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monstre

  • le bal des vampires

    De notre correspondant à El Alia

     

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    Un doux soleil d’automne qui caresse des visages pas vraiment tristes. Un trou rectangulaire. D’un côté, une énorme stèle, la tombe du président Ben Bella. De l’autre, des espaces vides, pour accueillir de nouvelles illustres tombes. C’est la première question : de quelle taille sera la stèle de Chadli ou du prochain Président à mourir, vu que les tombes du carré des Martyrs d’El Alia n’ont pas toutes la même taille ? Encadrés par plusieurs services d’ordre, gouvernement, personnalités, militaires, députés et journalistes accrédités entrent un à un, par le scanner. Parqués dans un carré secondaire du cimetière, l’aréopage d’initiés converse et échafaude des successions pendant que la presse se presse autour du général Nezzar et du sergent Ouyahia, en attendant que le cercle présidentiel arrive. Celui-ci finit par rejoindre le cimetière une heure après ; la cérémonie peut commencer et la hiérarchie est précise.

    Le protocole appelle une à une les catégories à venir rejoindre le prestigieux carré central des Martyrs. En premier les membres du gouvernement, qui défilent un à un et s’extirpent du commun, déjà pas commun, pour rejoindre la cour suprême. Puis le protocole appelle en second les moudjahidine, qui défilent eux aussi, certains n’ayant même pas la cinquantaine. Troisième catégorie : les députés, qui passent à leur tour puis, enfin, les journalistes, très heureux aussi d’être si proches du pouvoir. Le reste de l’aréopage suit et, à ce moment où chacun découvre la place qu’il occupe dans le système, c’est la deuxième question : pourquoi les militaires n’ont-ils pas été appelés et dans quelle catégorie sont-ils ? En fait, ils sont déjà au carré des Martyrs et les autres catégories les rejoignent une à une.

    Le Président est là, le corps du défunt aussi. Oraison funèbre. L’enterrement se fait. C’est fini. Nous sommes à Dieu et nous Lui retournerons. En attendant, chacun retourne chez lui sans se retourner. Le reste des Algériens ? Non, ils n’ont pas été invités, bloqués à 100 mètres de l’entrée du cimetière par des barrières de police. Un citoyen s’énerve mais finit par en rire et pose la dernière question : «Si je meurs maintenant, je peux entrer
    au cimetière ?»

     

    Chawki Amari
  • le monstre de ben- aknoun alias bachir

    Le général Toufik impose Athmane Tartag à la Sécurité intérieure

     

    Par |

     

    Le rapt des trois humanitaires a été un camouflet pour le DRS.

    Au Département renseignement et sécurité, les changements se font souvent en douce, presque dans le secret. Mais tout remplacement ou limogeage est synonyme de glissement stratégique dans les strates du pouvoir.

    Un changement important est survenu au sein du Département Renseignement et Sécurité (DRS), tout-puissant service de renseignement qui constitue le vrai Centre de décision de l'Algérie. Le général Abdelkader Kherfi alias Ahmed qui dirigeait la Direction de la Sécurité Intérieure (DSI) a été limogé et remplacé par la général Athmane Tartag alias Bachir.

    Loin des commentaires erronés et fantaisistes, ce remplacement est une sanction directement liée à l'affaire de kidnapping de 3 humanitaires européens survenue le 23 octobre au sein des camps de réfugiés du Polisario à Tindouf. Ce qui est en soi une gifle retentissante pour le Front Polisario, l'Algérie et ses services de sécurité.

    Selon des connaisseurs, "il est pratiquement impossible d’accéder avec des véhicules étrangers aux camps de Tindouf, hautement surveillés de nuit comme de jour par les milices armées du Polisario et des unités de l’armée algérienne. En plus, l’idée de parcourir des centaines de kilomètres dans une portion de désert surveillée sans être aperçu, pour ensuite franchir les frontières très bien gardées, cela relève de l’imaginaire. Tout comme il est impensable de s’introduire sans une complicité interne, dans le camp de Hassi Rabouni où est installé le Quartier Général du Polisario, forteresse implantée dans une zone de haute sécurité, et en sortir tranquillement avec trois étrangers ni vu ni connu."

