avec les normes universellement consacrées, tout en préservant nos valeurs et nos spécificités», soutient encore l’ancien Président.  


    «Un mandat de transition»


    L’homme, qui avait instauré le principe d’alternance en limitant à deux le nombre de mandats présidentiels, a sévèrement critiqué la révision constitutionnelle de 2008 imposée par Bouteflika et mesure le recul démocratique engendré. «L’amendement de son article 74 a profondément altéré le saut qualitatif qu’exigeait l’alternance au pouvoir et a privé le processus de redressement national de conquérir de nouveaux acquis sur le chemin de la démocratie», constate l’ancien chef d’Etat.
    Il fait ainsi et subtilement le procès de l’actuel Président.  L’homme qui a réussi à reconstruire l’Etat, sur les décombres de la guerre civile, met en garde ainsi ceux qui veulent forcer le passage.

    «Une élection souveraine à travers laquelle le peuple souverain donnera mandat au prochain Président d’agir en son nom, pour une période de cinq ans.» Zeroual rappelle avec force qu’à «l’aune d’une aussi importante consultation électorale et des  conditions objectives de transparence et de liberté qui doivent entourer son déroulement, que s’apprécie le degré d’enracinement social de l’Etat et que s’acquiert le respect mérité dans le concert des nations». Zeroual rappelle à ce titre toute la gravité qu’exige cette haute responsabilité. Prétendre à la magistrature suprême est un «insigne honneur, mais également une lourde et délicate charge, autant morale que physique. Une charge qui, pour être honorablement assumée, exige d’être entourée d’un certain nombre de conditions, dont essentiellement celle qu’édicte formellement la Constitution d’une part et celle qu’impose l’éthique des règles protocolaires liées à l’exercice de la fonction présidentielle». Un avertissement adressé à ceux qui veulent imposer un quatrième mandat d’un président-candidat fortement handicapé, une opposition est ouvertement assumée.

    L’ancien président de la République considère, par ailleurs, qu’indépendamment de l’issue de la présidentielle, «il faudra surtout retenir que le prochain mandat présidentiel est le mandat de l’ultime chance à saisir pour engager l’Algérie sur la voie de la transition véritable».
    Il assure que tous les indicateurs objectifs militent pour «entamer, sous le sceau de l’urgence, dans la sérénité et de manière pacifique, les grands travaux de cette œuvre nationale salutaire à la réalisation de laquelle tous les Algériens doivent être associés».
    Une ambition qui ne serait l’œuvre d’un seul homme et d’un clan. «Il faut se garder de croire que la grandeur du dessein national peut relever de la seule volonté d’un homme serait-il providentiel ou de l’unique force d’un parti serait-il majoritaire», «la grandeur du dessein national est intimement liée à la grandeur du peuple et de sa capacité d’œuvrer constamment à conquérir de nouveaux espaces démocratiques», préconise l’ancien Président.

    Hacen Ouali
  • Derrière l'hypothèse Zeroual...

    Mohamed Benchicou

       

    Bien entendu, c'est une bouteille à la mer. Chimérique. Désespérée. Comme toutes les bouteilles jetées à la mer et dont on sait que, sauf dans les mauvais films pour grands enfants, elles n'arrivent jamais à bon port. Il reste que cet ardent souhait d'un retour du général Liamine Zeroual aux affaires,

     

    ce fol espoir d'une société décontenancée après 14 années de présidence bouteflikienne qui se termine dans le scandale, le mensonge, l'énigme et les enquêtes judiciaires, ce déraisonnable appel à Dieu, celui du ciel et celui qui décide du sort algérien derrière le rideau épais du marionnettiste, ce n'est rien d'autre qu'une sourde exhortation à en finir avec ce « régime civil » dépravé et à renouer – qui l'eut cru ? – avec un « régime militaire ».

