"Il est resté identique à lui-même, comme une statue qui traverse le temps sans en subir les outrages. À peine si l’âge a empâté ses traits, arrondi les angles, l’œil est resté vif, la voix aussi claire qu’en octobre 1963 quand il a lancé le fameux «Hagrouna !". Et aussi gardé une mémoire d’éléphant même s’il affirme qu’il veut oublier pas mal de choses…"
Dans cet entretien imaginaire, feu Saïd Mekbel, raconte Ben Bella. Un salaud est par définition un homme méprisable et le premier Raïs de l’Algérie avec son « Hagrouna » est méprisable et méprisant vis-à-vis d’un peuple qui ne mérite aucune compassion quand on pense aux enfants de l’Après-pétrole. Au bluff du Hagrouna, le Sage de l’Afrique a ajouté l’imposture face à un public de salopards. "…les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être : guerriers, citoyens, hommes quand il le veut ; populace et canaille quand il lui plaît", affirmait déjà Rousseau.
Quand l’Angleterre, mère de la démocratie occidentale, a augmenté le salaire des juges, le gouvernement de l’époque a déclaré qu’il voulait protéger les hommes de loi de la corruption. Bizarre. On croyait naïvement que ceux qui résistent le plus au virus c’est justement ceux dont les études du Droit les avaient bien vaccinés contre lui. En Algérie, le bonheur de nos magistrats est dû au coup de «folie» d’un monsieur Brahimi affirmant en 1990 que le montant des pots-de-vin touchés par les hauts fonctionnaires de l’Etat en signant des contrats avec les étrangers s’élevait à 26 milliards de dollars : l’équivalent de la dette extérieure. Résultat, on a triplé les salaires de nos robes noires et monsieur Hamrouche s’était justifié à l’anglaise. Anouar Benmalek dans son livre Chroniques de l’Algérie amère écrit : "Un jeune juriste, s’il choisit la magistrature après 4 années de licence et 2 années de stage débutera avec un salaire supérieur à celui d’un professeur d’université titulaire d’un doctorat d’Etat." Dans l’Honneur de Déplaire, André Giresse parle de la justice française : « Reflet de la volonté du Prince, le Conseil supérieur n’était plus, sous la Vème, un temple où soufflait l’esprit des lois, mais une foire aux vanités, une bourse des promotions, un Versailles judiciaire peuplé de courtisans. On y venait rituellement faire ses dévotions et avancer en grade à coups d’encensoir et de génuflexions...» Malgré les scandales et la Constitution Liberté-Fraternité-Egalité les monarques de Versailles seront toujours au-dessus de tous les soupçons de Dame Justice. Le seul pays qui a mis son président derrière les barreaux c’est Israël et pour une affaire de mœurs. En face d’eux, les leaders palestiniens ont dû bien rigoler dans leur Mercedes et palais des 1001 nuits. En Palestine, ils n’ont pas de rente pas de pays, mais l’Empire Arafat n’est pas en carton encore moins celui de Hamas qui s’est assagi depuis son intronisation. D’après le Procureur général de l’Autorité palestinienne 80 pour cent des responsables sont corrompus. Des milliards de dollars d’aides internationales pour la population détournés sans aucune réaction des donateurs au point dit-on que « la Palestine est le secret le mieux gardé de l’industrie de l’aide.» D’après le site hekayaty.com, Hamas et l’Autorité Palestinienne c’est Beverly Hills : en une année 10 milliards de dollars envolés. Abbas se justifie ainsi : « Le scandale à propos de corruption est un complot israélien. » Si c’est vrai, l’honnêteté des dirigeants palestiniens sera une première dans le monde arabe, il faut qu’on pense à leur offrir le prix Nobel et surtout convaincre leur peuple que l’enfer du frère est meilleur que le paradis de l’ennemi. Même Mandela est mort millionnaire. Ses héritiers politiques et leur Black Economy n’a finalement servi qu’à remplacer des patrons blancs par des patrons noirs dont le seul mérite est d’appartenir à l’ANC. Mandela reste un héros pour avoir empêché une guerre civile ou un génocide à défaut de réaliser le plus petit rêve du plus grand nombre. L’histoire ne retiendra pas le nom du président de l’Uruguay José Mujica dit Pepe, il a renoncé à 87 pour cent de son salaire au profit des pauvres, refusant de porter un costume vit dans sa