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  • le peuple ne vous oubliera pas,vos noms seront marqués au fer rouge

     

    Le dernier cadeau pour services rendus

    Trois millions de dinars pour chaque député

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    Pour services rendus, une sorte de prime à l’obéissance, les parlementaires s’en iront chacun avec une coquette somme avoisinant les 3 millions de dinars, représentant dix mensualités payées d’avance. 

    Hémicycle Zighout Youcef, haut lieu de l’usurpation électorale. En ce mercredi 4 janvier, les 389  députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), dont le «mandat» expire, sans gloire ni panache, en mai prochain, font leur ultime tour de piste. Le dernier acte pour un Parlement croupion, le plus «mal élu» de l’histoire de l’Algérie indépendante, que d’aucuns qualifient de «chambre d’enregistrement» et de congrès de «beni-oui-oui». Comme de coutume, la plénière sonnait creux en ce début de soirée ; la séance n’a été entamée qu’à 16h. Le président de l’APN, Abdelaziz Ziari, est absent, convoqué pour une «réunion au sommet» à Djenan El Mufti.

    Le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, attendu jusqu’en début de soirée, fait un bref speech dans un arabe approximatif (suscitant l’hilarité générale) pour «défendre» son texte, cloue quelques becs et s’en va, serrant quelques mains quémandeuses.
    Quelques heures auparavant, Ali Brahimi, le virevoltant député de Bouira, pestait contre le refus du gouvernement de se présenter devant la Chambre basse. «Encore un signe de mépris», constate l’ancien élu du RCD. Un parti qui, en désespoir de cause, a gelé récemment sa «participation» à l’APN.

    Le mépris envers le Parlement, le gouvernement le tient d’abord de son «premier chef» : dès son retour aux affaires, en 1999, le  président Bouteflika avait affiché sa préférence pour un régime ultraprésidentiel et son aversion pour toute forme de démocratie parlementaire.  De nombreux ministres ont décliné tout bonnement les invitations à «s’expliquer» émanant de l’APN. Ce fut le cas récemment de Djamel Ould Abbès, le ministre de la Santé, fidèle parmi les fidèles du président Bouteflika. Comme nombre de députés de l’opposition parlementaire, Brahimi a vu toutes ses propositions de loi finir aux «oubliettes» de l’hémicycle.

    Le pouvoir (Exécutif) fait cavalier seul, snobe merveilleusement les pensionnaires de la deuxième chambre du Parlement. Légiférer par ordonnance est ainsi devenu le sport favori du régime Bouteflika. Côté APN, 63 textes de loi ont été votés en 5 ans de mandat. De l’autre, une quantité industrielle d’ordonnances présidentielles produites par l’hôte du palais El Mouradia.
    Le recours systématique à la législation par ordonnance présidentielle renseigne sur la nature profondément autoritariste du régime Bouteflika, explique Rachid Tlemçani. Mais là où même le politologue perd son latin, c’est, dit-il, «lorsque  j’entends les députés eux-mêmes supplier le Président de légiférer par ordonnance».

    L’APN, un «machin» à bannir des manuels de sciences politiques ? «Il n’y a aucun bilan à tirer de cette sixième législature», ajoute M. Tlemçani, excédé : «La preuve ? Aucune proposition de loi n’a été introduite par cette assemblée qui a servi de vitrine démocratique, de vulgaire courroie de transmission au service du pouvoir politique.»
    Dans son intervention, Abdelkader Charar, député FLN, interpelle le ministre de l’Intérieur sur les pouvoirs exorbitants que s’arrogent certains walis et leur mépris envers les «élus du peuple» : «Le gouverneur d’Alger, dit-il, refuse même de recevoir les ministres, excepté ses amis.» La veille, mardi, devant une soixantaine de députés errant comme des âmes en peine dans les travées presque désertes de l’APN, le gouvernement a donné lecture, dans l’indifférence quasi générale, de son projet de code de wilaya. Coupé de l’Algérie profonde, le palais ronronne, somnole sur un volcan. Les dizaines de députés présents ont le regard rivé sur les prochaines législatives, l’esprit ailleurs, en proie aux questionnements en rapport à l’existence d’une «vie après le Parlement». «Deux mille douze, chkoun yefouz ?» (qui raflera la mise lors des législatives de 2012 ?), s’interroge en ricanant un député FLN, affalé, comme ses collègues, sur un des divans rouge sang du hall de l’Assemblée.


