Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

praticiens

  • Pourquoi cette présidentielle sera différente des autres ? Parce que !

     

    Par Hakim Laâlam  
    Email : hlaalam@gmail.com
    Une nouveauté cette année. Le bac mention …

    … couteau !

    Qu’ils soutiennent une présidentielle avant terme, ou une présidentielle à l’heure, des voix nous jurent la main sur le cœur du voisin que «cette fois-ci, ça ne sera pas pareil que lors des précédentes présidentielles. Le scrutin sera réellement ouvert et forcément honnête». Bon ! On est bien obligé de faire avec ce qu’on nous vend. Et les camelots sont légion ces dernières heures. Mais maâlich ! Disséquons avec nos maigres moyens matériels et intellectuels cet axiome : «Cette fois-ci, ça ne sera pas pareil que lors des précédentes présidentielles.» Qu’est-ce qui pourrait faire que ça va être différent ? La matière avec laquelle les urnes seront fabriquées ? C’est une piste ! Il existe en effet moult catégories de plastique et maintes façons de mouler la fente. Sauf qu’au jour d’aujourd’hui, personne ne nous dit vraiment qui fournira la matière première qui entrera dans le process de fabrication de ces urnes. Qui va nous vendre le plastique, et qui va dessiner le moule ? Donc, laissons de côté la boîte, pour le moment. Les bulletins de vote ? C’est une autre piste ! Les forestiers et les imprimeurs vous l’expliqueront mieux que moi : il existe différentes qualités de papier. Et selon ce qu’on veut en faire, on ne choisit pas au hasard son rouleau et ses rames. Sauf que je n’ai lu nulle part une caution scientifique à cette thèse du papier. J’attendrais donc un éventuel communiqué de l’honorable institution dénommée «Conservation des Forêts» pour me prononcer. Donc, là aussi, je mets en veilleuse le papier et me cale bien confortablement contre le seul arbre survivant dans ma cité pour examiner cette autre piste : l’encre ! C’est une théorie fort sympathique. Examinons-la sans prendre de gants. Jusque-là, il semble bien que ce sont de grands groupes chimiques, comme BASF ou la 3M, qui fournissaient l’Algérie en encre électorale. Est-ce pour autant que le fait d’aller aujourd’hui vers d’autres fournisseurs issus du commerce équitable garantit une présidentielle différente ? Une question qui met dans l’embarras tous les scientifiques du pays. Pour une raison toute bête, du reste. Malgré des réserves de devises énormes, malgré une rente pétrolière et gazière immense, l’Algérie a investi dans des labos d’analyse des sodas, du saucisson casher, des circuits intégrés équipant les décodeurs pirates, mais jamais dans l’analyse et le décryptage des encres. C’est un comble pour un pays classé parmi les plus grands consommateurs d’encre de la planète. Donc, la piste de l’encre tombe elle aussi à l’eau. L’encre à l’eau, le papier enterré sous le dernier platane phtisique de ma cité, le plastique éparpillé dans les champs ou accroché en sachets aux lampadaires défoncés, que reste-t-il en bout de course pour valider la thèse d’une présidentielle enfin différente cette fois-ci ? Le thé ! Oui, le thé ! Y a pas de raison de me priver de ça. Moi comme les autres ! Et comme les autres, je vous fais cette promesse impossible à tenir : les prochaines élections présidentielles, qu’elles soient programmées avant terme ou à la date dite seront réellement différentes parce que le thé sera lui aussi différent ! Singulier ! A nul autre pareil ! Unique ! Libre à vous de me croire. Mais ne vous prononcez surtout pas avant de l’avoir fumé et de voir s’il aide vraiment à rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
    H. L.

  • PRATICIENS, CORPS COMMUNS ET PARAMÉDICAUX TOUJOURS EN GRÈVE Les syndicats de la santé n’en démordent pas


    Pour la troisième semaine consécutive, praticiens, spécialistes et psychologues étaient hier en grève à l’initiative de l’Intersyndicale des professionnels de la santé et du Snapap. Le mouvement des paramédicaux et des corps communs se poursuit. Ces derniers ont organisé hier un sitin à l’intérieur du CHU Mustapha. La tutelle campe sur ses positions. Les syndicats du secteur n’en démordent pas.

