éducation
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ben bouzid est passé par la!
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no moment
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Ya Baba Ya Latif
Dans plusieurs villes du pays, des élèves sont sortis, furieux, après un sujet de philosophie au baccalauréat jugé trop difficile parce que non étudié en cours de terminale. Contestation, violences, bref, un scénario à l'algérienne, pays tendu où même les épreuves scolaires donnent lieu à des affrontements. Mais qu'y avait-il dans ce sujet ? Un thème banal, «la vérité est relative». Où est le problème alors ? Il est dans le programme de terminale, dans les cours de philosophie où l'on apprend aux élèves que c'est surtout la liberté qui est relative.
On peut comprendre ce choix des programmateurs pédagogiques, les libertés réclamées ici et ailleurs ne sont pas forcément bonnes pour tout le monde et il faut savoir les apprécier avec beaucoup de relativité, ce qui, pour le régime liberticide algérien, est utilisé comme propagande. Mais sur la vérité, c'est un tout autre problème. Car on enseigne depuis longtemps aux élèves, à leur parents et voisins qu'il n'y a qu'une seule vérité, celle de Dieu et pas n'importe lequel, et que ce dogme constitue quelque chose d'absolu et de non relatif. Comment ensuite disserter ? Le bug de l'élève devant cet obstacle majeur de la pensée n'est pourtant pas entièrement recevable ; quand on fait de la philosophie, on peut en théorie disserter sur n'importe quel sujet.
En pratique, l'abrutissement de masse engagé il y a plus de 14 ans par le très relatif Benbouzid a donné ses fruits mous, et l'arrêt volontaire de la pensée engagé par les pouvoirs publics, les imams, les médias publics, les instituteurs, les chauffeurs de taxi et les coiffeuses aura contribué à fabriquer des générations de méta-bloqués. Maintenant que le sénateur Benbouzid peut disserter dans les fauteuils feutrés de la République du haut de ses 400 000 DA mensuels, son successeur Abdelatif Baba Ahmed doit se demander ce qu'il faut faire. Ou défaire. Tout est relatif.
Chawki Amari
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L’école algérienne, des listes et des chiffres
benbouzid
"Le cerveau des enfants est comme une bougie allumée dans un lieu exposé au vent : sa lumière vacille toujours."
Une collégienne ayant obtenu 20/20 en maths avec une moyenne générale de 19,83/20 au BEM normalement sélectionnée au lycée d’excellence de Kouba, se retrouve refoulée en cette rentrée 2012. Et le père de conclure fataliste : "Je sais que notre cas n’est pas unique." (1) On ne cesse de la donner sinistrée avec paroles d’experts et classements internationaux à l’appui et voilà que l’école algérienne sort de son chapeau de magicienne de petits génies et des établissements d’excellence pour récolter pourquoi pas des pépites nobélisables. Ça console quand on pense à ces milliers d’élèves qui se serrent comme des sardines sur leur banc rêvant à une lampe d’Aladin qui fera jaillir de terre un modeste lycée loin de toute mention.
Un ancien prof avait l’habitude de dire à ses élèves : "Le 20 c’est pour Dieu le 19 pour moi et le 18 pour vous." A son époque même le 18/20 se comptait sur les doigts d’une seule main au niveau national. Mais heureusement, notre généreuse école Fondamentale nous a gâtés avec ces chiffres "subliminaux" et le nouveau moyen les a bien adoptés. Ah les maths, cette reine des disciplines détrônée par des politiciens qui s’en méfient au point de faire dire à un ex-Le sysministre de l’enseignement français : "Les mathématiques sont en train de se dévaluer de façon quasi inéluctable : désormais, il y a des machines pour faire les calculs, idem pour les constructions de courbes."(2) Sauf que ceux qui ont inventé les machines les calculatrices l’informatique ne l’ont pas fait avec de la prose politicienne. Grosso-modo, une école sans maths fera bien son affaire, on y est presque à voir le programme qui exige de moins en moins de l’élève un esprit d’analyse de rationalité et avec la marginalisation de la géométrie on a réduit les sujets de cette matière à de simples opérations de calcul. "Les mathématiques sont devenues une liste de resultats et de techniques que les élèves mémorisent comme des perroquets." (3) Devant son recul technico-scientifique et le classement tout juste moyen de son école par l’OCDE avec son test Pisa 2010, la France est en train de revoir sa copie. 1/3 de ses chercheurs sont d’origine étrangère, en pénurie, elle les importe et l’Algérie est un excellent réservoir avec un nombre de scientifiques expatriés dépassant celui des victimes du terrorisme.