    «Mal élus» du peuple, «méprisés» par le pouvoir

     

    Pour services rendus, une sorte de prime à l’obéissance, les parlementaires s’en iront chacun avec une coquette somme avoisinant les 3 millions de dinars, représentant dix mensualités payées d’avance. «En attendant la retraite dorée», renchérit un député indépendant. Les parlementaires cumulant deux mandats et dix ans de cotisations auront droit à une retraite complète, soit l’équivalent de plus de 15 fois le SNMG.  Bien qu’imminent, l’adieu à l’hémicycle Zighout Youcef ne semble pas dépiter les «élus du peuple». Certains, ceux de l’Alliance notamment, croient même en leurs chances de faire partie de la prochaine fournée du régime, réélus à la faveur du fumeux «système des quotas» ou grâce à l’insondable loi de la «chekara», expression populaire désignant «l’argent sale» recyclé en politique pour l’achat, notamment, de mandats électifs. Pas de regrets ni d’état d’âme. Beaucoup de députés partiront avec la conviction du devoir accompli.
    Plantureuse députée, épouse d’un entrepreneur aux mille marchés dans une wilaya du Centre, N. B. dit n’avoir qu’un seul regret, celui d’avoir voté la loi criminalisant les harraga. «Autrement, je pars la conscience tranquille. Je n’ai pas changé de ville ni amassé de fortune comme nombre de mes collègues qui ont fait de leur mandat une véritable machine à cash.» La députée ne veut pas être citée de crainte que ses chances de «réélection» ne soient compromises. «Je ferai comme Zorro qui ne dit au revoir que lorsqu’il arrive au sommet de la crête», lance-t-elle en s’éloignant.

    «Mission accomplie», s’écrie de sona côté Miloud Chorfi, président du groupe parlementaire du RND, le parti d’Ahmed Ouyahia, catapulté en 2007 deuxième force politique avec 62 sièges. «Nous attendons la prochaine mission», ajoute, provocateur, le député de Mascara, éminence grise du Premier ministre au sein de l’hémicycle. Chorfi se dit fier d’appartenir à une assemblée parlementaire ayant voté des lois «importantes», dont les textes de la «réforme».
    La session d’automne, la plus chargée de toutes celles qu’a connues l’APN avec 7 textes expédiés en quelques semaines — dont les lois dites de la réforme — arrivera à échéance ce 2 février. Jamais les députés n’avaient autant «travaillé» de leur vie que depuis l’avènement du Printemps arabe.  
    7 décembre 2011. Aucun gouvernement de l’Algérie indépendante n’avait osé jusque-là infliger pareille humiliation aux Algériens : Mourad Medelci, auditionné à l’Assemblée nationale française, une première dans les annales du Parlement algérien. Hémicycle Zighout Youcef ou palais Bourbon, le ministre algérien des Affaires étrangères a vite fait son choix.


    Zighout Youcef ou Palais Bourbon : le choix de Medelci


    «A l’APN, nous étions partagés dans l’appréciation de ce geste, se rappelle le député de Tlemcen, Mohamed Benhamou. Mais nous disions que ce n’était pas dans nos mœurs politiques. Le président Bouteflika lui-même n’a jamais daigné descendre au Parlement.» La coupe de l’humiliation est bue jusqu’à la lie. Aucune protestation des députés à l’APN.
    La sixième législature ? «C’est incontestablement la pire de toutes», réplique l’ancien n°2 du RCD et député de Béjaïa, Djamel Fardjellah. Avec ses deux mandats de député (1997-2002 et 2007-2012), Fardjallah ne compte plus le nombre de fois où l’APN a été humiliée par le pouvoir et ses députés, donnés en pâture à l’opinion. Gavé de privilèges, rabaissé par un pouvoir exécutif omnipotent, le Parlement a servi d’alibi démocratique au régime, de pouponnière à sa clientèle. Mensualités mirobolantes (de 270 000 DA pour le député de base à 600 000 DA pour le président de l’APN), indemnités diverses (restauration, hébergement, téléphone, billets d’avion, crédits bonifiés allant jusqu’à 30 millions de dinars, etc.) l’APN a englouti en cinq ans plus de 2300 milliards de centimes, à raison de 450 milliards par an. Pour maître Benhamou, «l’APN a plus réglé les problèmes de ses pensionnaires députés que ceux des Algériens».