vieille ferme avec sa vieille femme et sa vieille voiture tout en expliquant : "J’ai lutté toute ma vie pour un monde plus juste …» Que pèse ce fétu de paille face à l’Empire Goldman Sachs, responsable de la crise de 2008 qui ne cesse de s’enrichir et d’appauvrir en espèces et en neurones la race humaine. Même le diable est obligé d’acheter l’âme parce qu’il n’a pas le pouvoir de la voler. En Europe, le cœur de la crise correspond au cœur de la corruption : les plus corrompus sont les plus touchés. D’après la Commission européenne, le mal coûte à l’Union 120 milliards de dollars par an, 1 pour cent du PIB. Le rapport dénonce les prises illégales d’intérêt, les favoritismes, le crime organisé, les fraudes fiscales et financières, le blanchiment d’argent…Pas un mot sur le lobbying, la corruption, la cooptation, l’incompétence qui minent l’UE au sommet à la pousser à réintroduire par exemple la farine animale pour des bêtes herbivores afin d’engraisser le bétail humain. En Grèce, la corruption est à tous les étages et d’après TI (Transparency international) la dette grecque a été causée en partie par la fraude fiscale. Qui fraude le fisc sinon les riches et les ayant-droits. D’après le Figaro : "Rarement la France aura placé trois des siens dans un top 10 international… ayant payé les plus gros montants…pour mettre fin à des poursuites pour corruption…". En 2000, une centaine de pays se sont réunis en Pologne pour s’engager à propager la démocratie dans le monde, un seul pays a refusé, la France, porte-parole du monde arabe et de l’Afrique. Son ministre des AE avait déclaré qu’on ne peut imposer la démocratie à un peuple qui n’en veut pas. Par contre on peut imposer la dictature et ses valises à billets.
"La tolérance zéro pour la corruption est primordiale. L’Etat doit être le serviteur et non le maitre du peuple » déclarait sans rire sa compatriote la patronne du FMI. Ce qui ne l’a pas empêché d’être plus que satisfaite lors de sa visite début 2013 au Cambodge après une crise politique due à des élections truquées. Le Cambodge, pays le plus corrompu d’Asie classé dans la matière 160e sur 177 pays d’après TI (transparency international).La Turquie qui n’a pas eu la chance de rentrer dans l’Europe ni de reconstituer l’Empire ottoman, le fléau menace la politique et la livre turque le tout sous l’œil de la religion. En Chine, on parle de problème structurel et Confucius a été enterré au profit de McDonald. «Les princes rouges» qui tiennent leur «mandat du ciel» sans croire à ses prophètes, sont gangrenés. Quand un «tigre» est sanctionné au lieu d’une «mouche» c’est qu’il a cessé de plaire. On estime le nombre de riches à 300 millions sur 1, 5 milliard de Chinois condamnés à la pauvreté à tout jamais au risque de faire exploser la planète. Ils pourront toujours survivre en lisant le célèbre livre de Zhuxiao, fils de leur empereur écrit en 1406 «L’Herbier pour la survie en cas de disette». Seulement du temps du prince herboriste, si la terre était radine elle n’était pas polluée. Le Japon qui a été un modèle unique de performance depuis plus une dizaine d’années est en train de régresser avec la qualité de ses dirigeants. En 2011, le tsunami et la catastrophe du nucléaire avaient mis à nu la fragilité du géant. Quand ils protestent, les Japonais ne manifestent pas dans la rue ne brûlent pas ne s’entre-tuent pas, mais chaque fin de semaine ils protestent dans le calme devant la résidence du Premier ministre avant de tout nettoyer et repartir. Leur méthode est efficace, le coupable démissionne en demandant pardon. Hélas le virus est mondial et les caisses sont vides. Ajoutons que les responsables nippons se contentent de faire des cadeaux au lieu de détourner des fonds. En 2010, l’incendie de la forêt russe, 2 milliards d’hectares représentant 20 pour cent de la réserve mondiale, fait découvrir aux médias le Village-Potemkine. Avec ses 17 millions de kilomètres carrés, la grande Russie possède moins de pompiers que la France avec un matériel datant des années 70. En 2000, Poutine a pris le soin de se débarrasser du ministère de l’Ecologie initié par Gorbatchev. Pourquoi s’encombrer de statistiques concernant la canicule la