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    Samedi 24 Juillet 2010

  • Le visa : instrument de la mise à distance des « indésirables »


    4) Le visa : instrument de la mise à distance des « indésirables »
    La détermination des listes des pays soumis ou non à visa
    Les Visas Schengen, les instructions consulaires communes, la méfiance des Etats entre eux et le rôle de la Commission
    Texte intégral
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    Texte intégral en libre accès disponible depuis le 29 septembre 2003.
    4) Le visa : instrument de la mise à distance des « indésirables »

    Le visa n'est pas simplement un instrument technique. Il n'est même pas uniquement une stratégie plus efficace de gestion des frontières. Il est centralement de l'ordre du Politique. C'est à travers le visa que l'on tient à distance et que l'on met à l'écart les étrangers indésirables. C'est aussi à travers lui que l'on définit entre les pays de l'espace Schengen une liste d'ennemis non déclarés mais dont on tient à se protéger. En ce sens, le visa Schengen, en particulier sa cartographie, est susceptible d'une lecture schmittienne par la désignation qui est faite de la limite entre les amis et les ennemis. Mais nous verrons que les gouvernements et la Commission préfèrent une politique plus ambiguë et cherchent à brouiller les frontières, tout comme ils ne tiennent nullement à déclarer ce qu'ils font. La stratégie de faible visibilité n'empêche néanmoins pas sur le fond l' importance politique du sujet et son impact sur les libertés publiques.
    La détermination des listes des pays soumis ou non à visa

    Le contenu du règlement et des instructions consulaires communes : les critères utilisés

    L'article 62, point 2 b) i confère, nous l'avons vu, une compétence exclusive à la Communauté pour arrêter la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa et de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation. Mais quelles sont les relations entre la Commission et les Etats membres du Conseil ? Quels critères vont être utilisés ? En pratique qu'est-ce que cela signifie ? Comment les autorités consulaires vont-elles agir dans les pays dont les ressortissants sont soumis à visa ?

    Si les luttes sont fortes entre les Etats et la Commission en ce qui concerne les procédures et leurs enjeux, il est moins évident de distinguer sur le fond entre une position de la Commission et une position du Conseil. La direction de la DG JAI a appuyé une politique musclée contre l' immigration clandestine ayant les mêmes tonalités que les politiques gouvernementales allemandes, françaises ou britanniques. En revanche d' autres acteurs ont essayé d'obliger les gouvernements à préciser leur position, à révéler les critères effectifs des choix et à montrer les dangers d'un racisme institutionnel ou d'une discrimination par l'argent qui s'exprimeraient dans les textes de l'instruction consulaire. Ceci a été relayé par certains gouvernements dont la Belgique et par des ONG. Mais le débat est resté feutré. Tout le monde a voulu tabler sur l'efficacité attendue des mesures et sur le fait que cela évitait la polémique sur les contrôles aux frontières. Ce qui a été en jeu a tenu avant tout à la discussion sur les critères retenus, en particulier les exigences concernant les financements pour couvrir les frais de voyage et de court séjour ainsi que les critères sur le risque migratoire.

    * 1 . Liste commune des pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa.
    * 2 . Liste commune des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa.

    Nous allons citer quelques passages du règlement et des instructions consulaires communes afin de montrer comment se déploie l'ordre discursif de ces textes. Afin d'expliquer quels pays se trouvent sur la liste, et pourquoi ils s'y trouvent, la Commission a publié un texte sur les « Critères qui ont été utilisés pour déterminer l'appartenance d'un pays tiers » à l'annexe I1 ou à l'annexe II2 :

    Comme elle le dit « pour déterminer si les ressortissants d'un pays tiers sont soumis à l'obligation de visa ou si au contraire ils sont exemptés de visa, il convient de prendre en considération un ensemble de critères pouvant être regroupés sous trois rubriques principales :


    - L'immigration illégale : le régime de visas est un instrument essentiel de maîtrise des flux migratoires. A cet effet, il y a lieu de se référer à un certain nombre d'informations ou indicateurs statistiques pertinents pour l' appréciation du risque de flux migratoires illégaux (par exemple les informations et /ou statistiques concernant les séjours irréguliers, les refus d'entrée sur le territoire, les mesures d'éloignement, les filières d' immigration clandestine ou de travail clandestin), d'évaluer la sécurité des documents de voyage délivrés par le pays tiers concerné et enfin de tenir compte de l'existence et du fonctionnement des accords de réadmission conclus par ce pays ;

    * 3 . L'appréciation de la notion de l'ordre public peut varier très sensiblement d'un Etat-membre à un(...)


    - L'ordre public : les constatations faites en particulier dans le cadre de la coopération policière peuvent mettre en évidence les caractéristiques de certains types de criminalités. Selon le degré de gravité, de permanence et d'étendue territoriale des criminalités en cause, le recours à l'obligation de visa peut être un des moyens de réponse à envisager. Les menaces à l' ordre public peuvent revêtir dans certains cas une gravité telle qu'elles mettent en cause la sécurité intérieure même d'un ou de plusieurs Etats membres. Le recours à l'instrument de l'obligation de visa, assumé solidairement par les autres Etats membres, peut être une des réponses appropriées à mettre en ouvre3.

    * 4 . En faisant appel à ce troisième critère des relations internationales, l'Union européenne adopte(...)


    - Les relations internationales : le choix du régime de visas retenu à l' égard d'un pays tiers peut être un des moyens de souligner la qualité des relations que l'Union entend établir ou maintenir avec ce pays. A cet égard, il s'agit rarement des relations de l'Union avec un pays isolé. Le plus souvent, on a affaire aux relations de l'Union avec des groupes particuliers de pays et le choix d'un régime de visa a également des implications en termes de cohérence régionale. Le choix d'un régime de visa peut aussi refléter au départ la position particulière d'un Etat membre vis-à-vis d'un pays tiers, position à laquelle les autres Etats membres se rallient comme expression de la solidarité des Etats membres. Le critère de la réciprocité, auxquels les Etats recouraient individuellement et séparément dans le cadre des relations traditionnelles du droit international public, doit être désormais utilisé en tenant compte des exigences des relations extérieures de l'Union européenne avec les pays tiers »4.

    Et la Commission ajoute plus loin : « Compte tenu de l'extrême diversité des situations qui caractérisent les pays tiers ainsi que des relations qu'ils entretiennent avec l'Union européenne et les Etats membres, les critères énumérés ne peuvent pas être appliqués de manière automatique, par le biais de coefficients fixés à l'avance. Ces critères doivent être considérés comme des instruments d'aide à la décision à mettre en ouvre de manière souple et pragmatique, en faisant jouer des pondérations appropriées au cas par cas ».

    A la lecture de ces critères et de leur combinaison, on est alors conduit à rebours vers la question de savoir si le visa sanctionne un individu particulier ou est un instrument de relations internationales entre les Etats ? Le franchissement de la frontière de l'espace Schengen par un individu est-il dépendant de l'appréciation de son pays comme menace ? Ou un pays devient-il menaçant parce que ses ressortissants veulent le fuir ?

    Comment se fait l'inscription d'un pays sur la liste des pays soumis à visa ? N'y a t il pas inversion des critères traditionnels des relations internationales où l'Etat fait l'individu par celui où les individus font cet Etat ? Plus exactement n'y a-t-il pas une dialectique négative qui s' instaure et permet de lier « risque » idéologique d'un Etat et « risque » migratoire des individus ?

    L'appréciation de l'inscription du pays sur la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à visa obligatoire sanctionne semble-t-il des politiques gouvernementales - selon un critère de relations internationales - mais aussi des pratiques sociales individuelles qui relèvent d'un groupe identifiable localement ou ethniquement - selon des critères d'ordre public et de migration - qui poussent à inscrire un pays dans son ensemble sur la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à visa.

    * 5 . Les Roumains le savaient bien quand ils étaient soumis au régime de visa. Les Macédoniens en font(...)

    Or, si l'individu est ressortissant d'un pays considéré comme pays à risque d'après les critères de la Commission, il est soumis à un visa obligatoire, quelles que soient ses qualités personnelles. Bref vivre dans un pays où il existe des minorités considérées comme dangereuses par d'autres pays est quasiment l'équivalent d'un délit5. Il en va de même des pays à fort taux migratoire. Et dans ce dernier cas, comment peut-on juger à l'avance du risque d'illégalité et empêcher que des individus qui veulent simplement visiter de la famille ou des amis, ne soient soupçonnés d'être, comme certains de leurs compatriotes, des « volontaires à l'immigration clandestine » ?

    * 6 . On sent une gêne lorsque l'on demande des précisions sur les risques afférant à ces trois critère(...)

    Ceci veut dire, comme nous l'avons signalé en introduction que la frontière pour les ressortissants sur la liste des pays à visa obligatoire se trouve à leur point de départ, dans les pays tiers. La première frontière pour ces gens est au consulat d'un pays Schengen dans leur propre pays. La décision cruciale en ce qui les concerne sera prise dans ce consulat, au sein de la coopération consulaire des quinze, qui devient à cette échelle locale une coopération qui est parfois à dix sept car, ici, Royaume-Uni et Irlande acceptent de temps en temps de participer localement sans se sentir liés par les décisions prises à Bruxelles. Cette délocalisation virtuelle de la frontière qui la place avant le voyage - et non pendant ou après - est centrale dans la stratégie des pays Schengen et surtout de la Commission. Elle vise à « tarir les flux à la source » comme le disait brutalement un de nos interlocuteurs.

    Elle ne s'applique donc pas à tous les pays mais aux pays dits à risque - sans autre précision que les trois critères très généraux cités plus haut : les relations internationales, l'ordre public et l'immigration clandestine6.

    Cela a un avantage certain pour tous les pays qui échappent à la procédure du visa pour leurs ressortissants. Ceux-ci ne sont pas triés sur place et ont souvent des contrôles allégés aux frontières. Ils profitent du fait qu' on considère tous leur ressortissants comme des « amis » en puissance. La carte que nous avons établie montre comment ces 44 Etats se répartissent : elle ressemble très fortement à la carte des pays développés, aux pays qui vont entrer dans l'Union européenne et à une large partie des Amériques. Sans qu'elle soit totalement celle du peuplement blanc puisque le Japon et Singapour en font partie, elle s'en rapproche néanmoins.

    En revanche la liste des 133 pays (Etats et entités territoriales) dont les ressortissants sont soumis à visa recouvre clairement l'Afrique, le Moyen-Orient (à l'exception d'Israël) et une large partie de l'Asie. Et il devient clair que les critères de danger en matière de sûreté de l'Etat, danger lié au terrorisme et au crime sont, sans pudeur particulière, associés au danger « migratoire ».

    Le processus de repérage de ces « dangers » se fait d'ailleurs en deux temps qui doivent être distingués : celui qui concerne les pays, celui qui concerne les individus.

    Le premier est la décision de mettre certains pays au sein de la liste soumise à visa obligatoire ce qui les définit en prima facie comme facteurs de risque pour la sécurité de l'Union, soit parce qu'ils sont idéologiquement hostiles, soit, et c'est bien plus neuf, parce que leurs citoyens sont à titre ou à un autre des individus indésirables dans l'espace de l'Union et que l'on considère qu'ils cherchent à venir sur le territoire, non à des fins de tourisme ou parce qu'ils fuient les persécutions, mais parce qu'ils cherchent à séjourner illégalement dans l'Union.

    * 7 . Voir les statistiques sur les taux d'acceptation et de refus (Cultures & Conflits, n°50, Eté 2003(...)
    * 8 . La Tunisie est en train de s'engager dans cette voie et plusieurs pays africains seraient sous pr(...)

    Dans un second temps, la décision individuelle sur chaque demande peut revenir sur le principe de l'exclusion et la lever, dans le cas individuel. Dans ce dispositif, la politique d'accueil est dérogatoire à la politique du soupçon. Et c'est d'ailleurs ce que les fonctionnaires en charge comprennent bien lorsqu'on les interroge sur les intentions des gouvernants, même lorsqu'ils sont perdus devant les enjeux techniques qui souvent masquent les conflits de compétence entre la Commission et les Etats. Néanmoins, historiquement, on peut considérer que cette ouverture à de nombreux individus venant de pays dont on se méfie est plutôt positive car elle permet malgré tout à nombre d'entre eux de voyager vers l'Europe de Schengen7, du moins si leurs Etats les laissent partir et ne créent pas des délits d'émigration8.

    * 9 . Entretien avec Mr Fortescue directeur général de la DG JAI à l'époque de l' entretien (mars 2001)(...)

    Le premier temps, celui de l'établissement de la liste des pays, relève depuis peu de la Commission qui cherche donc à harmoniser les positions des Etats entre eux en faisant disparaître les listes additionnelles que certains Etats avaient créées. En revanche, la Commission estime que l' octroi et le refus des visas à titre individuel relève des seuls Etats9. Cela laisse les individus avec très peu de recours devant le refus d'un consulat particulier comme le montre Claire Saas. Paradoxalement le système de justification du rôle spécifique de la Commission est inversé puisque c'est elle qui met l'accent sur la dangerosité des flux d'individus et bien moins sur les politiques gouvernementales des Etats tiers. Il en résulte des chassés-croisés où chacun renvoie la responsabilité de l'inefficacité globale du système sur l' autre partenaire.

    La dichotomie entre le caractère diplomatique des relations interétatiques et le caractère illégal des activités de l'individu mise en avant par la Commission masque en fait une vision en termes de « menaces transverses à la sécurité intérieure » provenant de certaines communautés des pays tiers. Ces termes de menaces à la sécurité de l'Union qui ne sont pas dans le texte sont revenus en permanence dans les entretiens. Le critère implicite des menaces transverses relie en fait les trois critères explicites de la Commission. Il se traduit par la défiance à l'égard des flux transnationaux de population, en particulier tous ceux qui bougent beaucoup (diasporas et réfugiés) ou ceux qui sont prosélytes (musulmans). Ces individus appartenant à des groupes à profil particulier affecteraient la sécurité intérieure de l'Union en servant de soutien potentiel aux terroristes ou en participant à des activités criminelles. La construction de la défiance passe alors certes par l'attitude des gouvernements les uns envers les autres, par leur appartenance à la liste des rogue states ou des pays narco-trafiquants mais aussi par le fait qu'ils sont pauvres, ou en conflits et que leurs populations peuvent avoir des raisons de fuir les conditions de vie qui leur sont faites. Mais, outre les attitudes des gouvernements, ce qui préoccupe la Commission dans l'élaboration de la liste c'est que ces flux de population peuvent être considérés comme dangereux ; soit parce qu'ils généreraient du terrorisme, du radicalisme religieux, de la criminalité, soit parce qu'ils appartiendraient à des catégories de candidats à la migration dont l'Union européenne ne veut pas, soit encore parce que la situation politique est telle qu'il leur faut fuir leur pays et chercher asile.

    * 10 . Sur cette notion de continuum d'(in)sécurité, voir Didier Bigo « Polices en réseaux », op. cit.(...)

    On retrouve ici dans l'établissement de la liste et dans la présentation orale qui en est faite dans les entretiens, la construction d'un continuum d 'insécurités qui sont reliées les unes aux autres et qui englobent au-delà des acteurs gouvernementaux les pratiques sociétales de certains groupes sociaux de ces pays10. La considération sur l'illégalité de la migration individuelle masque difficilement une conception qui joue sur des « flux » et non des individus et une conception qui assimile pauvreté, criminalité, illégalité, migration régulière ou non et demandeurs d'asile.

    * 11 . Voir supra.

    La liste des pays dont les ressortissants sont soumis à visa est donc éminemment discutable, bien qu'elle n'ait pas été discutée. Ses critères qui mêlent migration et criminalité ou idéologie du régime dont viennent les individus ne sont pas cohérents. La réponse dans les entretiens à cette objection est de minimiser ce point. Il y aurait plus ou moins de souplesse selon les Etats. Intransigeance envers les pays terroristes, souplesse avec les pays d'où viennent les demandeurs d'asile. Mais on peut en douter. N'y a-t-il pas, pour eux aussi, une forte intransigeance mais plus masquée parce que plus illégitime ? La question est alors : quelle est au sein de la liste des pays soumis à visa, la hiérarchie des pays les plus « surveillés » ? N'y a-t-il pas un classement autre qu'alphabétique des pays et qui établit une gradation des menaces ? Et si oui, qui produit ce classement et est-il appliqué uniformément ? Echange-t-on des peurs à propos des risques en les « communautarisant » ou chacun établit-il ses priorités en étant finalement peu intéressé à la gestion des peurs des autres ? Selon nous, et bien que cela soit nié officiellement, l'annexe 5b - qui est confidentielle - sert à établir cette hiérarchie en créant une liste « extrême noire » des pays qui sont, non seulement soumis à visa, mais si dangereux que l'on ne fait pas confiance aux autres autorités centrales pour leur accorder un visa11.

    * 12 . Sur la notion de construction des menaces, voir le numéro 31-32 de Cultures & Conflits, Sécurité(...)

    C'est alors la vision de la dangerosité des individus qui joue - criminalité et migration inclues - mais justifiée par une certaine géopolitique - ou idéologie - qui relie islam, terrorisme et migration (et qui a été renforcée depuis le 11 septembre 2001). C'est aussi une peur plus globale de déstabilisation des identités nationales - au nom du danger de flux massifs en provenance de l'étranger qu'ils soient légaux ou non, migratoires ou de réfugiés qui affecteraient les équilibres des pays receveurs de ces flux- dont on connaît le lien avec les idéologies d'extrême droite. Ces menaces ne relèvent en effet guère de « faits ». Elles sont des peurs construites autour de quelques phénomènes de violence mais aussi autour de simples droits qu'il faudrait pourtant accorder aussi aux individus des pays du tiers monde au lieu de les immobiliser chez eux. Elles sont par ailleurs hiérarchisées selon des considérations variables venant de débats transatlantiques, européens, nationaux, ou bureaucratiques dont le SIS est le reflet12. Chaque pays a sa propre gestion et sa propre amplitude de peur. Il les échange ou non avec les autres pays. Il est rare qu'il se préoccupe à la frontière des peurs des autres pays concernant des individus non inscrits dans le SIS. Néanmoins certaines catégories de peur se communautarisent plus vite que d'autres - par exemple celles transfrontières sur les gens du voyage qui devient très rapidement une suspicion sur les Roumains en général. C'est à ce niveau sans doute qu'il existe un lien entre le SIS et Europol au sens où les équipes d' analyse d'Europol visent à construire les catégories qui seront ensuite appliquées par les Etats pour rentrer leurs données Schengen sur les « indésirables » et qu'elles déterminent aussi les visions des agents consulaires.

    Ainsi, si les trois critères sont utilisés par la Commission, c'est que le seul critère des politiques étrangères des Etats remettrait en cause sa prétention à gérer les mécanismes d'entrée des individus des pays à risque. Il lui faut s'appuyer sur une logique différente plus centrée sur les individus pris en tant que flux de population. Mais, qui est finalement responsable en cas de refus de visa à une catégorie de personnes ? Les autorités consulaires de l'Etat où elles ont été demandées ou les autorités qui ont mis en place les critères ? La Commission peut-elle échapper aux critiques alors qu'elle établit les critères qui seront ensuite appliqués ? Pour répondre partiellement à ces questions, il faut maintenant considérer si les conditions d'octroi et refus d'un visa sont soumises à harmonisation ou non.

    Il est donc nécessaire de différencier les Etats des individus qui en sont les ressortissants. Ce sont les ressortissants de tel ou tel Etat qui sont considérés comme menaçants ou dangereux. Cette menace ou ce danger, incarné par les individus, rejaillit le plus souvent sur l'Etat qui sera inscrit sur la liste noire pour cette raison. Celle-ci n'est plus limitée aux rogue states, elle peut prendre la tournure inflationniste qu'on lui connaît.
    Les Visas Schengen, les instructions consulaires communes, la méfiance des Etats entre eux et le rôle de la Commission

    La clé du système de contrôle des frontières Schengen se trouve ainsi non pas dans la systématicité de la vérification des documents aux frontières, mais dans les modalités de profilage et d'identification des menaces venant de l'étranger. La première étape pour identifier ces menaces et risques est, nous l'avons vu, le profilage par nationalité avec l'imposition de visas obligatoires sur tous les ressortissants des pays à risque. La deuxième étape est d'identifier les individus qui ne constituent pas une menace parmi les individus de nationalité douteuse aux yeux de l'Union et de s'assurer que seulement ces personnes vont se voir octroyer un visa. C'est le travail à la fois des ministères nationaux des Affaires étrangères qui donnent les règles et des autorités diplomatiques et consulaires sur place13.

    * 13 . Par commodité nous emploierons la formule autorité ou agent consulaire.

    Les instructions consulaires communes : instruction aux agents à l'égard des demandeurs

    Les instructions consulaires, dans le souci d'homogénéisation des critères et des pratiques a des phrases qui, dirigées vers les agents consulaires, ont le mérite de la clarté.

    « Il est rappelé que les préoccupations essentielles qui doivent guider l'instruction des demandes de visa sont : la sécurité des Parties contractantes et la lutte contre l'immigration clandestine ainsi que d' autres aspects relevant des relations internationales. Selon les pays, l'une pourra prévaloir sur les autres mais aucune ne devra jamais être perdue de vue.

    S'agissant de la sécurité, il convient de s'assurer que les contrôles nécessaires ont été effectués : consultation des fichiers des non-admis (signalements aux fins de non-admission via le Système d'Information Schengen, consultation des autorités centrales pour les pays soumis à cette procédure).

    * 14 . JOCE C313, p. 11.
    * 15 . JOCE C313, p. 21.

    S'agissant du risque migratoire, l'appréciation relève de l'entière responsabilité de la Représentation diplomatique ou consulaire »14. « La coopération consulaire sur place, plus généralement, portera sur l'évaluation des risques migratoires. Elle aura pour objet notamment la détermination de critères communs pour l'instruction des dossiers, l'échange d'informations sur l'utilisation de faux documents, sur les éventuelles filières d'immigration clandestine et sur les refus de visa dans le cas de demandes manifestement non fondées ou frauduleuses. Elle devra également permettre l'échange d'informations sur les demandeursbona fideainsi que la mise au point, en commun, de l'information du public sur les conditions de la demande du visa Schengen »15.Ainsi, « l'examen des demandes de visa vise à détecter les candidats à l'immigration qui cherchent à pénétrer et à s'établir dans le territoire des Parties contractantes, sous le couvert de visa pour tourisme, études, affaires, visite familiale. Il convient à cet effet d'exercer une vigilance particulière sur les « populations à risque », chômeurs, personnes démunies de ressources stables etc. En cas de doute portant notamment sur l'authenticité des documents et la réalité des justifications présentées, la Représentation diplomatique ou consulaire s'abstiendra de délivrer le visa ».

    Des trois critères, le critère du niveau de vie pour l'octroi du visa est semble-t-il le plus fréquent dans la prise de décision car le plus commun. Mais c'est aussi le plus illégitime car il transforme le refus de visa qui peut se comprendre à l'égard du crime et de certains motifs de sécurité nationale en une arme dissuasive contre le « désir migratoire ». On suppose que ceux qui sont assez riches pour voyager reviendront chez eux alors que l'on en doute pour les plus pauvres. Ceux-ci sont censés vouloir tricher pour profiter du Welfareoccidental. La première qualité du voyageur est-elle de pouvoir être économiquement autonome et bon consommateur ? Il le semble. Chaque personne soumise à l'obligation de visa est alors considérée comme un risque d'immigration clandestine. L'individu arrive comme suspect. Son désir de voyager est interprété comme un désir de s'établir. Il devient par définition un risque s'il est pauvre, chômeur ou démunie de ressources stables, ce qui disqualifie très vite les étudiants, les artistes et certaines professions libérales. Sous le couvert du terme « population à risque », on transforme les populations pauvres ou « instables » en populations dangereuses.

    Les instructions consulaires communes se réfèrent à ces différences entre riches et pauvres, via le choix des agences de voyages : « Cette obligation de l'entretien personnel peut être supprimée au cas où un organe de bonne réputation et digne de confiance serait dans la possibilité de se porter garant de la bonne foi des individus concernés ». Phrase lourde de sens et qui débouche sur des risques non négligeables de corruption des agents consulaires par ces agences de voyage. La Bulgarie en a été un exemple. Il a certes été indiqué dans les entretiens que ces pratiques étaient problématiques et assez rares, mais cela renforce l'idée qu'il existe des informations selon lesquelles le choix de la compagnie aérienne est pris en compte comme étant un indicateur de bona fide. Dès lors, si l' individu a acheté un billet avec le transporteur national du pays où il se rend ou l'une des principales compagnies de son pays, sa bona fide est renforcée. Que les avantages commerciaux soient reliés à l'obtention de visa est sans doute problématique en termes de légitimité. Même sans supposer des collusions entre les compagnies aériennes, les agences de voyage et les décisions des consulats, il pourrait résulter que l'obtention ou non du visa résulte du choix malheureux d'un consommateur modeste quant à l'agence de voyage ou la compagnie aérienne. Les instructions consulaires ont un statut ambigu : entre texte normatif et manuel donnant des recettes aux agents consulaires, elles oscillent entre un discours qui se veut reflet de la politique de l'Union sur le plan officiel et un discours qui en donne la grammaire effective, celui de la mise à l'écart des étrangers pauvres.

    Un « texte » implicite autour de l'immigration invasion - qui oublie totalement les effets pendulaires des migrations effectives ainsi que le fait que le désir de voyager est un des critères les plus marquants de la fin de siècle - structure l'ensemble des représentations et des actions que l'on demande aux agents consulaires de faire. La coopération consulaire risque dès lors de renforcer les suspicions des fonctionnaires contre l' individu qui est par définition d'autant plus une menace migratoire, qu'il est pauvre et villageois, inconnu des autorités consulaires locales... alors que quelqu'un de « recommandé », habitant la ville, passant par une agence de voyage sera plus favorisé. Une forme de clientélisme ne se met-elle pas alors en place en étant encouragée officiellement au nom de la prévention du risque migratoire ?

    * 16 . ICC point 1.4, JOCE C313, p. 12.

    On voit la dérive possible inscrite dans le texte même lorsque l'on évoque la vérification d'autres documents en fonction de la demande et que l'on écrit « Le nombre et la nature des justificatifs dépendent du risque éventuel d'immigration illégale et de la situation locale (par exemple, monnaie transférable ou non) »16. Si l'on peut exiger plus de documents pour certaines personnes que pour d' autres en fonction de leur richesse ou de toute autre appréciation du risque migratoire, ne favorise-t-on pas à l'intérieur même d'un texte publié au Journal Officiel des Communautés européennes, l'émergence de critères « ethniques » ou « racistes » qui n'ont pas à s'exprimer comme tels ? Cette enquête préliminaire ne peut trancher, mais il faudrait une étude approfondie sur le danger de l'émergence de formes de racisme institutionnalisé dans les instructions consulaires elles-mêmes.

    * 17 . Bauman Zygmunt, op. cit.
    * 18 . Le 11 septembre n'a fait que renforcer une tendance de technologies déjà existantes en en justifi(...)

    On semble alors se diriger vers une société globale de sédentaires, de touristes et de vagabonds où seules les élites économiques pourront finalement voyager, les autres étant piégées dans le local comme le signale Zygmunt Bauman dans le « coût humain de la globalisation »17. Néanmoins, être riche ne suffit pas non plus. Zygmunt Bauman, dans son livre magnifique, néglige ce point. Les riches sont contrôlés aussi lorsqu'ils circulent et depuis le 11 septembre 2001 c'est même sur eux que l'on expérimente les techniques de contrôle les plus intrusives (biométrie, couloir d'accès spécifiques, enquêtes préalables) en leur vendant ces techniques au nom de leur meilleure protection18.

    Des refus de visa leur sont opposés dans certains pays. Mais dans ce cas, on voit le critère des croyances religieuses être appliqué implicitement. Alors qu'il n'est pas un critère déclaré, il semble que le port ostensible de certains symboles de l'islam militant soit retenu contre les demandeurs, même riches.

    La variabilité des critères selon les contextes locaux

    * 19 . C'est ce que laissent supposer des entretiens à propos de la liste de l'annexe 5b. Le fait que ce(...)
    * 20 . ICC 1.4 JOCE C313, p.12.

    L'instruction consulaire évoque le fait que les critères appliqués peuvent varier d'un pays à l'autre et cela semble logique, mais peuvent-ils concerner une minorité particulière ou une zone géographique ou un genre particulier ?19 Au-delà de ces instructions, comme nous le verrons plus loin, les entretiens font aussi état de « grilles géopolitiques » qui circuleraient et qui reposeraient sur des traits ethniques, sur des croyances religieuses ou idéologiques de tel ou tel groupe affecté de commentaires sur leur dangerosité, et parfois de noms d'individus qui en seraient des « leaders » et qui seraient dès lors encore plus dangereux. On peut s' interroger sur ces pratiques encouragées par les textes. Est-il raisonnable de laisser circuler entre les consulats des listes de noms d'individus à surveiller, des e-mails entre agents consulaires qui, de la sorte, ne constituent pas un « fichier », des analyses géoculturelles dont la lecture ressemble plus aux tropismes du colonialisme le plus ancien qu'à des analyses ethnologiques ou sociologiques ? Les instructions consulaires communes ne prévoient aucun contrôle indépendant à l'égard des informations circulant entre les autorités consulaire. Pourquoi un tel « trou » dans la législation ? Comment peut-on tolérer et même encourager officiellement la constitution d'un troisième système d'information sur les demandeurs de visas en plus du SIS et du système national reliant les autorités consulaires ? En effet, en ce qui concerne l'appréciation des justificatifs donnée par « les Représentations diplomatiques et consulaires des Parties contractantes, ces dernières peuvent convenir de modalités pratiques adaptées aux circonstances locales »20.

    * 21 . Voir supra.

    Dès lors les instructions consulaires communes justifient à l'avance les disparités qui éclatent d'un consulat à l'autre, d'un pays à l'autre en renvoyant la responsabilité des dysfonctionnements sur l'absence de coopération d'un réseau qui devrait s'instituer entre les consulats et elles encouragent la mise en place d'un fichier qui ne dit pas son nom pour ne pas permettre un accès aux données de ce fichier. Or, comment appeler des listes de noms échangés, via e-mails de manière informelle, sinon un fichier masqué ?21

    Là encore les instructions consulaires évoquent ce fichier sans le nommer : « A l'inverse, les contrôles seront allégés pour les demandeurs reconnus comme étant des personnesbona fide, ces informations étant échangées dans le cadre de la coopération consulaire ». Ainsi, théoriquement, ces listes seraient des listes blanches favorisant certaines personnes mais plusieurs entretiens ont fait état de listes noires ou de listes doubles (blanches et noires) suivant l'interprétation du passage suivant : « En vue de l'appréciation de la 'bonne foi' du demandeur, les Représentations vérifient si le demandeur fait partie des personnes de 'bonne foi' reconnues comme telles dans le cadre de la coopération consulaire sur place ».