    Le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, en compagnie du patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, ont effectué une visite éclair le 4 décembre à Alger. Le lendemain, lundi 5 décembre, deux Sahraouis actifs au sein du Polisario, Maminna Alaaguir Ahmed Baba et Aghdafna Ould Hamoudy Ould Ahmed Baba, âgés respectivement de 29 et 32 ans, sont appréhendés dans une chambre d’hôtel au centre-ville de Nouadhibou (Mauritanie) qu’ils occupaient depuis une dizaine de jours (?).

    Selon un "scénario" révélé par certaines sources, "après avoir réussi leur enlèvement, les deux ravisseurs avaient fui à bord d’un véhicule tout-terrain avec les trois otages à bord. Ils ont pris la direction d’une petite localité située près de la frontière entre le sud algérien et le nord du Mali. Une fois sur place, les deux ravisseurs ont livré leurs otages aux djihadistes, d’une katiba "dissidente" d’Al Qaïda au Maghreb islamique, contre une forte somme d'argent. Ils sont ensuite entrés en territoire mauritanien pour se rendre dans une première étape à Nouadhibou avant de se rendre ensuite aux Iles Canaries. C’est à ce moment là qu’ils auraient été repérés puis pris en filature par des agents des services de renseignements extérieur français (la DGSE), dépêchés en Mauritanie pour enquêter avec leurs homologues mauritaniens" (?).

    En fait, il s'agit là d'une histoire bien étrange de barbouzerie qui dépasse de loin la personnalité de deux jeunes Sahraouis, et qui a coûté sa place au discret général Ahmed, proche du clan présidentiel.

    Rappelons que la DSI était promise depuis longtemps au général Tartag par le général Toufik, patron du DRS. Déjà en 2005, le site bien informé/manipulé Maghreb Confidentiel annonçait un "changement majeur au sein du puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS) : le général Smaïn Lamari, numéro deux, serait remplacé par le général Bachir Tartag." (n°695 du 19/05/2005). Cette information préfigurait une purge des officiers loyaux à l'ex-chef d'état-major le général Mohamed Lamari.

    Après la mort de Smaïn Lamari, le 27 août 2007, Toufik avait voulu imposer M'henna Djebbar ou Athmane Tartag mais Bouteflika avait refusé de signer le decret.

    Entre-temps, Mhenna Djebbar avait été nommé à la tête de la DCSA en 2005, et Tartag a fait valoir ses droits à la retraite.

    M'henna Djebbar (ex-chef du CTRI stratégique de Blida (1990-2003) dépendant de la DSI), Athmane Tartag (ex-chef du CPMI (1990-2001) dépendant de la DCSA), le général Farid Ghobrini (ex-chef du Centre Principal d'Opérations (CPO) d'Hydra dit Antar, dépendant de la DDSE) et un certain général Kamel (actuel chef du CPO), sont les quatre "Mousquetaires" qui composent le commandement opérationnel de choc du DRS et sont restés fidèles au général Toufik Mediene. Ils détiennent à eux cinq des secrets que même le président et le chef d'état-major Gaïd Salah ignorent.

    Dans ce contexte, la position du général Rachid Lallali, alias Attafi, patron de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE), paraît ambigüe par rapport à ce quinté de choc. Au point où les événements au Sahel sont devenus une affaire de sécurité intérieure dont va s'occuper le général Tartag.

    Ce changement stratégique à la tête de la DSI peut en annoncer d'autres au sein du DRS, de l'ANP et du gouvernement.

    Saâd Lounès

  • GIA-DRS-TARTAG

    un monstre nommé TARTAG

    Un officier des services secrets algériens révèle l’implication de l’armée dans les crimes des islamistes

    Ce qui m’a poussé la première fois à abandonner ma position privilégiée de Capitaine et de déserter, ce sont les événements de Badjarah. Dans cette banlieue d’Alger, les habitants découvrirent, horrifiés, un matin du mois de Mai 1994, une douzaine de cadavres sur les trottoirs, tous des pauvres petites gens du quartier.