En Corée du Sud, le redoublement est interdit et l’Etat dépense dans ce domaine moins que l’Hexagone mais les petits Coréens parviennent à être premiers en maths (Pisa 2010). Dommage, nos gosses ne participent pas à ce genre d’épreuves ni avec les étrangers ni avec les frères arabes. On doit se contenter des chiffres qui émanent de l’unique source officielle comme ceux du vote. La seule certitude qu’on a c’est que nos jeunes diplômés qui émigrent sont obligés de se recycler, de remettre le compteur à zéro avec de fortes chances de dépasser la quarantaine pour entrer dans la vie active. Exemple, ces trois Algériens, un aide-soignant un toubib et un journaliste obligés de suivre la même formation au Canada pour devenir infirmiers.
En 2000 l’Allemagne a eu un mauvais classement qui entraina un véritable traumatisme national. Elle a revu tout son cycle primaire s’est inspirée des méthodes étrangères et a devancé rapidement la France. Les experts de l’OCDE affirment que tout se joue avant 12 ans et que les facteurs de la réussite scolaire sont variés mais une seule constante : la formation de l’enseignant. En Algérie on est allé plus loin, on a fait l’élève avant de faire le maître avec l’algérianisation à tout prix. Mais à présent, c’est fini, on a des licenciés à ne plus savoir quoi en faire, des anciens élèves qui ont eu avant et après 12 ans des enseignants qui pour la plupart sans bac. Or si la dépréciation de la valeur des diplômes n’est pas spécifique à notre pays, on a d’autres grains de sable dans la machine.
Aujourd’hui, pour le master, les LMD protestent, ils préfèrent le risque des listes imposées à celui des concours truqués. Ils sont bien placés pour le savoir, de l’école primaire à l’université, le piston règne en maitre. Personne n’est épargné ni le personnel ni les élèves. Inimaginable pour les experts de l’OCDE, non que la corruption n’existe pas chez eux mais jamais au péril de leurs institutions surtout scolaire. Autant livrer le ministère de l’Education et de l’Enseignement à la maffia et se libérer de tous les tracas. Depuis la chute de l’empire ottoman et la deuxième guerre mondiale, on sait que la force d’une nation réside dans le QI de ses citoyens pas dans le nombre de ses soldats. Les USA ont beau tendre la main aux Chinois pour avoir de l’argent, c’est eux qui détiennent le plus grand nombre d’inventeurs. On sait simplement que sur 50 bébés qui naissent 1 est doué et ça peut être n’importe qui comme une loterie. Aucun scientifique n’a réussi à faire le lien entre la matière grise et l’ADN d’une famille ou d’un groupe. Chez nous à tous les niveaux, ce lien est omniprésent, c’est notre constante nationale prioritaire. Combien de compétences ont été écartés combien d’enfants prédisposés ont été dégoûtés avant d’atterrir dans l’enfer de la rue à cause de cet "handicap". Tout chef est nommé par son chef jusqu’au sommet et à chaque étape le roitelet constitue sa cour pour préserver le "pédigrée" de la lignée. Ce tri incestueux génèrent d’autres injustices au-delà de l’incompétence il y a l’immunité. Une plainte contre n’importe quel petit caïd et nous voilà face au pote au parent au complice qui nous rira au nez et nous devrions remercier Dieu d’avoir sauvé notre peau de ses griffes. On se souvient de ce directeur accusé par trois enseignantes de harcèlement sexuel. Sujet ultra sensible chez nous, les autorités concernées se sont montrées pleine de compassion : les victimes ont été simplement mutées.Tous les jours, les journaux nous révèlent la malédiction de ces preux chevaliers qui se retrouventderrière les barreaux ou candidat s à l’exil au suicide. Le piston est devenu le seul papier qui compte dans un dossier à remplir, la seule compétence exigée partout où on va. D’où ce cercle vicieux qui gangrène toute l’institution et qui fait dire à ce parent que son cas n’est pas unique. Dans cette mélasse empoisonnée, aucune réforme ne peut aboutir si on ne nettoie pas d’abord pour semer ensuite. Pour le moment la question ne se pose même pas tant la réponse fait peur. Il ne reste aux enseignants mécontents que les grèves pour des causes zen comme les salaires les primes les logements les œuvres sociales la surcharge des classes des programmes etc. Avec en plus de la baraka puisque leur débrayage semble booster les résultats des examens nationaux au lieu de les saboter. Il ne reste aux parents qu’à continuer à se sacrifier pour les cours privés, les écoles privées même si leur programme fait du collé-copie avec l’officiel. Et pour les autres, au mieux pour leurs rejetons, la débrouille dans le commerce formel ou informel, au pire, le spectre de la délinquance.