    Nawal Imès - Alger Le Soir) - Ambiance contestataire hier au niveau du CHU Mustapha. Les corps communs de la santé y organisaient une marche alors qu’ils entamaient la quatrième semaine consécutive de grève. Munis de pancartes et de banderoles, ils ont crié leur colère et dénoncé la discrimination qui frappe les corps communs. Ils ont rejeté en bloc les propositions faites par le ministère de la Santé et réitéré leur revendication relative à la généralisation de la prime de contagion. L’ambiance à l’intérieur du CGU était électrique. Et pour cause, en plus de la marche des corps communs, plusieurs autres corps étaient rassemblés par petits groupes. Au cœur des discussions : l’absence de réaction de la part de la tutelle. De leur côté, les paramédicaux poursuivaient hier leur grève illimitée. La rencontre à laquelle avait été invité le syndicat national des paramédicaux au niveau du ministère de tutelle n’a finalement pas été concluante. L’Intersyndicale des professionnels de la santé a également reconduit son mouvement de protestation pour la troisième semaine. Le SNPSP, le SNPSSP et le Snapsy ont une fois de plus appelé à une grande mobilisation. Sur le terrain, praticiens, spécialistes et psychologues ont massivement répondu à l’appel. Les structures de santé fonctionnaient difficilement en dépit du respect du service minimum. Plusieurs services fonctionnaient au ralenti et les rendez-vous étaient majoritairement reportés à des dates ultérieures. Une mobilisation record en dépit des menaces et des intimidations. Des directives claires avaient été données aux responsables des structures de santé afin que des ponctions sur salaires soient systématiquement opérées. L’excès de zèle a poussé certains gestionnaires à faire des listes des grévistes et à interdire les rassemblements. Des mesures qui n’ont pas eu raison de l’engagement des professionnels de la santé. Le Dr Youssfi, président du SNPSSP, s’est une fois de plus félicité du taux de suivi à travers les différentes structures de santé en dépit, dit-il, «des tentatives de casse et des provocations en tous genres». Pour le Dr Youssfi, la réaction de la tutelle n’a rien d’exceptionnel rappelant que c’est le même langage qui est utilisé par les différents ministres qui se sont succédé à la tête du département de la santé. Le procédé, dit-il, est le même puisque «dès qu’un ministre est mis face à ses responsabilités, il met en branle toute une batterie de mesures répressives». En réponse au ministre de la Santé, qui affirmait jeudi dernier ne pas reconnaître l’Intersyndicale de la santé, le Dr Youssfi lui rappelle que c’est cette même Intersyndicale qui avait été reçue par ses collaborateurs le 12 février dernier et par les services du Premier ministère le 31 janvier. Qu’est-ce qui empêche le ministre d’appeler les syndicats un à un au dialogue ? s’interroge le président du SNPSSP qui ajoute que les syndicats qui sont à l’origine de la grève n’ont de leçons à recevoir de personnes. C’est dans ce climat pas du tout serein que se poursuivra aujourd’hui et demain le mouvement de protestation. L’Intersyndicale, tout comme les deux semaines passées, organisera un sit-in devant le ministère de la Santé d’où n’émane aucun signe de détente.
    N. I.

     

  • Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP)

     

    Lettre ouverte au président Bouteflika

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte


     

    Monsieur le Président,

    A l’instar des profondes mutations que connaît notre pays, le secteur de la santé fait face à d’importants changements inhérents à une évolution humaine naturelle, mais aussi à des comportements sociaux et individuels qui induisent des impératifs sanitaires nouveaux. La transition épidémiologique induite par les bouleversements, socio-économiques que connaît notre pays, l’évolution de la recherche et des technologies médicales et l’allongement de la durée de vie ont permis d’identifier les vrais besoins de santé de la population et de mettre au jour d’autres exigences qu’il faudra absolument intégrer et prendre en charge au titre des objectifs de la politique nationale de santé.