    En laissant faire, voire en encourageant la mise en place de telles mesures sans contrepoids en termes de libertés, le texte de l'instruction consulaire commune n'est pas un texte protecteur des droits des individus. Il recommande explicitement des attitudes qui ne seraient pas tolérées si nos ressortissants en souffraient. Plus grave encore, les pratiques vont au-delà de ce texte.
    Notes
    1 . Liste commune des pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa.
    2 . Liste commune des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa.
    3 . L'appréciation de la notion de l'ordre public peut varier très sensiblement d'un Etat-membre à un autre. Dans l' affaire Donatella Calfa (aff. C-386/96 du 19 janvier 1999), la Cour de Justice des Communautés Européennes a été confrontée à cette difficulté. Il s'agissait d'une ressortissante italienne condamnée en Grèce pour détention de stupéfiants à usage personnel à une peine de trois mois d'emprisonnement et à une mesure d'expulsion emportant une interdiction définitive de revenir sur le territoire grec. La question de la compatibilité d'une mesure obligatoire d'expulsion assortie d'une interdiction du territoire définitive avec le principe de libre circulation et de citoyenneté européenne était donc posée. La Cour a tout d'abord rappelé que les Etats membres pouvaient prendre des mesures d'éloignement à l'égard de ressortissants communautaires, lorsque des raisons liées à l'ordre public les justifient. Les arrêts Bouchereau et Van Duyn avaient posé le principe selon lequel « le recours à la notion d'ordre public suppose, en tout cas, l' existence, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, d'une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société, menace qui ne peut par contre pas être déduite, en soi, de la simple existence d'une décision de condamnation ». Selon la Cour, l'expulsion imposée par la législation grecque ne résulte pas d'une appréciation spécifique du comportement du coupable mais découle d'une procédure quasi-automatique. Cette disposition pénale grecque est donc contraire au droit communautaire, du fait de son automaticité. Si la procédure automatique est sanctionnée, le fait de considérer que la détention de drogues douces à usage personnel est pénalement répréhensible n 'est absolument pas discuté par la Cour de Justice. C'est pourtant le point crucial : en Grèce, ce comportement est pénalement répréhensible. Dans d' autres pays de l'Union, la détention de drogues douces a été dépénalisée, de jure en Belgique et aux Pays-Bas, et de facto en Allemagne. La Cour reconnaît donc une certaine « marge d'appréciation » des Etats pour déterminer ce qui appartient à l'ordre public, ce qui ne facilite pas la clarté d'une telle notion.
    4 . En faisant appel à ce troisième critère des relations internationales, l'Union européenne adopte une position doublement extensive quant à la détermination des personnes dont elle ne souhaite pas la présence sur son territoire. Dans un premier temps, chaque Etat membre devra se montrer solidaire de la position d'un autre Etat membre et considérer qu'un pays qui, pour lui, ne revêt pas les caractéristiques nécessaires pour soumettre ses ressortissants à visa, figure sur la liste noire. On a choisi le plus grand dénominateur commun. Dans un second temps, cette décision ne sera pas prise indépendamment des autres pays situés dans le même espace régional, sur lesquels rejaillira la soumission à visa : l'Algérie ne sera pas considérée indépendamment de sa situation géographique, mais par rapport à l'espace du Maghreb. Cela ressemble bien plus à un réseau - les Etats de l'Union entre eux et leur relation avec diverses zones géographiques - qu'à une harmonisation.
    5 . Les Roumains le savaient bien quand ils étaient soumis au régime de visa. Les Macédoniens en font toujours l' expérience.
    6 . On sent une gêne lorsque l'on demande des précisions sur les risques afférant à ces trois critères et sur les liens entre eux. La liste, lorsqu'elle est citée de mémoire, est par trop celle des pays islamiques, des pays pauvres et celle des pays en conflits où les demandeurs d'asile sont importants. La stratégie de citer la liste des pays exempts de visas étant, elle, par trop celle des pays riches occidentaux. En analysant dans la prochaine partie l'annexe 5b, nous ferons une analyse plus détaillée des « discours sur la liste des pays soumis à visa » en signalant quelles sont les saillances et les raisons du choix de ces pays sensibles parmi les pays sensibles.
    7 . Voir les statistiques sur les taux d'acceptation et de refus (Cultures & Conflits, n°50, Eté 2003).
    8 . La Tunisie est en train de s'engager dans cette voie et plusieurs pays africains seraient sous pression des Etats de l'Union pour créer ce type de délit. Communication de Salvatore Palidda à la réunion ELISE, CEPS, Mars 2003.
    9 . Entretien avec Mr Fortescue directeur général de la DG JAI à l'époque de l' entretien (mars 2001). Composition actuelle de la DG JAI, voir annexes (Cultures & Conflits, n°50, Eté 2003).
    10 . Sur cette notion de continuum d'(in)sécurité, voir Didier Bigo « Polices en réseaux », op. cit.
    11 . Voir supra.
    12 . Sur la notion de construction des menaces, voir le numéro 31-32 de Cultures & Conflits, Sécurité et immigration, en particulier les articles de Jef Huysmans, Didier Bigo et Ayse Ceyhan.
    13 . Par commodité nous emploierons la formule autorité ou agent consulaire.
    14 . JOCE C313, p. 11.
    15 . JOCE C313, p. 21.
    16 . ICC point 1.4, JOCE C313, p. 12.
    17 . Bauman Zygmunt, op. cit.
    18 . Le 11 septembre n'a fait que renforcer une tendance de technologies déjà existantes en en justifiant le coût et la généralisation. Voir conclusion de cet article.
    19 . C'est ce que laissent supposer des entretiens à propos de la liste de l'annexe 5b. Le fait que cette annexe soit gardée confidentielle est aussi la preuve de la gêne des autorités à cet égard.
    20 . ICC 1.4 JOCE C313, p.12.
    21 . Voir supra.
    Pour citer cet article
    Référence papier

    Cultures & Conflits n°49 1/2003 pp. 82-95
    Référence électronique

    Elspeth GUILD et Didier Bigo, « 4) Le visa : instrument de la mise à distance des », Cultures & Conflits, 49, printemps 2003, [En ligne], mis en ligne le 29 septembre 2003. URL : http://conflits.revues.org/index933.html. Consulté le 24 juillet 2010.
    Auteurs
    Elspeth GUILD
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  • Khalifa, Ouyahia et la DGSE, voila la vérité

    Khalifa, Ouyahia et la DGSE
    La crise mondiale innocente Khalifa et accable Ouyahia et la DGSE

    La crise financière pourrait coûter aux banques entre 2800 à 3600 milliards de dollars, selon des estimations contradictoires des pertes et dépréciations d’actifs dues aux «crédits toxiques». Les banques américaines, soutenues par celles du reste du monde, ont largement dépassé les limites du relâchement des normes prudentielles de crédit jusqu’à se retrouver aux portes de la faillite. Elles ont entraîné dans leur chute les maisons d’assurance, chargées de couvrir l’insolvabilité des emprunteurs, et les secteurs de l’immobilier, l’automobile et biens d’équipement, principaux bénéficiaires des politiques de crédits à la consommation.

    Khalifa Bank n’avait pas fait pire, en consacrant ses liquidités pour financer le lancement des filiales du Groupe et des prises de participation en Algérie et à l’étranger. Malheureusement, Khalifa Bank et ses filiales n’ont pas eu la chance d’avoir affaire à des gouvernants légitimes, nationalistes et intelligents dont le premier souci aurait été de sauvegarder la première banque privée, préserver des emplois et pérenniser ce dynamisme économique.

    Le groupe Khalifa a été liquidé en quelques mois par Bouteflika, chef d’Etat rancunier, et un tueur à gages nommé Ouyahia qui a jeté, sans aucun scrupule, près de 20.000 employés au chômage et au désespoir, ruiné des milliers d’épargnants, et surtout fait perdre à la jeunesse algérienne un extraordinaire repère d’espoir et de réussite.

    Du fond de sa prison londonienne, Rafik Abdelmoumene Khalifa, condamné par contumace à la perpétuité, attend le verdict de la justice britannique sur la demande d’extradition algérienne, en replaçant la très modeste affaire Khalifa Bank dans ce nouveau contexte de crise mondiale.

    La gestion nationaliste de la crise financière

    La crise mondiale a pour origine la crise du surendettement de l’économie américaine, accentuée par la concurrence de l’euro depuis 1999. (1) Le système bancaire américain a encouragé le surendettement des ménages par le mécanisme des subprimes qui ne constituent que la partie immergée de l’iceberg. En vérité, l’usage médiatique abusif de ce terme sert à culpabiliser les petits emprunteurs, et cacher les montants faramineux de l’endettement public et des entreprises privées. Selon un rapport du FMI, «La crise a dépassé les confins du marché américain du subprime, pour toucher concrètement les principaux marchés immobiliers d'entreprise et d'habitation, le crédit à la consommation et le crédit aux entreprises».

    La dette publique fédérale américaine représentait, fin 2007, 9000 milliards de dollars (65,5% du PIB) dont environ 5000 en bons du trésor. L’administration Obama a déjà annoncé que le déficit budgétaire en 2009 est estimé à 1752 milliards de $, soit 12% du PIB et trois fois le déficit de 2008. Cette explosion est en partie due au rachat des «crédits toxiques» des banques d’un montant de 1000 milliards de $.

    Après avoir liquidé le groupe Khalifa, ses 20.000 employés directs et des milliers d’emplois indirects, le gouvernement algérien a lui aussi contribué à sauver des emplois américains en plaçant 49 milliards de dollars en bons du trésor US, soit la moitié de ses réserves de change.

    Après les premières alertes en été 2007 des grandes banques américaines et européennes, la FED, la BCE et la Banque Centrale du Japon avaient commencé à injecter plus de 300 milliards de dollars dans le circuit financier. L’intervention des autorités monétaires s’avérant insuffisante face à l’ampleur d’une crise systémique, les premières décisions de nationalisation sont annoncées en 2008 pour éviter les faillites et l’explosion du taux de chômage.

    Des plans de sauvetage financier et de relance économique sont étudiés dans l’urgence pour enrayer le pessimisme des marchés et éviter les conflits sociaux. Les banques subventionnées doivent en contrepartie continuer à consentir des prêts aux PME et aux ménages afin d’amortir les effets de la crise financière sur l’économie réelle. Aucun dirigeant de banque n’a été congédié ni poursuivi en justice. Les gouvernants leur ont juste demandé gentiment de réduire leurs rémunérations astronomiques, en comparaison desquelles les «dépenses» de Moumene Khalifa apparaissent comme de l’argent de poche.

    La formidable baraka de Khalifa

    Rafic Khalifa est né sous une bonne étoile en 1966 à Bejaia, fils de Laroussi Khalifa, adjoint de Abdelhafidh Boussouf fondateur du MALG, ancêtre de la Sécurité Militaire devenue DRS. Après avoir joué un rôle important dans les accords d'Evian en 1962, Laroussi fut ministre de l’Industrie et de l’Energie de Ben Bella où il négocia les concessions pétrolières. Puis il fut écarté du gouvernement par Boumediene qui le nomma directeur d'Air Algérie. Sa carrière politique se termina sur deux ans de prison après la tentative de coup d'Etat manqué en 1967 du colonel Tahar Zbiri. A sa sortie, Laroussi géra uniquement sa pharmacie de Cheraga. A sa mort en 1990, on ne lui connaît pas de fortune, mais il lègue à son fils trois héritages.

    D’abord un nom qui fait peur à tous les courtisans du «Makhzen» algérien sous influence des réseaux des anciens du MALG qui lui ouvriront les portes et l’accompagneront dans son ascension fulgurante.

    Ensuite la pharmacie qui servira de base à la création de sa première société KRG Pharma en 1990, et la fabrication des médicaments génériques en 1992.

    Mais surtout une rancune tenace, datant de la guerre de libération, des services secrets français, et d’un certain Abdelaziz Bouteflika. Né à Oujda, Bouteflika avait tout fait pour intégrer en juillet 1957 la première promotion Larbi Ben M’Hidi des recrues du MALG, mais Laroussi directeur du stage le refusa. C’est la rage au cœur que Bouteflika vit les lycéens marocains de son âge intégrer la formation d’élite à Oujda, dont ont fait partie les futurs dirigeants du pays (Khalef, Zerhouni, Tounsi, Temmar, Bessaïeh, ect…). (2)

    Rafic paie aujourd’hui très cher cette vengeance et n’hésite pas à affirmer ''Le président Bouteflika veut ma peau'' dans une interview au journal le Figaro du 6 février 2007 quelques jours avant la délivrance d’un mandat d’arrêt européen par le tribunal de Nanterre le 5 mars et son arrestation à Londres le 27 mars.

    Il précise: «Nos relations n’étaient pas bonnes lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1999, mais elles se sont arrangées. Des personnalités sont intervenues pour sceller la paix.» Mais, ajoute-t-il «Bouteflika… ne supportait pas ma puissance économique. Il était convaincu que je voulais sa place. Il s’était mis dans la tête que l’armée me présentait comme un recours et un gage de stabilité… ». Pour Khalifa, Bouteflika a fait de l’Algérie «une république bananière où le président concentre tous les pouvoirs.»

    Rafic a eu la chance de se lancer dans la création d’entreprises en pleine possession des ambitions et de la vigueur d’un homme de 30 ans, là ou de nombreux entrepreneurs se sont usés les muscles et les neurones à déminer les pièges et les obstacles d’une administration sous-développée et corrompue.

    En mars 1998, Khalifa Bank obtient son agrément en hypothéquant la maison familiale de Hydra et sans libérer la totalité des 500 millions de DA requis pour le capital minimum. Dès 2002, Khalifa Bank revendique 700.000 clients, 7000 employés et 74 agences, un record quand la BNA n'en compte qu'une centaine. Elle distribuait des cartes de crédit American Express et MasterCard et opérait des transferts avec Western Union.

    En 1999, Moumene crée la compagnie aérienne Khalifa Airways qui va connaître un essor fulgurant, employer 3000 personnes, et désenclaver plusieurs wilayas de ce vaste pays. Un accord d’entrée dans le capital d’Air Algérie a même été signé.

    En 2001, il crée Khalifa Construction à partir de l'acquisition du géant allemand du BTP en faillite Philip Holzmann, qu’il réussit à rafler à une quinzaine d’acquéreurs. Il annonce qu’il va se lancer dans la construction des nouvelles villes de Boughzoul sur les Hauts Plateaux, et Sidi Abdallah, dans la banlieue d’Alger.

    En 2002, il lance la chaîne Khalifa TV à Paris et Londres, après avoir tenté en 2001 de racheter la chaîne d’infos arabe ANN appartenant au syrien Riffat El Assad.

    Il a multiplié les actions de sponsoring, notamment dans le football, et de prestige comme la fameuse Khalifa Jet Team, une patrouille aérienne acrobatique. Il finança pour l’Etat algérien, sur ordre de Bouteflika, des actions de lobbying aux USA, des achats de voitures blindées, des cachets d’artistes, etc…

    On a appris après la liquidation du groupe en 2003 que Khalifa Bank détenait aussi 29% du capital de la Société Générale Algérie que Rafic avait racheté à la FIBA, holding luxembourgeois présidé par un ex-ministre algérien Ali Benouari.

    Selon d’autres révélations, Khalifa choqué par les attaques médiatico-politiques, comme celle de Noël Mamère, prévoyait de quitter la France pour s'installer en Espagne. Il avait pris des contacts avec les dirigeants du Real Madrid où jouait Zinedine Zidane pour sponsoriser le club ou rentrer dans son capital. Le Service Action de la DGSE ne lui en laissa pas le temps.

    La France tombeau du groupe Khalifa

    Quelles sont les pertes réelles de Khalifa Bank? Personne n’est capable de le dire. Plusieurs chiffres ont été avancés entre 600 millions et 1,2 milliard d'euros, qui ne représentent pas des pertes, mais des infractions au contrôle des changes. Des transferts d’argent qu’effectuait Khalifa sous diverses formes pour financer l’investissement et l’exploitation de ses filiales et opérations à l’étranger. Selon le journal Le Monde (9 février 2005), le transfert de capitaux opéré de l’Algérie vers l’étranger par la banque entre 1999 et 2003 serait — selon les documents remis par le liquidateur de Khalifa Bank à la justice française — de l’ordre de 689 millions d’euros.

    Khalifa détournait la réglementation rigide de transfert de devises de la Banque d’Algérie pour gagner du temps. Même l’Etat algérien en a profité. Une grande partie de ces transferts a été couverte par l’ex-ministre des Finances (de juin 2002 à mai 2003) Mohamed Terbeche, ex-Pdg de la BEA et Pdg de la Banque Intercontinentale Arabe (BIA), une banque algéro-libyenne implantée à Paris qui servait de correspondant à Khalifa Bank et gérait ses transferts.

    Qui a vraiment provoqué la chute de l’empire Khalifa? C’est le ras-le-bol de l’establishment franco-français désagréablement submergé par la personnalité omniprésente et la boulimie affairiste d’un Algérien sorti du néant de son bled pour occuper la une des journaux et faire frissonner le tout-Paris des médias, des artistes, du sport, de la finance et du patronat, à la manière du flamboyant Bernard Tapie.

    Le premier coup de semonce est venu en septembre 2002 de Noël Mamère, député-maire de Bègles qui refusa d’assister à un match de rugby en raison de la présence dans les gradins du nouveau sponsor Rafic Khalifa, «l'ami des généraux algériens, avec lesquels il a fait sa fortune». Choqué par cette agression, Khalifa n’a pas versé un centime des 300.000€ prévus.

    En octobre, la DGSE fournit une note bidon et très approximative à la presse française pour répandre l’idée que Khalifa n’est qu’un homme de paille des puissants généraux et que son groupe bénéficie de «financements occultes (?)». Pour arriver à cette conclusion totalement fausse et fantaisiste, les agents de la DGSE ont embarqué dans les avions de Khalifa Airways et ont effectué une enquête de pieds-nickelés en s’amusant à compter le nombre de passagers.

    Le contenu de cette note est d’ailleurs repris dans l’exposé des motifs du député Noël Mamère qui a demandé la constitution d’une commission d’enquête parlementaire N°334 du 29 octobre 2002 sur «l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et leur utilisation en France ». Puis une deuxième demande N° 646 du 4 mars 2003 « relative aux conditions d'attribution d'une fréquence à la chaîne Khalifa TV». L’Assemblée Nationale les a rejeté. (3)

    Face à ce tapage médiatique, un vent de panique a soufflé sur la place d’Alger qui a abouti en novembre 2002 au gel des mouvements financiers de Khalifa Bank. Alors que des tractations se déroulaient en haut lieu sur la meilleure façon de gérer le «problème Khalifa», le Service Action de la DGSE a cherché la faille qui ferait tomber le golden-boy par des filatures et des écoutes téléphoniques. L’erreur fatale qui va provoquer sa chute est survenue le 24 février 2003 lorsque les services français ont informé leurs «correspondants» d’Alger que trois collaborateurs de Khalifa s’apprêtaient à convoyer 2 millions d’euros en espèces. Ils furent arrêtés à l’aéroport et la banque a été placée sous administration provisoire par la Banque d'Algérie le 3 mars.

    L’option d’un arrangement qui éviterait d’éclabousser le régime a été envisagée par le directeur de cabinet de la Présidence, Larbi Belkheir, devenu protecteur de Rafic. Mais le conflit de succession entre Bouteflika et le Chef du gouvernement Ali Benflis a totalement brouillé les cartes et desservi la cause du groupe. Le remplacement brutal de Benflis par Ahmed Ouyahia en Mai 2003 a sonné le glas de Khalifa Bank dont la liquidation a été annoncée le 2 juin.

    Ouyahia «nettoyeur» de la DGSE

    La DGSE qui veille sur les intérêts français au Maghreb et en Afrique veut confiner l’Algérie dans son statut de mono exportateur d’hydrocarbures. Elle ne pouvait admettre que Rafic Khalifa serve de modèle d’entrepreneur non seulement à la jeunesse désoeuvrée d’Algérie, mais aussi aux jeunes beurs des banlieues bridés par une administration tatillonne et sélective qui les cantonne aux petits commerces et aux start-up sans lendemain.

    L’élimination sur le sol français du groupe Khalifa et la destruction de l’idole sont devenus une priorité des services secrets dès qu’ils ont appris la création de sa chaîne de télé KTV au cœur de Paris et son entrée surprise dans le capital de la Société Générale à hauteur de 29%.

    La DGSE  a trouvé en Ahmed Ouyahia le tueur à gages idéal, que le jargon des services secrets surnomme le «nettoyeur». Dès son entrée en fonction, Ouyahia a résumé en deux mots le contenu du rapport de la DGSE auprès des députés et des sénateurs en parlant de «mythe Khalifa» et de «marchand de rêves». Il a aussitôt engagé le rouleau compresseur de l’administration pour étrangler le groupe, l’effacer du paysage économique en excluant toute autre alternative. Les rares voix qui se sont élevées pour défendre les emplois de Khalifa, comme celle de la Confédération des Cadres de la Finance (CCFC) ont vite été étouffées. L’UGTA et le patronat n’ont pas bougé le petit doigt, tétanisés par les menaces de représailles. La terrible répression qui s’est abattue sur le groupe Khalifa a aussi servi à tenir en respect les opposants du sérail jusqu’à la réélection de Bouteflika en avril 2004.

    Le nettoyeur a instruit la justice d’engager des poursuites judiciaires contre les gestionnaires des entreprises et organismes publics qui ont déposé des fonds dans la banque privée qui offrait des taux de rémunération supérieurs à ceux des banques publiques. Un nouveau climat de terreur s’est emparé des gestionnaires après celui de 1996-1997 où le même Ouyahia avait orchestré l’emprisonnement de milliers de dirigeants, dont la plupart seront par la suite acquittés.

    Le procès de Khalifa Bank à Blida en début d’année 2007 a finalement prouvé qu’il n’y avait ni financement occulte, ni trésor du FLN, ni «blanchiment d’argent des généraux», mais une simple attirance des dépôts de gros épargnants institutionnels. Le procès a même tourné à la caricature en évoquant un prêt logement pour un steward, un prêt véhicule pour un policier, des billets d’avions et des séjours de thalassothérapie. (4)

    Le tribunal de Blida a tout de même prononcé 45 condamnations à la prison ferme et 49 acquittements sur les 94 accusés. Des gestionnaires d’entreprises publiques croupissent aujourd’hui en prison pour avoir simplement déposé des fonds dans une banque privée agréée, donc garantie par l’Etat. Le reste des contentieux de l’affaire Khalifa, impliquant des personnalités du pouvoir, sont toujours au stade d’une instruction opaque.

    Sur sa lancée destructrice, Ouyahia s’est servi de l’affaire Khalifa pour provoquer une crise systémique en contraignant toutes les banques privées algériennes et quelques banques arabes à la liquidation et leurs patrons à la prison comme Omar Dechmi (CA Bank) ou à la fuite comme Brahim Hadjas (Union Bank) ou Mohamed Kharoubi (BCIA Bank). (5)

    A chaque fois qu’Ouyahia a pris les commandes du gouvernement, les intérêts français ont été considérablement renforcés, des entreprises algériennes détruites et leurs patrons réprimés. (6)

    Après son troisième retour à la tête du gouvernement, Ouyahia a décrété de nouvelles mesures contraignantes, prouvant encore qu’il gère l’économie comme un éléphant enragé dans un magasin de porcelaine, avec un maximum de dégâts. Sa nouvelle mission est de chasser ce qui reste d’opérateurs arabes et asiatiques pour ouvrir de nouvelles parts de marchés à ses alliés français. Il a effacé les projets immobiliers des uns et d’usine de voiture des autres.

    Ouyahia vient aussi de révéler le fond de sa pensée destructrice en traitant la «stratégie industrielle» de Temmar de «fantasme de communication». Un nettoyeur n’admet aucune stratégie économique autre que celle de la destruction.

    Moumene Khalifa n’est malheureusement pas la seule victime du nettoyeur. Le groupe agro-alimentaire Blanky est en perdition depuis qu’un des frères Cherfaoui, Idir croupit en prison. Tonic Emballage et ses 4000 employés, géré par un séquestre judiciaire, est constamment menacé de fermeture et son patron, Abdelghani Djerrar en sursis après avoir passé quelques jours en prison en 2007. Le groupe céréalier SIM est déstabilisé et en stagnation depuis que son Pdg Abdelkader-Taïeb Ezzraimi est placé sous contrôle judiciaire.

    La dernière victime du harcèlement anti-patronat algérien est Abdelouahab Rahim dont la banque ArcoBank avait été dissoute par les mesures d’Ouyahia. Le lancement de son emprunt obligataire de 8 milliards de dinars a été un fiasco en raison du boycott des épargnants institutionnels instruits (?) pour ne pas y souscrire. Et aussi à cause de la vacherie de son partenaire français Carrefour qui a annoncé en pleine campagne de souscription le 19 février 2009 qu’il mettait fin à l’accord conclu le 26 mars 2006 avec le groupe Arcofina pour l’ouverture de 18 hypermarchés. (7)

    Au lieu de se regrouper en meute soudée et solidaire pour défendre leurs intérêts, les patrons algériens persistent dans leur isolement et leur division, au point de se faire tirer comme des lapins dès qu’ils s’engraissent un peu.

    Il est temps que les patrons algériens se réveillent, se mobilisent, s’unissent et se modernisent pour lancer une nouvelle «guerre de libération nationale», afin de récupérer le pouvoir économique et protéger les créateurs d’entreprises, d’emplois et de richesses.

    Saâd Lounès
    14 mars 2009

    (1) La flambée du baril anticipe la dévaluation du dollar

    (2) Comment sont nés les services secrets algériens

    (3) Demandes de Commission d’enquête du député Noël Mamère
    http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0334.asp
    http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0646.asp

    (4) L’affaire Khalifa dévoile la corruption insurrectionnelle

    (5) Comment gérer 100 milliards de $ par an

    (6) Le retour du Bachagha Ouyahia

    (7) Depuis la rédaction de cet article (14-03-09) et après la réélection de Bouteflika, la destruction du potentiel économique algérien orchestrée par Ouyahia s'est accélérée:

    - le groupe Tonic Embalagges a été déclaré en faillite en juin par le tribunal de Blida et va être démantelé ou plutôt “cannibalisé”.

    - le groupe Eepad, intervenant dans les TIC, est en voie de liquidation brutale suite à l'interruption des prestations opérée par Algérie Telecom. Du jour au lendemain, près de 40.000 abonnés, dont des milliers de cyber cafés et d'entreprises se retrouvent sans Internet. Des centaines d'employés directs d'Eepad et des milliers d'employés indirects des cyber cafés se retrouvent au chômage.

    - les nouvelles mesures drastiques de la Loi de Finances Complémentaire vont provoquer la faillite de milliers d'importateurs et des pénuries d'intrants de production dans tous les secteurs d'activité. De graves perturbations industrielles et des chômages techniques sont annoncés.

  • Monarchies Présidentielles d’Afrique du Nord

    Le 9 Avril 2009 l’Algérie a retrouvé un Président-Roi, comme tous les pays d'Afrique du Nord. Après une sanglante “tentative de démocratisation” qui a duré 10 ans de 1988 à 1998, l'Etat algérien est retombé dans la Présidence à Vie ou “Monarchie Présidentielle”.

    Mise à part la Monarchie Marocaine héréditaire, vieille de 12 siècles, voici les Présidents-Rois d'Afrique du Nord par ordre de longévité.

    Libye:
    - Maâmmar Kadhafi a renversé le roi Idris Ier par un coup d’Etat militaire, le 1er septembre 1969. Il s'est auto-proclamé Guide de la Révolution de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Il est au pouvoir depuis 40 ans. Ses 8 enfants occupent d'importants postes dans l'Armée, la Sécurité et le gouvernement. Ils sont en concurrence pour lui succéder.

    Egypte:
    - Gamal Abdel Nasser renverse le roi Farouk le 23 juillet 1952, et place Mohammed Naguib à la tête de l'Etat, puis le dépose en 1954 et règne durant 16 ans jusqu'à sa mort le 28 septembre 1970.
    - Anouar el-Sadate lui succède durant 11 ans jusqu'à son assassinat le 6 octobre 1981.
    - Hosni Moubarak intronisé le 14/10/1981, règne depuis 28 ans. Il veut s'auto-désigner pour un 6ème mandat en 2011, à moins que son fils Gamel ne lui succède.

    Tunisie:
    - Habib Bourguiba a régné pendant 30 ans, de 1957 à 1987, jusqu’à sa déposition par un “coup d'Etat médical”, fomenté par Zine El-Abidine Ben Ali qui règne depuis 22 ans. Il s'est offert un 5ème mandat le 25 octobre 2009.

    Algérie:
    - Houari Boumediene renverse le GPRA en 1962, et place Ahmed Ben Bella à la tête de l'Etat, puis le dépose par coup d'Etat le 19 juin 1965 et règne durant 13 ans jusqu'à sa mort le 27 décembre 1978.
    - Chadli Bendjedid régna durant 13 ans de 1979 jusqu'à da déposition en janvier 1992.
    - Abdelaziz Bouteflika qui règne depuis 10 ans vient de s'octroyer un 3ème mandat le 9 avril 2009.

    Mauritanie:
    - Mokhtar Ould Daddah régna pendant 17 ans, de 1961 à 1978 lorsqu'il fut déposé par un coup d'Etat.
    - Maâouya Ould Sidi Ahmed Taya régna pendant 21 ans à partir de 1984 jusqu’à son renversement en 2005.
    - Mohamed Ould Abdelaziz veut devenir le nouveau président à vie après son coup d'Etat du 6 août 2008, et son élection le 18 juillet 2009.

    On peut ajouter à cette liste:

    - la Syrie où Hafez El Assad accéda au pouvoir par un coup d'Etat en 1970 et régna durant 30 ans jusqu'à sa mort en juin 2000 laissant la succession à son fils Bachar El Assad, qui a déjà 9 ans de règne

    - l'Irak où Saddam Hussein prend le contrôle de l'armée en 1968 puis régna à la présidence durant 24 ans de 1979 jusqu'à son renversement en 2003 par l'invasion américaine. Il fut pendu le 30 décembre 2006.

    C'est la conséquence de la COLONISABILITE des Berbères et des Arabes, incapables de s'organiser pour mériter la Démocratie, l'Autorité du Peuple.

    Le premier arriviste venu prend le pouvoir par la force et à vie.


  • L'indexation sur le prix du baril a détourné la rente gazière


    Les gouvernements algériens assistent en spectateurs aux sourdes batailles sur le partage de nos rentes pétrolière et gazière entre profits des multinationales et plus-values fiscales. Soumis depuis plus de 20 ans à une instabilité politique chronique, notre pays s’est retrouvé démuni de toute politique industrielle stratégique de défense de ses intérêts sur ses ressources en gaz qui sont bradées depuis 40 ans.

    Dans un monde où les oligarchies industrielles militaires et pétrolières sont la source du pouvoir, aussi bien chez les pays producteurs que consommateurs, le marché mondial du gaz n’échappe pas à leur influence. C’est à travers les cheminements intercontinentaux des gazoducs que se mêlent les obligations de sécurité nationale et énergétique, service public et rentabilité commerciale.

    Contrairement au pétrole, il n’y a même pas de place pour les petits acheteurs et spéculateurs. C’est un terrain réservé aux très grandes sociétés, aux poids lourds industriels. Dans ces conditions, peut-il réellement y avoir un marché concurrentiel? Alors que le marché pétrolier s’est mondialisé, celui du gaz reste majoritairement régionalisé et astreint à des relations bilatérales dans des contrats à long terme. Mais le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a changé la donne, et les flambées et les chutes du baril ont dévoilé le manque à gagner des formules d’indexation de prix.