Cette saignée qui nous a enfanté le terrorisme, calmé depuis, mais qui est en mesure de nous certifier qu’il est bien mort ? On ne voit de l’espoir que dans une collaboration d’associations de parents d’élèves indépendantes soucieuses de l’avenir de leur progéniture et les enseignants qui continuent à résister à ce système explosé pourri jusqu’à la moelle. Le proverbe dit que si on veut on peut. "Les leçons de l’Histoire paraissent claires. Les sociétés en pleine ascension sont simples, sans fard, intransigeantes."
Mimi Massiva
(1) Fénelon (De l’Education des filles)
(2) El Watan 24/9/2012
(3) Claude Allègre (France-Soir 23/11/1999)
(4) Science et Vie (Jean-Pierre Demailly mathématicien académicien)
(5) John Saul(Les bâtards de Voltaire)
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Education : 10 raisons pour lesquelles l’année va cafouiller
L’année dernière, plusieurs mois de grève ont paralysé le système public, ce qui a poussé les autorités à accorder le bac avec une moyenne de 9,5/20. Si le ministère de l’Education, qui a rencontré les syndicats hier, a promis des améliorations, des défaillances structurelles persistent. A moins d’un miracle, l’année 2012-2013 est vouée à l’échec.
Les classes seront surchargées
La réforme du primaire continue de perturber l’ensemble du système scolaire. En septembre 2008, deux promotions entraient en même temps au moyen. Quatre ans plus tard, elles entrent au lycée. On attend 150 000 élèves de plus que l’année dernière. La conséquence est que les classes de seconde pourraient dépasser 50 élèves par manque d’enseignants, selon les syndicats. «Pour le concours de recrutement, le ministère de l’Education a ouvert 15 000 postes, explique Nouar Larbi, coordinateur national du Cnapest. Ce nombre laisse le taux d’encadrement tel qu’il était l’année dernière !» Ce sureffectif va se répercuter sur le volume horaire des enseignants. «Les professeurs auront un emploi du temps plus chargé pour assurer des cours à tout le monde, ce qui ne va pas améliorer le rendement scolaire», explique Meziane Meriane, secrétaire général du Snapest.
Les infrastructures sont insuffisantes
Le nombre de bâtiments scolaires est inférieur aux effectifs. C’est aussi l’une des raisons de la surcharge des classes. «Le manque de planification de l’Etat est flagrant, interpelle Nouar Larbi du Cnapest. A Birtouta, dans la banlieue d’Alger, on a construit des dizaines de milliers de logements, mais il n’y a qu’un seul lycée !» Ce bâtiment, qui a une capacité d’accueil de 800 élèves, en accueille 2400. «C’est comme si les ministères de l’Habitat et de l’Education ne vivaient pas dans le même pays», s’emporte Nouar Larbi. Le matériel mis à la disposition des élèves lui non plus ne suffit pas. «Alors qu’il faudrait 4 ou 5 laboratoires informatiques dans certains établissements, dans le meilleur des cas, les lycées en possèdent un seul», déplore Idir Archour du CLA.
Les enseignants ne sont pas compétents
Le secteur de l’éducation recrute des diplômés de l’université, titulaires d’une licence, soit trois années d’études supérieures. Un concours plus tard, ces jeunes se retrouvent devant une classe. «Ils ne sont pas formés pour enseigner, regrette Idir Archour du CLA. Pour être enseignant, les connaissances scientifiques ne suffisent pas. Il faut maîtriser la pédagogie et avoir de bonnes notions de psychologie.» Parfois, un professeur n’a plus les capacités d’assurer son cours. Mais comme il ne peut pas être transféré à un autre poste, dans une bibliothèque ou une administration par exemple, il reste responsable de l’enseignement aux élèves. «Nous étions parvenus à un accord sur ces postes spécifiques avec le ministère, mais il n’est pas appliqué sur le terrain», explique Meziane Meriane du Snapest.