    Des moyens financiers appréciables dégagés pour le secteur, un maillage conséquent du territoire national en structures de santé, une multidisciplinarité concrète et la disponibilité d’un potentiel humain à la compétence et la disponibilité reconnues, ce sont là des moyens qui devraient autoriser une certaine sérénité pour appréhender ces profondes mutations.  Dans la réalité, force est de constater que l’organisation structurelle des services de santé est dans l’incapacité de mettre à profit ces moyens pour les traduire en prestations de soins et en actions préventives à la mesure de ce qui est permis d’ambitionner pour notre pays.

    Une carte sanitaire qui peine à coller à la réalité sanitaire nationale, des perturbations chroniques dans la disponibilité et la distribution des médicaments et des vaccins, des plateaux techniques en souffrance de maintenance, tout cela ajouté à l’émergence non régulée d’un secteur privé qu’il est urgent de mettre au diapason des exigences du système national de santé.  En fait de gestion, patients et praticiens en butte aux mêmes insuffisances, structurent quotidiennement leurs relations dans un système de dysfonctionnements qui compromet la concrétisation des programmes nationaux de santé publique de par leur gestion administrative souvent approximative, voire aléatoire.

    Monsieur le Président,

    Les bouleversements socio-économiques que connaît notre pays nous imposent de faire face à la prévalence de pathologies qui ont pour origine les m odifications des modèles de consommation ainsi que des problèmes environnementaux liés aux comportements humains. La demande de soins induite par ces bouleversements se doit d’être hiérarchisée, quantifiée, évaluée à travers des paramètres scientifiquement établis. La santé communautaire, la recherche appliquée qu’il est important de promouvoir peuvent être menées par nos praticiens de santé publique afin d’établir les profils épidémiologiques pour chaque entité géo-sanitaire et orienter par là même nos programmes de prévention.

    Pour ce faire, le ministère de la Santé doit s’ouvrir aux compétences en s’affranchissant des comportements autosuffisants et autarciques qui sclérosent l’initiative. Un ministère obnubilé par la collecte des chiffres et des données statistiques accommodés et qui conduisent immanquablement à des incohérences et des attitudes irrationnelles dans l’usage de ressources bien souvent évanescentes. Et que dire du fonctionnement de nos caisses d’assurance maladie qui peinent à actualiser la nomenclature des actes médicaux et paramédicaux et d’en réviser la tarification? Au surplus, un tel réajustement ne serait en vérité qu’un rattrapage, à l’image de la revalorisation salariale et des retraites que vous avez eu la clairvoyance de décider et d’imposer.

    Monsieur le Président,

    Les réformes initiées par vous-même se proposaient de prendre en charge toute cette problématique à travers une refonte complète du système national de santé. Notre formation syndicale, consciente de l’enjeu de ces réformes, a de tout temps soutenu et accompagné leur processus de mise en œuvre. A notre grand regret, nous constatons que les meilleures volontés peuvent toujours être bridées par les cercles rentiers dont la seule expertise reconnue est de dresser des entraves à la réussite des réformes qui nous préoccupent. Ce n’est pas assurément le moindre des paradoxes de relever que ces cercles, que nous avons le courage et la responsabilité d’identifier et de dénoncer, ne sont pas une «abstraction administrative». Il s’agit, dans les faits, de responsables qui ont pris en otage la santé publique algérienne et qui, ligués dans une communauté d’intérêts indus, sont précisément aux avant-postes pour soi-disant mener les réformes. En cherchant à disqualifier les partenaires sociaux comme il vient de le déclarer, Monsieur le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière tourne le dos aux chances de réussite du processus de redressement du secteur dont il est en charge.

