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  • L’homme moderne

     

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    Il doit avoir entre 30 et 40 ans, se rase tous les deux jours, fait du sport une fois par semaine et, pour le reste, pense qu'il a encore le temps. Intelligent et moyennement cultivé, il n'a pas d'avis politique – il sait simplement que la politique c'est compliqué – ni de doctrine économique – il désire juste trouver du travail et tout ce qu'il veut en magasin. L'homme moderne se soigne sur internet, a connu sa femme sur facebook, prend ses rendez-vous par SMS et, depuis quelque temps, se rend à ses lieux de rendez-vous par la 3G. Il regarde les infos en streaming podcast, consulte la météo sur son portable et s'informe sur twitter. L'homme moderne est individualiste, il ne connaît que trois séries de chiffres par cœur : celles de ses deux téléphones ainsi que le montant exact de sa fiche de paye. Mais en groupe, il préfère voir un match du Barça plutôt que la finale de la Coupe d'Algérie, tout comme il préfère les soirées-blagues de Mascara entre amis plutôt que de flâner seul dans les rues à la recherche d'inspiration.

    Car l'homme moderne parle bien mais écoute mal, écrit mais ne lit pas, se réveille bien mais dort mal. L'homme moderne voyage mais ne s'aventure pas, sait prendre des photos mais ne sait pas regarder, s'habille bien et mange mal. Pourtant, il sait faire un peu la cuisine mais préfère que sa femme la fasse, n'a rien contre laver la vaisselle mais prétexte toujours qu'il n'a pas le temps. Car l'homme moderne a ceci de moderne qu'il ne se pose que rarement la question de la modernité. Quand on lui demande si celle-ci est compatible avec la religion telle que pensée aujourd'hui, avec un clergé de psychopathes qui explique quotidiennement la vie et les interdits et un Dieu espion qui surveille comme la NSA les moindres fait, geste, e-mail, parole de chacun, l'homme moderne s'énerve et s'angoisse. C'est à ce moment-là que l'homme moderne devient généralement archaïque.

     

    Chawki Amari
  • Monsieur 51 et Madame 49

     

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    Encerclés, c’est le terme qui convient. A l’Est, des islamistes démocratoïdes et des vengeurs masqués. A l’Ouest, des monarchistes réformistes adeptes prudents du containment. Au Nord, des républicains modernistes en campagne électorale permanente, et enfin au Sud, des chaotistes attentistes, défenseurs de la fin du monde, mais par référendum. Que faire quand on se situe historiquement et géographiquement au milieu de tout ce beau monde ? Rien justement. Attendre, résister, oublier, louvoyer, invoquer les erreurs d’arbitrage au lieu de jouer le match. Prendre du recul ou des réservations sur des places d’avion.

    Faire le dos rond ou le nez haut, jeter quelques miettes aux revendeurs de libertés et aux grossistes de l’espoir. Ni centraliste, ni libérale, ni atlantiste, ni islamiste et pas même alarmiste, l’Algérie reste un mystère aux yeux des puissances internationales et de sa propre opinion interne. A cheval entre 51 et 49% et sur un dos d’âne entre le bon sens et l’archaïsme, elle ne sait toujours pas s’il faut pencher ou se balancer, ouvrir ou fermer, libérer ou contrôler, élire ou nommer, décentraliser la décision ou la rassembler dans les doigts de quelques mains. Comme prévu, M. Ould Khelifa, le nouveau patron de l’Assemblée, vient d’invoquer la «spécificité algérienne» pour se dire, avec de fausses larmes, «inquiet pour les pays du Printemps arabe».

    Mais dans quelle saison vit l’Algérie ? Automne ou hiver ? Mange-t-elle avec les loups en pleurant avec les bergers ou a-t-elle déjà mangé les bergers à cause d’un élevage intensif de loups ? L’Algérie n’est ni concernée par le Printemps arabe ni par les manifestations anti-américaines, et là réside toute sa grandeur. Elle n’est concernée par rien. Espérons qu’avec son nouveau gouvernement, elle pourra trouver sa voie. N’importe laquelle, mais une voie, une. Car l’Algérie a peut-être raison. Ou pas. C’est tout le problème.

     

    Chawki Amari