Les programmes sont inadaptés
Conçus dans les ministères, les programmes scolaires sont en décalage par rapport à la réalité du quotidien des élèves. «Pour étudier les langues étrangères, les textes proposés ne répondent pas à l’actualité», critique Idir Archour du CLA. Les textes choisis pour les épreuves du baccalauréat en sont la preuve. La politique actuelle n’est pas, en effet, de veiller au bon apprentissage de l’élève, mais de remplir des objectifs bureaucratiques. «Dans toutes les filières, on veut enseigner toutes les matières au détriment des matières principales», ajoute encore Idir Archour du CLA.
La pédagogie n’est pas la priorité du système
Depuis la fin des années 1970, l’école algérienne s’est fermée au débat publique, selon les spécialistes. «Le bourrage de crâne est devenu, à quelques exceptions près, la méthode d’enseignement par excellence, dénonce le pédagogue Mustapha Benkhemou. Il s’agit d’apprendre par cœur et de réciter sans faire de commentaire, au risque d’être taxé de perturbateur. On ne forme pas des futurs citoyens, on produit des sujets de l’autorité.» Selon lui, la plupart des bons élèves auront beaucoup de mal à réussir un sujet de synthèse, alors qu’ils ont des notes supérieures à 15/20.
La violence augmente
La surcharge des classes, les locaux exigus et les difficultés d’apprentissage dans ces conditions vont créer des comportements violents chez les élèves. D’autant que la violence est déjà en augmentation dans la société. «On ne peut pas être seul à enseigner face à 50 élèves sans incident», explique Nouar Larbi. «Ce phénomène (de violence, ndlr) existe, mais on ne fait rien pour le réduire, regrette Idir Archour. Nous avons besoin d’une rencontre nationale avec des spécialistes du secteur. Si on ne fait rien, on court à la catastrophe.» Une augmentation des comportements violents induirait également un malaise dans le corps enseignant, voire une augmentation des cas de dépression, selon les syndicats. Les effectifs de professeurs affaiblis rencontreraient alors encore plus de difficultés.
L’arabisation pose toujours problème
Instaurée dans les années 1970, l’arabisation est toujours la principale source de faiblesse du système éducatif. D’un point de vue pédagogique, l’enfant doit suivre un enseignement dans une langue proche de celle qu’il parle. «Le choix de l’arabe classique comme langue d’enseignement bafoue tous les fondamentaux», constate Mustapha Benkhemou, qui souligne que dire à un enfant que le langage qu’il parle, l’algérien, n’est pas une langue, ne facilite pas l’estime de soi et donc l’envie d’apprendre. Une fois à l’université, le problème s’amplifie. Dans les filières francophones, les étudiants ont de graves problèmes de langue. Dans les filières arabophones, les ouvrages scientifiques nécessaires sont rarement traduits. «Une étudiante en sciences économiques m’a avoué qu’elle n’a jamais pu lire Keynes ou Adam Smith dans le texte», raconte Mustapha Benkhemou.
La question du salaire des enseignants n’est pas réglée
Si le statut particulier des enseignants a été promulgué en juin, les syndicats ne le jugent pas satisfaisant, ni sur les critères de promotion, ni sur les retraites, ni sur les salaires. «L’augmentation n’est pas la question, il faut annexer les salaires sur l’inflation», précise le CLA. Même son de cloche du côté du Snapest : «Vous pensez qu’on peut nourrir ses enfants aujourd’hui avec le SNMG ?», s’emporte M. Meriane. «Les conditions de rémunération et d’existence des personnels de l’éducation sont effectivement désavantageuses», constate M. Benkhemou. «Un statut au moins égal à celui des enseignants maghrébins serait la moindre des choses», ajoute-t-il.
Les syndicats autonomes attendent toujours d’être reconnus par le ministère
Lors des réunions bipartites et tripartites, le ministère de l’Education ne s’assoit que face à l’UGTA et au patronat. Les syndicats autonomes tels que le CLA ou le Snapest ne sont pas reconnus. En l’absence de possibilité de dialogue, les syndicats autonomes choisissent la grève. «C’est notre seule arme pacifique», explique M. Meriane.