    Dans une de vos allocutions, vous recommandiez, Monsieur le Président : «C’est dans la concertation inclusive, participative et transparente que l’on peut puiser les solutions les plus efficaces pour un développement !, durable.» Monsieur le ministre de la Santé gagnerait à traduire cette recommandation dans les faits, dans sa stratégie de refonte de la «loi sanitaire», une loi qu’il est temps de revisiter, mais qui nécessite, pour ce faire, une «concertation inclusive, participative» avec l’ensemble des acteurs concernés, sans quoi l’exclusion, qui semble être la seule voie prônée actuellement par Monsieur le ministre de la santé, conduirait inexorablement vers l’impasse. Votre recommandation, Monsieur le Président, doit être aussi le fil conducteur des rapports de partenariat que devraient entretenir l’administration et les organisations syndicales relevant du secteur.

    A l’heure où les acteurs de la santé publique, à tous les échelons, revendiquent leur implication dans la conception, la conduite et l’évaluation des actions de santé publique, l’administration hostile à ce processus multiplie les entraves à l’exercice syndical et au droit de grève par la suspension des délégués syndicaux (Alger, Ouargla, Tamanrasset, Sétif, Bordj Bou Arréridj), par son ingérence dans le fonctionnement des organisations syndicales et par le recours systématique à la justice pour interdire le droit à l’arrêt collectif et concerté du travail, pourtant consacré aux travailleurs en cas d’échec de la négociation, pour défendre leurs revendications socioprofessionnelles. Une démarche qui n’est pas de nature, en l’occurrence, à permettre la construction de partenariats efficients que nous appelons de nos vœux et qui en constitue la matrice de nos revendications.

    Monsieur le Président,

    Il est regrettable que Monsieur le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, à travers des déclarations de presse intempestives et quotidiennes, réduise notre revendication de plan de carrière à une demande d’augmentation de salaire bassement corporatiste. Cette entreprise de sape et de diabolisation d’un corps professionnel au cœur du dispositif de santé de tout un pays n’est pas de nature à préserver la confiance de nos concitoyens dans le personnel soignant.  Le syndicat national des praticiens de santé publique, au nom des milliers de médecins, de chirurgiens dentistes et de pharmaciens algériens ayant à charge la santé de la population, en appelle à votre clairvoyance et sollicite votre arbitrage afin d’imposer les solutions pour le règlement de la crise multidimensionnelle que vit le secteur de la santé, en dépit de la politique de réformes qui l’accompagne à ce jour.
     

    Par Dr Lyes Merabet : président du bureau national des SNPSP
  • Praticiens spécialistes de santé publique

     

    La grève largement suivie, selon le SNPSSP

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte


     

    Les praticiens spécialistes dénoncent le silence du ministère de la Santé. Le Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP) menace de durcir le ton en passant à une grève illimitée à partir du 19 mars.

    Hier, c’était la première journée d’une grève de trois jours annoncée par ce syndicat depuis le 19 février dernier. Le taux de suivi est en moyenne de 75%, affirme le syndicat, qui a enregistré des taux variant entre 60 et 90% au niveau des centres hospitaliers des différentes wilayas du pays.

    Aucune réaction du ministère de la Santé, qui n’a donné aucun signe de vie depuis la dernière réunion de conciliation, le 22 février dernier.» L’attitude de la tutelle renforce le syndicat dans sa conviction à continuer le débrayage aujourd’hui et demain et d’observer trois autres jours de grève les 11,12 et 13 mars, avant d’aller vers une grève ouverte à partir du 19 mars. C’est le seul recours pour alerter l’opinion publique et les responsables concernés sur ce qui est en train de menacer la pérennité du système de santé publique : rupture de stocks de médicaments et conditions précaires des travailleurs sont un échantillon des contraintes qui font fuir les spécialistes vers d’autres cieux plus cléments et vers le secteur privé, où la situation n’est pas non plus reluisante.

    Le syndicat dénonce «des mesures répressives d’un autre âge», selon le Dr Yousfi, président du SNPSSP. Des walis ont été destinataires d’une instruction émanant du secrétaire général du ministère de la Santé portant sur la réquisition des médecins spécialistes, coïncidant avec la date de la grève. «C’est une mesure qui vise à nuire au bon déroulement de l’action de protestation. D’autant plus que le service minimum est assurée», soutient le Dr Yousfi, qui souligne la «contradiction» entre le discours du président de la République qui prône des réformes et qui dit défendre un Etat de droit, et un ministre de la Santé qui «est à contre-courant des directive du président de la République».  Les syndicalistes dénoncent aussi l’empêchement d’un rassemblement de grévistes dans un hôpital de Tlemcen.