    La soudaine nostalgie qu'on éprouve à l'égard des années Zeroual, ces années noires, rappelez-vous, qui tenaient du miracle, dans cette Algérie exsangue après les dures années de terrorisme et bizarrement debout, refusant de capituler devant l’islamisme comme le recommandait la plateforme de Sant'Egidio, cette soudaine nostalgie, c'est comme une nostalgie de la grandeur et de la dignité ; comme une diffuse mélancolie envers cette époque où Zeroual refusait de serrer la main de Jacques Chirac qui venait d'être inconvenant envers l'Algérie ; comme un désaveu de l'avilissement dans lequel barbote son successeur qui recourt à l'ancienne puissance colonisatrice pour le moindre caprice, pour le moindre bobo.

    C'est l'ultime réplique d'une société silencieuse à nos coquetteries superfétatoires qui voudraient qu'un régime militaire soit synonyme de dictature et, à l'inverse, qu'un régime civil renvoie systématiquement à la modernité, la démocratie et la transparence. Les Français savent que tout cela est faux depuis Charles de Gaulle. Nous, nous ne l'avons jamais vraiment su. Sans doute parce que nous n'avons jamais eu un De Gaulle. Mais nous avons expérimenté le « civil » Bouteflika qui, avec une masse financière sans précédent tirée d’un pétrole à 120 $ le baril, a fait abdiquer une nation que le « militaire Zeroual » avait maintenue debout avec un pétrole à 8 $ le baril, son plus bas niveau, un boycott généralisé, des ambassades fermées, des compagnies étrangères qui avaient quitté le territoire...

    C’est sous le règne de deux militaires, Chadli et Zeroual, que la Constitution du pays a été amendée pour se baser sur le pluralisme et la représentativité, essentiels pour s’engager dans un processus de transition démocratique. Sous Chadli, elle reconnaît et garantit le droit de créer des partis politiques (art. 42) et des associations (art. 4), y compris syndicales. Sous Zeroual, elle abolit le pouvoir à vie et limite le nombre de mandats présidentiels à deux (art. 74). Et ce fut sous le règne d’un civil, Bouteflika, que l’Algérie retourna à une Constitution consacrant le pouvoir à vie !

    Cette évocation désespérée de l'ère Zeroual est une terrible condamnation de la cooptation de Bouteflika en 1999, maquillée en « transfert du pouvoir aux civils » et qui restera dans l’histoire comme l’exemple parfait des ravages que peut provoquer la filouterie en politique. Prétendre stabiliser le pays en érigeant un chef d'État à partir de combines politiques et dans les conditions actuelles d'hégémonie, avec des élections truquées, ne pouvait déboucher que sur un petit autocrate qui allait faire passer ses caprices avant l'intérêt national avec toutes les conséquences prévisibles sur l'autorité de l'État. De ce point de vue, le transfert du pouvoir au « civil Bouteflika » n’était pas l’amorce d’une nouvelle ère de démocratie et de modernité, elle se situait, au contraire, dans la continuité d’une hégémonie qui sévissait depuis l’indépendance.

    En livrant le pays à Bouteflika, ils ne l’ont pas confié à un « civil », mais rendu au pouvoir illégitime de 1962, celui qui s'installa de force à la tête du pays au mépris du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), privant les Algériens d'une expérience démocratique. Ils nous avaient présenté un réformateur et un rassembleur. Ce n’était qu’un autocrate attendant son heure, un mandarin élevé dans le système totalitaire, devant tout un système totalitaire et qui n’aspirait qu’à revenir au système totalitaire.

    Mais alors, puisque nous sommes retournés en l'an de grâce 1962 par la magie de la machine à remonter le temps, par la stratégie suicidaire des chefs militaires, n'est-ce pas là l'opportunité historique pour l'armée algérienne de refermer définitivement la parenthèse qu'elle a laissée ouverte depuis 50 ans ?  N'est-ce pas là l'occasion de reprendre les clés de la maison à la camarilla qu'elle a appelée « pouvoir civil », chasser les mafieux de la maison et organiser, enfin, une transition vers la démocratie, ce que nous appellerons une pause démocratique, au terme de laquelle sera rétablie la primauté du choix populaire, c'est-à-dire rendre enfin les clés au vrai propriétaire : le peuple algérien ? À quoi serviraient les prochaines élections présidentielles dans une maison pas encore nettoyée ? Ne nous illusionnons pas : la camarilla l'a complètement réaménagée selon les nécessités du pouvoir à vie.