    Une énorme rente gazière

    La première chaîne mondiale de transport de GNL est celle qui achemine en 1963, le gaz naturel de Hassi R'Mel à l'usine de liquéfaction d'Arzew puis le GNL en Angleterre à Canvey Island (jusqu'en 1985) et en France à Fos-sur-Mer où il est regazéifié et injecté dans le réseau de distribution. 40 ans plus tard, près de 66 % du gaz commercialisés par Sonatrach proviennent toujours du gisement gazier géant de Hassi R’Mel. Quant au développement du pôle gazier du Sud-Ouest (Reggane, Touat, Timimoun, Hassi-Mouina), les champs développés en partenariat entre Sonatrach et quatre compagnies européennes (Gaz de France, Total, Repsol, et Statoil), vont entrer en production en 2011-2012…. juste à la fin du prochain mandat présidentiel. C’est dire l’énorme enjeu du potentiel gazier algérien… qui justifie à lui seul le statu-quo politique à la tête de l'Etat.

    Sonatrach prévoit d’exporter 85 Gm3/an d’ici à 2012 et plus de 100 Gm3/an à partir de 2020 vers l’Europe. À ce titre, la compagnie s’est engagée à 36% dans la réalisation de deux gazoducs sous-marins devant relier l’Algérie à l’Espagne (projet Medgaz) et à l’Italie (projet Galsi), privant ainsi le Maroc et la Tunisie de récupérer une infime partie de la rente gazière en évitant les droits de passage par leur territoire. (1)

    Par contre le mégaprojet gazier GNL intégré de Gassi Touil, initialement confié aux firmes espagnoles Repsol et Gas Natural, a été carrément saboté. Les espagnols voulaient retarder sa réalisation tant que le gazoduc Medgaz ne serait pas opérationnel et les contrats de livraison sécurisés.

    Sonatrach a annoncé un programme d’investissement 2007-2011 de 45 milliards de dollars (?), soit 9 milliards de $/an, dont 67% seront consacrés à l’amont pétrolier et gazier. L'effet d'annonce répété par Chakib Khelil sonne comme un rappel aux puissants de ce monde pour un soutien au maintien de Bouteflika à la tête de l'Etat. Personne, ni expert, ni université, ni contrôle parlementaire, ni parti, ni syndicat n’a jamais songé à vérifier la fiabilité de ces montants astronomiques que s’arrogent un nombre restreint de sociétés comme Halliburton.

    Le récent scandale de la société mixte algéro-américaine Brown Root et Condor (BRC) a révélé à quel point les contrats du secteur étaient des pompes à fric prenant des avances colossales sur nos rentes pétrolière et gazière avant même l’entrée en production des puits. Il faut savoir qu’à Sonatrach, une soudure d'un tuyau, un serrage de boulon, et même une simple plaquette de présentation du rapport annuel est sous-traitée en devises fortes à une société étrangère.

    En passant de 8 exportateurs en 1991 à 15 en 2007, et un prix de marché supérieur à 4 $/MBtu, la chaîne de liquéfaction du gaz est devenue rentable et concurrentielle. Grâce au développement du GNL des mécanismes entre offre et demande se sont mis en place dans des marchés spot et peuvent justifier la fin des relations bilatérales à bas prix.

    Sortir du carcan de l’indexation

    L’emballement du marché pétrolier et la faible incidence sur le prix du gaz ont mis à nu le manque à gagner des contrats gaziers à long terme dont a été victime l’Algérie. Le Pdg de Sonatrach, Mohamed Meziane, a enfin annoncé sa ferme intention d’y renoncer, car ils «empêchaient Sonatrach de bénéficier de la hausse du pétrole». Il a indiqué que son entreprise comptait réduire la durée des contrats gaziers à moins de 5 ans.

    Ce nouvel état d’esprit remet en selle l'idée de création d'un cartel du gaz dans le style OPEP au prochain Forum du gaz qui se réunira à Oran. Ce sera la sixième réunion ministérielle depuis la création du Forum des quinze pays exportateurs de gaz en 2001 (Algérie, Egypte, Emirats arabes unis, Indonésie, Iran, Libye, Malaisie, Nigeria, Norvège, Oman, Qatar, Russie, Trinidad et Tobago, Venezuela).

    Lors d'une réunion au Caire, le ministre égyptien du Pétrole, Sameh Fahmi, avait lancé un appel pour ne plus indexer les prix du gaz sur ceux du pétrole:«Il faudrait opter pour un marché plus libre et plus mature. Ce qui aboutit à des prix plus stables. Cela exige une révision sérieuse des mécanismes de détermination des prixJe sais que cela n'est pas sans risque, mais si on ne le fait pas, la situation sera pire», avait avertit Fahmi.

    Le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, avait déclaré plus tard que l’Algérie allait proposer “une étude sur la tarification du gaz”, estimant son prix “sous-évalué”. Les raisons historiques de l’indexation du gaz sur le pétrole n’existent plus. Le marché des combustibles n’est plus dominé par le mazout et, dans la plupart des pays européens, on utilise dorénavant plus de gaz que de fioul pour le chauffage domestique, les fours industriels et les centrales électriques.

    L’histoire de l’indexation du prix du gaz sur les produits pétroliers, conçue dans les années 60-70 peut prêter aujourd’hui à sourire. Alors que le gaz naturel est une énergie propre directement utilisable sans transformation, ni raffinage, il a été d’emblée comparé à l’énergie concurrente la moins chère. Le fioul et le gasoil étant des produits bas de gamme issus du raffinage du pétrole, la répercussion du prix du baril est longue à se faire sentir en raison des stocks. Des formules «secrètes» d’indexation fixées dans les contrats d’approvisionnement à long terme de 20 à 25 ans, se basant sur la moyenne des derniers 6 à 9 mois du prix des produits concurrentiels (gasoil ou fioul) permettent de «lisser» les variations de prix en les décalant dans le temps.

    En outre le prix initial contractuel du gaz découle d’une approche dite «netback»: on part du prix final souhaité, c’est-à-dire le prix du fioul substituable au gaz, et on retranche les coûts de tous les intermédiaires qui le séparent du marché final (transport, stockage, distribution et …taxes) pour en déduire le prix du gaz en tête de puit. Le prix ainsi obtenu était considéré «généralement supérieur aux coûts réels d’extraction du gaz». La valeur netback du gaz ainsi calculée était en fait la part minime de la rente gazière concédée au producteur. (2)

    Même la législation algérienne continue de protéger le culte du secret des contrats gaziers. L'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT) et la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (C.R.E.G) publient des statistiques sur les ventes de gaz «sous respect de la confidentialité de chacun des contrats et avenants». Les premiers contrats arrivés à expiration fin 90-début 2000 ont été renouvelés sans remise en cause des formules d’indexation désavantageuses, mais en supprimant les clauses de destination pour les remplacer par des clauses de flexibilité. Cela donne à l’acheteur la possibilité de procéder à des opérations de trading comme celles ayant consisté par GDF à réexpédier des cargaisons de GNL algérien aux Etats-Unis lorsque les prix flambaient sur les marchés spot. L’acquéreur peut ainsi revendre ses achats excédentaires et concurrencer son fournisseur avec son propre gaz.

    Cette flexibilité a multiplié les opportunités de gains spéculatifs. A tel point que le stockage est devenu un lieu de transfert de la rente gazière. Le gaz naturel peut être stocké sous forme gazeuse dans divers réservoirs naturels: gisements de gaz ou de pétrole épuisés (425 dans le monde, principalement aux Etats-Unis), nappes aquifères (85 dans le monde), cavités salines (40 dans le monde), mines abandonnées (4 dans le monde). Depuis 2000, grâce à ses sites de stockage, l’Europe est en mesure de faire face à des ruptures d’approvisionnement de 9 mois avec la Russie et de 20 mois avec l’Algérie. Cette nouvelle stratégie de stockage chez les clients attire aussi les producteurs. Gazprom négocie des capacités de stockage avec la France, l'Autriche, le Royaume-Uni et la Belgique. Sonatrach négocie aussi un projet de stockage de gaz aux Etats-Unis.

    Vers un prix de référence du gaz

    Le marché mondial du gaz se trouve aujourd’hui dans une situation duale, avec d’un côté des prix spots directeurs sur les marchés américain et britannique alors que les marchés européen et en partie asiatique conservent le principe de l’indexation sur les produits pétroliers. Les principales places des marchés spot sont:

    - Henry Hub (New York Mercantile Exchange) aux Etats-Unis, - AECO (Natural Gas Exchange) au Canada,

    - Heren (British National Balancing Point), - Zeebruge Hub (Belgique),

    - IPE (International Petroleum Exchange) Londres Depuis la dérégulation des marchés gaziers aux États-Unis et au Royaume-Uni, le prix directeur du gaz naturel est défini par les prix spots à court terme qui reflètent l’équilibre offre/demande du marché. Même des multinationales actionnaires dans des puits de gaz, et soucieuses d’augmenter leurs profits, plaident aussi en faveur de marchés gaziers libres, dont les prix ne seraient pas liés à d’autres énergies. Exxon prévoit que l’essor du commerce de GNL favorisera la concurrence avec le gaz naturel et que le prix de cette énergie se basera de plus en plus sur ses propres fondamentaux.

    Le marché international du gaz est en train de se mettre en place avec trois ou quatre prix régionaux fortement corrélés, à l’image du marché pétrolier, sous l’impulsion des États-Unis qui représentent 25% des échanges mondiaux. Même en légère augmentation, le prix du gaz dans l'Europe communautaire reste faible par comparaison au marché américain où les cours du gaz sont relativement élevés.

    Aux États-Unis, l’année 2000 marque un réel tournant que personne n’avait anticipé : le prix du gaz a atteint progressivement plus de 5 $/MBtu contre 2 à 3 $/MBtu avant cette date. Il a dépassé les 7 $ en 2005. En Asie, depuis 2000 il s’établit autour de 5 $/MBtu contre une fourchette de 4/5 $ auparavant. Il s’est rapproché de 6 $ en 2005.

    En Europe, après avoir évolué entre 2 et 3 $/MBtu, le prix du gaz se situe depuis 2000 à plus de 4 $/MBtu. Il s’est rapproché des 6 $ en moyenne sur 2005. Le tableau ci-dessous reproduit les prix moyens annuels indexés dans les contrats de Sonatrach depuis 10 ans. On constate une différence de 1 à  2 $/MBtu avec les prix des marchés spot, aggravée par la forte dévaluation du dollar.

    Sur une stricte base d’équivalence énergétique, on peut estimer le manque à gagner du gaz algérien comme suit: - pour un brut à 20 $/baril équivalent à 3,7 $/MBtu, le prix du gaz était d’environ 2,5 $/MBtu - un prix de 50 $/baril justifiait un prix autour de 8,6 $/MBTU, alors qu’il était à moins de 4 $/MBtu - 60 $/baril  équivaut à 11 $/MBtu, alors qu’il s’est situé à moins de 7 $/MBtu On imagine aisément les pertes de prix quans le baril avait atteint 150 $. Des experts ont estimé que pour une quantité équivalente d’hydrocarbures exportés, la rente pétrolière est environ deux fois et demie plus importante que la rente gazière.

    Le transfert de la rente en plus-value fiscale

    Les prix des carburants à la pompe se sont envolés au rythme de la flambée du baril. Les distributeurs ne respectent même plus le temps de latence du roulement des stocks. Les prix augmentent au jour le jour, selon la cotation du baril, en maudissant publiquement les pays de l’OPEP, avec la complicité passive des pouvoirs publics. Et pour cause, les grands gagnants de cette inflation sont les Etats puisque la plus grosse part du prix est constituée de taxes, jusqu’à près de 80%. C’est ce qu’on appelle la plus-value fiscale. Il en va de même pour les prix de détail du gaz et de l’électricité dont les proportions fiscales restent floues. Ces plus-values fiscales servent évidemment à financer les énormes déficits budgétaires, en partie dus aux dépenses militaires.

    C’est essentiellement pour cette raison financière que le marché du gaz est devenue la première préoccupation du G8, de l’OTAN et de l’UE.   Ne pouvant plus agir sur le prix du baril, les occidentaux s’inquiètent de la création d’un cartel du gaz qui va aboutir inéluctablement à un prix libre et concurrentiel. Ils mettent en avant leur sécurité énergétique, alors que leur seule préoccupation est le maintien d’un niveau élevé de plus-value fiscale en freinant la hausse des coûts d’approvisionnement. Les grandes manœuvres ont déjà commencé avec les opérations de fusion-cession-acquisition, comme celle de GDF-Suez, dont l’objectif est de s’accaparer le maximum de puits de gaz et de faire des économies d’échelle sur les coûts de distribution. Le but est de gérer les arbitrages entre coût d’approvisionnement, profits et plus-values fiscales pour déterminer des prix de vente supportables par les consommateurs.   Selon l'AIE, sur l'année 2000, le prix de tête de puits a représenté 34% du prix du gaz pour le consommateur domestique, alors que le transport comptait pour 19% et la distribution aux clients, 47%. C'est donc ce dernier coût qui représente la plus grande part du prix final payé par le consommateur. Avant 2000 et la hausse des prix du gaz, le prix de tête de puits représentait seulement 10 à 15% du prix final au consommateur.  A titre d’exemple, le président français Sarkozy a justifié les récentes augmentations du gaz par GDF (près de 10% en 6 mois) par l’indexation du prix du gaz sur le marché pétrolier dépendant de l’OPEP. Seul un article du Canard Enchaîné (16-04-2008) a remis en cause un tel mensonge, sachant que Gaz de France a réalisé en 2006 les meilleures performances de son histoire, avec un excédent brut opérationnel de 5 milliards d’euros et un résultat net de 2,3 milliards €, en croissance de 29 % par rapport à 2005, tout en augmentant ses investissements de 38%.

    Pour les associations de consommateurs, il est difficile de savoir si les augmentations sont justifiées: “Gaz de France dit perdre beaucoup d'argent sur les tarifs régulés, mais il y a une opacité sur le calcul des prix, il n'est pas public“. GDF se défend de son côté en expliquant que ce calcul est confidentiel car “'il contient des informations sensibles“. En clair, l'entreprise ne tient pas à ce que ses concurrents et ses clients sachent combien elle paye son gaz.

    Malgré leurs promesses de lier le prix consommateur du gaz aux fluctuations du marché pétrolier, les Etats européens ont refusé de baisser les prix après la chute du marché pétrolier engrengeant ainsi un maximum de recettes fiscales. L’autre facette du transfert de la rente en une plus-value fiscale totalement injustifiée consiste dans l'incroyable cadeau fiscal concédé aux sociétés pétrolières et gazières qui travaillent depuis des années en Algérie alors qu’elles ne sont pas considérées comme «un sujet fiscal algérien». Elles sont de fait exonérées, ainsi que leurs sous-traitants, de la TVA, des droits de douane et en partie des charges sociales. Une aberration qu’il serait opportun de chiffrer et à laquelle il est urgent de mettre un terme.

    La concurrence Gazprom-GDF

    Après des décennies de communisme pur et dur, les Russes se sont convertis au grand capitalisme pur et dur. Le groupe gazier Gazprom, détenu à 51% par l’Etat, est devenu l'entreprise la mieux valorisée en bourse dans le monde. Aucune société n'a rassemblé autant de capitaux que Gazprom, dépassant l’américain Exxon Mobil qui avait repris le titre de première capitalisation boursière mondiale au chinois PetroChina en mars 2008. Des analystes financiers estiment que la capitalisation boursière de Gazprom, qui détient 30% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, pourrait encore tripler d'ici 2012. La valeur de Gazprom a été multipliée par 32 en six ans, grâce à la hausse du prix de son gaz, imposée à ses voisins d’Ukraine, Géorgie et Bélarus et sur son marché intérieur. La grille tarifaire de Gazprom sur le marché russe a été révisée pour facturer 25% en plus les livraisons aux ménages en 2009, +30% en 2010 et +40% en 2011.

    Depuis son premier mandat présidentiel en 2000, Vladimir Poutine a fait de Gazprom sa priorité, le symbole du renouveau de l'économie russe. Il a doté le groupe d’un véritable gouvernement d’entreprise dont le patron Dimitri Medvedev, président du conseil de surveillance, a été élu à la présidence de la Russie… et de nommer Poutine premier ministre comme pour mieux démontrer que le pouvoir réel ne se situe pas dans les privilèges protocolaires, mais dans la sphère de décision économique. Poutine a fermement marqué son territoire en fixant les frontières à ne pas dépasser par Dick Cheney et les américains en Asie Centrale. Après le bras de fer avec ses voisins de l’ex-Union soviétique, Gazprom a signé un accord quasi-exclusif pour exploiter les grands gisements gaziers du Turkménistan. Alors que les américains et les turcs avaient entrepris des démarches parallèles à Achkhabad pour ressusciter le projet américain de 1997 de gazoduc trans-caspien visant à livrer le gaz turkmène à l’Europe via la Turquie.

    C’est dans l’optique de cette stratégie d’unir les intérêts des producteurs gaziers que Gazprom a tenté un rapprochement avec Sonatrach en 2006 qui a affolé l’UE et a été presque assimilé par l’OTAN à une déclaration de guerre. Mais l'accord de coopération Gazprom-Sonatrach signé en août 2006 s'est terminé en août 2007 et n'a débouché sur aucun projet concret, selon le PDG de Sonatrach. Tout en avouant que “les russes participent aux appels d'offre sur le projet de gazoduc de 4.000 kilomètres Transalia, qui reliera le Nigéria à l'Algérie pour l'approvisionnement européen et acheminera 20 à 30 milliards de m3 par an”. Une telle annonce n’est pas de nature à rassurer les européens et en particulier Gaz de France. Face au stratège Poutine, Sarkozy et Gaz de France font tout pour écarter le géant Gazprom et conserver leur influence sur le gaz algérien datant de l’indépendance et la découverte de Hassi R’Mel. Gdf a déjà conclu avec Sonatrach un accord d’une durée de 20 ans pour commercialiser en Espagne 1 milliard de m3 de gaz par an sur les 8 milliards de m3 qui seront acheminés dès 2009 par le gazoduc Medgaz, dont Gaz de France est partenaire à 12 %. En bénéficiant d’une confortable durée d’approvisionnement et d’un prix indexé, Gdf va renforcer sa position sur le marché européen du gaz naturel… et concurrencer Sonatrach qui a toutes les peines du monde à se faire accepter sur ce marché espagnol. Gaz de France est également présent dans l’amont algérien, où il détient les droits d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures sur le permis du Touat, dans le bassin de Sbaa.

    Sarkozy veut faire de Gdf le fer de lance de la consolidation de la rente gazière en le fusionnant avec le groupe privé Suez. Le groupe Gaz de France emploie plus de 50.000 personnes dans 30 pays et réalise plus de 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il exploite le plus long réseau de transport de gaz (31.610 Km) et gère le plus long réseau de distribution (185 000 Km) en Europe. Il détient la 2ème capacité de stockage en Europe avec12 sites de stockage (9 en aquifère et 3 en cavités salines) représentant une capacité utile de plus de 9 milliards de m3 en 2006, soit près de 20 % de la consommation annuelle française.  2ème opérateur européen de terminaux méthaniers avec 2 terminaux en service, le Groupe dispose d’une capacité de regazéification de 17 milliards de m3 par an.

    Gdf intervient aussi dans l’électricité d’origine nucléaire. C’est ce qui a incité le candidat Sarkozy à faire à l’Algérie une proposition de marchand de tapis qu’on peut qualifier aujourd’hui d’indécente: «la technologie nucléaire contre des puits de gaz». Il doit être bien informé sur notre incapacité à maîtriser seul cette technologie, vu que tous les investissements consentis dans ce domaine, avec le Commissariat à l’Energie Atomique, ont été sabotés. Les réacteurs de Draria et Aïn-Oussara sont devenus des gadgets qui ne servent même pas à la formation. Sarkozy doit aussi savoir que quelques-uns de nos experts nucléaires ont été assassinés par des «terroristes», d’autres se sont exilés et d’autres encore se sont recyclés en gérants de cyber-café ou en marchands de brochettes. Il faut donc tout reconstruire pour doter le pays de réacteurs qui produiront de l’électricité quand le pétrole et le gaz s’épuiseront. C’est apparemment ce qu’envisage de faire le gouvernement avec des partenaires russes, chinois, indiens… sans marchandage. D’autant plus que d’immenses espaces de notre Sahara peuvent se transformer en «plantations» de centrales nucléaires, sans risques pour les zones urbaines, et peuvent même exporter de l’électricité.

    La vision néo-coloniale de l’UPM

    Lorsqu’un prétendant essaie de séduire une riche héritière bien pourvue et bien dodue et qu’elle s’y refuse, il va tenter d’organiser les noces à son insu avec la complicité de sa famille et de ses voisines pour la mettre devant le fait accompli et lui passer la bague au doigt. C’est un peu ce qu’envisage de faire Sarkozy avec l’Algérie et son projet attrape-nigaud d’Union pour la Méditerranée «dont l’Algérie doit être un acteur majeur». Il a tout fait pour attirer Bouteflika dans le guet-apens de la réunion du 13 juillet qui devait sceller l’UPM dont il ne faut pas faire semblant d’ignorer son contenu réel. Sarkozy avait dévoilé à Tunis le fond de sa pensée purement coloniale. D’un côté une protection assurée aux régimes autoritaires et anti-démocratiques d’Afrique du Nord pour «renforcer la sécurité et freiner les flux migratoires». D’un autre côté une vision élitiste : «avec notre technologie et votre main d’œuvre nous pourrons lutter contre l’Asie». Il avait omis d’ajouter «avec le gaz algérien» pour barrer la route à la Russie.

    Ce discours symbolise le projet messianique dont se croit investi Sarkozy pour maintenir l’Afrique du Nord sous l’emprise économique européenne contre les concurrents russe et chinois, et normaliser ses relations avec Israël. Dans cet espace méditerranéen mouvementé depuis des millénaires par des conflits religieux, civilisationnels et coloniaux, aucune sauce n’a jamais pris. Ni le processus de Barcelone, ni le Forum méditerranéen, ni les accords d’association de l’UE, ni la politique de voisinage, ni les rencontres des 5+5,… ni même l’Union du Maghreb et la Ligue arabe.

    En vertu de quoi, Sarkozy détiendrait-il une nouvelle formule magique? Il veut marcher plus haut que ses talons alors qu’il n’a ni l’envergure de De Gaulle, ni le charisme de Chirac qui se sont bien gardés de s’engager dans une telle aventure. Sentant bien les réticences algériennes à l’habillage de l’UPM, et laissant Sarkozy s’embourber seul, des membres de l’UE changent leur fusil d’épaule et «souhaitent développer avec l’Algérie une relation stratégique dans le domaine de l’énergie». Une véritable course contre la montre s’est donc engagée entre l’UE et la Russie autour de la rente gazière algérienne.

    La situation économique et sociale d’Afrique du Nord prouve qu’elle n’a rien gagné dans ses relations avec l’Europe alors qu’elle lui fournit de l’énergie, de la main d’œuvre qualifiée à bon marché et qu’elle lui sert de défouloir touristique. Après 40 ans de «coopération» avec l’Europe, le dernier rapport de l’OCDE sur l’Algérie note que «l’industrie publique a perdu 80% de son potentiel depuis 1989…  et la croissance reste tributaire des hydrocarbures à hauteur de 46% du PIB».

    Que l’Algérie n’adhère pas à l’idée de l’UPM, c’est presque devenu une évidence. Mais qu’elle soit incapable d’en dissuader ses voisins maghrébins, c’est un drame. Elle n’a rien à gagner à rester isolée. Non seulement l’Algérie ne doit pas adhérer à cette UPM, mais elle doit aussi convaincre les autres pays d’Afrique du Nord de ne pas s’y laisser embarquer. Le projet de l'UPM a été proposé parce que l'UMA est inopérante et le pouvoir algérien en est en grande partie responsable. Il est toujours temps de changer de politique, et penser à créer un ou deux terminaux de GNL sur l’Atlantique pour ouvrir de nouvelles routes du gaz aux gisements du Sud-ouest.

    Saâd Lounès

    (1) Gazoducs MEDGAZ et GALSI: la trahison maghrébine de Bouteflika

     

    (2) Exemple de formule gazière :

    P = Po + A x (G-Go) + B x (F-Fo)

    où : P = prix mensuel d’achat du gaz au producteur,

    Po = prix initial déterminé en «netback» à la mise en oeuvre du contrat,

    G / F = prix moyen sur 3, 6 ou 9 mois du fioul domestique G, du fioul lourd F.

    (la moyenne permet d’atténuer les hausses ou les baisses des cours du marché pétrolier) ;

    A / B : coefficients d’équivalence énergétique.

  • L’impôt visa rapporte 1 milliard d’€ par an à l’UE

    «Le demandeur de visa est appelé à comparaître en personne». C’est ainsi que les sites visafrance.org citent à «comparaître» le quémandeur de visa comme un suspect devant un tribunal consulaire. Le choix du terme n’est pas fortuit, ni un lapsus involontaire. On retrouve explicitement cette expression «comparution personnelle» dans tous les documents officiels traitant des problèmes de visa. (1)

    La réglementation européenne sur les visas utilise un langage judiciaire, policier et militaire à outrance. Quand on lit le «Programme européen 2007-2013 de contrôle des frontières», on croirait lire le scénario d’un film tragi-comique hollywoodien. L’absurdité de la systématisation technologique du contrôle des voyageurs vire à la caricature.

    On y trouve pêle-mêle “technologie d’authentification biométrique, passeports sécurisés à lecture optique, titres de séjour et vignettes électroniques, capteurs d’empreintes mono et multi doigts, comparateur d’encre spécifique, détection de documents falsifiés, liaisons haut débit des réseaux consulaires, base de données alphanumériques VISABIO interfacée avec le VIS, détecteurs spécifiques de présence humaine, maillage de surveillance et d’identification, veille littorale permanente par la chaîne sémaphorique, patrouilleurs de haute mer, radars haute fréquence, drones aériens et de surface, surveillance satellite quotidienne, …” (2)

    Tout citoyen du monde a le droit de circuler librement et éprouve le besoin de quitter momentanément son pays, bouger, changer d’air, faire du tourisme,… Pourquoi ériger des obstacles à ce désir de voyage à certaines catégories de citoyens du monde et pas à d’autres.

    Des millions d’européens visitent la plupart des pays arabo-africains sans visas, sans frais, sans tracasseries administratives, sans perte de temps, sans même dire Salam Alikoum. Il serait peut-être temps que les gouvernements du Sud se dressent énergiquement contre ces dérives unilatérales, insultantes et inhumaines de confinement des citoyens afro-arabes par l’obstacle insurmontable du visa Schengen.

    Racisme institutionnel et islamophobie de l’Union Européenne

    Deux chercheurs européens ont disséqué dans une excellente étude la politique discriminatoire de l’Union Européenne sur les visas. «Le visa n'est pas un instrument technique, ni une stratégie de gestion des frontières. Il est d'ordre politique. C'est à travers le visa qu'on tient à distance les étrangers indésirables. C'est à travers lui qu'on définit pour l'espace Schengen une liste de pays ennemis dont on tient à se protéger.» (3)

    Tout citoyen soumis à l'obligation du visa est considéré comme un suspect d'immigration clandestine, voire comme un terroriste. Son désir de voyager est interprété comme un désir d’émigrer ou de commettre un crime. Il est perçu comme un risque surtout s'il est jeune, étudiant, chômeur, pauvre ou démuni de ressources stables et prouvées. Pour définir sa cartographie du visa, lUE prend en considération trois catégories de critères:

    - Immigration illégale: maîtrise des flux migratoires, séjours irréguliers, refus d'entrée sur le territoire, mesures d'éloignement, blocage des filières d'immigration clandestine et de travail clandestin, sécurité des documents de voyage, accords de réadmission, …

    - Ordre public: coopération policière, typologies de criminalité, menaces à l'ordre public, sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme, …

    - Relations internationales : choix du régime de visas, qualité des relations de l'UE avec des groupes particuliers de pays, cohérence régionale, position particulière d'un Etat membre, solidarité des Etats membres, critère de réciprocité, …

    Finalement, on ne sait plus si le visa sanctionne l’individu en particulier ou est un instrument de relations internationales? L’octroi du visa pour un voyageur est-il dépendant de l'appréciation de son pays comme menace? Ou bien un pays devient-il menaçant parce que ses ressortissants veulent le fuir? On entre là dans une dialectique complexe entre le risque idéologique d'un pays et le risque migratoire de ses citoyens.

    C’est notamment le cas très paradoxal du citoyen honnête et paisible d’un pays à risque qui se retrouve soumis à un visa draconien quelles que soient ses qualités personnelles (palestinien, libanais, algérien, afghan, irakien,…). Le fait de vivre dans un pays où existent des minorités dangereuses est considéré comme un délit potentiel.

    Il en va de même des pays à fort taux migratoire. On empêche des individus de faire du tourisme ou visiter naturellement leurs familles ou leurs amis, parce que soupçonnés d'être tous volontaires potentiels à l'immigration clandestine.

    La cartographie du visa Schengen fixe une limite entre les amis et les ennemis. Les critères effectifs de choix des pays ennemis relèvent purement de «racisme institutionnel et d’islamophobie». La carte des 44 «pays amis» de l’UE, exemptés de visas, est celle du «peuplement blanc». Par contre, la carte des 133 pays dont les ressortissants sont soumis à un visa recouvre clairement l'Afrique, le Moyen-Orient (excepté Israël) et une large partie de l'Asie. (3)

    Il est donc clair que les critères de danger migratoire concernent les peuplements arabe, noir ou asiatique. Les critères consulaires qui mêlent immigration, criminalité, terrorisme, idéologie ou religion ne sont pas cohérents. Ils relèvent de la peur de déstabilisation des identités nationales européennes blanches… par un islam conquérant, une négritude envahissante ou un péril économique asiatique.

    L’idéologie du visa Schengen est une idéologie de guerre. Elle constitue un nouveau syndrome des fléaux et crimes contre l’humanité dont est coutumière l’Europe comme l’inquisition, l’esclavagisme, le colonialisme, les guerres mondiales, les pogroms, la déportation…

    La politique ségrégationniste européenne provoque des milliers de victimes afro-arabes qui se noient en mer en voulant atteindre les rivages européens, ou sont «parqués comme des bêtes» dans des Centres de rétention avant leur déportation vers leurs pays d’origine.

    La scandaleuse traçabilité des demandeurs de visa

    L’Union Européenne a créé en 2004 un Système d'Information sur les Visas (VIS) permettant l'échange et l’accès des données entre les gouvernements des Etats membres et leurs autorités de sécurité intérieure. La mise en œuvre du VIS a débuté dans les «zones à risques migratoire et sécuritaire» en Afrique du Nord et Proche-Orient. (4)

    Le VIS repose sur une architecture centralisée et comprend le «système central d'information sur les visas» (CS-VIS) en réseau avec une interface nationale (NI-VIS) dans chaque Etat membre. Selon les estimations, le VIS peut traiter les données de 20 millions de demandes de visa par an, y compris les empreintes digitales, et les stocker pour une période théorique de conservation de 5 ans. Il est prévu à terme le stockage de tous les éléments d'identification biométriques et alphanumériques dans les vignettes de visa et les titres de séjour sur une puce électronique, directement lisible par un terminal informatique policier.

    Le VIS avait pour objectif initial et affiché de lutter contre la fraude documentaire et le «visa shopping» (dépôt de demandes multiples auprès de plusieurs Etats membres). Mais son but véritable est de renforcer la sécurité intérieure en fichant les demandeurs de visa ainsi que les personnes et organismes qui les invitent. Les renseignements enregistrées dans le VIS sont les données alphanumériques du demandeur, les visas demandés, délivrés, refusés, annulés, retirés ou prorogés; ses photographies et empreintes digitales; les renseignements des personnes ou organismes adressant l'invitation ou prenant en charge les frais de subsistance durant le séjour.

