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Révolutions arabes, un an après : Un goût d'inachevé
reste en sursis boutef, bashar, saleh et autres, ça va suivre en occident,et plusieurs pays dans le monde
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Cela fera un an demain que la révolution tunisienne a ouvert le bal à ce qu’on appellera le Printemps arabe. En un an, quatre autocrates au pouvoir depuis des décennies ont été évincés et des monarques ont pour la première fois été inquiétés. Mais d’autres combats restent à mener : les droits de l’Homme, le statut de la femme, la sécularisation et les libertés.
Sécurité et droits de l’homme : La situation pourrait empirer
Un an après le déclenchement du Printemps arabe, les violences l’ayant accompagné n’ont pas cessé. Si la situation sécuritaire et celle des droits humains se sont améliorées dans certains pays, elles risquent d’empirer dans d’autres. C’est la crainte exprimée par Amnesty International à travers son rapport publié lundi : «Une année de rébellion : la situation des droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord». Précurseur du Printemps arabe, la Tunisie est le pays qui se porte le mieux un an après l’immolation de Bouazizi.
La situation des droits de l’homme s’est beaucoup améliorée, mais trop lentement, note l’organisation qui a appelé à la rédaction d’une Constitution garantissant la protection des droits humains et l’égalité devant la loi. Pour l’organisation, cela ne saurait tarder. Le président provisoire tunisien, Moncef Marzouki, est un défenseur des droits et des libertés ayant été reconnu par le passé comme prisonnier d’opinion par Amnesty. Fait rassurant, des groupes de défense des droits de l’homme tunisiens se sont joints aux organisations internationales en publiant une déclaration, le 7 janvier, appelant le gouvernement à ne pas extrader l’ancien Premier ministre libyen Al Baghdadi Ali Al Mahmoudi aux nouvelles autorités libyennes. Ces dernières n’ayant jamais condamné la violence perpétrée dans la lutte anti-El Gueddafi.
Dans le même rapport, Amnesty leur reproche de ne pas contrôler les rebelles toujours armés et la détention arbitraire de 7000 personnes dans des centres de fortune. Les récents combats meurtriers entre milices font craindre une guerre civile et une sécession au président du CNT, Moustafa Abdel Jalil, alors que les combats pour la chute du régime auraient fait 50 000 victimes, selon les estimations des ONG et de l’ONU. La situation en Egypte n’est pas plus rassurante. Amnesty pointe du doigt les militaires.
électrocution
La violente répression des manifestations a fait au moins 84 morts d’octobre à décembre 2011 seulement. Des preuves par l’image de la présence de snipers, de tirs à balles réelles et de tabassages contre les manifestants civils accablent les militaires. Aussi, le nombre de civils traduits devant la justice militaire a été plus élevé en un an qu’en trente ans de régime Moubarak et la torture en détention se poursuit, selon Amnesty. La situation est plus alarmante dans les pays où les dirigeants contestés se maintiennent au pouvoir en usant d’une répression féroce, à l’image du président syrien. Des vidéos publiées quotidiennement sur les réseaux sociaux montrent les traces de torture sur les corps sans vie des personnes arrêtées remis à leur famille.
Brûlures, électrocution, fractures multiples, doigts coupés et peau arrachée, certaines images sont souvent retirées d’internet vu leur cruauté. Au bord de la guerre civile, selon les observateurs, l’annonce de la création d’une armée libre, constituée de déserteurs, n’arrange pas les choses. Entre les exactions de l’armée, les ripostes de l’armée libre et les pratiques des shabiha - une forme de baltaguya lourdement armée qui détiendrait réellement le pouvoir -, le nombre de morts depuis le début de la crise dépasserait bientôt les 6000. Tout comme Assad, le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, est accusé d’avoir recours à la stratégie du chaos.