Le niveau général des élèves est trop bas pour réussir à l’université
«L’école est restée publique et gratuite, mais elle est médiocre», déplore Idir Archour du CLA qui accuse les autorités de vouloir privatiser l’éducation, en poussant les parents à avoir recours aux cours particuliers privés. Mustapha Benkhemou affirme qu’un jeune Algérien issu du système public arrive «très handicapé» à l’université. D’autant que le secteur du supérieur est lui aussi défaillant. «Aujourd’hui, les étudiants sont abandonnés dès le départ, affirme Yasmina, une étudiante d’Alger. Le nouveau cursus (LMD, ndlr) demande beaucoup de travail et de moyens comme un ordinateur portable et une connexion internet. On laisse les bacheliers se débrouiller tout seul, alors qu’ils n’y sont pas préparés».Yasmine Saïd
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Benbouzid, la grande énigme du pouvoir algérien
Par Kamel Daoud
Indéboulonnable, secret, formé en URSS et en place depuis vingt ans, le ministre de l’Education algérien intrigue, dérange. Si bien que certains se demandent s’il ne faudrait pas songer à imposer l’élection des ministres.
Kadhafi 43 ans au pouvoir, Ben Ali 23 ans, Moubarak 30 ans, Benbouzid 20 ans ou presque. Qui est Aboubakr Benbouzid?
C’est l’énigmatique ministre de l’Education algérien, en poste depuis deux décennies, battant des records malsains détenus jusque-là par des dictateurs, pas par leurs ministres et subalternes supposés. Le cas fascine les Algériens, qui ne s’expliquent pas comment un ministre peut être en place depuis plus longtemps qu’un président de la République.
Selon la légende, le président Bouteflika (ou ses prédécesseurs) tient son pouvoir de l’armée algérienne, qui tient son pouvoir d’elle-même, de son histoire, de sa force ou du souvenir de la guerre de libération. L’armée algérienne a libéré le pays, assuré la stabilité, mené la guerre contre les islamistes et est considérée comme l’armée la mieux équipée d’Afrique, depuis peu.
D’où sa mainmise sur la vie politique de l’Algérie. Sauf que dans les stades algériens lors des grands matchs, les Algériens n’insultent pas Bouteflika. Il ne s’appelle pas Moubarak, ni Bachar et n’a encore tué personne, sauf le temps et l’espoir. Dans l’ensemble, les gens, en Algérie, n’en veulent pas au bonhomme.
Une perception algérienne veut que le Président ne soit pas totalement mal vu, qu’on en a même presque pitié. La cause? Il est supposé être aussi faible que le peuple face au «Système». Il est dit qu’il est un Dey pris en otage par des officiers ottomans, comme il y a deux siècles. À l’époque de la régence ottomane de l’Algérie, les Deys vivaient peu, étaient désignés dans le tas et mourraient violemment.
«Personne ne sait où se situe le pouvoir en Algérie»
Les présidents algériens provoquent donc depuis des décennies la pitié et même la compassion. Pour le bon peuple, les présidents algériens finissent mal, tués, chassés, écartés ou emprisonnés et ils ne possèdent pas le pouvoir, mais ses apparences. Pour un sociologue algérien, Bouteflika, «c’est juste la reine d’Angleterre avec moins de panache». Lors de son premier mandat, Bouteflika l’avait lui-même déclaré. Un peu trop sûr de lui-même, en 1999 à son élection:
«Je ne veux pas être les trois quarts d’un président.»
Les Algériens le perçoivent aujourd’hui comme le quart du système. Etre président, ce n’est pas une bonne vie. Et les Algériens aiment les gens qui tombent, qui finissent mal. Ils leur accordent presque de l’amour, sinon, de la charité.
Pour eux, Bouteflika n’est donc pas un mystère. Ni un dictateur. Mais seulement l’employé d’un système féroce qui mange en se cachant, vole en restant invisible, mord et frappe en disant que ce n’est pas lui. C’est le «maquis» à l’époque de la guerre de libération, le salon des réunions de la mafia à Alger, le clan obscur, la force occulte des «Services», la mafia politico-financière…etc.