    «Je n’ai jamais vu de Parlement aussi soumis, avec un niveau aussi médiocre», confie un cadre haut placé à l’administration de l’APN. De cette Assemblée, il parle avec dégoût : «Je ne veux pas jeter l’anathème sur tous les députés, mais la majorité ne fait montre d’aucune forme de conscience, indifférents aux enjeux de la nation.» L’assemblée de 1997, pourtant issue de la fraude massive, a plus de mérite à ses yeux : «A l’époque, nous n’avions pas atteint un tel degré de dégénérescence, nous n’avions pas une composante aussi prédatrice, copie conforme des milieux politico-maffieux. Aujourd’hui, nous sommes bien en présence d’une faune d’affairistes, accros aux privilèges, avec des réflexes de parvenus et de prédateurs. J’ai failli, plus d’une fois, m’étouffer de honte devant la conduite et l’insuffisance intellectuelle de nos députés, alors qu’on était reçus en délégation par des Parlements étrangers.» «En cinq ans, conclut-il, l’APN n’a institué qu’une seule commission d’enquête, celle sur la flambée des prix de l’huile et du sucre. Mais de qui se moque le Parlement ?»      

    Les faits d’armes du parlement :

    Charité bien ordonnée commence par soi-même. Un des premiers textes de loi votés par l’APN est celui relatif au statut de député,  en janvier 2008, quelques mois seulement après l’installation de l’Assemblée.  Le texte amendant la loi n°01-01 du 31 janvier 2001 relative aux membres du Parlement a suscité une grosse polémique et a écorné irrémédiablement l’image du député auprès de l’opinion.

    Les députés se sont auto-augmentés dans des proportions plus qu’outrageantes. Pour enfoncer le clou, le président Bouteflika avait même saisi le Conseil  constitutionnel à l’effet de statuer sur la constitutionnalité du statut de député. Trop tard !

    L’APN au service de la «maffia» de la fripe :

    15 juin 2011. Le Parlement lève l’interdiction de l’importation de la friperie, une menace pour la santé publique, pour toute l’industrie nationale du textile et ses 18 000 travailleurs. L’article 27 de la loi de finances complémentaire, proposé par des députés RND, FLN et indépendants, a fait scandale. En novembre 2011, l’article en question fut abrogé.   

    Viol de la constitution :

    Mercredi 12 novembre 2008, le Parlement (APN et Conseil de la nation) est convoqué en congrès par le président Bouteflika pour entériner un certain nombre d’amendements à la Constitution de 1996, notamment l’article 74 qui limitait les mandats présidentiels à deux seulement. Résultat du vote : 500 voix pour, 21 contre et 8 abstentions. Les députés RCD quittèrent la salle en signe de protestation contre le viol de la Constitution.

    Mohand Aziri
  • Ahmed Adimi. Professeur des sciences politiques

     

     

    «L’Algérie a perdu son âme révolutionnaire et sa diplomatie a pris un coup de vieux»

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    - Quel regard portez-vous sur la politique étrangère algérienne ? Avons-nous une doctrine diplomatique avec ses déclinaisons arabe, africaine et internationale ?


    A l’heure actuelle, parler de doctrine diplomatique serait trop dire pour l’Algérie. Je pense que rares sont les pays du Tiers Monde dont la diplomatie est basée sur une doctrine élaborée et clairement définie. Il faut d’ailleurs préciser qu’en Algérie, depuis 1988, le pays n’a eu aucune doctrine ni en matière de politique étrangère, ni en politique économique, ni dans d’autres domaines. Depuis cette date, les actions du pouvoir politique, avec tous les gouvernements qui se sont succédé, se sont limitées à la résolution de problèmes politiques, économiques ou sociaux au cas par cas, c’est-à-dire attendre l’arrivée des crises parfois même jusqu’à ce qu’elles s’aggravent pour ensuite essayer de leur trouver des solutions à la hâte et sous la pression. Le plus souvent de la rue…

    Parler de doctrine comme fondement de toute politique, c’est parler d’un Etat moderne avec des institutions solides et une vision politique très claire, avec des objectifs précis. Malheureusement ce n’est pas le cas pour notre pays. Concernant la politique étrangère de l’Algérie, je remarque, avec beaucoup d’amertume, que mon pays a complètement perdu son dynamisme d’antan, son âme révolutionnaire et sa voix qui résonnait fortement aussi bien au niveau régional, arabe, africain qu’aux Nations unies. Notre diplomatie a pris un coup de vieux.