A la répression des manifestants s’ajoute le spectre d’une guerre civile féroce entre les partisans du président Saleh - ceux qui défendent la légitimité constitutionnelle -, les différents partis politiques formant l’opposition, les tribus Houthi du Nord en conflit avec les séparatistes du Sud, Al Qaîda qui s’est renforcée depuis la crise en déclarant la région de Zindjibar Etat islamique ainsi que l’armée principale et celle formée par les déserteurs. Le nombre de personnes ayant trouvé la mort depuis une année est estimé à 2700, alors qu’on compte 27 000 blessés. Aussi, la forte répression qui a permis à la monarchie, aidée par la complaisance internationale et plus de 2000 hommes saoudiens et émiratis, d’étouffer la contestation à Bahreïn a fait une quarantaine de morts, dont quatre en prison, et une soixantaine de disparus.
Les autorités ont procédé à 1400 arrestations, selon le Centre bahreïnien des droits de l’homme. Plusieurs condamnations à mort et à perpétuité ont été prononcées contre des manifestants et des personnels médicaux ayant soigné les blessés par des tribunaux militaires avant la levée de l’état d’urgence instauré en mars 2011.
Liberté d’expression : La propagande bien enracinée
Premier signe de changement dans les pays arabes : la parole libérée. Les manifestants ont brisé le mur du silence imposé par des régimes autocratiques en scandant «Dégage!» à leur dirigeant. Un an après, quel est l’état de la liberté d’expression ? En une année, 17 journalistes ont été fauchés durant l’exercice de leurs fonctions selon WAN-IFRA. Un à Bahreïn et en Tunisie, 2 en Egypte et en Syrie, 5 en Libye et 6 au Yémen où les journalistes n’ont jamais bénéficié d’une aussi grande liberté d’expression, selon le journaliste yéménite Nasser Arrabyee, qui qualifie la situation même d’anarchique. Le journaliste déplore l’absence totale de neutralité et de déontologie.
Les réseaux sociaux et le blogging semblent, eux, bien se porter. La célèbre blogueuse anti-pouvoir, Afrah Nacer, a même intitulé l’un de ses posts : «Président Saleh, merci d’avoir laissé libres les médias sociaux». En Tunisie, si Ammar 404 (la censure d’internet) chôme désormais, les professionnels des médias sont en sit-in depuis lundi, et des cas d’agression par des fanatiques islamistes sous l’œil des policiers passifs ont été signalés. La raison de leur colère ? La décision prise en catimini par le Premier ministre, Hamadi Jbali, de nommer les nouveaux directeurs des médias publics, et qui ne sont autres que ceux qui assuraient la machine propagandiste de l’ancien régime. «Après le diktat du violet, celui du bleu !», «Ennahda sur les pas du RCD» ou encore «Ennahda veut du tbendir», pouvait-on lire dans la presse tunisienne. Cependant, «la révolution n’a pas eu lieu, elle est toujours en cours», précise le militant subversif, Aziz Amami. Le combat pour la liberté d’expression continue également en Jordanie qui traverse une crise sans précédent depuis le début de la contestation. Dans ce contexte, la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes se sont beaucoup détériorées.
Confessions «arrachées»
Le journaliste écrivain Basil Okoor déplore «la forte pression des services de sécurité sur la presse. Les libertés sont au plus mal, on a enregistré un recul de plus de dix ans. Un simple agent de sécurité peut dominer la presse. Les journalistes font face à toutes sortes de pressions, même si les menaces ne sont pas directes. On reçoit des coups de fil de parties voulant s’ingérer et tentant de monter la population contre le mouvement de contestation, qui continue malgré une couverture timide par les médias importants, et contre certaines parties de la société». Une situation de crise due à l’absence de volonté politique de réforme et de changement selon le journaliste.