    Concernant des informations liées à l’illégalité de ce mouvement de protestation et sa prétendue condamnation par la justice, le président du SNPSSP précise que le syndicat n’a été destinataire d’aucune notification. «Ce sont juste des tentatives de déstabilisation», explique le Dr Yousfi.  Les revendications des spécialistes concernent l’amendement du statut particulier des médecins spécialistes, la levée des mesures discriminatoires d’imposition (IRG) des primes et indemnités versées par le secteur de la santé aux praticiens spécialistes hospitalo-universitaires (10%) et aux praticiens spécialistes de santé publique (35%) et la révision du régime indemnitaire. Les spécialistes revendiquent l’application des mesures incitatives concernant le service civil, le respect de la réglementation en matière de carte sanitaire pour les services de santé publique et en matière de présence des praticiens spécialistes de santé publique dans les comités médicaux déjà existants ou nouvellement créés.

    Fatima Arab
  • Boualem Sansal : "L’histoire de l’Algérie a toujours été écrite par les autres"

    Par
     
    L'écrivain algérien Boualem Sansal

     

    L'écrivain journaliste Arezki Metref s'entretient ici avec Boualem Sansal. Quand deux écrivains algériens se rencontrent, forcément ça ne peut donner qu'un bon entretien sur la littérature, l'Algérie... Le verbe sans concession et acide de Boualem Sansal est à lire absolument.

     

    Le Soir d’Algérie : Avec Rue Darwin, votre dernier roman en date, êtes-vous totalement sorti de la fiction ou au contraire y entrez-vous plus que jamais ? Faut-il du courage pour se raconter ainsi ?

     

    Boualem Sansal : Se raconter est toujours difficile, périlleux. On s’expose, on expose ceux dont on raconte la vie, on peut se mettre en difficulté avec eux. Mais Rue Darwin n’est pas une autobiographie, c’est une fiction, une vraie fiction. Il y a bien des ressemblances entre Yazid et moi mais c’est tout, nous sommes des personnes distinctes. Il serait trop compliqué pour moi de dire comment a été construit ce personnage, qui prend un peu de moi, un peu d’une autre personne, réelle elle, dont je n’ai pas voulu parler dans le roman. La famille de Yazid, celle de la rue Darwin, n’est pas ma famille. J’ai vécu à la rue Darwin moi aussi mais je n’ai pas de sœurs, et mes frères (au nombre de trois) ne ressemblent en rien aux frères de Yazid (Nazim, Karim, Hédi, eux aussi des personnages de fiction, empruntant à des personnes réelles). Yazid est un personnage qui gardera son mystère puisque j’ai choisi de ne pas parler de la personne qui l’a inspiré. Ceci étant précisé, le reste est bien réel. Djéda, sa tribu et son étrange empire sont une réalité que je crois avoir décrite avec justesse. Ce monde a disparu, il a été démantelé au moment de l’indépendance et transféré sous d’autres cieux, voilà pourquoi j’en parle avec une certaine liberté. J’ai à peine changé quelques noms, au cas où certains seraient en vie et pourraient être choqués par mes propos. Les hasards de la vie ont fait que la trajectoire de ma famille a croisé la trajectoire de la galaxie Djéda. Trois années durant, après la mort de mon père et la séparation d’avec ma mère, j’ai vécu dans cette galaxie, c’était un monde étrange peuplé de gens étranges. Daoud, Faïza et d’autres encore dont je n’ai pas parlé dans le roman ont eu des destins exceptionnels. Chacun mérite un roman à lui seul. Comment raconter cette histoire a été un challenge pour moi. Racontée de mon point de vue, l’histoire aurait été sans intérêt, elle ne m’aurait pas permis d’aborder les questions qui m’agitaient et dont je voulais traiter dans ce roman : la question de l’illégitimité, la question de la norme sociale qui, en s’imposant, détruit toute construction et toute hypothèse qui lui seraient contraires, la question du devenir des tribus arabes et berbères lorsque la colonisation a commencé à modifier de fond en comble leur environnement symbolique, économique, social, juridique, la question de la "nouvelle colonisation" que le régime nous a fait subir au lendemain de l’indépendance et son impact sur l’imaginaire du peuple qui depuis vit dans la frustration et la honte de s’être laissé déposséder de son bien le plus précieux, la liberté, etc. Il me fallait un personnage plus riche, mieux imbriqué dans ces questions. Yazid répond bien, de mon point de vue, au cahier des charges : il est, ou serait l’héritier d’une vieille et puissante tribu, il est ou serait illégitime, il est largué par l’histoire post-indépendance comme il a été largué durant la période coloniale, il est culturellement fait de bric et de broc, il emprunte à l’un et l’autre univers.