pollution alors que la Douma le "club où on fait des affaires" en est préservée. La Douma comme l’APN, on peut acheter son siège en distribuant des billets des terres aux électeurs ou au Parti. Une fois élu, on est libre de s’expatrier pour booster les affaires jusqu’au prochain vote. Dans le monde arabe, la question a été réglée aux racines. Le blogueur saoudien Khaled Al Majid, surnommé le Wikileaks saoudien, révèle : «Certains individus possèdent des propriétés si vastes qu’ils leur faut un hélicoptère pour se rendre d’un bout à l’autre alors que les deux tiers de la population ne parviennent pas à obtenir un terrain pour construire une maison pour leur famille. Une grosse part des milliards du pétrole est engloutie dans des projets d’infrastructures au bénéfice d’entrepreneurs véreux. Les grands de l’Etat comptent parmi les plus grosses fortunes de la planète. Pour l’Egypte on parle de 70 milliards de dollars volés par Moubarak cette somme correspond pour certains riches à la zakat 2,5 pour cent de leur fortune. Ils ne paient ni l’électricité ni l’eau ni le téléphone ni les billets d’avion, ni l’hôtel, rien du tout. Le favoritisme règne partout dans toutes les administrations où l’on nomme des proches, les amis, les enfants d’Untel. Des journalistes, des poètes, des religieux, des intellectuels…s’inclinent devant un prince, un ministre. Les rues telle et telle, les universités unetelle et untelle, les instituts untel, les chaires unetelle, les hôpitaux untel…Partout des grandes villes au plus petit bourg, on retrouve les mêmes noms jusqu’à la nausée…En Tunisie ils ont renvoyé leur président, chez nous on n’a même pas renvoyé le gouverneur de province après des centaines de personnes noyées deux années de suite à cause des inondations à Djeddah, la 2eme ville du royaume.
Que dire des Saoudiens détenus pendant des années en prison sans être jugés sans avoir commis de crime… Nous nous sentons comme des intrus qui encombrent la famille royale.» Avant l’internet, une princesse saoudienne dénonçait déjà dans son livre Sultana l’«anomalie» génétique des Ibn Saoud à travers le portrait de son propre frère qui couvrait d’or et de pierres précieuses ses nombreuses femmes et concubines avant d’aller en Egypte acheter des fillettes vendues le temps d’un viol par une mère détraquée par la misère. Un autre prince exilé en Allemagne se plaint lui que les forces de renseignements saoudiens traquent les opposants jusqu’à l’étranger. Un autre, considéré comme l’homme arabe le plus riche, Al Walid ben Talal a acquis dit-on 3,75 pour cent de Twitter pour surveiller des internautes saoudiens les plus surveillés au monde. On imagine la prudence du Wikileaks saoudien, suspecté d’être un prince rebelle, et l’ambiance de la prolifique fratrie qui veille sur les Lieux Saints de l’Islam.
Quand on compare l’Algérie à l’Arabie saoudite, les points communs certes sont légion, seulement on n’a pas de Wikileaks et nos princes n’ont pas de propriétés ni illimitées ni lilliputiennes sauf le très officiel et très blindé Club des Pins. Les noms «Untel jusqu'à la nausée» sont ceux de nos martyrs. Aucune pénurie à redouter : nos princes en partance reviendront un jour en martyrs si on arrive à imaginer l’Algérie post-pétrole comme on imagine un chaos après le chaos. Aujourd’hui, nous sommes nourris, chaussés, habillés, médicalisés outillés parfumés maquillés chinois et en plus on nous importe des Chinois pour construire des édifices des routes ponts immeubles et même des mosquées. À ce rythme, on peut se demander pourquoi on envoie encore les gosses à l’école c’est sans doute pour cela que les grèves à répétition dans ce domaine nous laissent de plus en plus indifférents. À ce rythme, on n’est pas des intrus, on est des insectes nuisibles. Si au moins on a importé le rire des Chinois ; si au moins on pouvait soulager nos cœurs avec un Hagrouna ! "Les structures du discours ont été si parfaitement intégrées par les profiteurs du système que, lorsqu’un individu se met en quête des mots et des formules qui exprimeraient son cas, il découvre qu’ils sont déjà largement en usage au service du pouvoir." (John Saul, Les Batards de Voltaire)
Mimi Massiva