L’état de la presse n’est pas plus réjouissant en Egypte où des titres prêtent désormais allégeance aux militaires au pouvoir, allant jusqu’à faire dans la désinformation. Certaines unes lors des affrontements ayant accompagné le premier scrutin de l’Egypte post-Moubarak ont été qualifiées de scandaleuses par les défenseurs de la vérité. Une situation pourtant bien meilleure que celle de la presse en Syrie. Depuis le début de la crise, la télévision officielle a innové en matière de propagande à la nord-coréenne. Des figurants «jouant» des militaires morts qui se lèvent avant l’arrêt du tournage aux confessions «arrachées» de «fauteurs de troubles», la TV syrienne a poussé le ridicule à l’extrême.
Mais face à cet état des lieux peu glorieux, les chaînes d’information continue ont connu leur heure de gloire en ce Printemps arabe, à l’instar d’Al Jazeera et d’Al Arabya, les principales chaînes d’information dans le Monde arabe ayant couvert les soulèvements. Il est à noter cependant que ces chaînes ont essuyé de vives critiques quant à leur ligne éditoriale très proche des positions politiques des pays les finançant, à savoir le Qatar et l’Arabie Saoudite. La chaîne iranienne Al Manar est montée à l’assaut afin de défendre les intérêts chiites dans la région et une chaîne, Al Mayadeen (les places publiques), du Libano-Tunisien Ghassen Ben Jeddou, devrait bientôt intégrer le paysage médiatique arabe. Celle qui risque de faire le plus parler d’elle dans les prochains jours, c’est la chaîne syrienne Al Raï TV (l’opinion), qui s’est faite la tribune des voix censurées par les autres chaînes. Les El Gueddafi se sont souvent exprimés sur cette chaîne dont le directeur affirme être en possession d’enregistrements ultraconfidentiels compromettants que l’ex-guide libyen lui aurait remis.
mehdia Belkadi
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Syrie : Crimes contre l’humanité à Homs
La Ligue arabe devrait suspendre l’adhésion de la Syrie à cette organisation
More Coverage:« Homs constitue un microcosme de la brutalité du gouvernement syrien. La Ligue arabe se doit de faire savoir au Président Assad que la violation de leur accord n’est pas sans conséquences, et qu’elle soutient désormais l’action du Conseil de sécurité visant à mettre un terme au carnage. »
(New York, le 11 novembre 2011) – La nature systématique des violences perpétrées contre des civils à Homs par les forces du gouvernement syrien, dont des actes de torture et des exécutions illégales, indique que des crimes contre l’humanité ont été commis, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui. Human Rights Watch a exhorté la Ligue arabe, qui se réunit au Caire le 12 novembre 2011, à suspendre l’adhésion de la Syrie, à demander au Conseil de sécurité des Nations Unies d’imposer un embargo sur les armes ainsi que des sanctions visant les individus responsables de ces atteintes aux droits humains, et de saisir la Cour pénale internationale de la situation en Syrie.
Le rapport de 63 pages, intitulé « ‘We Live as in War’: Crackdown on Protesters in the Governorate of Homs »(« ‘Nous vivons comme en temps de guerre’ : répression des manifestants dans le gouvernorat de Homs »), s’appuie sur plus de 110 entretiens menés auprès de victimes et de témoins de la ville de Homs et du gouvernorat du même nom. La région est apparue comme un centre de l’opposition au gouvernement du Président Bachar al-Assad. Le rapport met en évidence les violations commises par les forces de sécurité syriennes entre la mi-avril et la fin du mois d’août, période durant laquelle ces forces ont tué au moins 587 civils, soit le plus grand nombre de victimes pour un seul gouvernorat.
Les forces de sécurité ont tué au moins 104 autres personnes à Homs depuis le 2 novembre, date à laquelle le gouvernement syrien a accepté l’initiative de la Ligue arabe visant la mise en œuvre d’une solution politique. Les ministres arabes des Affaires étrangères se réuniront lors d’une session d’urgence le 12 novembre pour débattre du non-respect de l’initiative de la Ligue arabe par la Syrie.