    Le VIS est ainsi devenu un outil international de «Renseignements Généraux» permettant aux Etats membres de l’UE, grâce aux visas demandés qu’ils soient accordés ou non, de constituer toutes sortes de fichiers politique, économique, patronal, syndical, associatif, scientifique, culturel, sportif, médiatique, etc… Le VIS renforce la traçabilité des déplacements des porteurs de visas biométriques qui peuvent pour différentes raisons attirer l'attention de services intéressés.

    Face aux réticences parlementaires d'exempter les enfants de moins de six ans de la prise d'empreintes digitales, le Gouvernement français s'y est opposé en soulignant la nécessité de prendre les empreintes des enfants le plus tôt possible, en prétextant la lutte contre les trafics d'enfants. Même les titulaires de passeports diplomatiques, de service ou spéciaux sont concernés par le fichage VIS. Il est préconisé que les exemptions doivent rester exceptionnelles et ne concerner que les chefs d'Etat ou de gouvernement… sur lesquels les fichiers de renseignement sont déjà bien fournis.

    Quand on sait quelles sont les types de personnes les plus aptes à se procurer facilement les visas, on en conclut vite que toutes les élites des nomenklaturas, l’intelligentsia, leurs progénitures, leurs protégés, leurs contacts, leurs relations et leurs déplacements seront fichés.

    Grâce à cette redoutable efficacité qu’offre le VIS, l’UE pense maintenant à la création de consulats européens communs, sous forme de «centres communs de traitement des demandes de visa». Ne voyant pas d'intérêt à juxtaposer des consulats multiples pour délivrer un document identique dans des conditions similaires, les européens préparent des réformes juridiques, en particulier de la Convention de Vienne qui ne prévoit pas le cas de représentation diplomatique commune à plusieurs Etats.

    D’autre part, l’UE envisage un recours à des prestataires extérieurs sous forme d'externalisation pour la réception du public et l’enregistrement des demandes, comme cela se pratique déjà dans certains pays (Russie, Chine, …). Le coût de cette externalisation sera à la charge du demandeur de visa et viendra s’ajouter à l’impôt visa de 60 €.

    Cela fait déjà plusieurs années que les Etats-Unis et l’Europe se concertent dans leur stratégie de stigmatisation, confinement, flicage des citoyens du Sud, pour des objectifs non avoués. Ils ne se gênent même pas à monter des mises en scène de «tentative d’attentas» pour justifier «l’application immédiate» de mesures drastiques déjà élaborées.

    Ce fut le cas au Royaume-Uni en 2006 pour aboutir à l’interdiction de toutes sortes de liquides dans les salles d’embarquement et à bord des avions. Depuis décembre 2009, le transport aérien est placé sous le coup d’une nouvelle psychose suite à une supposée tentative d'attentat par un nigérian sur un vol reliant Amsterdam à Detroit, aux Etats-Unis. Au point qu’un autre africain constipé a provoqué une alerte générale du FBI et de l’US Air Force parce qu’il avait trop tardé dans les toilettes d’un avion.

    La France veut aussi exiger immédiatement, comme les USA, la fourniture par une liste de pays à risques, dont l’Algérie, de nouvelles informations personnelles sur les voyageurs dès la réservation du billet d’avion (identité, moyen de paiement, adresse, téléphone, e-mail, agence de voyage).

    Si on suit la logique de ces trains de mesure, les citoyens de pays à risque ne tarderont pas tous à voyager bientôt en caleçons menottés à leurs sièges.

    L’exagération et l’absurdité de cette tension permanente est mise en exergue par un directeur de recherche du CNRS: «A chaque fois qu'il y a un accident de la route ou un fraudeur fiscal, personne n’en conclut qu'il faut modifier complètement le code de la route ou la législation fiscale. C'est pourtant ce qui se produit en matière de politique d'immigration.» (5)

    Le Pacte Européen sur l’Immigration et l’Asile prévoit la généralisation du système des visas biométriques à compter du 1er janvier 2012. Le VIS constitue une humiliation de l’UE contre les Etats listés en les considérant comme incompétents à contrôler la sécurité de leurs propres citoyens. Pourtant la délivrance d’un passeport est déjà en soi un acte de procédure policière dont sont exclus les criminels. La sortie du territoire national est également soumise à une vérification systématique sur le terminal policier de la PAF.

    La constitution de fichiers de police et la prise d’empreintes digitales sont du ressort du pouvoir régalien et judiciaire d’un Etat. Laisser d’autres Etats procéder à ces pratiques policières sur son propre sol relève d’un abandon de souveraineté nationale et d’une atteinte à la protection de la vie privée de ses ressortissants.

    Contingentement des visas

    Le visa constitue une exception pour entrer sur le territoire européen. Selon les statistiques de l’Organisation Mondiale du Tourisme, 480 millions de touristes visitent l’UE chaque année, dont seulement 10 millions sont soumis à l’obligation du visa, soit 2%.

    La France, première destination touristique mondiale avec 80 millions de visiteurs ne délivrent que 2 millions de visas par an, soit seulement 2,5% des touristes qu’elle reçoit. L’Allemagne délivre un peu moins de 2 millions de visas pour une réception de 25 millions de touristes, soit 8% des visiteurs. Depuis quelques années, les pays de l’UE limite la délivrance des visas à une politique restrictive de quotas annuels. C’est ce qui explique que la diminution du quota de visas de certains pays, comme l’Algérie, est destinée à compenser une augmentation pour d’autres pays, comme la Russie, Chine, Turquie, Maroc.

    Ce durcissement européen a dégoûté les commerçants maghrébins et africains les poussant à aller jusqu’au Moyen-Orient ou en Asie faire leurs achats. Les cadres qui veulent s’expatrier se détournent de l’Europe et optent pour l’Amérique du Nord. Mais cela a aussi provoqué une recrudescence des demandes d’asile venant de pays pourtant stables et puissants comme la Russie, Chine, Pakistan…

    On assiste aussi à une explosion des mariages mixtes pour contourner l’obstacle consulaire et obtenir plus facilement un visa en qualité de conjoint d’européen, ou carrément la double nationalité. Rien qu’en France, les mariages mixtes ont doublé depuis 1996. La hausse est particulièrement visible avec le Maghreb, +487%, ou la Turquie, +656%.

    Ankara, qui frappe aux portes de l’adhésion à l’UE, ne cesse de réclamer la suppression du visa européen. La dernière levée des restrictions à la libre circulation dans la zone Schengen, accordée le 19 décembre aux Serbes, Macédoniens et Monténégrins, a profondément irrité la Turquie: “Il est inacceptable que certains pays des Balkans qui en sont à l'étape initiale du processus d'adhésion et n'ont pas entamé leurs négociations, se voient accorder le privilège Schengen et pas la Turquie”, a réagi le ministre turc des affaires étrangères. Les acteurs économiques turcs déplorent la ségrégation européenne qui permet de laisser circuler librement leurs marchandises, alors qu’eux doivent passer par le visa pour leurs voyages d'affaires.

    L’injustice est encore plus criante pour les maghrébins voisins immédiats de l’Europe confrontés aux pires tracasseries alors que la «dette coloniale» est loin d’être soldée. Le sénateur socialiste Louis Mermaz rappelle que la France a des devoirs historiques particuliers, vis-à-vis du monde de la francophonie. Il raconte cette anecdote du président Boumediene qui, recevant Valéry Giscard d'Estaing en voyage officiel en 1974, lui avait tenu ce propos: «Vous avez voulu faire la France de Dunkerque à Tamanrasset, donc comprenez que mes compatriotes veuillent circuler librement». (5)

    Les maghrébins et africains ont d’abord participé aux deux guerres mondiales avec l’Armée Coloniale d’Afrique pour libérer la France occupée. Ensuite, ils ont contribué à la reconstruction d’après-guerre par une immigration de travail célibataire et masculine qui se retrouvait seule dans les foyers et renvoyait l'essentiel de sa rémunération au pays, ne gardant quasiment rien pour vivre ni pour ses loisirs. Cette émigration aurait pu aboutir à une réussite économique, comme pour les émigrés portugais qui ont contribué à la modernisation du Portugal. Ou les émigrés espagnols qui ont participé au décollage économique de l'Espagne grâce à leurs mouvements financiers. Mais l’Europe, en persistant à soutenir les dictatures africaines et arabes, a contribué à entraver toutes les amorces de développement économique de ces pays d’émigration.

    L’Europe vieillissante peine à assurer le renouvellement de ses générations. Ses pays perdront, dans les vingt ou trente ans à venir, des millions d'habitants et donc, des millions de bras. Selon le Word population Forum, l’Europe devrait accueillir en moyenne 800.000 immigrés légaux par an au moins jusqu’en 2050.

     

    En vertu de quoi, les maghrébins et africains seraient-ils écartés, au profit de pays lointains par une politique restrictive de visas, de ces gros besoins de l'immigration en Europe… Parce qu’ils sont musulmans ou noirs? Le refus de régulariser des travailleurs «sans papiers» pourtant reconnus et déclarés par leurs employeurs est en soi une réponse cinglante du cynisme européen.

     

    Un consul général de France en Afrique a parfaitement résumé le sentiment du continent noir: «dans le contexte africain, le visa pour la France est encore perçu comme un droit moral dont chacun disposerait en raison de l’histoire… les refus sont souvent ressentis comme la violation d’un droit historique». (5)

    Le coût exorbitant de l’impôt visa Schengen

    Au 1er janvier 2007, les frais de dossiers pour l’instruction des visas Schengen sont passés de 35 à 60 euros. Pour le Royaume-Uni ils sont de 63 livres (93 €), et pour les USA de 100 dollars (73 €). A ces frais de dossier, s’ajoutent des «frais de service» de 20€.

    Le calcul est vite fait. L'espace Schengen accorde 10 millions de visa par an, auxquels il faut ajouter 15 à 20% de visas refusés mais pour lesquels les frais ne sont pas remboursés. Soit 11,5 à 12 millions de demandeurs de visa qui paient 80€. Le montant de l'impôt visa s'élève donc à environ 1 milliard d'€/an. Cet impôt visa payé par des particuliers des pays demandeurs est versé directement au budget des Etats européens. Une partie seulement de cette manne financière est reversée au fonctionnement des consulats.

    A titre d’exemple en France, «le budget du ministère des affaires étrangères ne bénéficie que de 50% du produit de la recette des frais de dossiers de demandes de visas, ce qui constitue un progrès par rapport à une période récente où les services des visas ne bénéficiaient pas d’un droit de retour automatique sur les frais de visas». (4)

    Ce montant fiduciaire n’est pourtant que la partie visible du coût exorbitant de la procédure des visas que supportent les pays demandeurs. Sans même faire un calcul économique, on imagine aisément l’énorme gâchis du temps perdu à réunir tous les documents exigés, la gymnastique financière pour se procurer des devises au marché noir et prouver ses moyens de subsistance, les frais de déplacement pour «comparaître personnellement» vers les consulats, la mobilisation solidaire autour du demandeur de visa, l’absentéisme sur les lieux de travail, etc…

    L’injustice est d’autant plus scandaleuse que les touristes européens qui se rendent par millions dans la plupart des pays afro-arabes ne sont pas soumis à cette obligation du visa. Le voyageur européen peut réserver simplement son billet et son séjour de chez lui par téléphone ou Internet et se rendre directement à l’aéroport, sans perdre une seule seconde à «demander une autorisation de voyager». C’est le cas pour aller dans des pays réceptifs comme la Turquie qui reçoit 25 millions de touristes/an, l’Egypte (10 millions), le Maroc (7 millions), la Tunisie (7 millions) qui n’imposent pas de visa aux européens.

    Ces pays fortement dépendants de l’activité touristique n’ont jamais pensé à «récupérer» d’une façon ou d’une autre auprès de ces voyageurs l’impôt-visa payé par leurs citoyens. La moindre des décences devrait inciter l’Europe à exempter des frais de visa les ressortissants de ces pays paisibles, hospitaliers et coopératifs. L’Europe richissime devrait aussi penser à restituer cet impôt visa aux Etats pauvres.

    Ces millions de touristes européens confirment bien l’effet «cocotte-minute» existant dans tous les pays du monde et ce besoin irrésistible de transhumance de tout être humain pour sortir de sa routine quotidienne, aller respirer ailleurs, se ressourcer, prendre du recul pour un nouveau départ.

    Tous les malheurs de l’émigration clandestine, les décès par noyades, les drames personnels et familiaux, les humiliations devant les consulats n’existeraient pas si les individus pouvaient circuler sans visa en toute légalité simplement avec leurs passeports, aller, revenir, repartir de leurs pays librement sans contraintes.

    Saâd Lounès

    (1) https://dz.visasfrance.org/help.php#insurance_requirement

    (2) Programme pluriannuel 2007-2013 de contrôle des frontières terrestres

    (3) Elspeth Guild et Didier Bigo, «Le visa: instrument de mise à distance des indésirables», Cultures & Conflits, 49/2003

    (4) Rapport d’information de l'Assemblée nationale française sur la politique européenne des visas (n° 3764 du 21/02/2007)

    (5) Rapport de la commission sénatoriale d’enquête sur l’immigration clandestine (n°300 du 6/4/2006)

  • Comment l’orphelin tunisien Ali «SNP» est-il devenu Ali Benhadj?

    Ali Benhadj est un délinquant politique. Comme ceux qui ont pris le pouvoir par la force des armes en 62 et 65, Ali est entré par effraction dans les arcanes des décideurs, par la force de la rue le 5 octobre 1988. Pendant 7 ans, de 1988 à 1995, il fut un interlocuteur craint et privilégié par un pouvoir divisé et dépassé par les événements. Même en prison, les généraux ont continué à négocier avec lui.

    C’est donc en grande partie à cause de ses rendez-vous manqués avec l’Histoire que le pays a raté le tournant démocratique et fait un bond de plus de 40 ans en arrière. L’Algérie profonde a replongé dans l’allégeance populiste et la soumission stérile au candidat unique.

    Depuis sa libération en 2003, après avoir purgé douze ans de prison, tout le monde a remarqué l’isolement médiatique et politique de Benhadj, en particulier dans le camp islamiste. Il ne peut plus se déplacer sans garde du corps de peur d’être lynché et molesté par d’anciens compagnons qui ont payé très cher ses errements.

    Au moment où l’Algérie authentique doit se ressourcer pour se reconstruire politiquement, il est temps que l’opinion publique sache comment et po urquoi Ali Benhadj a tué l’islamisme politique et contribué au chaos sanglant par son comportement suicidaire et insurrectionnel.

    Une bête de scène

    Ali Benhadj est le Michael Jackson du prêche islamiste, ni blanc, ni noir, mince et longiligne, une gestuelle saccadée et une présence scénique phénoménale. Par la force du verbe qui soulève les foules, il surclasse tous les prédicateurs. Le seul qui pouvait le concurrencer était Mahfoud Nahnah. Mais ses discours modérateurs et conciliants n’avaient pas prise sur une jeunesse citadine avide de violence et de règlements de comptes. Nahnah et Abdallah Djaballah, instruits par leur propre expérience et celle de l’affaire Bouyali, marquèrent leur désaccord avec la «délinquance» d’Ali avant même le lancement du FIS.

    Lors du conclave islamiste qui devait décider de la marche à suivre après plusieurs années de militantisme clandestin, le jeune Benhadj, âgé de 32 ans, a bousculé toute la hiérarchie alors que son niveau intellectuel est moyen et ses connaissances théologiques très limitées. Son rôle fut déterminant dans la création du FIS le 10 mars 1989 à la mosquée Ben Badis de Kouba où il s’imposa comme vice-président derrière Abassi Madani, piètre orateur, qui croyait pouvoir dompter le fougueux prédicateur dont il avait besoin pour galvaniser les foules. Dans les meetings, après quelques interventions des membres du majliss, Abassi ne prononçait que quelques mots en guise d’introduction au prêche enflammé d’Ali qui clôturait dans un délire incantatoire. Elevé dans les quartiers populaires d’Alger, Ali était doté de toute la panoplie verbale et gestuelle du «houmiste». Il savait utiliser le langage de la sous-culture urbaine pour la catalyser en violence politique.

    La quintessence de son discours se réduisait au simplisme naïf du petit caïd de quartier qui veut prendre la place des grands caïds qui dirigent le syndicat du crime. Dans un prêche mémorable diffusé et parodié sur dailymotion, il résume le fond de la pensée du délinquant politique: «ils nous font peur avec leurs kalachnikov ? Et bien nous aussi, nous pouvons utiliser des kalachnikov». C’est ainsi que les discours d’Ali ont créé les germes du terrorisme brutal qui a ensanglanté l’Algérie. (1)

    Le rendez-vous manqué de Juin 1991

    Le fulgurant succès électoral du FIS n’est pas le fruit du seul discours de Benhadj dont l’aura se limitait aux jeunes de la capitale. Mais pour un pouvoir aux abois qui n’avait plus le temps de comprendre les ressorts profonds qui animaient la société après tant d’années de parti unique et de répression, les chefs du FIS s’imposaient soudain comme des interlocuteurs avec lesquels il fallait négocier en urgence. La déliquescence du FLN et la marginalisation des démocrates avaient dénudé le pouvoir militaire qui ne disposait plus d’intermédiaire ni de décodeur politique. Après la victoire du FIS aux municipales en été 1990, les palabres ont commencé pour adapter le mode de gouvernance du pays à un partage des responsabilités avec les islamistes. D’abord à l’échelon des wilayas avec les APC FIS, puis à l’échelle du gouvernement.

    Le président Chadli Bendjedid, qui maîtrisait encore l’armée se tenait prêt à cette éventualité et avait mandaté le Chef du gouvernement Mouloud Hamrouche et le DRS. Alors que le FIS durcissait son discours contre la modification de la loi électorale, des négociations secrètes furent entamées les mois d’avril et mai 1991. (2)

    Il y eut au moins trois rencontres entre Abassi et Benhadj d’une part et Hamrouche et le général Smain Lamari, n°2 du DRS, d’autre part. L’objectif de ces entretiens qui se déroulaient dans une villa du côté de Zeralda était de préparer la nouvelle configuration gouvernementale en cas de victoire très probable du FIS aux élections législatives prévues en juin 91. Les négociations avaient pour objet le partage des portefeuilles ministériels et les fameuses «lignes rouges» à ne pas dépasser. L’armée consentait à respecter la victoire électorale du FIS mais demeurait gardienne de la Constitution et ne voulait pas transiger sur les ministères de souveraineté. La prétention et la suffisance insurrectionnelle de Benhadj firent capoter les discussions.

    Exalté et enivré par son succès populaire, il lança précipitamment avec Abassi l’appel à la grève générale. Les luttes de clans, le coup de poker de Hamrouche et le jeu de coulisses de Kasdi Merbah, qui voulaient pousser Chadli à la démission pour prendre sa place, sont aussi en partie responsables de la dégradation de la situation. Le 3 juin 1991, Hamrouche fut contraint de démissionner et les places publiques furent prises d'assaut par l'armée qui tira sur les manifestants. Abassi Madani fut arrêté en compagnie de 5 membres du majliss echoura. Puis ce fut le tour de Benhadj le 29 juin.

    Le jusqu’au-boutisme d’Ali a non seulement fait rater une chance historique et pacifique d’accession des islamistes au pouvoir, mais c’est à ce moment là que Chadli a perdu le contrôle de l’armée en nommant Khaled Nezzar au poste de ministre de la Défense. Ce fut le prélude au coup d’Etat du 12 janvier 92, la proclamation de l'état d'urgence le 9 février et l’interdiction du FIS le 4 mars.

    Le rendez-vous manqué avec Zeroual

    Le contre feu islamiste à la répression fut terrible et imprévisible pour les sphères du pouvoir. Le trop plein de rancœur populaire explosait dans le fracas des armes et des attentats. Les désertions se multipliaient. L’état-major de l’armée fut soumis à une terrible pression interne et internationale qui a abouti au remplacement de Khaled Nezzar par le général Liamine Zeroual à la tête du ministère de la Défense en été 1993 avec pour mission de mettre fin coûte que coûte à ce qu’il est convenu d’appeler une «guerre civile».

    C’est à ce moment qu'Ali Benhadj si vit offrir une nouvelle chance historique et inespérée.

    Avant d’être intronisé président de l’Etat en janvier 1994, Zeroual décida d’engager directement des négociations avec les leaders du FIS à qui il rendit visite à l’intérieur même de la prison militaire de Blida. Cette initiative suscita de terribles remous dans les états-majors de l’armée et du DRS et faillit coûter la vie à Zeroual. Malgré la désapprobation de ses pairs, il persista dans sa vision dialoguiste. Pour prouver sa bonne foi, il octroya aux détenus une semi-liberté en les transférant à la résidence luxueuse de Djenane Al Mithaq. Puis il gracia et libéra cinq membres du majliss, des seconds couteaux condamnés quasiment par erreur (Mohamed Boukhemkhem, Ali Djeddi, Djamel Guemazi, Abdelkader Omar, Nourredine Chigara). Ils continuèrent à participer aux discussions tout en étant libres. Les négociations laborieuses mais bon enfant étaient menées par le général Mohamed Betchine, accompagné du général Tayeb Derradji, commandant de la gendarmerie nationale et Ahmed Ouyahia, chef de cabinet de Zeroual. (2)

    Le deal de Zeroual était d’une candeur à faire pleurer de rage aujourd’hui. Il demandait tout simplement aux chefs «historiques» du FIS de signer une lettre d’appel à l’arrêt de la violence pour ôter toute couverture politique au terrorisme. En contrepartie de quoi, il gracierait Abassi et Benhadj, garantirait le retour du FIS et organiserait de nouvelles élections. Devant une telle proposition inespérée de retour à juin 91, tous les chefs du FIS étaient enthousiastes pour signer la lettre qu’ils avaient rédigée…

    Tous sauf Ali Benhadj, dont cette dernière et ultime intransigeance est à l’origine de la sentence zeroualienne : «Le dossier du FIS est clos!»

    Benhadj fut séparé de Abassi Madani, transféré à Tamanrasset et détenu au secret et à l’isolement. Il fit une nouvelle victime puisque la fuite de cette information «secrète» a valu au correspondant de l’APS, trois ans de prison. Puis il transita par les prisons de Blida et Tizi-Ouzou jusqu’à sa libération le 2 juillet 2003 après avoir purgé la totalité de sa peine.

    Après l’élection de Zeroual en novembre 95, le pouvoir a mis en œuvre un plan B qui a abouti en 1997 à l’intégration des islamistes modérés de Hamas au gouvernement et dans les assemblées élues, et la négociation directe avec l’AIS et les groupes armés pour la trêve, la réconciliation et l’amnistie.

    Ali «SNP» ne s’appelle pas Benhadj

    La question cruciale est de savoir d’où vient cette personnalité étrange et tourmentée d’Ali Benhadj. Il suffisait de fouiller son passé pour le comprendre. (3)

    En réalité, Ali ne s’appelle pas Benhadj, mais SNP, c’est-à-dire «sans nom patronymique». C’est au hasard de plusieurs transcriptions hasardeuses d’état-civil qu’Ali et ses deux frères se font appeler «Benhadj». Selon certains documents, leur père SNP Mohamed ben hadj Lahbib ben hadj Abdallah, serait originaire du Touat et né à Oran présumé en 1928. Si c’est vraiment le cas, on peut en conclure qu’il est d’origine marocaine. En effet, l’administration coloniale, qui donnait arbitrairement des noms de famille aux algériens, affublait de SNP (sans nom patronymique) les étrangers «indigènes», c’est-à-dire les marocains et tunisiens qui vivaient en Algérie. C’était un signe distinctif qui permettait de les identifier. Par la suite, le nouveau code de la nationalité algérienne de 1963 empêcha les nommés SNP d'être reconnus légalement comme algériens.

    Selon d’autres documents, le père d’Ali serait né en Tunisie en 1927 et travaillait comme docker au port de Tunis. Il épousa une tunisienne, SNP également, nommée Kheira Latifa bent Hassen, née à Tunis en 1933. Ils eurent 3 enfants tous nés à Tunis: Habib, actuellement avocat à Alger né le 15/12/55 ; Ali né le 16/12/56 et Abdelhamid, sans profession né le 3/7/59. Le père d’Ali serait décédé en 1961 sans que l’on connaisse l’origine exacte du décès alors qu’en mai 60, il travaillait encore comme docker. Rien ne prouve qu'il fut moudjahid ou chahid. Leur grand-père SNP Hassen ben Mohamed ben Abdallah les prit en charge et les fit entrer en Algérie grâce à un laissez-passer délivré par la mission FLN de Tunis en 1963. Il monta différents dossiers pour obtenir le statut de chahid et membre de l’ALN pour leur père. (4)

    Leur mère décéda le 16/8/1966 à l’âge de 33 ans et Ali se retrouva donc orphelin à 10 ans, élevé par son grand-père tunisien qui se démena pour élever ses trois petits-enfants à Diar Es Semch avec leur maigre pension de pupilles de la Nation. (5)

    Selon d’autres sources, ce serait Mustapha Bouyali, en poste à l’APC d’El Achour, dont Ali était un adepte et un complice, qui aurait établi des papiers d’identité aux trois frères au nom de Benhadj, c’est-à-dire des faux.

    C’est justement parce qu’ils sont incapables de fournir des extraits de naissance d’origine, ni celui de leur père et grand-père qu’Ali, ses frères et leurs enfants ne peuvent obtenir de passeport, encore moins de certificat de nationalité algérienne.

    L’orphelin tunisien Ali SNP a donc eu une enfance difficile et tourmentée. Il n’a aucun repère familial, tribal, régional ou national et n’évoque jamais ses origines réelles. C’est sans doute pour ces raisons qu’il s’est réfugié corps et âme dans le Coran, son seul et unique repère.

    Les négociateurs de l’Etat connaissaient-ils l’identité réelle et le parcours d’Ali SNP quand ils discutaient avec lui le partage du pouvoir ? Dans un pays où on continue d’ignorer les origines et le passé de nombreux dirigeants, il est permis d’en douter.

    Quant aux démocrates, trop occupés à se regarder le nombril et se crêper le chignon, ils n’ont toujours pas compris comment un orphelin tunisien a pulvérisé l’islamisme politique algérien et leur a tracé un boulevard vers la prise du pouvoir.

    Saâd Lounès

    22 avril 2009

    (1) http://www.dailymotion.com/relevance/search/ali+benhadj/video/x4auif_algerie-islamique2_politics

    (2) Avec les journaux Simsar (90-92) et El Ouma (94-95), nos sources islamistes nous informaient du déroulement des négociations

    (3) Les informations suivantes sont extraites de divers documents remis par un proche de Ali

    (4) Demande d’attestation de chahid

    Demande d’attestation de chahid

    (5) Acte de tutorat du grand-père

     

    Acte de tutorat du grand-père

  • Polisario, la coûteuse imposture algérienne

    Le conflit artificiel du Sahara Occidental est odieusement coûteux pour le Maroc mais aussi tout le Maghreb et toute l’Afrique de l’Ouest. (1)

    Comment en est-on arrivé là ? C’est la faute d’un coupable et d’un imposteur. Le coupable c’est évidemment le colonialisme français et espagnol. L’imposteur c’est le pouvoir algérien qui a fait du Polisario une marionnette dont il ne peut plus se débarrasser, et des camps de Tindouf une prison à ciel ouvert.

    La gourmandise française sur le Sahara a élargi au maximum les frontières de la colonie algérienne au détriment des protectorats marocain et tunisien qui les ont vainement contestées. Si ce n’était l’occupation espagnole du Sahara Occidental, les frontières de l’Algérie française auraient certainement été poussées jusqu’à la côte Atlantique. (2)

    Après l’indépendance de l’Algérie, le «contentieux territorial» algéro-marocain débuta par la guerre des sables en 1963 et se termina par l’Accord frontalier du 15 juin 1972, qui fut par la suite ratifié en 1989 par le Parlement Marocain et enregistré à l'ONU en 1991, conformément à l'article 102 de la Charte des nations Unies. (3)

    Affaibli par deux tentatives de coups d’Etat, le roi Hassan II reconnut donc officiellement et définitivement les frontières algériennes en échange d’un soutien du président Boumediene pour la récupération du Sahara Occidental encore occupé par l’Espagne.

    L’entente pacifique qui régnait entre les deux pays frères ne résista pas à l’esprit de la guerre froide, alors à son apogée, lorsque l’Espagne décida de quitter les territoires sahraouis en 1976. L’influence soviétique, les formateurs du KGB et l’activisme cubain ont considérablement radicalisé les contradictions algériennes écartelées entre la révolution socialiste antimonarchiste et l’unité maghrébine. (4)

    Mais ce n’est pas une excuse. Le pouvoir algérien, qui a su tenir tête à la puissance française, aurait pu aussi résister au bloc socialiste en mettant l’intérêt commun de la paix au Maghreb au-dessus de tout.

    C’est ainsi que la SM infiltra le Front Polisario fondé par des sahraouis comme El Ouali Mohamed Essayed, mort au combat le 9 juin 1976 (5), et des étudiants marocains anti-monarchistes comme Mohamed Ben Abdelaâziz, dont le père était sous-officier marocain. Indéboulonnable SG du Polisario et président du sigle RASD, il a fait le vide autour de lui.

    La majorité des fondateurs sahraouis du Polisario ont déserté le front et rejoint le Maroc, comme Mustapha Barazani pour qui «les intérêts de l’Algérie préconisent que le conflit s’éternise… elle ne veut même pas l’indépendance du Sahara, elle veut que le Sahara reste un problème pour le Maroc». C’est exactement ce que l’ex-chef d’état-major Khaled Nezzar avait déclaré à La Gazette du Maroc en 2003 : “L’Algérie n’a pas besoin d’un nouvel Etat à ses frontières.”

    L’incompréhensible entêtement marocain à refuser le référendum d’autodétermination ne peut occulter le rôle négatif du régime algérien que des dirigeants historiques du FLN n’ont pas hésité à condamner.

    Comme l’ancien président du GPRA Ferhat Abbès : «Ce poignard planté dans le dos de la communauté maghrébine est la plus scandaleuse des aventures. C’est un crime perpétré contre l’unité et la paix nord-africaines». (L’indépendance confisquée, 1984).

    Ainsi que l’ancien président Ben Bella, d'origine marocaine : «Du point de vue historique, le Sahara Occidental est le prolongement historique du Maroc. Toutes les dynasties du Maroc ont eu des liens avec le Sahara… L’Algérie n’a aucun intérêt à faire éclater le Maroc» (Journal marocain L’Opinion du 24 janvier 1987).

    Le 5 octobre 1963, Bouteflika, ministre des AE, déclarait à Oujda sa ville natale : «Le peuple algérien n’a pas oublié l’attitude du Maroc lors de la guerre d’Algérie. Chaque algérien se considère au Maroc comme chez lui, tout comme chaque marocain est chez lui en Algérie».

    C’est le même Bouteflika, devenu Président depuis 1999, qui refuse de rouvrir les frontières terrestres fermées en 1994.