     

    L’histoire de Djéda résume métaphoriquement un peu celle de l’Algérie. Quelle est-elle ? 

     

    On découvre qu’écrire l’Histoire est une chose infiniment compliquée. C’est comme raconter une opération magique, on peut décrire ce que nous voyons avec nos yeux, mais nous ne pouvons pas, et sans doute le magicien aussi, dire comment la magie opère. Connaître les faits historiques et les agencer dans une chronologie ne suffit pas, il faut encore ce quelque chose de mystérieux qui les agglomère et en fait l’Histoire, une chose vivante qui nous nourrit comme individu et comme collectif et implante en nous le sentiment d’appartenance à la communauté. Sans l’Histoire, il n’y a pas de lien, pas de patriotisme, pas de sacrifice pour son pays, il n’y a que l’intérêt personnel et la jouissance immédiate. L’Histoire de l’Algérie a toujours été, depuis l’Antiquité, écrite par les autres, les Romains, les Byzantins, les Vandales, les Arabes, les Turcs, les Espagnols, les Français, et tous nous ont traités dans leur Histoire comme si nous n’existions pas, comme si nous étions une race disparue ou vouée à la disparition, ou au mieux comme si nous étions une partie congrue d’eux, des bâtards. Et lorsque, enfin, nous sommes maîtres de notre destin, donc en mesure d’entrer dans notre Histoire et de la poursuivre, des gens, nos chefs autoproclamés, incultes et complexés, ont décidé de nous inscrire dans une Histoire qui n’est pas la nôtre, ils font comme s’ils avaient honte de notre identité, de notre histoire, comme si nous étions réellement des bâtards. Le besoin d’être vus comme appartenant à une race soi-disant supérieure, une race élue, quitte à renier sa propre identité, a causé bien des drames au cours du temps. Dans Rue Darwin, ces questions sont sous-jacentes au questionnement de Yazid qui s’interroge sur sa propre origine, son devenir ? Il finit par savoir mais le mal est si profond qu’il décide de quitter le pays. Il est trop tard pour lui, il est célibataire, n’a pas d’enfants, il n’a donc rien à construire, rien à reconstruire, rien à léguer. Il est difficile, impossible même de rattraper son Histoire si toute sa vie on a vécu dans l’ignorance de cette Histoire. Vivre dans le pays qui vous nie dans votre identité est intolérable, même et surtout si c’est votre pays et celui de vos ancêtres. Autant vivre ailleurs et endosser l’Histoire de cet ailleurs… s’il veut bien de vous. 

     

    Vous êtes connu et apprécié en tant qu’écrivain en Europe et décrié, péjoré, boycotté en Algérie. La collision de votre œuvre avec les gardiens du dogme nationaliste rappelle, d'une certaine façon, l’accueil fait en 1952 à La Colline oubliée de Mouloud Mammeri, accusé par les intellectuels nationalistes de ne pas être un canal de propagande du militantisme nationaliste. Comment analysez-vous cette hostilité ? 