« Homs constitue un microcosme de la brutalité du gouvernement syrien », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « La Ligue arabe se doit de faire savoir au Président Assad que la violation de leur accord n’est pas sans conséquences, et qu’elle soutient désormais l’action du Conseil de sécurité visant à mettre un terme au carnage. »
Homs est apparu comme le gouvernorat le plus rétif de Syrie depuis que des manifestations antigouvernementales ont éclaté à la mi-mars. Human Rights Watch a documenté des dizaines d’incidents lors desquels les forces de sécurité et des milices soutenues par le gouvernement ont violemment attaqué et dispersé des protestations pour la plupart pacifiques. Une femme qui, le 15 août, participait avec son fils de trois ans à une manifestation à Bab Dreib, un quartier de Homs, a décrit l’attaque dont ils ont fait l’objet :Nous sommes allés à une manifestation pacifique avec toute la famille vers 22h30 ou 23h. Tout était calme, il ne semblait donc pas y avoir de problème. Deux voitures ont alors surgi et ouvert le feu, allant même jusqu’à cibler des personnes qui s’étaient allongées par terre pour tenter de se dérober aux tirs. Il s’agissait de voitures de la marque Kia Cerato de couleur blanche aux vitres teintées, comme celles des services de renseignement de l’Armée de l’air. Les armes étaient des mitrailleuses. Mon mari s’est couché sur notre fils pour le protéger, mais la balle a pénétré dans le ventre du garçon. Les médecins ont réussi à retirer la balle, mais elle a fait beaucoup de dégâts.
Les forces de sécurité ont également mené de vastes opérations militaires dans plusieurs villes du gouvernorat, notamment à Tal Kalakh et Talbiseh, ainsi que dans la ville de Homs, opérations qui ont fait un grand nombre de morts et de blessés. Les forces de sécurité se sont généralement servies de mitrailleuses lourdes, y compris de canons antiaériens montés sur des véhicules blindés, pour lancer des tirs dans les quartiers de la ville afin d’effrayer les habitants, avant d’y pénétrer à bord de véhicules de transport de troupes blindés et d’autres véhicules militaires. Ils ont coupé les communications et établi des points de contrôle limitant les possibilités de se déplacer d’un quartier à un autre, d’une part, et la livraison de produits alimentaires et de médicaments, d’autre part. Un résident de Bab Sba`, un secteur de la ville particulièrement touché par la violence, a décrit la manière dont les forces de sécurité ont encerclé le quartier :
Les forces de sécurité ont complètement fermé Bab Sba` le 21 juillet. Les voitures qui tentaient de passer se sont fait tirer dessus par des véhicules militaires lourds, et les piétons et cyclistes, par des snipers. Le matin du 21 juillet, alors que nous essayions de faire rentrer de la nourriture et des médicaments dans le quartier, les forces de sécurité ont ouvert le feu. Elles ont tué une personne, en ont blessé une autre et une troisième a été arrêtée.
Comme dans une grande partie du reste de la Syrie, les membres des forces de sécurité présentes dans le gouvernorat de Homs ont assujetti des milliers de personnes à des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des actes de torture systématique alors qu’elles se trouvaient en détention. Si la plupart d’entre elles ont été libérées au bout de plusieurs semaines, plusieurs centaines sont toujours portées disparues. La plupart des détenus étaient des hommes d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, mais les forces de sécurité ont également détenu des enfants, des femmes et des personnes âgées. Plusieurs témoins ont signalé que leurs parents voire leurs grands-parents – âgés de 60 à 80 ans – avaient été détenus.
La torture des détenus est un phénomène endémique. Vingt-cinq anciens détenus de Homs faisaient partie des personnes interrogées par Human Rights Watch. Tous ont signalé avoir subi différentes formes de torture. Human Rights Watch a documenté de manière indépendante la mort de 17 détenus à Homs, au moins 12 de ces décès étant indubitablement attribuables à des actes de torture. Les données recueillies par des activistes locaux suggèrent un bilan encore plus lourd. D’après eux, au moins 40 personnes détenues dans le gouvernorat de Homs sont mortes en détention entre avril et août.