  • culture politique

    Sahara : doutes et interrogations sur la mort énigmatique d’Ali Beiba PDF Imprimer
    Mardi, 06 Juillet 2010 16:50

    La mort énigmatique d’Ali Beiba, N°2 du front Polisario, officiellement décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 57 ans, continue de soulever doutes et interrogations, y compris dans les rangs du mouvement sécessionniste. Des fidèles du défunt, qui soupçonnent un empoisonnement, ont même demandé une autopsie pour élucider les véritables causes de sa mort, mais en vain.
    Les soupçons sur la mort subite inexplicable de celui qui menait, depuis plusieurs années, les négociations avec le Maroc sur l’avenir du Sahara, portent justement sur cette proximité avec les Marocains. La direction du Polisario et les officiers du DRS, les services du renseignement militaire algérien, ont commencé à douter ces derniers temps des positions d’Ali Beiba. Plus grave, le chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, considérait que Mahfoud Ali Beiba était devenu plus  perméable à la proposition marocaine d’autonomie au Sahara. Argument infaillible pour mettre le N°2 du Polisario dans la ligne de mire des services algériens.
    Mahfoud Ali Beiba qui a vécu dans les camps sahraouis de Tindouf depuis 1975, était aussi le plus sensible parmi les dirigeants du Polisario aux conditions de vie difficiles des Sahraouis dans ces campements du désert algérien. Une sensibilité qui a guidé sa démarche « sage et sincère » dans les négociations avec le Maroc, selon les termes du négociateur onusien, Christopher Ross. L’objectif d’Ali Beiba était de parvenir à une solution politique juste et définitive pour mettre un terme aux souffrances des populations sahraouies. Un argument de plus pour le DRS algérien de le mettre sous observation.

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    Amnesty : le Polisario de nouveau épinglé sur les graves violations des droits de l’homme PDF Imprimer
    Mardi, 15 Juin 2010 15:58

    Le Polisario et l’Algérie ont été une nouvelle fois, mis aux bans des accusés par Amnesty International. Elle leur reproche de gravissimes atteintes aux droits de l’homme perpétrés de manière systématique et en toute impunité à l’encontre des Sahraouis séquestrés dans les camps de Tindouf.
    Dans son rapport de 2010 sur la situation des droits de l’homme dans les camps de Tindouf, Amnesty International relève que ces graves violations ont été commises, de manière délibérée et systématique et n’épargnent personne parmi les séquestrés des camps de Lahmada.
    Selon cette ONG basée à Londres, sont également victimes de ces pratiques contraires aux conventions internationales, les prisonniers de guerre marocains et mauritaniens, voire subsahariens ainsi que tous ceux qui osent contester la démarche jusqu’auboutiste du Polisario. Chaque jour, précise le rapport, des dizaines de personnes sont enlevées, torturées et emprisonnées arbitrairement par le Polisario ou la sécurité militaire algérienne. Plus grave encore, selon Amnesty, les auteurs de ces exactions et actes répréhensibles commis et dénoncés par les victimes et les ONG internationales, ne font l’objet d’aucune sanction ou mesures disciplinaires et les donneurs d’ordre et les tortionnaires ne sont pas inquiétés outre mesure. Malgré les dénonciations et les rapports multiples, étayés par de nombreux témoignages recueillis auprès des victimes par les organisations civiles internationales, ajoute le rapport, le Polisario et les dirigeants algériens qui parrainent les thèses des séparatistes, n’ont pris aucune mesure pour mettre fin à ces pratiques contraires aux conventions internationales des droits de l’homme.

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    Sahara Occidental : le Polisario déstabilisé par le dernier rapport de l’ONU PDF Imprimer
    Lundi, 26 Avril 2010 17:03

    Le Polisario, et derrière lui Alger, se démène sur tous les fronts depuis la publication du dernier rapport du Secrétaire Général de l’ONU sur le Sahara. Ulcéré de voir que l’ONU continue de privilégier la voie des négociations, il fait feu de tout bois pour détourner l’attention du processus politique, inauguré par la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara occidental. La rengaine des violations des droits de l’homme est devenue même une constante de la propagande algéro-polisarienne. Mais une brève lecture des événements montre clairement que c’est dans les camps de séquestration de Tindouf, en plein territoire algérien, que ces droits humains sont le plus bafoués depuis plus de 30 ans.

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    Camps de Tindouf : les témoignages des victimes devant le CDH embarrassent Alger PDF Imprimer
    Mercredi, 17 Mars 2010 17:33

    Les témoignages des violations des droits de l’homme dans les camps de Tindouf, relatés devant la 13ème session du Conseil des Droits de l’Homme à Genève, laissent perplexe.
    Les preuves apportées par les victimes et les rapports d'ONG internationales sur l'emprisonnement, la torture, les disparitions forcées et différentes formes d’esclavage pratiquées dans ces camps, suscitent des préoccupations légitimes. Inquiétudes d’autant plus grandes que les violations commises par le Polisario relèvent de la responsabilité directe du régime d’intelligence militaire algérien, puisque ces exactions se produisent sur le sol algérien.
    Aucun moyen de contrôle international sur ce qui se passe à l’intérieur des camps, isolés dans le désert, aucune initiative du HCR n’a abouti à se rendre compte des conditions réelles de séquestration des populations. Les camps de Tindouf restent désespérément  fermés au monde extérieur.

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    Echec du Polisario à Melbourne (Australie) PDF Imprimer
    Mercredi, 23 Septembre 2009 16:07
    La campagne médiatique et judiciaire du Polisario contre la promotion et la diffusion du film australien, Stolen, à Sydney et Melbourne en Australie a échoué.
    En effet, il est à rappeler que le film documentaire Stolen réalisée à Tindouf par les deux réalisateurs australiens Violeta Ayala et Dan Fallshaw dénonce les conditions d’esclavage vécues dans les camps de Tindouf, à travers le récit de Fatim, une sahraouie, victime de pratiques esclavagistes.
    Au départ, le thème du documentaire réalisé dans les camps de Tindouf était consacré à  la séparation des familles sahraouies, réparties entre le Maroc et les camps de Tindouf, dans le désert algérien et de recueillir des témoignages sur le sujet. Au fil du reportage, les auteurs ont été  confrontés à des récits d’une autre nature, relative aux pratiques esclavagistes vécues dans les camps et ce, à travers le témoignage poignant de Fatim, appuyé par d’autres récits similaires.

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    Un ancien membre de la direction du Front Polisario dévoile les techniques de conditionnement PDF Imprimer
    Vendredi, 07 Août 2009 12:00

    Un ancien membre de la direction du Front Polisario dévoile les techniques de conditionnementAprès plus de 30 ans passés au sein de la direction du Front Polisario, Ahmeddou Ould Souilem, ancien ministre conseiller à la présidence du Front, a dévoilé lors d’une conférence de presse donnée suite à son retour au Maroc les techniques utilisées par le mouvement de guérilla pour conditionner les futures recrues. Plus grave, selon lui, le Front Polisario serait en état de dépendance par rapport à l’Algérie, et leur relation serait celle du « Maître au subalterne », ce qui, venant de la bouche d’un ancien révolutionnaire, constitue la pire insulte possible. En effet, il est désormais établi que l’Algérie a réussi à mettre en place un véritable programme de conditionnement mental des populations vivant dans les camps de Tindouf, les dépouillant progressivement de leur libre arbitre, puis de leurs droits humains les plus fondamentaux, en axant notamment le programme sur la séparation des enfants d’avec leur parents, afin de les envoyer notamment à cuba, dans des camps paramilitaires. Ces derniers sont utilisés afin de briser la volonté des jeunes recrues, et de leur faire détester leur vraie patrie, le Maroc, puis de les convertir en agents d’influence qui dissémineront la propagande lorsqu’ils s’établiront à l’étranger,

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  • L'inquietante connexion Polisario Algérien et Al Qaïda

    L’exposé d’Aymeric Chauprade a fait l’effet d’une bombe. Lors d’une conférence organisée au début du mois à l’Université de Genève sur la mutation en cours au sein du Polisario, M. Chauprade a affirmé que l’évolution de la formation séparatiste serait en train de la faire basculer vers l’islamisme radical et le terrorisme. Aymeric Chauprade est professeur de géopolitique à la Sorbonne, directeur des études à l’Ecole de Guerre de Paris, rédacteur en chef de la Revue française de géopolitique et directeur de collection aux éditions Ellipses à Paris. Son dernier ouvrage, paru en 2003, s’intitulait: Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire.

    Le sens de l’évolution du Polisario décrit par M. Chauprade est inquiétant et préoccupant pour la sécurité du Maroc, de toute la région du grand Sahara et, au-delà, de l’Europe. Que dit M. Chauprade ? Sous l’effet conjugué d’une impuissance politique et militaire croissante et de l’arrivée dans ses rangs d’une nouvelle génération de militants imprégnés d’intégrisme, le Polisario basculerait à terme vers l’islamisme radical et le terrorisme.
    Une mutation accélérée par la transformation en cours de ce que M. Chauprade appelle «l’arc intégriste du Sahara» en base arrière du réseau Al Qaïda, dont 500 à 600 vétérans de l’Afghanistan seraient déjà installés dans ce que d’autres appellent les «zones grises du Sahara».
    Du coup, cette région de l’Afrique verrait, selon le commandement Europe (Eucom) de l’armée américaine, dont la responsabilité opérationnelle s’étend à une grande partie de l’Afrique, «une nette augmentation de son importance stratégique».
    Les autorités marocaines sont interpellées, dès à présent, pour rester très attentives à cette mutation de l’organisation séparatiste du Polisario et à se prémunir contre les risques d’une évolution dont le danger dépasse de loin, par les risques de connexions avec le terrorisme international, l’ancienne configuration idéologique et politique du Polisario.

    La Vie éco : Lors d’une récente communication à Genève, vous avez parlé d’une «mutation» en cours du Polisario. En quoi consiste-t-elle ?

    Aymeric Chauprade : Je voudrais d’abord faire une remarque d’ordre général. Depuis quelques années, on observe qu’un certain nombre de mouvements identitaires locaux (séparatistes), qui avaient, du temps de la guerre froide, adopté le marxisme-léninisme comme idéologie transnationale, changent de référentiel idéologique et optent pour l’islamisme radical.

    En d’autres termes, c’est ce dernier qui constitue, aujourd’hui, la nouvelle idéologie révolutionnaire transnationale, contestant l’ordre mondial et l’hégémonie des grandes puissances capitalistes.
    La mutation du Polisario s’inscrit dans ce cadre. En raison d’une impuissance militaire et politique croissante et, surtout, de l’arrivée dans ses rangs d’une nouvelle génération imprégnée d’islamisme lors de son passage dans les universités algériennes, ce mouvement est à la recherche d’un nouveau souffle logistique et idéologique. Cette nouvelle génération l’a trouvé dans l’islamisme radical.

    Comment êtes-vous arrivé à cette conclusion ?

    Il y a déjà un élément, fort peu relaté par les médias occidentaux, celui de l’arrestation par les services de sécurité mauritaniens, à la mi-janvier 2004, de Baba Ould Mohamed Bakhili, membre actif du Polisario. Il a été arrêté en train de voler de grandes quantités d’explosifs dans les dépôts de la Société nationale mauritanienne de l’industrie minière (153 bouteilles de produits très inflammables et 12 kilomètres de fil qu’on utilise pour les explosions télécommandées).
    Pour les experts, ce n’est pas ce genre de matériel qui est utilisé par la guérilla ou par les forces militaires classiques. Cela sert plutôt à fabriquer des bombes pour un autre usage : des attentats terroristes. La question qui se pose ici est la suivante : le Polisario avait-il l’intention de passer à l’acte ou cherchait-il à vendre ces produits volés à des groupes radicaux islamistes présents dans les régions frontalières poreuses du Grand Sahara ?

    Cela voudrait dire que le Polisario a déjà tissé des relations avec ces groupes islamistes radicaux...

    On peut même parler d’une certaine complémentarité entre des franges du Polisario (la nouvelle génération intégriste), le GSPC algérien (Groupe salafiste pour la prédication et le combat - la plus importante organisation islamiste radicale algérienne qui s’est illustrée dans des trafics d’armes et l’enlèvement de touristes européens) et des éléments islamistes radicaux, essentiellement des vétérans d’Afghanistan à la recherche de relais.
    Leur nombre atteindrait, selon les experts du renseignement, 500 à 600 vétérans qui se baladent, après la chute du régime des Talibans, dans cette vaste zone que j’appelle «l’arc intégriste du Sahara». Un arc (au sens géométrique du terme) qui s’étend du Sud du Maroc et de l’Algérie au Nord du Tchad, en passant par les confins du Mali, du Niger et de la Mauritanie.
    Certains faits attestent indirectement l’existence de telles relations. A ce titre, on peut citer l’activisme américain, qui s’est manifesté à travers la mise en œuvre de l’Initiative Plan Sahel. Son objet est de fournir l’entraînement et l’équipement, notamment en communications, à quatre pays : le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Niger. Un dispositif qui s’est étendu à l’Algérie, à la Tunisie et au Maroc, établissant ainsi un pont entre le sud du Sahara et le Maghreb.

    Bien évidemment, les Etats-Unis profitent de la lutte contre l’islamisme radical pour accroître leur influence dans cette région. Il y a donc le prétexte, mais la réalité est incontournable. Une réalité qui préoccupe tous les pays de la région. Tout autant que la France et les Etats-Unis.

    Vous parlez de complémentarité. De manière plus explicite...

    D’une part, la dynamique transnationale de l’islamisme radical (Al Qaïda) a besoin de relais locaux. S’appuyer sur les éléments actifs du Polisario lui serait utile, ne serait-ce que pour déstabiliser un pays modéré comme le Maroc. D’autre part, pour le Polisario, l’intérêt résiderait dans un nouveau souffle à la fois financier (revenus du trafic d’armes) et idéologique (islamisme radical en tant qu’idéologie transnationale contestataire).

    Quelle serait l’ampleur de cette mutation du Polisario ?

    Pour ne pas être trop schématique, je dirais que nous assistons à une reconversion lente et progressive d’un mouvement séparatiste partisan de l’autodétermination d’un territoire en un mouvement islamiste radical.
    Prenons un exemple de ce type de reconversion. La ville de Tidal, au nord du Mali, était le fief d’un mouvement dit de libération nationale touareg. Elle est devenue aujourd’hui une plaque tournante des trafics d’armes, de véhicules volés, de candidats à l’émigration clandestine et, en même temps, un fief du prosélytisme islamiste radical. On voit ainsi des photos de Ben Laden un peu partout dans les magasins.
    Une évolution identique est en cours au sein du Polisario. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que tout ce mouvement est devenu une filiale d’Al Qaïda, mais on peut penser, raisonnablement, que dans les années à venir, si le problème du Sahara n’est pas réglé, ce mouvement risque de se transformer complètement en mouvement islamiste radical rattaché à Al Qaïda.

    Les éléments de cette nouvelle génération du Polisario sont-ils représentés au sein de sa direction ?

    Ce que l’on sait à coup sûr c’est que la direction historique de ce mouvement n’est plus là. Il y a donc une nouvelle situation. Mais, à mon avis, LA question qu’il faudrait se poser est celle de savoir quel sera, à l’avenir, le rôle des services algériens au sein du Polisario. On sait que, jusqu’à présent, c’étaient ces services qui contrôlaient ce mouvement et le manipulaient. Mais on ne peut exclure que le Polisario puisse s’autonomiser de l’emprise algérienne pour tomber sous celle d’un parrainage islamiste radical.

    Quels sont, à votre avis, les risques d’une telle mutation pour la sécurité des pays de la région et pour le reste du monde ?

    Vous savez, l’Afrique subsaharienne est très fragile et très pauvre. C’est un terreau d’implantation facile pour l’islamisme transnational radical. Ce serait une base arrière à partir de laquelle il rebondirait vers le Maroc, le Maghreb et, de là, vers l’Union européenne. C’est d’autant plus préoccupant que cet «arc intégriste du Sahara», dont j’ai parlé, est très difficile à contrôler, où les réseaux de trafics en tout genre font la loi. Il est donc facile pour des réseaux islamistes radicaux qui ont beaucoup d’argent d’acheter toutes les complicités dont ils ont besoin et de faire de ces zones leur base arrière.

    Le Polisario se transformant en filiale d’Al Qaïda... est-ce un risque réel ?

    Je suis convaincu que le Polisario n’a plus de base populaire. De ce fait, il peut de moins en moins se proclamer comme mouvement de libération nationale. De plus en plus, ce sera un mouvement de radicaux qui va s’inventer une cause beaucoup plus transnationale et adopter l’idéologie et les méthodes d’action de l’islamisme radical

  • La crise mondiale innocente Khalifa et accable Ouyahia et la DGSE

    Khalifa, Ouyahia et la DGSE


    La crise financière pourrait coûter aux banques entre 2800 à 3600 milliards de dollars, selon des estimations contradictoires des pertes et dépréciations d’actifs dues aux «crédits toxiques». Les banques américaines, soutenues par celles du reste du monde, ont largement dépassé les limites du relâchement des normes prudentielles de crédit jusqu’à se retrouver aux portes de la faillite. Elles ont entraîné dans leur chute les maisons d’assurance, chargées de couvrir l’insolvabilité des emprunteurs, et les secteurs de l’immobilier, l’automobile et biens d’équipement, principaux bénéficiaires des politiques de crédits à la consommation.

    Khalifa Bank n’avait pas fait pire, en consacrant ses liquidités pour financer le lancement des filiales du Groupe et des prises de participation en Algérie et à l’étranger. Malheureusement, Khalifa Bank et ses filiales n’ont pas eu la chance d’avoir affaire à des gouvernants légitimes, nationalistes et intelligents dont le premier souci aurait été de sauvegarder la première banque privée, préserver des emplois et pérenniser ce dynamisme économique.

    Le groupe Khalifa a été liquidé en quelques mois par Bouteflika, chef d’Etat rancunier, et un tueur à gages nommé Ouyahia qui a jeté, sans aucun scrupule, près de 20.000 employés au chômage et au désespoir, ruiné des milliers d’épargnants, et surtout fait perdre à la jeunesse algérienne un extraordinaire repère d’espoir et de réussite.

    Du fond de sa prison londonienne, Rafik Abdelmoumene Khalifa, condamné par contumace à la perpétuité, attend le verdict de la justice britannique sur la demande d’extradition algérienne, en replaçant la très modeste affaire Khalifa Bank dans ce nouveau contexte de crise mondiale.

    La gestion nationaliste de la crise financière

    La crise mondiale a pour origine la crise du surendettement de l’économie américaine, accentuée par la concurrence de l’euro depuis 1999. (1) Le système bancaire américain a encouragé le surendettement des ménages par le mécanisme des subprimes qui ne constituent que la partie immergée de l’iceberg. En vérité, l’usage médiatique abusif de ce terme sert à culpabiliser les petits emprunteurs, et cacher les montants faramineux de l’endettement public et des entreprises privées. Selon un rapport du FMI, «La crise a dépassé les confins du marché américain du subprime, pour toucher concrètement les principaux marchés immobiliers d'entreprise et d'habitation, le crédit à la consommation et le crédit aux entreprises».

    La dette publique fédérale américaine représentait, fin 2007, 9000 milliards de dollars (65,5% du PIB) dont environ 5000 en bons du trésor. L’administration Obama a déjà annoncé que le déficit budgétaire en 2009 est estimé à 1752 milliards de $, soit 12% du PIB et trois fois le déficit de 2008. Cette explosion est en partie due au rachat des «crédits toxiques» des banques d’un montant de 1000 milliards de $.

    Après avoir liquidé le groupe Khalifa, ses 20.000 employés directs et des milliers d’emplois indirects, le gouvernement algérien a lui aussi contribué à sauver des emplois américains en plaçant 49 milliards de dollars en bons du trésor US, soit la moitié de ses réserves de change.

    Après les premières alertes en été 2007 des grandes banques américaines et européennes, la FED, la BCE et la Banque Centrale du Japon avaient commencé à injecter plus de 300 milliards de dollars dans le circuit financier. L’intervention des autorités monétaires s’avérant insuffisante face à l’ampleur d’une crise systémique, les premières décisions de nationalisation sont annoncées en 2008 pour éviter les faillites et l’explosion du taux de chômage.

    Des plans de sauvetage financier et de relance économique sont étudiés dans l’urgence pour enrayer le pessimisme des marchés et éviter les conflits sociaux. Les banques subventionnées doivent en contrepartie continuer à consentir des prêts aux PME et aux ménages afin d’amortir les effets de la crise financière sur l’économie réelle. Aucun dirigeant de banque n’a été congédié ni poursuivi en justice. Les gouvernants leur ont juste demandé gentiment de réduire leurs rémunérations astronomiques, en comparaison desquelles les «dépenses» de Moumene Khalifa apparaissent comme de l’argent de poche.

    La formidable baraka de Khalifa

    Rafic Khalifa est né sous une bonne étoile en 1966 à Bejaia, fils de Laroussi Khalifa, adjoint de Abdelhafidh Boussouf fondateur du MALG, ancêtre de la Sécurité Militaire devenue DRS. Après avoir joué un rôle important dans les accords d'Evian en 1962, Laroussi fut ministre de l’Industrie et de l’Energie de Ben Bella où il négocia les concessions pétrolières. Puis il fut écarté du gouvernement par Boumediene qui le nomma directeur d'Air Algérie. Sa carrière politique se termina sur deux ans de prison après la tentative de coup d'Etat manqué en 1967 du colonel Tahar Zbiri. A sa sortie, Laroussi géra uniquement sa pharmacie de Cheraga. A sa mort en 1990, on ne lui connaît pas de fortune, mais il lègue à son fils trois héritages.

    D’abord un nom qui fait peur à tous les courtisans du «Makhzen» algérien sous influence des réseaux des anciens du MALG qui lui ouvriront les portes et l’accompagneront dans son ascension fulgurante.

    Ensuite la pharmacie qui servira de base à la création de sa première société KRG Pharma en 1990, et la fabrication des médicaments génériques en 1992.

    Mais surtout une rancune tenace, datant de la guerre de libération, des services secrets français, et d’un certain Abdelaziz Bouteflika. Né à Oujda, Bouteflika avait tout fait pour intégrer en juillet 1957 la première promotion Larbi Ben M’Hidi des recrues du MALG, mais Laroussi directeur du stage le refusa. C’est la rage au cœur que Bouteflika vit les lycéens marocains de son âge intégrer la formation d’élite à Oujda, dont ont fait partie les futurs dirigeants du pays (Khalef, Zerhouni, Tounsi, Temmar, Bessaïeh, ect…). (2)

    Rafic paie aujourd’hui très cher cette vengeance et n’hésite pas à affirmer ''Le président Bouteflika veut ma peau'' dans une interview au journal le Figaro du 6 février 2007 quelques jours avant la délivrance d’un mandat d’arrêt européen par le tribunal de Nanterre le 5 mars et son arrestation à Londres le 27 mars.

    Il précise: «Nos relations n’étaient pas bonnes lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1999, mais elles se sont arrangées. Des personnalités sont intervenues pour sceller la paix.» Mais, ajoute-t-il «Bouteflika… ne supportait pas ma puissance économique. Il était convaincu que je voulais sa place. Il s’était mis dans la tête que l’armée me présentait comme un recours et un gage de stabilité… ». Pour Khalifa, Bouteflika a fait de l’Algérie «une république bananière où le président concentre tous les pouvoirs.»

    Rafic a eu la chance de se lancer dans la création d’entreprises en pleine possession des ambitions et de la vigueur d’un homme de 30 ans, là ou de nombreux entrepreneurs se sont usés les muscles et les neurones à déminer les pièges et les obstacles d’une administration sous-développée et corrompue.

    En mars 1998, Khalifa Bank obtient son agrément en hypothéquant la maison familiale de Hydra et sans libérer la totalité des 500 millions de DA requis pour le capital minimum. Dès 2002, Khalifa Bank revendique 700.000 clients, 7000 employés et 74 agences, un record quand la BNA n'en compte qu'une centaine. Elle distribuait des cartes de crédit American Express et MasterCard et opérait des transferts avec Western Union.

    En 1999, Moumene crée la compagnie aérienne Khalifa Airways qui va connaître un essor fulgurant, employer 3000 personnes, et désenclaver plusieurs wilayas de ce vaste pays. Un accord d’entrée dans le capital d’Air Algérie a même été signé.

    En 2001, il crée Khalifa Construction à partir de l'acquisition du géant allemand du BTP en faillite Philip Holzmann, qu’il réussit à rafler à une quinzaine d’acquéreurs. Il annonce qu’il va se lancer dans la construction des nouvelles villes de Boughzoul sur les Hauts Plateaux, et Sidi Abdallah, dans la banlieue d’Alger.

    En 2002, il lance la chaîne Khalifa TV à Paris et Londres, après avoir tenté en 2001 de racheter la chaîne d’infos arabe ANN appartenant au syrien Riffat El Assad.

    Il a multiplié les actions de sponsoring, notamment dans le football, et de prestige comme la fameuse Khalifa Jet Team, une patrouille aérienne acrobatique. Il finança pour l’Etat algérien, sur ordre de Bouteflika, des actions de lobbying aux USA, des achats de voitures blindées, des cachets d’artistes, etc…

    On a appris après la liquidation du groupe en 2003 que Khalifa Bank détenait aussi 29% du capital de la Société Générale Algérie que Rafic avait racheté à la FIBA, holding luxembourgeois présidé par un ex-ministre algérien Ali Benouari.

    Selon d’autres révélations, Khalifa choqué par les attaques médiatico-politiques, comme celle de Noël Mamère, prévoyait de quitter la France pour s'installer en Espagne. Il avait pris des contacts avec les dirigeants du Real Madrid où jouait Zinedine Zidane pour sponsoriser le club ou rentrer dans son capital. Le Service Action de la DGSE ne lui en laissa pas le temps.

    La France tombeau du groupe Khalifa

    Quelles sont les pertes réelles de Khalifa Bank? Personne n’est capable de le dire. Plusieurs chiffres ont été avancés entre 600 millions et 1,2 milliard d'euros, qui ne représentent pas des pertes, mais des infractions au contrôle des changes. Des transferts d’argent qu’effectuait Khalifa sous diverses formes pour financer l’investissement et l’exploitation de ses filiales et opérations à l’étranger. Selon le journal Le Monde (9 février 2005), le transfert de capitaux opéré de l’Algérie vers l’étranger par la banque entre 1999 et 2003 serait — selon les documents remis par le liquidateur de Khalifa Bank à la justice française — de l’ordre de 689 millions d’euros.

    Khalifa détournait la réglementation rigide de transfert de devises de la Banque d’Algérie pour gagner du temps. Même l’Etat algérien en a profité. Une grande partie de ces transferts a été couverte par l’ex-ministre des Finances (de juin 2002 à mai 2003) Mohamed Terbeche, ex-Pdg de la BEA et Pdg de la Banque Intercontinentale Arabe (BIA), une banque algéro-libyenne implantée à Paris qui servait de correspondant à Khalifa Bank et gérait ses transferts.

    Qui a vraiment provoqué la chute de l’empire Khalifa? C’est le ras-le-bol de l’establishment franco-français désagréablement submergé par la personnalité omniprésente et la boulimie affairiste d’un Algérien sorti du néant de son bled pour occuper la une des journaux et faire frissonner le tout-Paris des médias, des artistes, du sport, de la finance et du patronat, à la manière du flamboyant Bernard Tapie.

    Le premier coup de semonce est venu en septembre 2002 de Noël Mamère, député-maire de Bègles qui refusa d’assister à un match de rugby en raison de la présence dans les gradins du nouveau sponsor Rafic Khalifa, «l'ami des généraux algériens, avec lesquels il a fait sa fortune». Choqué par cette agression, Khalifa n’a pas versé un centime des 300.000€ prévus.

    En octobre, la DGSE fournit une note bidon et très approximative à la presse française pour répandre l’idée que Khalifa n’est qu’un homme de paille des puissants généraux et que son groupe bénéficie de «financements occultes (?)». Pour arriver à cette conclusion totalement fausse et fantaisiste, les agents de la DGSE ont embarqué dans les avions de Khalifa Airways et ont effectué une enquête de pieds-nickelés en s’amusant à compter le nombre de passagers.

    Le contenu de cette note est d’ailleurs repris dans l’exposé des motifs du député Noël Mamère qui a demandé la constitution d’une commission d’enquête parlementaire N°334 du 29 octobre 2002 sur «l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et leur utilisation en France ». Puis une deuxième demande N° 646 du 4 mars 2003 « relative aux conditions d'attribution d'une fréquence à la chaîne Khalifa TV». L’Assemblée Nationale les a rejeté. (3)

    Face à ce tapage médiatique, un vent de panique a soufflé sur la place d’Alger qui a abouti en novembre 2002 au gel des mouvements financiers de Khalifa Bank. Alors que des tractations se déroulaient en haut lieu sur la meilleure façon de gérer le «problème Khalifa», le Service Action de la DGSE a cherché la faille qui ferait tomber le golden-boy par des filatures et des écoutes téléphoniques. L’erreur fatale qui va provoquer sa chute est survenue le 24 février 2003 lorsque les services français ont informé leurs «correspondants» d’Alger que trois collaborateurs de Khalifa s’apprêtaient à convoyer 2 millions d’euros en espèces. Ils furent arrêtés à l’aéroport et la banque a été placée sous administration provisoire par la Banque d'Algérie le 3 mars.

    L’option d’un arrangement qui éviterait d’éclabousser le régime a été envisagée par le directeur de cabinet de la Présidence, Larbi Belkheir, devenu protecteur de Rafic. Mais le conflit de succession entre Bouteflika et le Chef du gouvernement Ali Benflis a totalement brouillé les cartes et desservi la cause du groupe. Le remplacement brutal de Benflis par Ahmed Ouyahia en Mai 2003 a sonné le glas de Khalifa Bank dont la liquidation a été annoncée le 2 juin.

    Ouyahia «nettoyeur» de la DGSE

    La DGSE qui veille sur les intérêts français au Maghreb et en Afrique veut confiner l’Algérie dans son statut de mono exportateur d’hydrocarbures. Elle ne pouvait admettre que Rafic Khalifa serve de modèle d’entrepreneur non seulement à la jeunesse désoeuvrée d’Algérie, mais aussi aux jeunes beurs des banlieues bridés par une administration tatillonne et sélective qui les cantonne aux petits commerces et aux start-up sans lendemain.

    L’élimination sur le sol français du groupe Khalifa et la destruction de l’idole sont devenus une priorité des services secrets dès qu’ils ont appris la création de sa chaîne de télé KTV au cœur de Paris et son entrée surprise dans le capital de la Société Générale à hauteur de 29%.

    La DGSE  a trouvé en Ahmed Ouyahia le tueur à gages idéal, que le jargon des services secrets surnomme le «nettoyeur». Dès son entrée en fonction, Ouyahia a résumé en deux mots le contenu du rapport de la DGSE auprès des députés et des sénateurs en parlant de «mythe Khalifa» et de «marchand de rêves». Il a aussitôt engagé le rouleau compresseur de l’administration pour étrangler le groupe, l’effacer du paysage économique en excluant toute autre alternative. Les rares voix qui se sont élevées pour défendre les emplois de Khalifa, comme celle de la Confédération des Cadres de la Finance (CCFC) ont vite été étouffées. L’UGTA et le patronat n’ont pas bougé le petit doigt, tétanisés par les menaces de représailles. La terrible répression qui s’est abattue sur le groupe Khalifa a aussi servi à tenir en respect les opposants du sérail jusqu’à la réélection de Bouteflika en avril 2004.

    Le nettoyeur a instruit la justice d’engager des poursuites judiciaires contre les gestionnaires des entreprises et organismes publics qui ont déposé des fonds dans la banque privée qui offrait des taux de rémunération supérieurs à ceux des banques publiques. Un nouveau climat de terreur s’est emparé des gestionnaires après celui de 1996-1997 où le même Ouyahia avait orchestré l’emprisonnement de milliers de dirigeants, dont la plupart seront par la suite acquittés.