     

    C’est une réaction normale. Le premier réflexe de toute communauté est de rejeter celui qui vient lui dire des choses qui la dérangent dans ses certitudes ou dans son sommeil. Lorsque, en plus, le "dérangeur" s’exprime à l’étranger, devant des étrangers, la communauté se sent mal. "On lave son linge sale en famille", me dit-on. Les gens sont naïfs ou font semblant de l’être. Depuis quand peut-on s’exprimer librement à Alger ? Ceux qui disent qu’il faut que les choses restent entre nous, ou qui vous disent qu’on peut s’exprimer librement dans le pays, sont les premiers à vous refuser la parole le jour où, les prenant au mot, vous venez leur parler de ce qui ne va pas dans leurs affaires. C’est un mystère, les gens adorent jouer les gardiens du temple, les G.A.T comme je les appelle dans Poste restante Alger. Ça leur donne bonne conscience. Pour certains, l’affaire est simple, elle est sordide, c’est une façon pour eux d’envoyer un message à Qui-de-droit pour lui dire : Regardez, maître bien-aimé, nous vous sommes fidèles, nous défendons votre enseignement, nous avons crucifié le mécréant, le contre-révolutionnaire, ou l’antinational (selon la période et l’idéologie de Qui-de-droit). D’autres relèvent de la psychiatrie, ils font une fixation morbide, qui se veut parfois polie et intelligente, sur ce Boualem Sansal qui dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas. D’autres sont tout bonnement des gens qui s’ennuient, ils ont besoin de parler, d’écrire, de papoter avec leurs amis, il leur faut une tête de Turc pour se donner l’illusion qu’ils sont forts. Il y a aussi des gens qui font de vraies critiques mais ils n’y croient pas eux-mêmes, ils aiment seulement porter la contradiction. C’est compliqué, ces choses. Mais c’est intéressant, il est bon de savoir dans quelle société on vit. Ce n’est pas la joie de faire le rabat-joie dans un pays de certitudes et de faux-semblants. Chez nous, en Algérie, il vaut mieux être maquignon qu’écrivain, c’est sûr. 

     

    On sait votre attachement à l’Algérie mais pas à celle façonnée par l’unanimisme niveleur du parti unique. J’ai envie de vous demander de me décrire l’Algérie que vous aimez. 

     

    Pour paraphraser un écrivain illustre, lui aussi très dénigré en Algérie, un certain Camus, un compatriote de Belcourt, je vous dirai que j’aime l’Algérie comme on aime sa mère. Qui se demande pourquoi et comment il aime sa mère ? Il l’aime, c’est tout. C’est tout le mystère de l’amour, il dépasse les mots et les contingences. Mais nous sommes pluriels, on est l’enfant de sa mère, on est aussi le fils de son pays et comme tel je voudrais que mon pays soit grand et fort, respectueux et respecté, intelligent et modeste, doux et têtu quand il faut l’être. Je me pose souvent la question : quelle belle part notre pays a-t-il apportée au monde ? Pas grand-chose, hélas. Un petit pays tout montagneux comme la Suisse a infiniment plus donné à l’humanité que nous, dans tous les domaines, la science et la technologie, la philosophie et les arts, le commerce et l’industrie, et dans tant d’autres domaines. A part les discours creux et les rodomontades de kasmas, qu’avons-nous produit depuis l’indépendance ? Rien, nous avons gaspillé du temps, dilapidé de l’argent et noyé le poisson. Les GAT dont nous parlions tout à l’heure ont fait fuir à l’étranger tous ceux qui parmi nous pouvaient faire briller le nom de notre pays dans le monde. Nos savants et nos artistes se sont tirés en vitesse, ils sont en Europe et aux Etats-Unis, ils contribuent à la réussite de leurs nouveaux pays, on ne voulait pas d’eux ici, ils dérangeaient les analphabètes, les minables, les parvenus qui nous gouvernent. Maintenant, on nous dit que l’Algérie est en paix, qu’elle est bien gouvernée et qu’elle a plein d’argent. C’est bien, mais que faisons-nous pour le monde et pour nous-mêmes avec cette paix retrouvée, ces montagnes d’argent facilement gagné et cette si magnifique gouvernance ? Voyez-vous quelque succès à me citer ? Une découverte quelconque, une petite invention, un prix Nobel de la paix, une nouvelle théorie de la matière, une avancée politique à la Mandela, à la Gorbatchev… ?