Même quand on veut donner les noms de ce système, on retombe fatalement vers les prénoms, les pseudonymes. Dans un récent entretien, l’ancien gouverneur de la banque d’Algérie l’a résumé violement:
«Personne ne sait où se situe le pouvoir en Algérie»
Sauf que dans ce jeu, il y a un seul nom qui émerge, qui est vrai et qui n’est pas un pseudo: celui de Benbouziz Aboubakr, le ministre de l’Education algérienne. Cela fait 20 ans qu’il est au pouvoir en tant que ministre. Plus longtemps que le président algérien actuel arrivé aux affaires en 1999.
Un ingénieur formé en URSS, et après?
D’où le bug dans le cadre du printemps arabe. Le système n’est pas une dictature personnelle mais un régime impersonnel. «Dégage», mais à Qui? Combien sont-ils? se disaient les Algériens en 2011. Comment faire une révolution dans un pays où le président est en poste depuis dix ans et ses ministres depuis vingt ans?
C’est l’unique cas où un ministre a une vie politique plus longue que celle du président, de deux présidents, de trois presque. Et, pire encore, de Benbouzid, les Algériens ne savent rien ou presque. On sait qu’il est né en 1954 et qu’il a fait ses études en URSS, à Odessa et Saint-Pétersbourg, qu’il est ingénieur en radiotechnique. Mais rien de plus précis.
D’où cet homme tient son pouvoir et son étonnante longévité? Mystère! En Algérie, on donne ses enfants (l’un des plus gros budgets de la nation est celui de l’Education nationale: près de 600 millions de dollars prévu pour 2012) à cet homme mais on ne sait rien de lui. Étrange imprudence et aventurisme du peuple et des pères de familles, peut-être. Surement!
Des légendes sont même nées autour de cet homme: unique cas où le mythe se tisse, non pas autour d’un dictateur, mais d’un ministre, pas même d’un Premier ministre ni même d’un ministre de l’Intérieur, grand vizir des dictatures selon la tradition. Un ministre de l’Education donc, étrangement tenace depuis son premier poste en 1993.
Deux hommes, un complot ahurissant
La première légende veut qu’il soit un protégé de Poutine ou même l’un de ses beaux-fils ou beaux-frères (ils auraient épousé deux sœurs). Ridicule, mais très en vogue en Algérie. Cette légende grossière vient de son cursus en URSS. De même que la nationalité présumée russe de sa femme. Peu crédible aux yeux des plus critiques, ce mythe de barbouze passif ou d’alliés par paternité fit place à un autre, plus tenace.
Benbouzid serait le gendre du ténébreux général Medien, alias Toufik, Père Vador de la nation, patron des services algériens, grand ténébreux du pouvoir et principal actionnaire dans le Conseil d’administration qui gère le pays et la rente. C’est ce lien de sang qui expliquerait donc pourquoi personne n’a touché à Aboubakr Benbouzid depuis 1993. Rumeur là aussi. La seule information vérifiable est que Benbouzid est au pouvoir depuis 20 ans et le Général Toufik est en poste depuis 1990. Le second ayant été lui aussi formé en URSS.
Sauf que là aussi, la légende ne suffit pas. L’énigme n’est pas résolue mais déplacée. Pourquoi le vrai patron du pays tiendrait-il tant à un beau-fils supposé? La réponse est dans le plus secret projet du régime algérien, selon certains: déformer les algériens, les stériliser, des analphabétiser et les rendre plus dociles, plus perméables au conservatisme, moins rebelles.
Selon cette théorie, Benbouzid est chargé d’un secteur plus stratégique, pour le Pouvoir, que le pétrole. La déculturation des masses. Selon cette légende, les décolonisateurs ne voulaient pas refaire l’erreur fondamentale des colons. Ne pas éduquer l’adversaire et se faire chasser, quelques années plus tard, par une guerre de Libération menée par des enfants indigènes formés dans les écoles du colonisateur.
Étrange culte de l’éducation gratuite et de masse
Donc le Pouvoir, le vrai, l’occulte, charge Benbouzid d’ahurir le peuple pour qu’il ne devienne jamais intelligent ni donc, militant. C’est l’explication intellectuelle de l’énigme Benbouzid, et contrairement à ce que l’on peut penser, elle fait mode depuis des années au sein des élites pessimistes algériennes.
C’est ce qui expliquerait les sept vies du Benbouzid et pourquoi rien n’a pu déboulonner ce ministre: ni Bouteflika, ni l’échec du système éducatif algérien, ni les marches, ni les syndicats des enseignants ni les grèves cycliques, ni rien. L’homme de fer résiste à tout et à l’essentiel, le temps.