    Elle agit maladroitement et avec beaucoup de retard. Elle est également sans perspective ni stratégie. Nos responsables n’arrivent pas à comprendre toutes les mutations opérées par les technologies de l’information et de la communication dans notre village planétaire. Pourtant, notre ministère des Affaires étrangères ne manque pas de cadres compétents. Ces derniers ont prouvé leur compétence durant la décennie du terrorisme, pendant laquelle l’Algérie était exposée à de réelles pressions et menaces d’interventions extérieures. En plus, c’était une période où les caisses de l’Etat étaient vides, mais grâce à sa diplomatie très active, notre pays a pu écarter le danger d’intervention. Où est passée cette cadence diplomatique ?
    La diplomatie actuelle n’est plus à l’image de ce grand pays qui était jadis incontournable sur la scène politique, surtout arabe et africaine et au moment des grandes crises. Une diplomatie se contentant de gérer les affaires courantes n’est pas une diplomatie. Cette dernière est par essence dynamique, active, éveillée et parfois même agressive. Elle doit exercer toutes formes de pression et d’influence pour sauvegarder les intérêts du pays. Une véritable diplomatie sait agir pour s’assurer le maximum d’alliés afin de défendre ses positions.


    - D’aucuns pensent que le principe de non-ingérence érigé en sacro-saint pilier de la diplomatie algérienne est dépassé par les enjeux géostratégiques dans notre région ? Pensez-vous que le gouvernement algérien adopte effectivement des positions anachroniques par rapport à ce qui devait être sa ligne de conduite ?


    Ecoutez, le monde a beaucoup changé ces dernières années, les principes des années soixante et soixante-dix sont complètement dépassés. On est dans l’ère de la mondialisation. Celle-ci a ses principes, ses valeurs et ses méthodes. Ne pas s’ingérer dans les affaires des autres est un principe louable, à condition qu’il ne touche pas à la sécurité du pays et ne l’expose pas au danger.
    Ce qui se passe actuellement dans notre région a des effets directs sur notre sécurité nationale. La Libye est un pays voisin avec lequel nous partageons des centaines de kilomètres de frontière. Et puis, comme vous le savez bien, en diplomatie comme en relations internationales, il n’y a pas de principes, il y a uniquement des intérêts à défendre.


    - Permettez-moi de poser cette question : quel est le candidat à la présidentielle française que l’Algérie soutiendra ?


    Parler dans ce cas d’ingérence serait témoigner d’une complète ignorance de la chose politique. Nous avons beaucoup d’intérêts à défendre en France, qui compte plus d’un million d’Algériens sur son sol. On doit donner des consignes de vote aux Algériens des deuxième et troisième générations.
    Il faut avoir des cellules de veille au niveau de toutes nos représentations diplomatiques en France, qui doivent suivre de près ces élections pour miser sur le candidat qui arrange le mieux les intérêts de l’Algérie. C’est ainsi que ça se passe avec les pays dont la diplomatie repose sur une doctrine élaborée et bien définie. Regardez Israël par exemple, un pays minuscule, monté de toutes pièces, qui arrive à imposer ses choix sur les candidats français à travers ses 600 000 voix juives en France.


    - Le Printemps arabe, notamment les révolutions tunisienne et libyenne, ont mis à mal la diplomatie algérienne, réduite à réagir par des démentis récurrents à une succession d’accusations. La «Mecque des révolutionnaires» est-elle devenue soudain la terre d’asile des contre-révolutionnaires ?


    Il y a là un problème de syntaxe, moi je préfère le mot «soulèvement» ou «intifadha» pour désigner ce qui se passe actuellement dans certains pays arabes. Je ne pense pas qu’on puisse parler, au stade actuel, de révolution en évoquant l’exemple de la Tunisie ou celui de l’Egypte. Concernant la Libye, il est difficile de croire au sursaut révolutionnaire et démocratique soudain soutenu par l’Occident.
    A savoir que ces mêmes forces occidentales ont toujours bloqué les mouvements de changement démocratiques dans le Monde arabe et musulman en apportant un soutien sans faille aux dictateurs qui le gouvernaient. Vous conviendrez avec moi qu’ils interviennent maintenant en faveur de ces soulèvements populaires dans le seul but de sauvegarder leurs intérêts économiques et non au nom d’un quelconque principe, aussi démocratique soit-il.

    Concernant la position de l’Algérie, elle reste incompréhensible et injustifiée pour les Algériens ainsi que pour les opinions publiques arabes. Rappelez-vous le rôle joué par l’Algérie lors des deux guerres du Golfe. Durant la guerre irano-irakienne, notre pays a beaucoup fait pour mettre fin au conflit qui déchirait deux peuples frères. Il a payé un prix très lourd en la personne du meilleur ministre des Affaires étrangères que l’Algérie ait eu depuis son indépendance, feu Mohamed Seddik Benyahia.