    Le procès de Khalifa Bank à Blida en début d’année 2007 a finalement prouvé qu’il n’y avait ni financement occulte, ni trésor du FLN, ni «blanchiment d’argent des généraux», mais une simple attirance des dépôts de gros épargnants institutionnels. Le procès a même tourné à la caricature en évoquant un prêt logement pour un steward, un prêt véhicule pour un policier, des billets d’avions et des séjours de thalassothérapie. (4)

    Le tribunal de Blida a tout de même prononcé 45 condamnations à la prison ferme et 49 acquittements sur les 94 accusés. Des gestionnaires d’entreprises publiques croupissent aujourd’hui en prison pour avoir simplement déposé des fonds dans une banque privée agréée, donc garantie par l’Etat. Le reste des contentieux de l’affaire Khalifa, impliquant des personnalités du pouvoir, sont toujours au stade d’une instruction opaque.

    Sur sa lancée destructrice, Ouyahia s’est servi de l’affaire Khalifa pour provoquer une crise systémique en contraignant toutes les banques privées algériennes et quelques banques arabes à la liquidation et leurs patrons à la prison comme Omar Dechmi (CA Bank) ou à la fuite comme Brahim Hadjas (Union Bank) ou Mohamed Kharoubi (BCIA Bank). (5)

    A chaque fois qu’Ouyahia a pris les commandes du gouvernement, les intérêts français ont été considérablement renforcés, des entreprises algériennes détruites et leurs patrons réprimés. (6)

    Après son troisième retour à la tête du gouvernement, Ouyahia a décrété de nouvelles mesures contraignantes, prouvant encore qu’il gère l’économie comme un éléphant enragé dans un magasin de porcelaine, avec un maximum de dégâts. Sa nouvelle mission est de chasser ce qui reste d’opérateurs arabes et asiatiques pour ouvrir de nouvelles parts de marchés à ses alliés français. Il a effacé les projets immobiliers des uns et d’usine de voiture des autres.

    Ouyahia vient aussi de révéler le fond de sa pensée destructrice en traitant la «stratégie industrielle» de Temmar de «fantasme de communication». Un nettoyeur n’admet aucune stratégie économique autre que celle de la destruction.

    Moumene Khalifa n’est malheureusement pas la seule victime du nettoyeur. Le groupe agro-alimentaire Blanky est en perdition depuis qu’un des frères Cherfaoui, Idir croupit en prison. Tonic Emballage et ses 4000 employés, géré par un séquestre judiciaire, est constamment menacé de fermeture et son patron, Abdelghani Djerrar en sursis après avoir passé quelques jours en prison en 2007. Le groupe céréalier SIM est déstabilisé et en stagnation depuis que son Pdg Abdelkader-Taïeb Ezzraimi est placé sous contrôle judiciaire.

    La dernière victime du harcèlement anti-patronat algérien est Abdelouahab Rahim dont la banque ArcoBank avait été dissoute par les mesures d’Ouyahia. Le lancement de son emprunt obligataire de 8 milliards de dinars a été un fiasco en raison du boycott des épargnants institutionnels instruits (?) pour ne pas y souscrire. Et aussi à cause de la vacherie de son partenaire français Carrefour qui a annoncé en pleine campagne de souscription le 19 février 2009 qu’il mettait fin à l’accord conclu le 26 mars 2006 avec le groupe Arcofina pour l’ouverture de 18 hypermarchés. (7)

    Au lieu de se regrouper en meute soudée et solidaire pour défendre leurs intérêts, les patrons algériens persistent dans leur isolement et leur division, au point de se faire tirer comme des lapins dès qu’ils s’engraissent un peu.

    Il est temps que les patrons algériens se réveillent, se mobilisent, s’unissent et se modernisent pour lancer une nouvelle «guerre de libération nationale», afin de récupérer le pouvoir économique et protéger les créateurs d’entreprises, d’emplois et de richesses.

    Saâd Lounès
    14 mars 2009

    (1) La flambée du baril anticipe la dévaluation du dollar

    (2) Comment sont nés les services secrets algériens

    (3) Demandes de Commission d’enquête du député Noël Mamère
    http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0334.asp
    http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0646.asp

    (4) L’affaire Khalifa dévoile la corruption insurrectionnelle

    (5) Comment gérer 100 milliards de $ par an

    (6) Le retour du Bachagha Ouyahia

    (7) Depuis la rédaction de cet article (14-03-09) et après la réélection de Bouteflika, la destruction du potentiel économique algérien orchestrée par Ouyahia s'est accélérée:

    - le groupe Tonic Embalagges a été déclaré en faillite en juin par le tribunal de Blida et va être démantelé ou plutôt “cannibalisé”.

    - le groupe Eepad, intervenant dans les TIC, est en voie de liquidation brutale suite à l'interruption des prestations opérée par Algérie Telecom. Du jour au lendemain, près de 40.000 abonnés, dont des milliers de cyber cafés et d'entreprises se retrouvent sans Internet. Des centaines d'employés directs d'Eepad et des milliers d'employés indirects des cyber cafés se retrouvent au chômage.

    - les nouvelles mesures drastiques de la Loi de Finances Complémentaire vont provoquer la faillite de milliers d'importateurs et des pénuries d'intrants de production dans tous les secteurs d'activité. De graves perturbations industrielles et des chômages techniques sont annoncés.

  • Le Makhzen du DRS condamne l'Algérie à la décadence




    Le dernier sommet de Tripoli s'est déroulé comme une tragi-comédie dévoilant la décadence des pays arabes, que Kadhafi a été le seul à exprimer. Entre vraies et fausses monarchies, les absents et les présents, le monde arabe ne sait plus quoi faire face à l'initiative de l'UPM. Il ne sait plus où il va et a perdu toutes les batailles du choc civilisationnel avec l'Occident.

    Après la destruction de l'Irak et du Liban, il s'apprête à assister en spectateur silencieux à l'anéantissement annoncé de l'Iran. Les dirigeants arabes acceptent tête basse le diktat occidental qui veut interdire aux pays musulmans la maîtrise de la technologie nucléaire, l'énergie qui va remplacer le pétrole dans un demi-siècle.

    Kadhafi a raison de parler d'humiliation. Sarkozy a «convoqué» les anciennes colonies à venir se mettre au garde-à-vous le 14 juillet à Paris… à côté d'Israel. Pour sauver leur trône, les monarques et les présidents à vie sont-ils prêts à faire subir cet affront à leurs peuples ?

    Les journalistes du monde arabe n'en peuvent plus d'écrire l'humiliation au quotidien que nous impose une génération post-indépendance qui refuse de passer la main et nous entraîne irrémédiablement dans une nouvelle décadence de «colonisabilité» définie par le penseur algérien Malek Bennabi.

    La vraie force de l'Occident réside dans le renouvellement des élites au pouvoir par des cycles de 5 à 10 ans où les démocraties parlementaires rythment la cadence des changements et des adaptations à chaque nouveau défi.

    Dans le monde arabe, les élus ont encore un rôle subalterne d'apparat protocolaire. Ce sont les «services secrets», les moukhabarate, qui tiennent toutes les institutions dans une main de fer. C'est particulièrement le cas de l'Algérie où la Sécurité Militaire, après avoir été dominante depuis l'indépendance, a concentré tous les pouvoirs depuis la destitution de Chadli en 1992. Le décret d'état d'urgence autorise le DRS à placer des officiers dans toutes les institutions civiles et militaires. Plus rien ne bouge en Algérie sans l'aval du DRS. Depuis le choix du président, des ministres, des chefs de région jusqu'au plus petit responsable, aucune nomination ne peut passer outre le droit de veto du DRS.

    C'est un véritable Makhzen qui s'est installé à la faveur de la politique du tout sécuritaire, qui répond totalement à la définition qu'en donnent les politologues et les encyclopédies. Le mot Makhzen vient du mot arabe khazana qui signifie cacher ou préserver. Aujourd'hui ce terme désigne à la fois le système et ses hommes, ses méthodes de gouvernement, ses moyens financiers et militaires, ainsi que la mentalité particulière du pouvoir totalitaire qui en découle. Historiquement collé à la dynastie alaouite au Maroc, le Makhzen désigne globalement «le pouvoir central du sultan, des vizirs, l'armée, la bureaucratie et toute personne contribuant à relayer ce pouvoir vers le reste de la population». Cela commence par les mouchards (commerçants, vendeurs de cigarettes, dealers,…) en passant par les notables, les affairistes,…

    En Algérie, le système makhzénien a été complètement assimilé et copié par les chefs du DRS et ses «mokhaznis» qui bénéficient de «l'irresponsabilité politique» et de «l'impunité juridique» dont seuls les monarques peuvent se prévaloir. On l'a bien vu avec l'affaire Khalifa où aucun responsable du DRS n'a été sanctionné ni inculpé. De même que les accusations d'anciens officiers du DRS contre leurs chefs sont restés sans suite nationale et internationale.

    Le DRS a instauré un «mode de gouvernance» où il s'implique dans toutes les décisions tout en restant «au-dessus de toute critique, de tout reproche, de tout soupçon». Son pouvoir ne souffre d'aucun contrôle parlementaire, d'aucune limite gouvernementale. Critiquer le DRS est un crime de lèse-majesté que les militaires, les journalistes et les politiciens paient par la prison, l'exil ou la mort. «Cette organisation sécuritaire est une forme de domination originale, un cadre institutionnel politique et militaire confectionné sur mesure» au mépris de la Constitution.

    On peut appliquer au Makhzen du DRS l'expression de «système de servitude volontaire» définie par un spécialiste. Il entretient par la peur les allégeances au système dans une «pyramide de servitudes et de dépendances» ou «sous le tyran ultime, et de proche en proche, l'illusion de commander fait de tous et de chacun des petits chefs serviles à la dévotion du chef suprême, s'identifiant à lui, jusqu'à être tyranneaux eux-mêmes».

    L'appareil du DRS est devenu comme «une pieuvre monstrueuse qui enserre dans ses tentacules, épie, emprisonne, torture, neutralise, corrompt et écrase qui il veut, quand il veut» dans l'anonymat et la clandestinité des «services secrets».

    L'omerta des élites militaires et civiles confinent à une dangereuse lâcheté. Tout combat politique ou intellectuel doit conduire aujourd'hui à la destruction de ce système anticonstitutionnel qui n'a aucune légitimité, hormis celles de la violence et de l'injustice.

    Le makhzen du DRS fait et défait les présidents et les gouvernements dans le sang depuis 1992. Si le DRS n'est pas dissout et les services secrets réorganisés avant la prochaine échéance présidentielle, l'Algérie n'échappera pas à la décadence ou au chaos qui va s'ensuivre.

    Le prochain président que le Makhzen du DRS veut nous imposer va s'appuyer sur ce système pour le renforcer davantage et s'assurer une présidence à vie.

    Saâd Lounès
    12 juin 2008

  • Voilà comment sont nés les services secrets algériens…





    ENTRETIEN AVEC LE COLONEL ALI HAMLAT, ALIAS EL HADI, ALIAS YAHIA

    réalisé par Mohamed Chafik Mesbah et publié par le quotidien LE SOIR D'ALGERIE des 23 et 24 Juin 2008

    De manière paradoxale, la publication de ce témoignage doit beaucoup à un universitaire algérien qui, dans les idées qu’il développe, ne fait pas secret de son hostilité à l’institution militaire et aux services de renseignements en Algérie. Il lui est parfaitement loisible de professer de telles idées, ce n’est pas cet aspect des choses que je lui reprocherais. Dans l’examen de questions aussi sensibles, je l’aurais, volontiers, invité à plus de discernement grâce à une rigueur méthodologique plus éprouvée. En tous les cas, c’est bien par le biais de la lecture critique de l’entretien accordé par Addi Lahouari, durant l’hiver 1999, à l’organe disparu du FFS Libre Algérie, que j’en suis arrivé à rédiger ce témoignage.

    Examinant les rapports entre le président de la République Abdelaziz Bouteflika et l’Armée Nationale Populaire, l’auteur s’était livré, dans cet entretien, à des raccourcis excessifs qui ne reposaient ni sur une argumentation sérieuse ni sur des preuves probantes. Ainsi, notre auteur pour étayer, faussement, un présupposé (M. Abdelaziz Bouteflika fait partie du Malg, les services de renseignements durant la guerre de libération nationale) cultive-t-il l’amalgame entre les structures militaires de la Wilaya V et le Malg, proprement dit.Cela constitue, déjà, une contre-vérité historique. De manière plus contestable, cependant, c’est l’aspect moral des propos développés par notre auteur qui a le plus retenu mon attention. Addi Lahouari qui, sans les appuyer de preuves irréfutables, s’était livré à des jugements de valeur intempestifs sur les cadres de ce fameux Malg énonçait, avec force assurance, que «ces fameux enfants de Boussouf («les Boussouf’s boys») voyaient des traîtres partout et nourrissaient une haine pour les élites civiles». A la lecture de cette sentence, c’est l’image du Commandant Ahmed Zerhouni (Ferhat), depuis disparu, qui s’était imposée à mon esprit. Pour ne pas avoir toujours adhéré aux points de vue de cet ainé, je ne saurais lui dénier, cependant, ses qualités d’intelligence, de disponibilité aux activités de l’esprit ni occulter les relations d’harmonie qu’il entretenait avec une partie importante de l’élite intellectuelle du pays. Convaincu que la sentence prononcée énoncée par Addi Lahouari ne correspondait pas, au moins, au cas de l’officier que je viens d’évoquer, je fus amené à m’intéresser, globalement, à l’encadrement des services de renseignements algériens en tentant de recueillir des informations sur l’origine sociale de ceux qui en ont été l’ossature, sur leur cheminement intellectuel et leur itinéraire intellectuel. Les recherches effectuées ont permis de recueillir des données pertinentes sur le caractère éminemment intellectuel de la démarche qui, dès le départ, avait inspiré les fondateurs des services de renseignement algériens. Il s’agissait de regrouper dans un cadre organisé l’élite du pays, de lui faire subir une formation politique et militaire appropriée pour consolider en elle le sentiment patriotique et encourager les facultés d’analyse, puis de lui confier les tâches complexes qu’il fallait assumer dans le cadre de la confrontation ouverte avec la puissance coloniale. Des premiers pas du processus, c'est-à-dire depuis la mise en place des structures de la Wilaya V jusqu’à l’achèvement, en apothéose, de la mission confiée au Malg, la dimension intellectuelle n’a jamais été absente dans les activités de renseignements en Algérie. Ce témoignage vise, précisément, à corriger une injustice largement cultivée à l’encontre de ces «soldats de l’ombre» en levant le voile sur cette première promotion des cadres de la Wilaya V, dont les membres ont, effectivement, constitué, pour la plupart, l’ossature du Malg. Sur l’origine des stagiaires de cette promotion, le degré de leur engagement, la qualité de l’enseignement dispensé et le mode d’organisation des cours théoriques ainsi que la nature de la préparation militaire subie, ce sont les membres de la promotion eux-mêmes qui, légitimement, témoignent. Le Colonel El Hadi n’est, en réalité que le porte-parole de tous ses compagnons dont le témoignage, chaque fois que possible, a été recueilli. Il s’agit bien d’un témoignage collectif même s’il s’exprime par la bouche d’un témoin particulier. Il est souhaitable que ce premier essai soit suivi par d’autres tentatives destinées à reconstituer le fond commun de l’histoire nationale, y compris ses aspects liés aux activités de renseignements. C’est à ce prix que l’Algérie pourra réconcilier sa jeunesse et la convaincre de s’inspirer avec fierté du combat de ses ainés. A Belaïd Abdesslam qui était en charge de l’enseignement relatif à l’histoire du mouvement national algérien, Abdelhafidh Boussouf avait notifié cette brève consigne : «Ces jeunes combattants doivent comprendre que le Premier Novembre n’est pas tombé du ciel». Que nos jeunes comprennent que rien ne leur aurait été acquis sans le sacrifice de leurs aînés. C’est ainsi que se perpétue l’esprit de défense qui fonde les grandes nations.

    Mohamed Chafik Mesbah : Je vous salue amicalement, Colonel Hamlat, vous qui êtes plus connu sous le pseudonyme de Si Yahia. Je vous remercie d’avoir accepté d’accomplir ce devoir de mémoire qui doit, notamment, nous éclairer sur l’apport de l’élite intellectuelle du pays à la guerre de Libération nationale. C’est bien de cela qu’il s’agit puisque notre entretien porte sur l’histoire de la première promotion des cadres de la Wilaya V, composée d’étudiants et de lycéens et organisée par le défunt Colonel Abdelhafidh Boussouf, durant les premières années de la guerre de libération nationale…
    Ali Hamlat : Oui, c’est une promotion particulièrement intéressante dont l’histoire gagne à être portée à la connaissance des Algériens. Notez, cependant, que je me soumets à l’exercice avec la condition expresse que les informations dont je fais état au cours de cet entretien soient validées par d’autres compagnons qui doivent conserver d’autres souvenirs des choses à propos des conditions de déroulement de cette promotion .Cette promotion est intéressante en ce qu’elle illustre, notamment, l’aboutissement d’une démarche intellectuelle laborieuse. Une démarche initiée par le défunt Si Abdelhafidh Boussouf (Si Mabrouk) lequel, tout homme de pouvoir qu’il n’était pas, était très pragmatique. Nationaliste et militant déterminé de la cause nationale, Abdelhafidh Boussouf avait décidé, donc, de créer, en Wilaya V, une école destinée à pourvoir l’ALN en cadres de qualité, intellectuellement outillés et militairement formés. Cette décision est le résultat d’un examen attentif de l’évolution de la lutte révolutionnaire, tout particulièrement, du système de guerre qui, de manière empirique, se mettait, progressivement, en place. La démarche ne sortait pas des laboratoires d’une école savante de type académique. C’est à l’épreuve du terrain, suffisamment tôt toutefois, que Abdelhafidh Boussouf s’était rendu compte qu’il fallait anticiper sur les évènements, qu’ils fussent d’ordre politique ou militaire. Sur le plan militaire, tout d’abord, Abdelhafidh Boussouf s’était rendu compte qu’il ne suffisait pas d’avoir un fusil et d’être armé de sentiments patriotiques pour gagner une guerre d’indépendance. Abdelhafidh Boussouf s’était rendu compte que le fusil ne pouvait pas, à lui seul, ramener la victoire. La victoire exigeait l’apport des étudiants et des intellectuels, c’est-àdire de la sève intellectuelle. Je veux dire qu’Abdelhafidh Boussouf avait très vite compris que si la guerre révolutionnaire devait s’appuyer sur la masse, la victoire était subordonnée à l’implication de l’élite. Sur le plan militaire, justement, Abdelhafidh Boussouf avait pris acte que le moudjahed avait certes rapporté un certain nombre de résultats mais qu’ils étaient restés, hélas, inexploités. La raison ? L’absence de cette sève intellectuelle qui donne de la valeur ajoutée au résultat brut.

    Et sur le plan politique ?
    Je n’en ai pas terminé avec l’aspect militaire. Abdelhafidh Boussouf avait, en fait, compris que, dans la conduite d’une guerre révolutionnaire, la victoire militaire tenait, principalement, à la disponibilité d’une base arrière. Une base d’appui pour, à la fois, organiser le soutien logistique aux opérations militaires menées à l’intérieur et assurer la formation des cadres nécessaires au combat. Le commandement de la Wilaya V, la wilaya la plus étendue du territoire national, a disposé, en effet, rapidement de possibilités inattendues pour le développement de l’action révolutionnaire, sans pouvoir en tirer profit sur-le-champ. Pour preuve, les réseaux de transmission de l’armée française étaient très développés, avec donc des possibilités importantes d’intrusion de la part de l’ALN mais celle-ci était démunie de moyens techniques et de cadres rompus à l’utilisation des équipements, le recueil de l’information et, surtout, son exploitation. Au fur et à mesure du déroulement de la guerre de libération, il apparaissait combien le développement du réseau militaire français de transmissions offrait de possibilités. Il fallait, donc, dans un premier temps, organiser les réseaux d’écoute radio, c’était capital. C’est le commandant Omar Tellidji, originaire de Laghouat, qui a joué dans ce domaine, un rôle important parallèlement au développement des réseaux de liaisons générales. C’était un déserteur des rangs de l’armée française, officier des transmissions au sein d’une unité militaire stationnée au Maroc. Approché par Si Abdelhafidh Boussouf, il avait accepté d’accomplir son devoir national en rejoignant les rangs de l’ALN. Avec l’aide de certains intellectuels algériens originaires d’Oujda dans un premier temps et, dans un deuxième temps, avec d’autres Algériens qui résidaient au Maroc, il a réussi à former une série de promotions de techniciens et d’opérateurs des transmissions. Les Français se trouvèrent alors rapidement, face à des unités militaires de l’ALN parfaitement équipées en moyens de transmissions. Ceci n’est pas une digression inutile puisque la formation des cadres de la promotion Larbi Ben M’hidi était, notamment, destinée à former des cadres capables d’exploiter la masse d’informations recueillies par l’écoute échangées entre unités de l’armée et entités de l’administration françaises. Pour recadrer, cependant, le sujet par rapport à la promotion Larbi Ben M’hidi, il faut mettre en évidence deux autres contraintes militaires apparues au niveau de la Wilaya V et liées au développement de la guerre de Libération nationale. La première concernait la mission de contrôle au sein des unités de l’ALN. Ce contrôle était indispensable pour maîtriser l’évolution de la lutte armée et répondre aux exigences du combat et du commandement. D’autant que la qualité de l’encadrement militaire des unités était à parfaire au regard des faibles qualifications des moudjahidine de la première heure. La seconde se rapportait à la nécessité d’exploiter utilement la masse d’informations recueillies. En résumé, la première promotion des cadres de la Wilaya V avait pour but de former des officiers capables, d’une part , d’assurer le contrôle interne des unités de la Wilaya V et, d’autre part, d’exploiter, rationnellement et efficacement, les informations recueillies par tout moyen disponible. En rapport avec les transmissions, mais aussi des informations recueillies auprès de prisonniers et toute autre source susceptible d’améliorer notre capital documentaire.

    Cette promotion ne visait pas des objectifs politiques ?
    Il ne faut pas déformer la réalité. Les impératifs opérationnels étaient prédominants dans la formation qui nous avait été dispensée. Nous avions vocation à devenir des officiers de renseignements en charge du soutien opérationnel et de l’inspection des unités de l’ALN dans la Wilaya, Abdelhafidh Boussouf tenait, cependant, à ce que les cadres de la Révolution soient bien formés politiquement aussi, afin de pouvoir comprendre les enjeux de la lutte qui était engagée. Avait-il un autre objectif qu’il n’avouait pas ? Abdelhafidh Boussouf songeait, probablement, à faire des cadres de cette promotion un des noyaux de l’encadrement politico-administratif de la future Algérie indépendante. Non point dans le but d’accaparer le pouvoir mais, plus prosaïquement, dans le but de fournir à l’Algérie indépendante des cadres de qualité, capables de faire face aux défis que poserait son développement. Laroussi Khelifa, le directeur de stage, nous répétait volontiers avec une manière particulière de prononcer le t : «Vous êtes les futurs ministres de l’Algérie indépendante !»

    Vous avez parlé de techniciens de transmissions formés à l’initiative du commandant Omar Tellidji. Il semblerait que la promotion Larbi Ben M’hidi n’ait pas été la première promotion de cadres formés en la Wilaya V ?
    Oui, vous songez, probablement, à ce qui fut appelé la Commission de contrôle et d’information, une promotion de contrôleurs formée durant l’été 1956 et dont les membres eurent à exercer des fonctions de commissaires politiques. Le directeur de stage était si Abdelhafidh Boussouf luimême. La promotion, de composition mixte, comportait, selon les informations dont je dispose, dix-neuf membres dont huit jeunes filles. Ne vous méprenez pas sur cette mixité. Rien d’extraordinaire, la Wilaya V a compté bien des héroïnes comme Saliha Ould Kablia, tombée au champ d’honneur les armes à la main dans la région de Mascara en 1956. Notez, plutôt, sens politique évident, que les moudjahidate de cette promotion avaient pour mission de s’enquérir de l’état d’esprit de la femme rurale face aux contraintes de la lutte armée. C’était un travail d’auscultation politique et psychologique des entrailles de la population. Les membres de cette promotion étaient tous d’un niveau de formation secondaire. Seize d’entre eux ont été dépêchés sur le territoire de la Wilaya V pour le contrôle des zones, une inspection multiforme comme je l’évoquais. Parmi les membres de cette promotion, citons, notamment, les noms de Hadjadj Malika, Miri Rachida, Hamid Ghozali, Abdessmed Chellali, Berri Mustapha, Mohamed Semache et Kerzabi Smail. La durée de cette formation, faut-il le souligner, a été d’un mois, plus courte, comme vous le voyez, que pour la promotion Larbi Ben M’hidi. Pour cette promotion de 1956 que vous évoquez, il serait intéressant, sans doute, de reconstituer son programme de formation et de recueillir le témoignage de ses membres. Elle participe, probablement, de cette démarche éclairée d’Abdelhafidh Boussouf en direction des jeunes intellectuels du pays.

    Revenons à la promotion Larbi Ben M’hidi proprement dite. Comment s’est effectué le choix de ses membres et quel a été le mode de leur regroupement?
    Un appel à la mobilisation des étudiants avait été lancé par le commandement général de la Wilaya V après la grève de l’Ugema. Si les étudiants de cette promotion provenaient de familles d’Algériens installées au Maroc, la composition était, cependant, assez diversifiée. Certains stagiaires venaient d’Alger ou de France. Nous comptions parmi nous Ouali Boumaza (Tayeb), un jeune lycéen d’Alger qui fera trembler l’Etat français, lorsque, grâce au réseau de renseignement qu’il avait tissé à Paris, il put accéder, lors des négociations pétrolières menées avec la France, aux documents classifiés du Quai d’Orsay. La caractéristique générale pour ces membres de la promotion Larbi Ben M’hidi résidait dans leur niveau intellectuel. Ils étaient tous lycéens et, pour certains, bacheliers. Autrement, il fallait, simplement, être un Algérien animé de sentiments patriotiques pour faire partie de notre promotion. A cette époque, ce n’était pas ce qui manquait dans un mouvement parfaitement organisé à l’intérieur des villes marocaines dans le cadre de l’Ugema, elle-même contrôlée par l’organisation FLN du Maroc.

    Dans quel état d’esprit ces étudiants et ces lycéens ont rejoint leur lieu de mobilisation ?
    Certes, ces lycéens et étudiants vivaient, au Maroc, dans des conditions de vie parfaitement pacifiques et heureuses. Des conditions qui étaient tout à fait déséquilibrées, cependant, par rapport à celles de leur peuple et de leurs frères étudiants qui mourraient en Algérie. Répondre à l’appel de l’ALN c’était pour eux la possibilité de rétablir cet équilibre perdu. Aucun d’entre nous ne s’est trouvé dans l’obligation de rejoindre, par la contrainte, les rangs de la Wilaya V. C’était une adhésion, totalement, volontaire. D’ailleurs, il faut souligner que les lycéens et étudiants mobilisés au titre de la promotion Larbi Ben M’hidi militaient déjà, malgré leur jeune âge, dans les structures de l’Ugema et du FLN. Cherif Belkacem, plus connu sous le nom de Si Djamel qui a appartenu à la promotion, était un responsable de l’Ugema au niveau du Maroc et il avait déjà rejoint le FLN. Notre responsable au sein de l’Ugema, dans la ville de Meknès ou je résidais, était Mahfoud Hadjadj et il relevait, déjà, de l’Organisation du FLN. En réalité, il faut remonter plus loin dans l’histoire pour comprendre notre adhésion au combat révolutionnaire. Nous étions tous des scouts et les Scouts Musulmans Algériens étaient une véritable école et une pépinière de cadres révolutionnaires. Nous apprenions les chansons patriotiques dès l’âge de 10 ans, nous apprenions à vivre en pleine campagne, sans secours. Les SMA étaient pour nous une première école patriotique avant même l’école des cadres. Tout ce contexte historique a contribué à former la conscience collective de la jeunesse algérienne.

    Justement, essayons, à travers votre parcours personnel, d’illustrer l’itinéraire des membres de cette promotion. Comment avez-vous rejoint, pour votre part, le lieu de mobilisation ?
    Me trouvant en déplacement à Tanger, j’avais constaté, sitôt rentré à Meknès où je résidais, que l’ensemble des éléments de la section Ugema avaient disparu. Je m’étais rendu, alors, dans un lieu où nous avions l’habitude de nous retrouver après une réunion de section de l’Ugema ou pour rassembler l’argent issu de la vente du journal El Moudjahid. Arrivé sur les lieux, j’avais eu à constater la présence, à l’abandon, des bicyclettes appartenant à mes compagnons et même le scooter qui appartenait à Ali Tounsi. J’avais compris que quelque chose d’insolite s’était produit. Je me suis renseigné auprès des familles des compagnons qui se posaient, elles aussi, des questions après la disparition de leurs enfants. Je pressentais que quelque chose se tramait. Nous savions bien qu’il était question de rejoindre le maquis mais sans autre précision. Avec l’un de mes amis Djaballah, je me souviens que nous nous sommes rendus avec mon scooter de Meknès à Rabat, au siège du FLN régional au Maroc. J’avais vu, alors, un certain Chaouch auprès duquel nous protestâmes violemment que certains d’entre nous pouvaient être favorisés par rapport à d’autres pour rejoindre les rangs de l’ALN. Nous fûmes rassurés par la promesse qu’un deuxième groupe de jeunes allait rejoindre le premier dans un délai de quinze jours. Une nuit, un bus effectua, en effet, le ramassage collectif, dans le plus grand secret, nous permettant de rejoindre nos camarades dans la maison des Benyekhlef à Oujda. Tout de suite nous étions dans le bain. Je me souviens, pour ma part, que j’avais sur moi un pistolet «récupéré» dans l’armoire d’un maître d’internat de l’extrême droite dans le lycée où moi-même j’étais, maître d’internat ou selon la formule consacrée, «pion». En fait, j’étais en classe de terminale et je préparais le baccalauréat moderne et technique.

    Comment s’est déroulé votre accueil au centre de formation ?
    La formation a débuté au début du mois de juillet 1957. A mon arrivée au centre, j’ai remis mon pistolet au premier responsable qui se manifesta. Je ne me souviens pas s’il s’agissait de Laroussi Khelifa. Il a fallu, ensuite, se débarrasser de ses habits civils, de ses papiers et même… de son propre nom. C’était comme si on ne s’appartenait plus. C’était quelque chose qui nous avait profondément impressionnés. Nous n’étions plus nous-mêmes. Nous étions de jeunes cadres de l’Armée de libération nationale. Le choix de pseudonymes était le corollaire de ce dépouillement de personnalité. C’était un acte symbolique mais aussi une mesure de sécurité préventive. Il ne fallait surtout pas que les autorités coloniales, civiles et militaires particulièrement présentes à Oujda, puissent avoir vent de notre présence. Connaître nos noms pouvait leur permettre de renforcer leur action sur l’ALN et de retrouver la trace de nos familles au Maroc. Et même, dans mon cas, en Algérie. Bref, le défunt Abdallah Arbaoui, l’officier de sécurité du centre, distribua de manière aléatoire les pseudonymes. J’héritais, pour ma part, du pseudonyme d’El Hadi, mais ma vie sera marquée par une longue histoire tumultueuse avec la série de pseudonymes dont je fus affublé. Nous avions été, aussitôt après, dotés d’une tenue de combat uniforme et confrontés, dès la première nuit, à l’abondance de poux.