D’anciens détenus ont déclaré que les forces de sécurité s’étaient servies de barres de fer chauffées à blanc pour leur brûler différentes parties du corps, leur avaient infligé des décharges électriques, imposé le maintien de positions douloureuses pendant plusieurs heures voire plusieurs jours d’affilée et utilisé des dispositifs improvisés comme des pneus de voiture (connus localement sous le nom de dulab) pour contraindre les détenus à se mettre dans une position permettant de les frapper plus facilement sur les parties sensibles du corps, comme la plante des pieds et la tête. Un témoin a décrit la torture qu’il a subie dans la base du service de renseignement militaire à Homs :Ils m’ont emmené dans ce qui m’a semblé être une grande pièce avec beaucoup de monde à l’intérieur. On m’avait bandé les yeux mais j’entendais les gens autour de moi qui criaient et suppliaient pour qu’on leur donne de l’eau. J’ai entendu le bruit de matraques électriques et des interrogateurs qui ordonnaient qu’on pende les gens par les mains. Quand mon tour est venu, ils m’ont d’abord ridiculisé en disant : « Nous te saluons, chef de la révolution » et ils m’ont demandé ce qui se passait à Tal Kalakh. Je leur ai dit que je ne savais pas, et la torture a alors commencé.
Ils m’ont battu avec des câbles puis m’ont accroché par les mains à un tuyau sous le plafond, si bien que mes pieds ne touchaient pas terre. Je suis resté suspendu pendant environ six heures, bien qu’il soit difficile de donner la durée exacte. Ils me frappaient, me versaient de l’eau dessus puis me donnaient des coups de matraque électrique. La nuit, ils m’ont mis dans une cellule d’environ 3 mètres sur 3, avec quelque 25 autres détenus. Nous étions serrés les uns contre les autres. Le lendemain matin, ils m’ont sorti pour un nouvel interrogatoire. Cette fois-ci, ils m’ont « plié » : ils m’ont passé les jambes et la tête dans un pneu, m’ont mis sur le dos et ont commencé à me fouetter la plante des pieds.L’un des aspects les plus préoccupants de l’intensification de la répression a été la hausse du nombre de morts parmi les détenus. En effet, concernant la quasi-totalité des 17 morts de détenus que Human Rights Watch a été en mesure de confirmer de manière indépendante, des témoins ont déclaré ignorer où se trouvaient leurs parents et ce qui était advenu d’eux après leur mise en détention par les forces de sécurité suite à une manifestation ou à une arrestation à un poste de contrôle, jusqu’au jour où ils recevaient un coup de fil, généralement d’un hôpital public local, leur demandant de venir chercher le corps. Concernant au moins 12 dossiers pour lesquels Human Rights Watch a examiné des photos ou des vidéos des corps, les marques, notamment des ecchymoses, des coupures et des brûlures, avaient indéniablement été engendrées par des actes de torture.
Les autorités syriennes ont à maintes reprises affirmé que la violence à Homs avait été perpétrée par des gangs terroristes armés, incités et soutenus financièrement depuis l’étranger. Human Rights Watch a découvert que les manifestants semblaient ne pas avoir été armés lors de la plupart des incidents, mais des transfuges armés des forces de sécurité sont effectivement intervenus à certaines occasions après que les tirs des forces de sécurité avaient ciblé des manifestants.
Des résidents locaux ont expliqué à Human Rights Watch que depuis le mois de juin, les défections au sein de l’armée syrienne avaient augmenté et que nombre de quartiers comptaient entre 15 et 20 transfuges qui intervenaient parfois pour protéger les manifestants lorsqu’ils entendaient des coups de feu. Par ailleurs, la répression violente menée par les forces de sécurité et la méfiance sectaire croissante ont incité les habitants de certains quartiers de la ville de Homs, notamment ceux de Bab Sba` et de Bab `Amro, à s’organiser sous la forme de comités de défense locaux, souvent armés, dotés pour la plupart d’armes à feu mais, dans certains cas, de grenades à fragmentation.