    Dans les conditions actuelles de délabrement de l'État, d'hégémonie du camp de la corruption, solide et organisé, et qui n'entend pas se laisser faire, dans le contexte présent marqué par l'indifférence totale de la population, des élections présidentielles se solderaient par le renouvellement d'un autre bail de cinq ans pour les prédateurs. C'est ce que nous avons appelé « l'illusion Benbitour », qui n'est pas une formule pour contester ou diminuer du mérite de ce patriote précieux pour l'Algérie, mais une façon de mettre en garde contre cette euphorie, souvent irrésistible, qui nous porte à croire à la victoire de la vertu sur le vice, de la morale sur le clanisme, de la science sur l'improvisation, du savoir sur l'ignorance, voire du patriotisme sur le népotisme...

    Qui ne souhaiterait, pour ses enfants, qu'un Benbitour ou un autre fils digne de cette terre, soit à la tête de ce pays blessé, vidé de son sang ? Elle-même le demande, elle qui est fatiguée d'être commandée par des barbouzes proxénètes. Mais suffit-il de le vouloir pour dépasser notre vieille impuissance de 50 ans ? Dans ce système cadenassé, où l'élite est volontairement coupée de son peuple, où la télévision est interdite aux gens qui ont quelque chose à dire, dans ce factice puritanisme aux odeurs d'argent et de tromperie, où les milliardaires de l'informel ont accaparé le parti du FLN, où le scrutin se révèle à coups de poing et de dinars, les hommes comme Benbitour n'ont pas encore leur place.

    Allons-nous rééditer les chimères de décembre 1991 et avril 2004, quand nous croyions pouvoir vaincre, sans l'aide de personne, le diable intégriste et Lucifer en Smalto ?  Non, l'alternative démocratique ne viendra pas des gens qui croient pouvoir se battre contre les loups avec des bons sentiments. L'alternative démocratique viendra avec la dissolution de l'État hérité de l'indépendance et son remplacement par l'État qui aurait dû être installé à l'indépendance ! C'est le devoir de l'armée. Il découle du bon sens. On ne rentre pas dans la caserne en laissant le pays aux mains d'une camarilla que personne n'a élue et qui se conduit pire que le colon ou que le précédent dictateur. Du reste, du Caire à Tunis, les manifestants n'hésitent plus à lancer des appels désespérés face au joug d'un « pouvoir civil irresponsable ». Il n’est pas jusqu'aux chômeurs d'Ouargla qui ne lancent une requête en direction de l'armée pour les protéger contre les « louvoiements de l'administration ».

    Bref, l'armée algérienne est mise, brutalement, devant des obligations primordiales. D'éminentes personnalités de la société civile algérienne donnent même une forme à cette « intervention » de l'armée. Farouk Ksentini, par exemple, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme, suggère de proclamer l'ANP « gardienne » de la Constitution, selon le modèle turc, et suggère même une « amélioration » de l'article 70 de la Constitution, qui énonce que le président de la République est le garant de la Constitution. Notre ami Miloud Brahimi, qu’on ne saurait soupçonner d’inculture politique, appuie la proposition spontanée de Ksentini : « La seule protection de la Constitution, c'est l'ANP qui peut la donner à la façon dont elle agit en Turquie. » Le premier préconisant l'institution d'une structure indépendante qu'« elle seule pourra appeler l'armée à intervenir en cas de danger sur la démocratie ».

    Mais nous y sommes ! Le pouvoir « civil » de Bouteflika s'est mué en pouvoir personnel mais fumigène, qui met tout le pays en sursis ! « Nous y sommes ! On ne rentre pas à la caserne en laissant les voleurs dans la maison. » C'est ce qu'a voulu dire le perspicace Ali Yahia Abdenour en appelant l’armée à ses responsabilités historiques : destituer Bouteflika et rétablir ce qu’elle a démoli en 1962 : un État démocratique, qui soit débarrassé de Bouteflika, de la police politique, de la kleptocratie… Qu’elle intervienne une bonne fois pour toutes ! Après quoi, elle pourra rentrer dans les casernes. Définitivement.