     

    Vous portez un regard acide sur l’histoire de ce pays. Aucun tabou ne semble vous inhiber ? 

     

    Soyons sincère, notre histoire est l’histoire d’un peuple soumis, qui subit et se tait, elle est l’inventaire de nos échecs et de nos lâchetés. Où sont les pages qui disent nos succès et nos avancées ? Je ne les vois pas. Je ne comprends pas qu’un peuple qui a fait une si longue et si meurtrière guerre pour se libérer du colonialisme accepte la situation indigne dans laquelle il a été jeté depuis l’indépendance. Nous sommes en 2012, c’est toute une vie passée dans le silence et la peur. Les gens regardent leur pays se faire piller du matin au soir et ne disent rien, ne font rien. Ils regardent leurs enfants se jeter dans la harga et mourir en mer et ne disent rien, ne font rien. Ils se font humilier chaque minute de chaque jour par une administration arrogante et une police qui se croit la conscience du pays et ne disent rien, ne font rien. Comment voulez-vous avoir un regard épanoui sur l’histoire de ce pays. Le monde entier nous regarde avec mépris, il se demande si les Algériens d’aujourd’hui sont bien ceux de 1954. Les Tunisiens, les Marocains, les Égyptiens, dont nous nous moquions volontiers, ont entamé leur marche vers la liberté et la dignité et que faisons-nous de brillant ou d’utile ? Rien, nous courbons un peu plus le dos et nous nous en prenons à ceux qui viennent nous dire que notre situation n’est pas saine. Comment est-ce possible que les gens osent encore se regarder alors que le monde entier se révolte contre l’ordre ancien, contre les injustices, contre la dictature qu’elle soit policière, financière ou religieuse. Pour ce qui est du tabou, je n’en ai pas et donc je n’ai pas d’inhibition. C’est aussi que je me suis donné quelques bons maîtres, Voltaire, Kateb Yacine. Ceux-là en particulier n’avaient pas la langue dans leur poche. Ils disaient ce qu’ils pensaient. La seule chose qu’ils s’interdisaient, c’était de dire ces choses sans art. 

     

    Entretien réalisé par Arezki Metref

     

    Poil à gratter

     

    Ce qui déroute la bien-pensance chez Boualem Sansal, c’est qu’il ne désigne pas un fauteur de régression caricaturé, un bouc émissaire qui porterait toutes nos forfaitures : le Pouvoir, l’Etranger, etc. Même si la conspiration est de l'ordre du possible, la régression vient d’abord de nous, être collectif national au parcours cahoteux, bon et mauvais à la fois, diable et bon Dieu enchevêtrés, soumis et rebelle selon le temps qu’il fait. C’est nous, voilà ce qu’il nous dit. Ce n’est pas l’autre. Evidemment, avec cette obstination à aller droit au but, à ne pas dribbler au profit de telle ou telle force, avec cette aisance à se débarrasser des tabous, il ne peut plaire à une classe politique et intellectuelle pétrifiée dans la grégarité et le pavlovisme. On le lui fait savoir à qui mieux mieux. Tout cela fait de Boualem Sansal l'un des écrivains algériens le plus talentueux de tous les temps mais aussi, et surtout, un digne continuateur de Kateb Yacine dans l’art de s’exposer en exposant ce qu’il y a de plus profondément perturbé dans notre identité collective, si tant est qu’elle existe. Rarement écrivain aura été aussi fustigé et rarement aussi il aura autant récidivé, convaincu de la nécessité de dire quoi qu'il en coûte. Son dernier roman, Rue Darwin (Gallimard), pose dans le style onctueux qui est le sien, la question de l'illégitimité. Au-delà du destin des personnages emblématiques d'une Algérie chavirée dans son histoire, c'est justement de ce qui fait l'identité d'un peuple et d'un individu dont il s'agit. Boualem Sansal confirme avec ce roman son rôle de poil à gratter mais authentique, prenant des risques, touchant au saint du saint. 

     

    A. M.