    Décrivez-nous, sommairement, les lieux successifs qui ont abrité cette formation…
    En fait, il faut parler de deux lieux de formation. La formation théorique s’est déroulée dans la maison des Benyekhlef à Oujda. La formation militaire s’est déroulée dans la ferme des Bouabdallah bordant la rivière Moulouya. Commençons par la maison des Benyekhlef. C’était une construction mauresque entourée d’un mur assez haut qui ne permettait pas de voir de l’extérieur ce qui se passait à l’intérieur. Il y avait un patio avec un jet d’eau. Il y avait, également, un verveinier dont je garde un bon souvenir tant je me servais de ses feuilles pour me préparer une tisane chaque fois que j’en avais la possibilité. C’était une demeure assez vaste qui permettait d’abriter, en même temps, le commandement de l’école en bas, et les stagiaires en haut, classes et dortoirs inclus. L’édifice était carré avec un patio et un jardin au milieu. C’était à partir de ce patio que nous entretenions le seul contact avec le monde extérieur à travers le ciel que nous prenions plaisir à contempler. Commençons par le haut de la bâtisse. Il y avait une grande salle de cours où nous pouvions tous nous asseoir et travailler, même en étant serrés. Pour la partie dortoir, nous disposions de trois chambrées agrémentées de lits métalliques superposés. Je me souviens, parfaitement, de la première nuit. Je portais un tricot blanc qui, au réveil, était devenu gris à cause des poux qui pullulaient. Nous disposions de toilettes collectives avec une eau disponible en tout temps.

    Les Benyekhlef avaient-ils évacué les lieux ?
    Absolument. Seule est restée notre famille nourricière, les Baâmar, composée du père, de sa femme et d’un petit enfant. Nous étions gavés de lentilles, de pois chiches et de légumes secs. Nous vivions dans une clandestinité totale et je me souviens des cas rarissimes où un élément était sorti de nuit de manière tout à fait discrète pour rendre visite à un médecin et recevoir les soins d’urgence. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, l’armée française, c'est-à-dire la 30e division d’infanterie, implantée tout le long de la frontière marocaine, était particulièrement agressive, même en ville. La présence française au niveau du consulat d’Oujda se faisait lourdement sentir. Il fallait faire très attention pour éviter que notre présence ne soit éventée par les services de renseignement français. D’ailleurs, pour préserver toute tentative hostile, nous, les stagiaires, assurions des tours de garde réglementaires.

    Et pour le lieu de votre formation militaire ?
    Cette formation s’est déroulée dans la ferme des Bouabdallah, située en territoire marocain. L’avantage qu’elle offrait pour nous était cette possibilité de vivre à l’air libre, sans ce climat de suffocation qui pesait sur nous à Oujda. Cette ferme étant située au bord d’une rivière, la Moulouya, où nous nous sommes exercés, subrepticement, à pêcher des poissons à l’aide de menus bâtons d’explosifs dont nous disposions. C’était là l’une des rares sources de notre alimentation en protéines. Nous vivions dans des écuries, mais bien contents d’en disposer. Ces écuries nous servaient de dortoir, la salle de cours, c’était un hangar où nous pratiquions également du close combat. Nous avions confectionné une grande maquette au 1/50 000e représentant un théâtre d’opérations, en l’occurrence la zone montagneuse sur laquelle nous pratiquions nos entraînements dans le cadre de la progression sur le terrain avec même la position des pièces, des unités, des sections et des groupes de combat pour illustrer la manière dont il fallait notamment franchir les barbelés.

    Cela voulait-il dire que vous étiez à l’abri d’attaques de l’armée française ?
    Pas du tout. Nous devions nous déplacer sous camouflage car la reconnaissance aérienne française était quasi permanente. D’ailleurs, nous effectuions des exercices de marche de nuit au cours desquelles nous dûmes plonger dans des mares de boue pour échapper à la vue d’unités de l’armée françaises en patrouille. Je me rappelle que vers la fin de la formation militaire, le centre avait fini par être repéré par un avion d’observation français, un piper, qui nous avait survolé, moteur éteint et à très basse altitude. Nous pouvions même voir le visage du pilote alors que nous procédions à un maniement d’armes en plein air. Abdallah Araboui avait pris, le soir même, la sage décision de faire évacuer le centre qui fut détruit, le lendemain, par deux avions T6 de l’armée française. C’est vous dire que la frontière n’était pas un obstacle étanche pour l’armée française qui considérait cette partie du territoire marocain comme une zone permanente de combat.

    Décrivez-nous, à présent, la composition de la promotion Larbi Ben M’hidi…
    D’abord, arrêtons-nous au nombre. Le recensement effectué, in fine, par l’Association des anciens du Malg a permis de situer à soixante-douze le nombre de stagiaires de cette promotion. Pour la majorité, nous venions des classes de terminale ou de première secondaire des lycées marocains. La promotion comprenait également des membres qui étaient déjà à l’université et qui ont rejoint l’encadrement pédagogique du centre. Je me rappelle, notamment, de Noureddine Delleci, Abdelaziz Maoui et Mustapha Moughlam. Pour ce qui concerne l’origine sociale et géographique, les membres étaient tous issus de familles algériennes établies au Maroc. Ce n’était pas un choix délibéré. La Wilaya s’était retrouvée en présence d’une masse d’étudiants disponibles, volontaires, patriotes, déjà structuré au sein de l’Ugema et même du FLN. C’est tout naturellement que le commandement de la Wilaya V a recouru à ce vivier inespéré pour, d’une part, combler les besoins apparus à la lueur du développement de la lutte armée et, d’autre part, absorber l’impatience de jeunes étudiants qui, ayant observé l’ordre de grève de l’Ugema, rêvaient d’en découdre avec l’occupant colonial. Je me souviens, d’ailleurs, d’un fait important, survenu juste après le détournement de l’avion des cinq dirigeants du FLN. Nous, jeunes Algériens du Maroc, étions particulièrement révoltés par cet acte de piraterie et étions prêts à organiser des représailles, de manière autonome, sans l’accord du FLN. Je me souviens, également, de l’assassinat de notre voisin et ami, le pharmacien Rahal à Meknès qui avait reçu un colis piégé, entraînant dans sa mort son père et ses enfants. Nous étions particulièrement révoltés et nous voulions agir. Je pense que cet état d’esprit a dû conduire le commandement de la Wilaya V à précipiter notre mobilisation.

    Sur le plan social, quelle était l’origine des membres de cette promotion Larbi Ben M’hidi ?
    Encore une fois, tous étaient issus, en règle générale, de familles de réfugies, de fonctionnaires au service du gouvernement marocain ou, accessoirement, de commerçants et d’agriculteurs établis au Maroc de longue date. La petite bourgeoisie, pour utiliser une formulation marxiste…

    Abordons, si vous le permettez, un aspect lié aux attaches politiques des membres de cette promotion qui aurait comporté des marxistes avérés…
    Il ne faut pas forcer les mots. C’était plus une coquetterie intellectuelle. Progressistes oui, les jeunes étudiants algériens l’étaient car ils ne pouvaient pas échapper au courant de l’histoire. A l’époque, les jeunes Algériens au Maroc qui vivaient dans un cadre totalement ouvert étaient influencés par les courants politiques contemporains. Il y avait des idées en l’air, celles du mouvement existentialiste de Jean-Paul Sartre comme celles du courant marxiste proprement dit.

    La promotion aurait pourtant bel et bien comporté des marxistes…
    Dire de quelqu’un qu’il est marxiste, c’est supposer, sans doute, qu’il a une formation marxiste mais, surtout, qu’il est structuré dans un mouvement communiste. Ce n’était pas du tout le cas pour les membres de la promotion Larbi Ben M’hidi. Je me rappelle, tout particulièrement, de mon compagnon Youb Rahal (Tewfik). Il était féru de marxisme mais pas pour autant structuré dans un parti marxiste. Tombé au champ d’honneur, il avait, en effet, dans sa musette des paquets de cigarettes — il fumait beaucoup — et le fameux livre de Karl Marx Le Capital. S’il s’enflammait, il est vrai, lorsqu’il engageait une discussion sur les idées marxistes, c’est plus l’exercice intellectuel qui l’intéressait. C’était un homme attachant et patriote jusqu’à l’infini. C’est avec émotion que je me rappelle de lui.

    La formation était francophone. Y avait-il des arabisants parmi les membres de cette promotion ?
    Pratiquement, non…

    A propos de cette promotion, juste pour l’illustration, pouvez-vous citer quelques noms de membres ayant eu une destinée nationale ?
    L’un des membres les plus éminents de cette promotion fut paradoxalement et de facto, le colonel Houari Boumediene lui-même. Les cours étaient, en effet, enregistrés aussi bien que les conférences données tous les quinze jours par chacun des membres de la promotion. Houari Boumediene, qui avait succédé à Abdelhafidh Boussouf à la tête de la Wilaya V, n’avait probablement pas le temps de s’occuper de sa propre formation pendant la journée. Il ne fallait pas, au demeurant, qu’il soit avec nous. Cela aurait fait un peu désordre. Je n’en veux pour preuve que les bandes magnétiques qui partaient régulièrement tous les soirs au commandement de la wilaya et c’était lui qui les supervisait. Il est clair que superviser, c’est écouter, donc, forcément, s’imprégner du contenu. En vérité, il accordait énormément d’importance à notre promotion. Il venait périodiquement nous rendre visite et il attachait un grand intérêt à ce que la formation aboutisse dans les meilleures conditions possibles.

    A ce propos, racontez-nous quelques anecdotes sur les inspections de votre promotion par le colonel Houari Boumediene…
    «Alors les Arabes ! Ca va ?» c’était l’expression favorite par laquelle le colonel Boumediene nous interpellait à chacune de ses visites toujours nocturnes. Les autres membres du commandement de la Wilaya nous rendaient visite également. Le commandant Slimane (Kaïd Ahmed) qui aimait, particulièrement, notre compagnie n’hésitant pas à engager de longues discussions avec nous en abordant les questions les plus ardues et les plus inattendues comme, avec un sens certain de l’anticipation, le thème de «la réforme agraire». Le futur colonel Lotfi aussi se sentait proche de nous, mais c’est plus tard avec la mise en place du SLR de la Wilaya qu’il devint notre habitué.

    Quels sont les membres de la promotion qui ont eu une destinée nationale ?
    Il y avait, d’abord, ceux qui ont connu une carrière au sein des services de renseignement algériens post-indépendance. Je peux citer notamment le regretté Abdallah Khalef (Merbah), Ali Tounsi (Ghaouti), le défunt Ahmed Zerhouni (Ferhat) et bien d’autres encore. Vous avez aussi les ambassadeurs de l’Algérie indépendante à travers Hadj Azzout (Nacer) et Mohamed Laâla (Kaddour). Il y a au aussi d’éminents membres du Conseil de la révolution en la personne de Chérif Belkacem (Djamel), sans oublier les futurs ministres comme Abdelaziz Maoui (Sadek), Noureddine Delleci (Rachid) et Abdelhamid Temmar (Abdenour) et Abdallah Arbaoui (Nehru).

    Il y a eu, par contre, des membres de la promotion dont le destin fut tragique. Vous les évoquez avec émotion…
    Avec émotion, c’est peu dire… Treize de nos compagnons sont tombés au champ d’honneur. Ils sont morts à l’intérieur du pays au cours d’opérations militaires. Je crois que vous avez en main la liste de tous les membres de la promotion avec des précisions sur ceux qui ont sacrifié leur vie au service de l’indépendance de l’Algérie. Il faut absolument s’acquitter de ce devoir de mémoire qui consiste à cultiver le souvenir de ces héros. J’ai en mémoire, outre le nom de Youb Rahal (Tewfik) que j’ai évoqué déjà, celui de Mustapha Khalef (Chakib), un exemple singulier de courage. Fait prisonnier au cours d’une opération militaire en Algérie, il avait fait preuve de tant de conviction et de résistance voire d’insolence qu’il fut abattu au cours d’une «corvée de bois»… Vous venez de réveiller en moi le souvenir attachant de Yahia Mahmoud (Benamar), enfant unique d’une famille de grands commis de l’administration royale marocaine à Agadir et qui présentait la particularité de ne pas maitriser l’arabe, même dialectal. Après notre formation, il fut dépêché en territoire algérien et il s’intégra si harmonieusement au sein de l’ALN en zone VII qu’il refusa de rejoindre les bases arrières de la Wilaya V. Il mourut quelque temps plus tard au combat…

    Quelle est la nature de la formation militaire que vous aviez reçue ?
    Nous étions destinés initialement, faut-il le rappeler, à servir dans le corps des contrôleurs de la Wilaya V à l’intérieur du pays. Nous devions nous préparer, militairement, à assumer des tâches opérationnelles. C’était le but de notre formation. C’était tout le sens du stage militaire que nous avions subi et dont le maître d’œuvre fut, incontestablement, Abdallah Arbaoui dit Nehru, c’était un sous-officier valeureux, déserteur de l’armée française, un véritable baroudeur. Il est mort, il y a quelques années à peine, d’une maladie incurable dans une grande solitude morale. Le programme militaire comprenait le combat de rue, la progression sur le terrain, le parcours du combattant, le maniement des armes et des explosifs, les marches de combat, les tours de garde, l’ordre serré, le close-combat et même la pratique des arts martiaux. Abdallah Arbaoui était assisté d’un instructeur algérien formé en Egypte. Il s’agit du défunt Ahmed Makari (Sadek). Il parlait en arabe égyptien mais enseignait, à la perfection, le maniement des armes et des explosifs. Deux matières qu’il maitrisait grâce au stage qu’il avait suivi en Egypte avec celui qui n’était encore que Mohamed Boukharouba. Nous goûtions au bonheur de manipuler des armes tout à fait modernes qui étaient très efficaces contre l’armée française. Je cite les MG 34 et les MG 42 ; c’étaient des mitrailleuses légères utilisées par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, particulièrement efficaces contre l’aviation. Je cite aussi les armements disparates provenant d’Irak ou de Libye. Je pense à cette fameuse «Essefra», la mitrailleuse Lewis anglaise de la Première Guerre mondiale. Je ne saurais oublier ces fusils français de la Première Guerre mondiale, surtout les 7/15 et les 88/93, qui étaient plus hautes que nous. C’était un peu ridicule, bien sûr que nous n’allions pas utiliser ces fusils car nous allions trouver d’autres armes, sans doute plus modernes, à l’intérieur du pays. La pratique des arts martiaux était, pour nous, un moment de plaisir. C’était un instructeur sourd-muet, Fethi de son nom de guerre, qui nous initiait au close-combat. Je dois souligner que j’étais moi-même instructeur en armement et dans la progression en terrain de combat. J’avais suivi une préparation militaire approfondie que les Français nous offraient imprudemment, un cours de certificat interarmes et un autre cours de mécanique sur l’aviation militaire. Au moment où je portais, aussi, un intérêt intense à tout ce qui se rapportait à la guerre car je pressentais que, tôt ou tard, nous allions devoir combattre le colonialisme.

    Cela explique que vous ayez reçu une affectation en rapport avec des tâches, exclusivement, militaires…
    Oui, peut-être. En tous les cas, cette passion de l’art militaire m’a causé du tort. Je me rappelle que je me livrais à un exercice que j’appréciais par-dessus tout. Recopier des schémas éclatés d’armement que je prélevais d’un livre de références de l’armée française qui contenait l’art de la guerre et des descriptifs d’armement. Quelqu’un avait imprudemment renversé de l’encre de Chine sur ce livre précieux mais c’est moi qui fus accusé. Je dus subir ma première sanction dite «la sanction du tombeau ». Deux ou trois jours durant, il fallait rester couché, jour et nuit, au fond d’une tombe avec une sentinelle au dessus de la tête.

    Venons-en à la composition de l’équipe pédagogique. Le commandant du centre était Laroussi Khelifa…
    Effectivement, c’était lui le responsable du centre. L’équipe pédagogique se composait, autrement, de Belaïd Abdesslam, Noureddine Delleci (Rachid), Abdelaziz Maoui (Sadek) et Mustapha Moughlam (Djaâfar). Comme je le soulignais, Maoui, Delleci et Moughlam comptaient aussi parmi les stagiaires.

    Quelle était la substance du programme d’enseignement théorique ?
    De manière schématique, cette substance correspondait à la répartition des tâches décidée entre les membres de l’équipe pédagogique. En premier lieu, Laroussi Khelifa était responsable du stage tout en dispensant un cours d’institutions politiques. Belaïd Abdesslam enseignait l’histoire du mouvement national algérien. Noureddine Delleci avait en charge l’économie politique, Abdelaziz Maoui le droit et Mustapha Moughlam, l’histoire de l’antiquité. La formation militaire était supervisée par Abdallah Arbaoui.

    A propos, en quoi consistait le cours de Belaïd Abdesslam ?
    Vous venez vous-même d’en indiquer l’esprit, puisque vous dites que Belaïd Abdesslam vous a dévoilé, au cours d’un entretien, qu’Abdelhafidh Boussouf lui a notifié l’instruction suivante : «Faites comprendre aux membres de la promotion que le 1er novembre 1954 n’était pas tombé du ciel…». Une consigne pleine de sens. Avec Belaïd Abdesslam, nous découvrions, émerveillés, le mouvement révolutionnaire algérien. Nous avions, auparavant, une très vague idée du PPA, du MTLD, du CRUA, de l’UDMA et des Ulémas. Avec lui, nous étions au cœur des tensions et des divergences idéologiques qui existaient au sein du mouvement national. Nous allions réellement dans le détail des choses en découvrant un monde nouveau. Nous comprenions les origines de la guerre de Libération nationale à travers les racines lointaines du mouvement national qui remontaient jusqu’à l’Etoile Nord africaine. Incontestablement, le cours de Belaïd Abdesslam a été celui qui a laissé la plus forte empreinte sur nos esprits. Il faut dire, par ailleurs que Mustapha Moughlam lui-même nous instruisait sur l’histoire éternelle de l’Algérie qui remontait jusqu’à Massinissa et Youghourta.

    Pouvez-vous décrire, plus en détail, les disciplines enseignées ?
    C’était un véritable patchwork. D’abord, la formation politique et administrative avec l’organisation territoriale et les institutions politiques et administratives. La Science politique avec toutes les problématiques liées à l’organisation de la société (structures sociales, intégration sociale, problèmes ouvriers, formation politique et syndicale) et la communauté internationale (l’Etat et la société internationale, les conflits internationaux, les organisations internationales). L’économie politique avec même l’économie sociale et la politique des revenus. L’histoire du mouvement national dont j’ai suffisamment parlé avec, enfin, l’histoire de l’antiquité, enseignée de main de maître par El Hadi Moughlam qui nous conviait à une immersion passionnante dans la nuit des temps.

    En somme, vous étiez satisfaits des enseignements que vous receviez ?
    Honnêtement, oui. C’était, réellement, et j’insiste là-dessus, des cours magistraux. Je n’avais jamais pensé que nous pouvions trouver, du côté des enseignants autant de rigueur dans le souci d’enseigner efficacement et, de notre côté, autant de souci de bien recevoir la formation, c'est-à-dire en s’appliquant le plus possible. Nous avions acquis de la hauteur de vue et nos convictions patriotiques s’étaient renforcées. Peut-être l’osmose qui existait avec le corps pédagogique a-t-elle joué un rôle. Abdallah Arbaoui qui assurait la défense et la sécurité de la promotion n’en suivait pas moins, avec nous, les cours théoriques. De même, je me rappelle, par exemple, je crois même que je garde la photo-de Noureddine Delleci participant, en tenue de combat, à un exercice sur la manière de s’introduire en armes dans une maison suspecte. En résumé, je considère que nous avions reçu une formation sérieuse. Sur le plan théorique, c’était, quasiment, un enseignement du niveau de deuxième année de licence de l’époque, parfaitement comparable à celui qui était dispensé au sein de l’Ecole nationale d’administration française. Sur le plan militaire, je n’exagère pas en affirmant que nous avions suivi une formation plus valorisante que celle que les jeunes Français recevaient dans le cadre du cours de leur Certificat inter-armes. La seule contrainte que nous avions rencontrée était celle du temps. Il fallait faire très vite et cela ne permettait pas à l’ensemble des stagiaires d’acquérir, au même titre que la formation théorique, l’expérience du combat.

    Quelles étaient vos conditions de travail au plan pédagogique ?
    Je me souviens, surtout, de la compétence des professeurs qui ne ménageaient pas leurs efforts pour nous transmettre leurs connaissances dans les meilleures conditions possibles. Certes, les conditions matérielles faisaient défaut. Mais, nous disposions de la radio pour rester en contact avec le monde extérieur. Nous recevions, aussi, des bulletins qui nous parvenaient du commandement général de la wilaya d’Oran, autre appellation de la Wilaya V. Ces bulletins nous servaient d’illustration pratique pour commenter les opérations militaires de l’ALN et discuter du combat politique du FLN. Nous recevions, également, la presse. Un peu disparate. La bibliothèque était relativement fournie. Il est vrai qu’elle le sera beaucoup plus lorsque sera institué le Service des liaisons et renseignements de la Wilaya V.

    Des grades vous avaient été attribués ?
    Non, naturellement. Cependant, nous manifestions le respect absolu à l’encadrement pédagogique. Comme cet encadrement partageait avec nous la formation proprement dite, il existait entre nous une réelle complicité.

    Quelles étaient vos conditions de vie ? Vous perceviez une solde ? Vous bénéficiiez de permissions ?
    Nous recevions le nécessaire pour notre hygiène et nous ne bénéficions pas de permissions, donc nous n’avions pas besoin de moyens financiers.

    Comment se déroulait votre évaluation tout le long de cette formation ?
    Je pense que l’évaluation se faisait sur le tas. Grâce, notamment, aux conférences périodiques présentées par les stagiaires. Tous les quinze jours, en effet, une conférence était présentée par l’un des stagiaires. Personnellement, je me rappelle avoir présenté l’une de mes conférences autour du thème «Grandeur et décadence de l’Empire ottoman». Pourquoi avoir retenu ce titre et non pas un autre ? Pour une raison bien prosaïque. J’avais évoqué l’état du sultan Salim I rendant l’âme «ivre mort» ; ce qui déclencha, à mon grand étonnement, l’hilarité de mes compagnons. Il me fallait donc ensuite non seulement «corriger» mon français mais argumenter aussi la remarque ironique qui reflétait l’état d’esprit prévalant au sein de l’empire ottoman décadent. Pour la partie militaire, c’était plus simple. Je pense que nous étions «notés» au moment même où nous accomplissions notre instruction.

    A l’issue de votre formation, quels critères ont présidé à vos affectations ?
    Je me souviens d’une scène précise. A la fin de la formation militaire, un membre important du Commandement général de la Wilaya V (je ne me souviens plus qui) s’était présenté avec une liste. Nous étions au garde-à-vous et il égrenait les noms avec une affectation pour chacun. Au fur et à mesure, des groupes se formaient qui partaient vers des destinations données. J’ignore à ce jour la manière dont la sélection s’est effectuée. Elle devait être probablement établie de manière tout à fait empirique.Une partie de la promotion dont Cherif Belkacem (Djamal), Hassen Bendjelti (Abderazak), Ahmed Bennai (Hassan), Sid-Ahmed Osman (R’zine), Mustapha Khalef (Kamel), Abderrahim Settouti (Bouzid) et Ali Tounsi fut dirigée sur les maquis à l’intérieur. Un autre partie fut affectée à l’état-major d’Abdelhafidh Boussouf pour constituer l’ossature du SRL de la Wilaya Vpuis, peu plus tard, des services de renseignements du Malg lui-même aussi bien à vocation militaire que politique. Enfin, quelques membres furent affectés au CDF, Commandement des frontières. C’est a postériori, seulement, que j’ai pu reconstituer cette répartition. Il aurait été impensable de s’y intéresser à la question dans le contexte de l’époque.

    La fin de la formation a-t-elle donné lieu à une cérémonie ?
    Pas du tout. La formation a pris fin le 31 décembre 1957. Mais je me rappelle, seulement, du départ des premiers groupes qui devaient rejoindre l’intérieur du pays. J’ai eu connaissance, plus tard, des conditions singulières par lesquelles certains avaient rejoint leur affectation. Certains avaient été contraints d’apprendre à monter à cheval — comme Ali Tounsi — d’autres avaient franchi les frontières par des moyens de fortune, pas loin des barbelés déjà mis en place, efficacement. D’autres enfin sont montés à bord d’un camion pour s’enfoncer à l’intérieur du territoire algérien à travers des zones où les barbelés n’existaient pas encore. Ceux qui étaient restés sur place ne savaient pas qu’ils allaient exercer au sein du nouveau SRL de la Wilaya V qui aura pour responsable Khelladi Mohamed (Tahar) assisté de Boualem Bessaïeh (Lamine). J’ai été moi-même affecté à la section militaire générale commandée par Safar puis désigné un peu plus tard comme chef du service LGR Est implanté à Ghardimaou et placé pour emploi auprès de l’état-major de l’ALN. Notre mission consistait à assister l’état-major général de l’ALN en le pourvoyant quotidiennement en renseignements opérationnels.

    Votre promotion a fini, cependant, par constituer l’ossature des services de renseignement durant la guerre de Libération nationale. Pensez-vous qu’Abdelhafidh Boussouf songeait déjà à cet usage lorsqu’il avait décidé de mettre sur pied la promotion Larbi Ben M’hidi ?
    Nous avions reçu une formation polyvalente comme je l’ai déjà évoqué. Il est certain, cependant, que l’importance du renseignement a déteint sur notre enseignement. Et, par la force des choses, sur notre utilisation plus tard. Abdelhafidh Boussouf avait saisi qu’il fallait absolument maîtriser la fonction du renseignement. Les liaisons comme le renseignement devenaient des fonctions vitales pour la survie du mouvement révolutionnaire, cela, il l’avait bien compris.

    Abdelhafidh Boussouf pour avoir perçu tôt l’importance du renseignement avait donc une longueur d’avance sur ses compagnons…
    Pour être plus nuancé, l’importance du renseignement a dû apparaître à l’ensemble des chefs de l’ALN. Abdelhafidh Boussouf s’est distingué, cependant, par son intuition psychologique ainsi que son génie organisationnel qui fut servi par la profusion de moyens dont il a pu disposer au Maroc. Il disposait, en effet, des équipements de transmission acquis auprès des unités américaines installées au Maroc ainsi que la riche ressource humaine offerte par la communauté algérienne établie dans ce pays. A cela s’ajoutent des possibilités offertes par le territoire marocain où les centres de formation de l’ALN — et généralement toutes ses bases-arrières, sans être totalement à l’abri de l’ennemi — quelques-unes furent d’ailleurs bombardées — bénéficiaient d’une certaine protection.

    Revenons, plus spécialement, à la promotion Larbi Ben M’hidi. Vos compagnons évoquent un livre d’or…
    Ce livre d’or, Abdallah Arbaoui l’avait conservé à la fin de la formation militaire. De quoi s’agit-il ? Au moment où chacun d’entre nous s’apprêtait à rejoindre un destin dont il ignorait tout, nous devions écrire quelques lignes sur un registre pour livrer nos impressions. C’était assez pathétique car nous savions que la mort pouvait nous attendre le lendemain. Pour ce qui me concerne, j’ai souvenir d’avoir écrit quelques lignes sur l’adhésion au mouvement révolutionnaire et l’indépendance, que nous savions certaine, de l’Algérie. Bien sûr, il est poignant de lire les lignes écrites par ceux de nos compagnons qui sont tombés au champ d’honneur. En ce sens, je crois que ce document est un patrimoine national. Il est, actuellement, détenu par l’Association des anciens du Malg.

    Vous considérez que la solidarité de corps entre les membres de cette promotion a survécu à l’épreuve du temps ?
    Ma réponse sera mitigée. Cela peut sembler une réponse de circonstance, pourtant elle reflète la vérité. Chaque fois que les membres de la promotion se rencontrent, ils se retrouvent avec beaucoup d’émotion. Nous évoquons avec un esprit de fraternité ce qui nous rattache. Il n’en reste pas moins que le destin nous aura dispersés avec des itinéraires différents qui nous ont éloigné les uns des autres. Forcément, la charge de la passion collective s’en ressent. Mais, transcendant ces impondérables de la vie, nous ressentons ensemble le bonheur immense d’avoir contribué de toutes nos forces à l’indépendance de l’Algérie. Nous l’avons fait sans chercher de compensation. Nous avions même, si vous le permettez, par humilité, enfoui en nous-mêmes notre propre passé. Certes, les contraintes du cloisonnement et la culture du secret nous ont toujours imposé une attitude de discrétion absolue. C’était la nécessité du combat. S’il arrivait qu’on nous prête un prestige ou une réputation hors de commun, c’était sous le bénéfice de l’anonymat. Le temps n’est-il pas arrivé de mettre des visages sur tous les exploits réussis dans le domaine du renseignement par la révolution algérienne ? Surtout lorsqu’il s’agit, à travers ces faits de guerre, de cultiver le souvenir de nos compagnons tombés au champ d’honneur…

    Justement ce prestige et cette réputation vont vous coûter après l’indépendance. Des cadres du Malg, notamment ceux qui ont suivi cette formation, ont été pratiquement mis à l’écart après l’indépendance. Vous m’avez montré la fameuse lettre d’Abdelhamid Temmar où il vous disait qu’«il traînait la savate à Alger». Pourquoi donc ceux qui sont appelés les «malgaches»faisaient peur à ce point aux hommes politiques de l’époque ?
    Vous connaissez le proverbe «lorsque deux taureaux s’encornent, c’est l’herbe qui est piétinée.» Rappelez-vous le contexte dans lequel nous avions rejoint l’ALN. Nous avions accepté de nous dépersonnaliser et de nous mettre, sans murmure, à la disposition du mouvement de libération nationale. Nous étions très jeunes à l’époque. Les chefs nous indiquaient la direction à suivre et le reste ne nous regardait pas. Nous n’étions pas des hommes politiques. Nous étions des combattants au sens plein du mot. Nous n’avions jamais agi de notre initiative. Nous avons toujours obéi à nos chefs. C’est cette culture du devoir avec la rigueur qu’elle implique qui constitue la source de nos désagréments. Mais je ne regrette rien de ce que j’ai accompli au service de mon pays. Si c’était à refaire, j’effectuerais, en toute modestie, les mêmes choix.

    Au cours de l’entretien qu’il m’a accordé, Belaïd Abdesslam a évoqué Si Merbah à l’image d’un grand bachoteur…
    Si Merbah était très méticuleux, il n’y a pas plus méticuleux que lui. Plutôt que bachoteur, je dirais plutôt qu’il était intelligent, méthodique et déterminé. C’était déjà un homme de l’ordre, prédestiné à ses futures fonctions. Il n’était pas trop communicatif, mais il était très humain. Incontestablement, le pays a perdu en lui un leader d’exception.

    Vous ne vous rappelez pas d’un souvenir cocasse intervenu au cours de la formation que nous venons d’évoquer ?
    Le cousin de Merbah, Abdelkader Khalef (Kamal) a failli me tuer après l’avoir installé comme sentinelle. Il fallait, en effet, donner le mot de passe en arrivant à sa hauteur. Comme c’était l’obscurité totale, je ne le voyais pas et je redoutais qu’il n’ait quitté son poste. J’allongeais alors mon bras jusqu’à toucher un canon d’un fusil. C’était le canon de son fusil au moment où le déclic de la queue de détente se faisait entendre. J’avais touché le canon de son fusil, un 7/15, au moment où il tirait sur moi. Je lui ai alors brusquement pris le fusil des mains et, ouvrant la culasse, je découvris avec stupeur, au toucher, que la cartouche venait d’être tirée mais n’avait pas été percutée. Je venais d’échapper à une mort certaine.