Les actes de violence des manifestants ou des transfuges méritent un complément d’enquête. Cependant, ces incidents ne sauraient justifier un recours disproportionné et systématique à une force meurtrière à l’égard des manifestants qui, de toute évidence, a outrepassé toute réaction justifiable à une quelconque menace posée par des foules majoritairement non armées. En outre, la présence d’éléments armés dans l’opposition ne justifie pas non plus le recours à des actes de torture et de détention arbitraire et secrète.
La décision de certains manifestants et transfuges de s’armer et de riposter indique que la stratégie adoptée par les autorités syriennes a provoqué une escalade dangereuse de la violence et souligne la nécessité pour la communauté internationale de veiller à ce que cesse immédiatement tout recours à une force meurtrière, faute de quoi la situation du pays pourrait dégénérer en un conflit plus sanglant, a commenté Human Rights Watch.
L’agence de presse officielle syrienne SANA a signalé le 6 novembre qu’à l’occasion de la fête de l’Aïd al-Adha, les autorités avaient relâché 553 détenus « impliqués dans les événements actuels et qui n’ont pas de sang sur les mains ». Les autorités n’ont toutefois publié aucun nom, et trois avocats qui représentent des activistes politiques et des défenseurs des droits humains ont affirmé à une autre occasion à Human Rights Watch qu’aucun de leurs clients n’avait été libéré.
Extraits de témoignages tirés du rapport « ‘We Live as in War’: Crackdown on Protesters in the Governorate of Homs » :
Mohammed (nom d’emprunt), dont le cousin de 21 ans faisait partie des 16 individus tués lorsque les forces de sécurité et des milices progouvernementales ont attaqué des personnes qui s’étaient réunies à l’occasion de funérailles près de la mosquée Khaled Bin al-Waleed à Homs le 19 juillet, a déclaré à Human Rights Watch :
Alors que nous enterrions les morts, j’ai tout à coup entendu des coups de feu. Quatre pick-up avec, à leur bord, des gens qui portaient un uniforme, un casque et des vêtements pare-balles se sont dirigés vers nous, tirant sur les personnes avec des mitrailleuses et des fusils montés sur les véhicules. Nous avons pris la fuite. La mère et le frère d’un des défunts ont été tués à côté de son cercueil. Mon cousin a essayé de dégager le corps de la mère. Il s’est effondré, mais je ne savais alors pas qu’il avait été frappé. Tandis que je m’enfuyais, j’ai vu que des tirs provenaient aussi d’un autre véhicule de transport de troupes blindé. Je ne sais pas s’ils tiraient en l’air ou dans la foule.
Lors d’un incident similaire, les forces de sécurité ont attaqué sans avertissement des manifestants dans le quartier de Khalidiyya, à Homs, le 5 août. Maher (nom d’emprunt), un manifestant, a raconté l’incident à Human Rights Watch :
Nous traversions la rue après la prière du vendredi, en passant devant le point de contrôle administré par le service de renseignement de l’Armée de l’air et les forces militaires. Ils ont pris acte de notre présence. Après notre passage, ils se sont mis à tirer dans la rue. Des personnes âgées étaient restées dans la mosquée, mais quand elles ont tenté d’en sortir, les forces ont même tiré sur elles, elles tiraient sur tous ceux qui passaient dans la rue. Un homme a été frappé à la jambe. Un autre homme, un vieillard, a essayé de l’aider, mais les forces lui ont tiré dans la main.