    Lors de la première guerre du Golfe, le président Chadli avait visité plusieurs pays arabes et s’était même préparé à aller aux Etats-Unis pour tenter de persuader les responsables américains des dangers de la guerre contre l’Irak.
    Pour ce qui est de la Libye, franchement, personne ne comprend la position algérienne. L’Algérie aurait dû coordonner sa position avec les pays africains pour qu’El Gueddafi quitte le pouvoir sans l’intervention des Occidentaux. Elle avait les moyens et les compétences pour réussir une telle action diplomatique.


    - Pensez-vous justement, à la lumière des débats ambiants en Algérie, que l’opinion publique algérienne soit en conformité avec la ligne de conduite de la politique étrangère suivie par le pouvoir ? Plus clairement, s’agit-il d’une diplomatie d’Etat ou d’une diplomatie de régime ?


    C’est une diplomatie de régime, bien sûr. Nous avons l’impression que tout est fait uniquement pour défendre ou conserver le pouvoir. On ne sent plus la présence d’hommes qui défendent les intérêts de l’Algérie et de l’Algérie uniquement.
    C’est le problème de tous les pouvoirs arabes. Il y a amalgame entre le pouvoir politique et l’Etat. Toute opposition politique contre le régime éponyme, dans les pays arabes, est vite considérée comme une rébellion contre l’Etat.


    - Comment expliquer que de petits pays comme le Qatar et les émirats bousculent la hiérarchie mondiale des pays qui comptent, pendant que le rôle de l’Algérie, qui était le guide, s’efface de plus en plus ?


    Je vous ai dis qu’avec la mondialisation, beaucoup de chose ont changé et d’autres vont l’être. Certains petits Etats ont compris les défis et les enjeux de cette ère nouvelle, d’autres plutôt grands n’ont pas encore compris que le train des changements ne les attendra pas. Le petit Etat de Qatar est dirigé par un émir qui a fait des études supérieures en Grande Bretagne.
    Il est l’un des rares chefs d’état universitaires dans le monde arabe. Il fait appel à toutes les compétences du monde, dont des dizaines d’Algériens, pour développer son pays Cet émir s’est doté de moyens lui permettant une présence et une influence dans tout le monde arabe. Dans un livre intitulé Le Choc de la communication globale. Pouvoirs et sociétés arabes face au défi, publié en France il y a 6 ans et que j’ai moi-même traduit en langue arabe, l’auteur, Fouad Ben Halla, disait que «depuis la fin du XVIIIe siècle, toute politique étrangère d’une nation a pour point d’appui trois piliers : le génie diplomatique, le poids économique et la puissance militaire. Ces trois dimensions restent valables, mais une quatrième s’est glissée progressivement dans la deuxième moitié du XXe siècle pour devenir l’axe indispensable à toute politique extérieure d’un pays. Il s’agit de la communication et de la présence culturelle». Vous remarquez ici que le Qatar, qui n’est pas une puissance militaire, a su marier son génie diplomatique et son poids économique avec la nouvelle donne qu’est la communication.


    - Pourquoi l’Algérie a-t-elle réduit ses ambitions en rechignant à chaque fois à postuler à la direction des organisations internationales comme l’Union pour la Méditerranée, la Ligue arabe ou l’Unesco ? Est-ce une manœuvre tactique ou un simple manque d’ambition ?


    C’est par manque d’ambition. L’essence de tout régime politique est de servir les intérêts suprêmes de son pays, directement ou indirectement. Etre présent à la tête des organisations régionales ou internationales permet de défendre l’image et les intérêts du pays, mais pas les intérêts individuels menant à défendre et conserver le pouvoir.
    Cette absence est d’autant plus inacceptable que l’Algérie paye d’importantes cotisations à ces organisations sans en tirer aucun profit.


    - Faut-il, à votre avis, revoir les fondamentaux de la politique étrangère algérienne à la lumière des nouveaux enjeux et de nouvelles menaces ?


    Effectivement, il y a de nouveaux enjeux et de nouvelles menaces à prendre en considération. Il faut donc avoir une doctrine pour notre politique étrangère érigée par des spécialistes, surtout que notre pays dispose de beaucoup de compétences mal exploitées ou poussées à l’exil, malheureusement.

     

    Hassan Moali