En théorie, on n’a pas le droit de tuer quelqu’un qui n’a rien fait. Sauf si l’on est militaire, comme cela s’est passé en Kabylie, une fois de plus. C’est comme ça et ça fonctionne ainsi ; des années après leur retrait officiel de la scène politique, les militaires ont gardé leurs privilèges tout en faisant semblant de s’être débarrassés de leurs corvées, comme nommer des ministres ou des présidents, par exemple. Dans le même ordre d’idées, il faut rappeler qu’aujourd’hui encore, on ne peut se faire soigner dans le seul hôpital correct, celui de Aïn Naâdja, que si l’on est militaire.
Si l’on est universitaire, on peut se faire attribuer un logement de fonction, mais à la condition qu’on s’engage dans l’armée. On peut avoir des prêts bancaires, une plage privée, des assurances, l’eau, le gaz et l’électricité gratuitement, l’accès sans frais à plusieurs services publics, aux importations de véhicules, mais uniquement si l’on est militaire. A un plus haut degré, si on est responsable, on peut avoir un budget ministériel supérieur à celui de l’Education et de l’Enseignement, mais seulement si l’on est militaire. Finalement, la recette du bonheur en Algérie n’est ni d’être riche ni d’être au pouvoir, d’avoir des entrées gratuites en boîte, un visa Shengen à vie ou une très belle voiture qui méprise tout le monde quand elle roule, mais simplement d’être militaire.
On peut tuer, nager, habiter, se soigner, tout faire sans n’avoir de compte à rendre ni à la société ni aux institutions élues. Comme il n’est toujours pas décidé d’ouvrir les avantages des militaires aux civils, le seul moyen de s’inscrire dans le nirvana collectif est que chaque Algérien s’engage dans l’armée pour profiter de tous les bienfaits liés au statut. Un pays, 36 millions de soldats. Seule consolation : le président Bouteflika, qui cautionne ce régime à deux vitesses et signe les chèques, se sentira bien seul.