    J’étais là, lorsqu’un lieutenant de Badjarah, choqué, annonça ce meurtre collectif à son supérieur du ministère de la défense. La première question de ce dernier fut: “Que disent les gens dans la rue à ce sujet?” – “Ils soupçonnent la sécurité militaire”, répondit le lieutenant. Le chef lecalma: “Mais non, c’est pas sérieux, dis leurs que c’était un règlement de compte entre terroristes”. A peine le soldat avait il quitté la pièce que l’officier éclata de rire et exprima sa satisfaction: “Bachir et ses hommes ont fait du bon travail. Je dois tout de suite lui téléphoner et le féliciter.” Bachir, c’est le pseudonyme d’un officier des services secrets, Othmane Tartag, un colonel. Son quartier général se trouvait dans une caserne sur les hauteurs d’Alger. Sa spécialité c’était l’application d’une sorte de meurtre collectif – il faisait exécuter la famille d’islamistes passés dans la clandestinité. Ses hommes se déployaient la nuit, vêtus non pas d’uniformes mais de “Kachabias”, le long habit des pieux. Ils frappaient à la porte de la famille qu’ils voulaient admonester et murmuraient: “Ouvrez, nous sommes les frères des Moudjahidines”, puis ils pénétraient dans l’appartement et exécutaient leur crime. Peu après le massacre de Badjarah le commando de Bachir continuait de tuer dans le quartier d’Eucalyptus. Il y eut encore beaucoup de ce genre d’attaques; moi même j’ai vu ces groupes de tueurs en action et je suis prêt à témoigner devant chaque comité d’enquête international. Les derniers massacres atroces, comme ceux de la région de Rélizane, la torture, les mutilations, les enlèvements de jeunes femmes, tout ça a soulevé de nouveau la question, si mis à part de fanatiques islamistes, des soldats, sur ordre du gouvernement, ne seraient pas responsables de la dérive de l’Algérie vers la barbarie. Ma réponse est: indirectement, c’est certain. Le président Liamine Zeroual, élu en novembre 1995 avec 61 % des voix parce que le peuple, désespéré, lui fit confiance, est en réalité l’homme de paille de généraux qui ne sont presque pas connus du public. Zéroual, lui-même un ancien général, a peur de ces véritables potentats. Il est leur camarade mais aussi leur otage; après tout, son prédécesseur Mohammed Boudiaf qui voulait se libérer de l’emprise de l’armée, a été tué par un lieutenant, sous des conditions jusqu’à ce jour non élucidées. L’armée a besoin de la haine et de la peur des islamistes pour garantir son pouvoir. En même temps les massacres lui permettent de semer la discorde entre les rivaux fondamentalistes. Aussi inimaginable que cela semble: Le GIA (Groupe Islamique Armé) est en partie une création des militaires, mais sur lequel entre temps les apprentis sorciers ont perdu tout contrôle. Au début du conflit 1992 les islamistes étaient représentés par trois groupes armés: Le Mouvement Islamique Armé (MIA), le Mouvement pour un État Islamique (MEI) et l’Armée Islamique du Salut (AIS), le bras armé du FIS, à qui on venait juste d’avoir fait perdre la victoire aux élections parlementaires. Pour infiltrer ces groupes et les monter les uns contre les autres, les militaires ont aidé à la création d’un nouveau groupe – de ce même GIA, où se retrouvèrent les plus durs et les plus nuisibles du pays: d’anciens volontaires d’Afghanistan mais surtout des grands criminels, dont certains étaient des meurtriers condamnés à mort, se rallièrent aux unités du GIA sous le commandement d’émirs” autoproclamés. Que ce soit intentionnellement ou par imprudence, les services de sécurité laissèrent s’évader en 1994 et 1995 des bandes entières de criminels des prisons les mieux surveillées d’Algérie. Plus de mille ont disparu de la prison de Tazoult à l’est du pays, au moins autant de Berrouaghia et de Serkadji. La plupart avaient été condamné à mort ou á une réclusion à perpétuité, et presque tous se retrouvèrent dans le GIA.
    De même, l’extrême brutalité des tueurs du GIA qui égorgent les hommes, coupent à la hache les femmes, brûlent les enfants dans des fours, indique que ces prétendus combattants ne sont pas des guerriers religieux mais des grands criminels sadiques. Ils s’acharnent surtout au moment du Ramadan, qui devrait être, pour le musulman pieux, la période de méditation.