Pour beaucoup d’Algériens, il existe aujourd’hui une véritable «génération Benbouzid», une mentalité Benbouzid, et une époque Benbouzid. Ministre en 1994, il a eu sous son aile des enfants qui ont aujourd’hui 26 ans. Cette génération est présentée comme féroce, dure, conservatrice, bigote, convertie au populisme religieux par des manuels scolaires dignes du moyen-âge ténébreux et inquisiteur. Des manuels enseignant les règles du divorce à des enfants de dix ans, les tortures des impies dans les tombes et la faiblesse naturelle de la femme.
L’Algérie, sur les tablettes de l’Unesco, est un pays qui dépense beaucoup pour les écoles. Mais quand on fait le bilan, aucun Algérien n’a marché sur la lune dans son pays. Le régime procède par un étrange culte de l’Education gratuite, de masse, en réponse au traumatisme de l’époque coloniale et de son école à castes. Sauf que cette éducation nationale n’est pas une scolarisation simple et moderne mais un endoctrinement en vrac.
Imposer des élections de ministres
Benbouzid est connu par son culte des chiffres et des statistiques. Il ne répond jamais par un avis ou une appréciation mais absolument toujours par des bilans et des additions. Ecoles construites, cartables distribués, places, pédagogies, salaires, nombre d’enseignants…etc. Lointaine déformation stalinienne de sa jeunesse en URSS peut-être.
Cet homme est donc l’une des preuves vivantes de l’étrange singularité algérienne où la plus longue vie politique n’est pas celle d’un président mais d’un ministre qui n’a même pas besoin de trafiquer des élections ou de chasser des opposants ni de mater une population. Un ministre qui fait mieux. Prendre le peuple au berceau pour le former à rester assis, en rangs.
Pour l’écrasante majorité des Algériens, Benbouzid est la vraie énigme, centrale, du Pouvoir. Celui qui la décode pourra en comprendre l’essence, savoir qui commande en vérité, pourquoi et dans quel but transcendant le drapeau et le discours. Pour d’autres, dans la vaste planète Facebook où cet homme a crée la légende, il est dit et répété que celui qui imposera des élections à la tête du ministère de l’Education algérienne sauvera le pays et les générations qui vont suivre jusqu’au jugement dernier.
Selon certains, le but de Benbouzid serait qu’aucun algérien ne puisse écrire sans faute le mot «dégage» dans quelques années. Et que personne n’en comprenne le sens dans moins d’une décennie. Le vrai Beria de l’Algérie pour les enfants de six ans d’âge et qui sont déjà éduqués dans une langue arabe dure, selon le poids d’une religion fermée et d’un nationalisme pour mort-vivants. Petit Taliban sera un jour Grand. Comme Allah.
Kamel Daoud 11 06 2012
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L'école algérienne : la fuite en arrière !
http://www.lematindz.net/news/8320-lecole-algerienne-la-fuite-en-arriere.html
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Education Nationale :La grève du CLA "massivement" suivie
L’action de protestation du Conseil des Lycées d’Alger( CLA) a réussi «à paralyser 90 % des établissements de l’enseignement secondaire », en ce lundi 16 avril, une date qui coïncide avec la journée du Savoir choisie «symboliquement » par les protestataires pour marquer leur action.
«350 établissements du secondaire», tel est le nombre de lycées touchés par la grève à travers le territoire national, selon les initiateurs de ce mouvement. Contacté par téléphone, un coordinateur au sein du CLA a déploré le devenir de l’école algérienne. "Ce n’est plus un endroit du savoir. 3 à 5 violences sont commises dans les milieux scolaires par jour dans notre pays », argumente notre interlocuteur.
D’autant plus que «les conditions ne sont pas réunies pour l’enseignant pour bien exercer son métier». Au menu des revendications du CLA : l’aspect pédagogique mais aussi l’aspect professionnel, le statut particulier des travailleurs de l’éducation. Les négociations avec la tutelle pour son amendement ont échoué.
Notre interlocuteur n’écarte pas «la radicalisation du mouvement ». Mais, selon lui cela dépendra des décisions du Conseil National qui se tiendra très prochainement.
Hamida Mechaï