Mahmud (nom d’emprunt) a déclaré qu’il fuyait son domicile à Homs lorsque les forces de sécurité sont arrivées dans son quartier le 15 mai ; elles ont emmené son père de 51 ans. Il a expliqué :
Je me suis caché dans une maison de l’autre côté de la rue et j’ai vu qu’ils s’étaient introduits chez nous et qu’ils ont fait sortir mon père par la force. Ils l’ont poussé par terre et se sont mis à le battre en lui demandant de chanter les louanges de Bachar al-Assad. Il a été obligé de le faire. Ils étaient entre 10 et 15 hommes, certains portaient l’uniforme militaire, avec l’insigne des forces spéciales, et d’autres, un uniforme noir et des baskets blanches ; je crois que ceux-là étaient des services mukhabarat. Ils lui ont bandé les yeux et l’ont emmené dans un taxi. Pendant 24 jours, nous n’avons pas su où il se trouvait, puis mon oncle l’a trouvé à la prison centrale de Homs, et il a réussi à obtenir qu’on le libère sous caution. À sa libération, il avait les dents de devant brisées et le visage et les yeux tuméfiés
Un témoin, Abu Adam, qui a été détenu début juillet avec 11 autres manifestants du quartier de Khalidiyya à Homs, a décrit à Human Rights Watch les conditions qui régnaient dans un centre de détention de la Sécurité d’État à Homs :
Les conditions étaient atroces. La cellule faisait 1,7 mètre sur deux. Nous étions huit. Il y avait une fenêtre minuscule tout en haut du mur, mais qui n’apportait ni d’air ni de lumière. Nous devions nous relayer pour dormir sur les épaules des uns et des autres. Il n’y avait pas de place pour s’allonger. J’étais trempé de sueur de la tête au pied. Ils nous donnaient deux miches de pain à nous partager deux fois par jour et une bouteille d’eau. Deux fois par jour, nous avions 10 secondes pour aller aux toilettes.
Basel (nom d’emprunt) a raconté les actes de torture qu’il a subis dans le centre de détention du service de renseignement militaire à Homs :
Quand je ne répondais pas à toutes leurs questions pendant l’interrogatoire, ils m’emmenaient dans une salle de torture. J’avais les yeux bandés, mais je me souviens qu’il fallait descendre cinq marches. Avec des menottes, ils m’attachaient un bras à un tuyau sous le plafond et me laissaient suspendu là, les pieds touchant à peine le sol. Ils m’y laissaient pendant deux ou trois heures. Ils l’ont fait huit jours durant. En général, il y avait toujours cinq ou six détenus qui se faisaient torturer ainsi. Je ne les voyais pas mais j’entendais leurs cris. Parfois, ils me battaient aussi tandis que j’étais suspendu. J’avais tellement mal au poignet, au bras et à l’épaule qu’une fois j’ai essayé de me casser le bras pour qu’ils soient obligés de me laisser descendre.
Fadi (nom d’emprunt), de la ville d’al-Qusair, à l’extérieur de Homs, a évoqué à Human Rights Watch la mort d’un ami de la famille, Ahmad al-Masri, âgé de 35 ans. Il a expliqué qu’al-Masri, qui était atteint d’un handicap mental, avait été arrêté fin mai ou début juin par les forces de sécurité alors qu’il se promenait dans les rues en répétant au hasard des slogans antigouvernementaux qu’il avait entendus lors des manifestations. Fadi a raconté :
Une semaine après qu’il avait été placé en détention, son corps a été rendu à ses parents. J’ai vu le corps alors qu’on l’amenait. Il était couvert d’ecchymoses et de marques ovales rouges et bleues qui semblait dues à des décharges électriques, surtout sur le dos. Il avait les côtes cassées – certaines lui perçaient la peau. Son père a expliqué qu’on l’avait convoqué au site central du service de renseignement militaire à Homs et qu’il avait dû signer une déclaration selon laquelle Ahmad avait été tué par des « extrémistes ». Il a dit que les membres des forces de sécurité l’avaient menacé en lui disant que s’il ne signait pas, non seulement ils garderaient le corps mais ils « pourchasseraient ses filles ». Il a donc été contraint de signer.
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