    Souvent, les massacres nocturnes, qui suppriment des villages entiers, ont lieu tout près de postes militaires, sans que les soldats n’accourent à l’aide des victimes. Ceci est un indice que l’armée tolère le GIA. L’armée trouve ainsi la justification pour les actions de représailles sanglantes et profite de l’ambiance de panique généralisée. Au début, les attentats des fondamentalistes visaient essentiellement les membres de services de sécurité et les représentants de l’État – ceci correspondait à la logique d’une guerre clandestine classique contre les détenteurs du pouvoir. Les militaires voulaient que la terreur touche tout le peuple – cela leur donnait une certaine légitimité et augmentait les chances de survie du régime.
    C’est la raison pour laquelle les forces de l’ordre ont décidé de prendre leur revanche sur une famille d’islamiste pour chaque mort dans leurs rangs. Les services de renseignements militaires ont exprimé d’abord une certaine réticence: une telle tactique ouvrirait la porte à la guerre civile. On ne les a pas écoutés, les dirigeants voulaient à tout prix être sûrs qu’ils ne seraient pas les seuls cibles de la terreur.
    Ainsi ils ont entraîné le peuple entier dans leur sale guerre, et il ne devrait plus y avoir de personnes non concernées, les algériens étant des otages du régime – et ils votèrent fidèlement les adeptes du parti du président au parlement, au sénat et dans les mairies.
    Tout ceci n’est possible que parce qu’au sein de cette caste mafieuse, composée de politiciens et généraux, auxquels chaque importateur doit payer un pot de vin, l’armée, démoralisée, est elle-même glissée dans la criminalité.
    La revendication de l’ex-premier ministre, – “la peur doit changer de camp”– s’est accomplie de façon terrible. Les militaires et la police tuent dans les quartiers “chauds” les proches des suspects pour que le voisinage ne permette pas au frère ou fils fuyard de se cacher. C’est de cette façon que la base des terroristes doit être détruite et le peuple séparé des partisans islamistes.
    Finalement le pouvoir gratifie les meurtriers en uniforme pour cet acte de “rétablissement de la paix”. Un commissaire de police me racontait que ses hommes seraient depuis longtemps contaminés par la barbarie; eux aussi éprouveraient une certaine satisfaction à égorger leurs victimes, comme s’ils abattaient des moutons ou des chèvres. Comme les poursuites judiciaires leur paraissent trop compliquées et pas très consciencieuses, la police et les militaires préfèrent rendre justice eux-mêmes. Ils arrêtent des civils suspects, les interrogent, les torturent et en cas de doute les exécutent. Les exécutions sont quotidiennes. Des hordes de soldats et de policiers organisent de véritables expéditions de pillage sans risquer de punitions: ils rackettent, installent des barrages pour dévaliser les citoyens. Ou bien ils massacrent des prétendus terroristes, uniquement afin de s’emparer des bijoux et de l’argent liquide des tués.
    La tentation est grande: un inspecteur de police gagne entre 8 000 et 12000 Dinar (250 et 370 Mark) par mois; le kilogramme de viande coûte 560 Dinar, un kg de banane 360…
    Des remords, la honte de la corruption et des crimes au nom de l’État ont provoqué une véritable saignée au sein de l’armée: des milliers de soldats, environ 400 officiers ayant faits des études supérieures ont abandonné le service. Mais aujourd’hui il n’est plus permis de démissionner. Celui qui est mal vu est muté dans les unités anti-terroristes qui combattent en première ligne et sont en état d’alerte permanent.
    D’autres ont déserté et sont passés aux islamistes parce qu’il ne voyaient pas d’autre moyen de lutter contre le pouvoir criminel. Il est arrivé que des unités entières se soient révoltées, par exemple à Boughazal, à 200 km au sud d’Alger, où se trouve un grand dépôt de munitions et d’armes. De nombreux camions chargés d’armes sont passés aux islamistes.
    Des actes de sabotage se produisent sans cesse: Ainsi le capitaine Zemani  attaqua le 5 juillet 1994 avec un hélicoptère la base militaire de Ain-Arnat, située à 300 km à l’est d’Alger; il détruisit quatre hélicoptères et un dépôt d’armes. Sa machine fut retrouvée près de Skikda dans une ferme; l’officier a depuis disparu.

    Source : Der Spiegel, 12 janvier 1998  Traduction de l’allemand algeria-watch