    A propos de formation de cadres du renseignement au profit de l’ALN, il semblerait qu’une autre promotion ait vu le jour, plus tard, en 1958 en Tunisie…
    Il faut préciser que la promotion Larbi Ben M’hidi n’était pas destinée exclusivement à former des cadres du renseignement. Son objectif consistait, en premier lieu, à améliorer l’encadrement militaire de la Wilaya V. C’est sous l’emprise des évènements que ses membres furent déviés vers des missions exclusives de renseignement. La promotion dont vous parlez remonte à l’année 1958. Il s’agissait d’une vingtaine de stagiaires prélevés sur le contingent destiné aux unités de l’ALN à l’Est. Ces vingt éléments ont été choisis en fonction de leurs aptitudes aux activités de renseignement. Parmi eux, des cadres qui occuperont d’éminentes responsabilités, celles de chef des services de renseignement. Ces stagiaires ont suivi dans la banlieue de Tunis une formation spécifique dispensée par des enseignants où figuraient des cadres de la promotion Larbi Ben M’hidi, Abdelaziz Maoui (Sadek), Ahmed Zerhouni (Ferhat) et Mohamed Morsly (Abdelaziz). Ces stagiaires ont été affectés à des tâches liées, strictement, au renseignement militaire dans le cadre de la mise en place des unités de combat au titre du COM Est et du COM Ouest puis de l’état-major général de l’ALN. Plus tard, vers 1961, ce fut la fameuse promotion dite «Tapis rouge» à la faveur de laquelle, pour la première fois, des cadres algériens du renseignement ont pu suivre une formation de type classique auprès d’un service de renseignement étranger ayant pignon sur rue, en l’occurrence le KGB. Si j’ai évoqué cette succession de promotions, c’est pour bien démontrer que la promotion du capital intellectuelle du cadre du Malg a été une préoccupation constante chez Abdelhafidh Boussouf.

    Les remarques récurrentes qui distinguent entre combattants de l’intérieur et combattants de l’extérieur vous affectent-elles ?
    Au plan de la raison, je me suffis de renvoyer les auteurs de ces remarques au contexte de l’époque. Nous avions rejoint l’Armée de libération nationale sans préjuger de la manière ni du lieu où nous allions être dirigés pour servir à la libération du pays. Dans nos affectations, la part de l’impondérable était totale. Nous n’avions nullement le droit de discuter de notre affectation. Nous n’y pensions même pas. Si ces critiques veulent suggérer que nous étions des «planqués», il leur faut s’informer davantage sur le déroulement de la guerre de Libération. Pourvoir les organes dirigeants de la Révolution en renseignements fiables et garantir en même temps leur sécurité. Telle était notre mission que nous avons accomplie grâce aux exploits réalisés par les cadres du Malg dont l’épopée sera, un jour, connue. Au plan émotionnel, cette fois, les remarques que vous évoquez soulèvent en moi une montagne d’amertume. C’est le souvenir de mon jeune et intrépide compagnon Benaroussi M’hammed (Lamine) qui me vient à l’esprit. Benjamin de la promotion, âgé à peine de 17 ou 18 ans, nous l’appelions «l’Ange». Arrêté, les armes à la main, en Wilaya V, il fut ramené à Alger puis abattu de sang-froid au Casino sur la corniche algéroise qui servait de lieu de torture pour les unités DOP de sinistre renom. Nous étions, en fait, animés par un tel esprit de discipline que chacun des membres de la promotion aurait pu se trouver à la place de ce jeune compagnon qui fut assassiné de sang-froid.

    Finalement, nous pouvons retenir que l’histoire de la première promotion de cadres de la Wilaya V et l’épopée des services de renseignements durant la guerre de Libération nationale sont intimement liées au nom d’Abdelhafidh Boussouf. Avec le recul, quels sentiments évoque en vous cette figure disparue de la Révolution ?
    Un sentiment de grande admiration. Il fut, en effet, un modèle d’engagement et d’exigence. Un sentiment de reconnaissance, aussi. Il nous a inculqué le sens du sacrifice pour la patrie et la passion du travail parfait. Sans l’empreinte d’Abdelhafidh Boussouf qui nous a, pour ainsi dire, façonné à son image, nous n’aurions jamais pu nous distinguer à travers le dévouement, la détermination et la rigueur qui nous furent reconnus. L’aspect le plus méconnu d’Abdelhafidh Boussouf concerne, cependant, le détachement qu’il a manifesté vis-à-vis de l’exercice du pouvoir. A la veille de l’indépendance, il avait refusé de s’impliquer dans le conflit qui opposait l’état-major au GPRA qu’il assimilait à une lutte fratricide. Il nous avait expressément recommandé une attitude de neutralité, nous adjurant, avec une rare conviction, de regarder résolument vers l’avenir en réservant nos forces à la reconstruction de l’Algérie.

    Considérez-vous comme normal que le silence continue d’être entretenu à propos de l’histoire des services de renseignements algériens pendant la guerre de Libération ?
    De même que Belaïd Abdesslam nous avait enseigné que le 1er Novembre était le résultat d’un processus historique où nos aînés avaient joué un rôle essentiel, de même avons-nous le devoir de convaincre nos cadets que la libération du pays est le résultat du sacrifice de ceux qui, plus âgés qu’eux, dans les rangs de l’ALN et du FLN, ont combattu vaillamment, parfois, jusqu’à mourir au champ d’honneur. Je crois que nous sommes arrivés à un point où le voile finira par être levé sur tous ces aspects méconnus de la guerre de Libération nationale. Si auparavant le silence avait été maintenu, c’est probablement qu’il existait d’autres priorités. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un degré d’évolution dans les consciences qui nous permet d’examiner sereinement l’histoire de notre pays. Dans toutes ses dimensions et sans complexe. Nous pouvons évoquer beaucoup de choses sans avoir à en rougir car l’histoire de nos services de renseignement est jalonnée de faits de guerre. Certes, ce que nous avons accompli et dont nous pouvons témoigner est insignifiant en comparaison du sacrifice de ceux qui ont perdu leur vie. Je ne doute pas, de ce point de vue, que la jeunesse algérienne est avide d’exemples capables de la réconcilier avec la fierté nationale. Pour être passé par elle, je connais bien l’étape décisive de la jeunesse où toute la vie est questionnement. Je ne doute pas que celui-ci conduirait nos cadets interpellés par le devoir national à livrer, sans hésiter, le même combat que celui que nous avions livré, mes compagnons et moi-même.

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    Bio-express du colonel Ali Hamlat alias El-Hadi, alias si Yahia
    Né à Alger en 1936, le colonel Ali Hamlat passe son enfance à Maison-Carrée (El-Harrach) où, très tôt, il est initié à la cause nationale dans les rangs des Scouts musulmans algériens. Il rejoint le Maroc à l’âge de 12 ans où son oncle s’était établi. Elève en mathématiques et techniques dans un lycée de Meknès, il profite de sa formation de certificat interarmes dispensée aux lycéens par l’armée française implantée au Maroc pour s’imprégner des techniques de guerre et d’armement. Féru de connaissances scientifiques et techniques, il est aussi breveté de l’enseignement industriel. Après la grève de l’Ugema dont il fait partie, il rejoint, en 1957, la Wilaya V pour intégrer, aussitôt, la première promotion des cadres qui venait d’être formée. A l’issue de cette formation, il participe à la mise en place du Service des renseignements et liaisons du commandement général de la wilaya de l’ouest, puis est désigné chef du service LGR Est (Liaisons générales et renseignement), structure opérationnelle du Malg placée pour emploi auprès du commandement de l’ALN à Ghardimaou. Il suit, à la fin de l’année 1961, au sein de la promotion «Tapis rouge», une formation spécialisée destinée aux cadres du Malg dans l’ex-Union soviétique. A l’indépendance, il choisit de continuer sa carrière au sein de l’ANP et se voit confier la responsabilité des services techniques de la direction de la Sécurité militaire. Parallèlement, il suit des études de droit à l’Université d’Alger. Après la mort du président Boumediene, il est désigné en qualité d’attaché de défense, respectivement à Cuba, en Tchécoslovaquie et en Allemagne, avant de prendre sa retraite. Le colonel El-Hadi écrit actuellement ses mémoires tout en se consacrant à la Fédération algérienne de tir sportif qu’il préside.

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    Sources:

    http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/06/23/article.php?sid=69939&cid=2

    http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/06/24/article.php?sid=69987&cid=2


  • Les pôvres n’ont même pas été prévenus !

    Les pôvres n’ont même pas été prévenus !


    Par Hakim Laâlam
    Email : laalamh@yahoo.fr

    Coopération sécuritaire entre les Etats-Unis et l’Algérie. Des
    experts de la CIA sont à Alger. Viiiiiiiite !…

    … planquez vos femmes !

    Je suppose que l’information n’a pas dû bien circuler, et ne leur est donc pas parvenue. Je ne vois pas d’autres explications. Et la faute de ce manque d’infos incombe aux deux autorités. D’abord, les autorités algériennes, bien sûr. Ensuite, les autorités américaines. L’administration Obama se devait de leur donner la vraie version des faits, de leur décrire une situation réelle et non pas fantasmée. Et que dire alors de l’administration Abdekka ? A elle incombe la plus grosse part de faute. Si les choses avaient été faites normalement, si l’information avait été transmise en temps réel et si chacun avait fait convenablement son boulot nous ne nous serions pas retrouvés aujourd’hui face à ce problème : des détenus algériens du camp de Guantanamo libérés par les États- Unis et qui refusent catégoriquement de regagner l’Algérie, préférant rester enfermés dans le pénitencier sous contrôle américain plutôt que de revenir en Algérie. Bon ! Nous allons tout de même tenter, ici, de pallier les insuffisances en communication des deux administrations américaine et algérienne. Messieurs les tangos relâchés de Guantanamo, il faut que vous sachiez ! On vous cache la vérité ! Et la vérité, c’est qu’il n’y a plus aucun danger pour vous à revenir en Algérie, chez vous. Bien au contraire. Votre pays, durant votre absence, a évolué. Aujourd’hui, il s’enorgueillit de compter parmi les nations de la planète qui assurent le plus de douceur de vie à leurs terroristes islamistes. Ici, chez vous, vous serez accueillis les bras et les comptes bancaires ouverts. Ici, chez vous, vous bénéficierez tout de suite du soutien d’un ministère dont la seule et unique tâche est de vous rendre la vie belle et confortable. Ici, chez vous, les lois du pays ont été remaniées en profondeur, afin de vous satisfaire. Savez-vous, par exemple, que le moindre quidam qui oserait vous appeler par l’une de ces horribles formules de «terroristes islamistes» ou de «tangos» ou de «vermine verte» se verrait aussitôt puni par les juges ? Oui ! Oui ! Tout à fait ! On a fait voter le peuple pour ça ! Savez-vous, toujours à titre d’exemple, que les patrons d’entreprises d’où vous avez été virés lorsque l’Algérie n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui ont reçu instruction ferme de vous réintégrer, de vous payer vos arriérés de salaire et de vous reclasser à votre dernier poste occupé, à charge pour le dirigeant de votre boîte de vous accorder même des promotions si son zèle le juge utile ? Savez-vous, encore et toujours à titre d’exemple, que vos années passées au maquis ou dans des prisons comme celle de Guantanamo seront obligatoirement prises en compte dans le calcul de votre prochaine retraite que les autorités d’ici vous souhaitent d’ores et déjà pépère et radieuse ? Non, vous ne le saviez pas, assurément. Et c’est pour cela que vous refusiez de revenir, après votre relaxe de Guantanamo. Ah ! Quand la communication fait défaut, tout de même ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
    H. L.

  • certificats de naissances falsifiés pour la pluparts de nos dirigeants algeriens !!!!!!


    En fait, et de surcroît, il n’a rien à voir avec Tlemcen comme on a tendance à le croire. Son père est originaire d’une bourgade qui se nomme El-Maleh (ex-Rio Salado) près de Aïn Temouchent. C’est de là que ce dernier est parti pour s’installer à Oujda au Maroc. Sa mère Mansouria est originaire des environs de

    Tlemcen.

    D’autres responsables dissimulent leur lieu de naissance. Abdallah Khalef, dit Kasdi Merbah, ancien chef de la Sécurité militaire et ancien chef du gouvernement, se faisait passer pour natif de Benni-Yenni, en Kabylie, alors qu’en réalité il est né à Fès, au Maroc. Alors même que le premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Mahdjouh Ben Emberek, dit Ben Bella, né à Maghnia en Algérie, d’un père et d’une mère marocains, est un authentique Marocain. Pendant longtemps, il l’a caché comme une tare. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, toute personne née au Maroc est considérée par le commun des mortels, et même au niveau des magistrats qui délivrent les certificats de nationalité, comme étant marocain. Une aberration !
    La double trahison des Marocains qui gouvernent en Algérie

    « Sommes-nous vraiment gouvernés par des Algériens  ? » Cette lancinante question, tout citoyen qui a eu affaire à l’administration, à la justice ou au pouvoir se l’est déjà posée à maintes reprises comme un éternel refrain. Au fil des générations, depuis 1962, la rumeur publique a accusé tour à tour « hizb frança » (parti de la France), les DAF (déserteurs de l’armée française), les harkis et tous les services de renseignement réunis (Mossad, KGB, CIA, DGSE, etc.) de se cacher derrière la Sécurité militaire (SM) le cœur du pouvoir algérien.

    Cette douteuse et malsaine impression que les dirigeants de l’Etat n’aiment ni l’Algérie ni son peuple a toujours plané autour de la relation gouvernants-gouvernés. On a tous remarqué cette terrible malsaine habitude des membres de la nomenklatura qui, dès qu’ils n’occupent aucune fonction officielle, « fuient à l’étranger » dont ils ne consentent à revenir que pour occuper un nouveau poste. D’où les appellations de « mercenaires » ou de « coopérants » dont ils ont été affublés par les nombreux cadres algériens dont la promotion a été barrée ou sabotée par ces pontes du régime.



    Les Marocains du Malg de Boussouf

    La vérité vient enfin d’être révélée par un de ces hommes de l’ombre qui font et défont les institutions du pays selon leur bon vouloir. Le journal Le Soir d’Algérie (1) a ouvert ses colonnes à son honorable correspondant Med Chafik Mesbah, ancien officier du DRS, qui a interviewé le colonel Ali Hamlat, ancien responsable des services techniques de la SM. D’après l’auteur, ce témoignage a été rédigé en 1999 sous le titre explicite : « Voilà comment sont nés les services secrets algériens », mais il ne le révèle que maintenant sans expliquer la raison de ce retard.

    Le colonel Hamlat lève donc « le voile sur cette première promotion des cadres de la Wilaya V, dont les membres ont, effectivement, constitué, pour la plupart, l’ossature du Malg ». A la question « Sur le plan social, quelle était l’origine des membres de cette promotion Larbi Ben M’hidi ? », Hamlat répond sans hésitation : « tous étaient issus, en règle générale, de familles de réfugiés, de fonctionnaires au service du gouvernement marocain ou, accessoirement, de commerçants et d’agriculteurs établis au Maroc de longue date. La petite bourgeoisie, pour utiliser une formulation marxiste ».

    Selon lui : « Le recensement effectué par l’Association des anciens du Malg a permis de situer à soixante-douze le nombre de stagiaires de cette promotion. »

    Leur directeur de stage, Khelifa Laroussi, mystérieux adjoint du mystérieux Boussouf, et père du golden boy déchu Rafik Khalifa, leur avait décrété : « Vous êtes les futurs ministres de l’Algérie indépendante ! » Selon les dires du colonel Hamlat, Boussouf leur avait déjà tracé les feuilles de route du contrôle du futur Etat algérien : « La première concernait la mission de contrôle au sein des unités de l’ALN. Ce contrôle était indispensable pour maîtriser l’évolution de la lutte armée et répondre aux exigences du combat et du commandement. D’autant que la qualité de l’encadrement militaire des unités était à parfaire au regard des faibles qualifications des moudjahidine de la première heure. La seconde se rapportait à la nécessité d’exploiter utilement la masse d’informations recueillies... par tout moyen disponible. En rapport avec les transmissions, mais aussi des informations recueillies auprès de prisonniers et toute autre source susceptible d’améliorer notre capital documentaire. »

    Le contraste du mode de vie des « Malgaches » (*) reconnu par Hamlat est déjà significatif de la différence d’état d’esprit entre les moudjahidines de l’intérieur et les « planqués » de l’extérieur. « Ces lycéens et étudiants vivaient, au Maroc, dans des conditions de vie parfaitement pacifiques et heureuses. Des conditions qui étaient tout à fait déséquilibrées, cependant, par rapport à celles de leur peuple et de leurs frères étudiants qui mourraient en Algérie. »

    Le colonel Hamlat cite quelques noms connus de cette fameuse promotion des Marocains du MALG : Hadjadj Malika, Miri Rachida, Hamid Ghozali, Abdessmed Chellali, Berri Mustapha, Mohamed Semache, Kerzabi Smail, Abdallah Khalef (Kasdi Merbah), Abdelkader Khalef (Kamal), Mustapha Khalef (Kamel), Ali Tounsi (Ghaouti), Ahmed Zerhouni (Ferhat), Hadj Azzout (Nacer), Mohamed Laâla (Kaddour), Chérif Belkacem (Djamel), Abdelaziz Maoui (Sadek), Noureddine Delleci (Rachid), Abdelhamid Temmar (Abdenour), Abdallah Arbaoui (Nehru), Hassen Bendjelti (Abderazak), Ahmed Bennai (Hassan), Sid-Ahmed Osman (R’zine), Abderrahim Settouti (Bouzid), Khelladi Mohamed (Tahar), Boualem Bessaïeh (Lamine), Mohamed Morsly (Abdelaziz).

    Hamlat cite aussi les noms de deux riches familles marocaines qui ont offert leurs maisons et leurs fermes pour abriter les stages du Malg. Il s’agit des familles Benyekhlef et Bouabdallah. L’un des fils Bouabdallah est actuellement le PDG d’Air Algérie.

    Le colonel Hamlat raconte l’engouement des jeunes Marocains ou soi-disant « Algériens de longue date » qui ont rejoint les cellules du FLN disséminées à travers le Maroc. En fait, la plupart d’entre eux militaient déjà dans les cellules lycéennes du Parti nationaliste marocain de l’Istiqlal de Allel El Fassi. Bouteflika était même responsable de la cellule de son lycée à Oujda. Leur transfert naturel dans les rangs du FLN a été facilité par l’esprit révolutionnaire maghrébin, l’idéal du réveil musulman contre le joug colonial et l’ambition de libérer la riche Algérie dont les colons avaient fait un eldorado. Il faut rappeler que cet engouement nationaliste en faveur de la guerre de libération existait aussi à travers tout le monde arabe. Au Liban, Irak, Syrie, Egypte, etc., des jeunes manifestaient dans les rues et voulaient s’enrôler dans les rangs de l’ALN. Ce phénomène existe encore de nos jours chez les jeunes musulmans qui se sont engagés en Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Irak, etc. Il est connu que de nombreux Européens et Arabes ont combattu aux côtés des moudjahidines de l’ALN et du FLN. Ils n’en ont pas pour autant dissimulé leur origine, comme l’ont fait en masse les Marocains recrutés par Boussouf dans l’objectif de prendre le pouvoir.



    Qui était vraiment Abdelhafid Boussouf ?

    En lisant l’interview, on ne peut s’empêcher de remarquer que M. C. Mesbah déroule « sous les paroles » du colonel Ali Hamlat toute une démonstration savante comme si Boussouf réfléchissait déjà en 1955 comme un stratège d’aujourd’hui qui avait tout prévu. La conception stratégique et futuriste de l’opération de formation, le professionnalisme de son organisation et son déroulement, « l’intuition psychologique » de Boussouf, la « profusion de moyens dont il a pu disposer au Maroc »... prêtent aujourd’hui à sourire.

    D’où donc Boussouf tenait-il ce professionnalisme et cette redoutable efficacité ? On est encore très étonné de ses choix très judicieux de collaborateurs professionnels, tous DAF, comme le « technocrate » Laroussi Khalifa, l’officier de transmission Omar Tellidji et le baroudeur Abdallah Arbaoui. Etait-il donc un « prophète » ou un génie de la formation et de l’organisation militaire ? Ou plutôt a-t-il été lui-même formé, encadré et coaché et par qui ? Pourquoi Boussouf a-t-il recruté ses stagiaires et agents uniquement au Maroc et n’a-t-il pas fait venir des volontaires de toutes les régions d’Algérie ? Voilà les vraies questions que devrait poser aux autres et se poser à lui-même Chafik Mesbah dans le flot de sa phraséologie débridée.

    Cinquante ans et plusieurs assassinats et règlements de comptes après l’indépendance, il y en a assez de cette insupportable suffisance qui consiste pour les Malgaches à faire passer Boussouf pour un génie supérieur aussi bien à toute la génération militante qui a généré le 1er novembre, qu’à toute l’intelligentsia militaire française qui sortait d’une capitalisation militaire de plusieurs guerres.

    Sans oublier que les leaders de la guerre de libération tombaient comme des mouches sur dénonciation ou dans des embuscades ou sur des repérages de leurs appareils de transmission fournis par la logistique de Boussouf... quand ils n’étaient pas appelés au Maroc pour y être assassinés comme le regretté Abane Ramdane. Sans compter l’énigmatique détournement d’avion qui a neutralisé cinq dirigeants historiques de la révolution qui, à part Mostefa Lacheraf, ont connu des destins très douloureux dès leur libération. Tout cela dans une étonnante impunité, ou plutôt une tolérante protection dans un Maroc sous protectorat français.

    Les nombreux et illustres historiens français de la guerre d’Algérie n’ont pas abordé ces questions qui fâchent. Il appartient toujours aux historiens algériens de fouiller un peu mieux les méandres de notre histoire de libération... si on les laisse faire.



    La Sécurité militaire sous contrôle des Marocains du Malg

    Pendant que les valeureux moudjahidines tombaient au champ d’honneur dans les maquis algériens, les « Marocains du Malg » se formaient et s’entraînaient avec « l’armée des frontières ».

    Dès la proclamation de l’indépendance le 5 juillet 1962, le clan d’Oujda fomente son premier coup d’Etat en destituant violemment le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) basé à Tunis et impose un authentique Marocain à la tête de l’Etat. Ahmed ben Mahjoub ben Embarek dit Ben Bella est un marrakchi de père et de mère. Sa biographie officielle le fait naître à Maghnia, mais le culte du mensonge du pouvoir algérien est tel qu’il est permis d’en douter. Il a longtemps caché sa marocanité comme une tare avant de l’avouer publiquement. Une des impostures les plus cocasses des gouvernants algériens est à mettre à son actif. Lors de la guerre des sables de 1963 lancée par Hassan II, il s’était écrié : « Hagrouna el marrakchia ! »

    Mais durant le court épisode Ben Bella, qui fut destitué par le coup d’Etat du 19 juin 1965, et à l’ombre de Boumediene qui était ministre de la Défense, les Marocains du Malg ont pris toutes les commandes de la Direction de la Sécurité militaire en la structurant. Le directeur de la SM, Kasdi Merbah, assassiné en 1993, a été présenté jusqu’à aujourd’hui comme un Kabyle né à Beni Yenni et ayant vécu au Maroc. C’est un mensonge d’Etat. De son vrai nom, Abdallah Khalef, c’est un authentique Marocain dont la famille est originaire et vit encore à Sidi Kacem. Il a étudié à Fès où il a connu ses futurs compagnons du Malg. Il a dirigé la SM depuis sa création en 1963 jusqu’à 1979.

    Son 1er adjoint, le colonel Nourredine Zerhouni dit Yazid est également un authentique Marocain, ainsi que son frère Ferhat, également haut responsable à la SM. S’il y a bien une famille qui ne peut nier son origine marocaine, c’est la famille Zerhouni dont le nom vient du djebel Zerhoun accolé à la ville Moulay Idriss Zerhoun, située à 25 km de Meknès, devenue ville sainte depuis qu’elle abrite le sanctuaire du fondateur de la dynastie Idrisside, Idrîs Ier.

    Malgré l’évidence de son origine, Nourredine Zerhouni continue de mentir comme il respire. Dans un récent article biographique édulcoré et narcissique sur son parcours où il se vante d’avoir enrôlé en 1962 le sous-lieutenant d’artillerie Mohamed Mediene futur général Toufik, il décrit « une enfance tunisienne (il est né en 1937 à Tunis) et une adolescence marocaine (dans la région de Fès) ». (2) Le journaliste d’origine marocaine comme son nom l’indique, Chérif Ouazani, a oublié que dans un précédent article laudateur, il avait écrit dix ans plus tôt avec un certain Mohamed Sifaoui que « Zerhouni était né en 1938 au Maroc ». (3)

    Zerhouni, bras droit de Kasdi Merbah, l’avait aidé à structurer la SM, dirigé la Direction du Renseignement extérieur (DRE), géré le contre-espionnage et créé le Service Action commandé par le sinistre Abdallah Benhamza. Ce tortionnaire, qui avait fait des aveux à la presse par la suite, était chargé de réprimer durement les opposants communistes et berbéristes. Kasdi Merbah, les frères Zerhouni, Ali Tounsi et tous les Marocains formés par Boussouf et structurés dans la SM ont semé la terreur au sein de la population. Après l’éviction de Merbah, Zerhouni prend la tête de la SM de 1979 à 1982. A la suite de quoi, il fut nommé ambassadeur à Mexico puis Washington avant de prendre sa retraite en 1989.

    Après l’élection de Bouteflika en 1999, Zerhouni le rejoignit à la présidence avec l’ambition de devenir ministre de la Défense. Face au refus catégorique des généraux d’avoir leur ancien patron comme chef, il s’octroya le ministère de l’Intérieur. Cela fait maintenant dix ans qu’il sème de nouveau la terreur dans toute l’Algérie et en particulier en Kabylie, région qu’il déteste particulièrement. Il est secondé pour cela par son compatriote le Marocain Dahou Ould Kablia, né en 1933 à Tanger, qui est actuellement ministre des Collectivités locales. Il est aussi le président de l’association des anciens du Malg et s’est révélé être un lamentable négationniste qui s’est permis récemment de nier l’aide arabe en la qualifiant de mythe.

    Zerhouni peut compter également sur son ami d’enfance, Ali Tounsi, originaire lui aussi de la région Fès-Meknès, et qu’il a trouvé installé à la tête de la DGSN depuis 1995. Auparavant, le colonel Ali Tounsi faisait partie de l’équipe dirigeante des Marocains de la SM en qualité de responsable de la sécurité de l’armée, avant d’être radié des effectifs pour délit d’homosexualité.

    Afin que les policiers de base ne sachent rien du passé de leur chef, le site de la DGSN ne mentionne absolument rien sur la biographie d’Ali Tounsi.

    Le culte du secret qui couvre le passé et le présent de la carrière des dirigeants militaires n’a pas permis aux journalistes ni aux historiens de déceler leur véritable origine. Eux savent tout sur tous les Algériens et les Algériens ne savent rien sur eux. Plusieurs générations d’officiers de la SM ont fait des enquêtes d’habilitation sur les cadres de la nation sans se rendre compte que leurs propres chefs n’étaient pas Algériens.

    On citera à titre d’exemple le cas du général Salim Benabdallah dit Slim, « né en 1938 à l’Ouest ». De la même génération que Zerhouni, il a occupé des fonctions stratégiques en qualité de directeur des Relations extérieures au MDN de 1990 à 1996. Cette structure du renseignement coiffe l’ensemble des attachés militaires affectés dans les ambassades algériennes. En 1999, Bouteflika lui confie la direction du protocole en voulant faire de lui le maître de la sécurité à la présidence en coiffant la direction de la sécurité et la protection présidentielle (DSPP). Le DRS l’en a empêché en maintenant à la présidence un autre « Marocain du Malg », le général Hassan Bendjelti dit Abderrezak, dont le « mensonge officiel » fait croire qu’il est le seul officier supérieur originaire du Sud, en raison de son bronzage prononcé.

    On finira ce tableau par le plus illustre des Marocains, le président de la République Abdelaziz Bouteflika, né à Oujda en 1937. Ancien ministre des Affaires étrangères de 1963 à 1979, il a toujours menti sur ses origines marocaines. La biographie officielle le faisait naître à Tlemcen, notamment dans le document distribué aux membres de l’ONU, lorsqu’il fut élu président de l’Assemblée générale en 1974. Ce n’est que récemment que l’imposture a été dévoilée sur sa naissance et sa vie à Oujda où vit encore une partie de sa famille. Le mensonge public continue à faire croire que son père serait originaire de Tlemcen ou d’Aïn-Temouchent.

    L’aura de l’immense chef d’Etat charismatique et populaire qu’était Houari Boumediene a ravalé toute cette faune d’espions et de diplomates au rang de fourmis travailleuses à son service et au service du pays. Son sens inné des équilibres du pouvoir et son nationalisme farouche a longtemps camouflé les réelles origines de son entourage sécuritaire et diplomatique passé maître dans l’art du mensonge et de la mystification. Après son décès en 1978 (par empoisonnement selon certaines révélations), les Marocains du Malg ont connu des flottements dans l’ombre du président Chadli Bendjedid, avant d’occuper en force le devant de la scène depuis l’élection de Bouteflika en 1999.



    L’affaire des « magistrats faussaires »

    Le système de cooptation des nominations en Algérie a introduit de nombreux Marocains dans les rouages stratégiques de l’Etat. Un des plus célèbres est l’actuel directeur de cabinet de la présidence Moulay Mohamed Guendil El Meknessi qui n’aurait acquis la nationalité algérienne qu’en 1972. Avant d’être nommé à de si hautes responsabilités par Bouteflika, il a longtemps été la cheville ouvrière du ministère de l’Intérieur dont il a grimpé tous les échelons (chef de daïra, wali, chef de cabinet, directeur, secrétaire général).

    Les « moins menteurs » de ces très hauts fonctionnaires d’origine marocaine font situer leur lieu de naissance à Tlemcen. Comme Tlemcen est une « sœur de Fès » dont les relations remontent à plusieurs siècles, avec des « mariages mixtes » entre les deux villes, la marocanité des tlemcéniens est une évidence historique et géographique que seul le tracé frontalier colonial a pu brouiller virtuellement.

    Deux Algériens courageux ont essayé de lever une partie du voile de cette imposture historique imposée au peuple algérien : Benyoucef Mellouk et Abderrahmane Mahmoudi.

    Mellouk est une sorte de Don Quichotte algérien qui a révélé à ses supérieurs l’affaire des « magistrats faussaires » dès 1986. Alors qu’il était chef du service contentieux au ministère de la Justice, il a découvert des anomalies dans le passé et la carrière de certains magistrats originaires du Maroc et en a déduit que les diplômes et attestations d’anciens moudjahidines figurant dans leurs dossiers étaient faux. Il détient toujours 132 dossiers et une liste de 328 noms d’imposteurs qu’aucun responsable algérien ne veut voir. Il a été jeté deux fois en prison.

    Abderrahmane Mahmoudi a quant à lui été le seul journaliste courageux qui a écouté Mellouk et rendu publique cette affaire en 1992, une très mauvaise année malheureusement. Mahmoudi fut d’abord jeté quelques mois en prison en même temps que Mellouk, puis placé sous contrôle judiciaire durant plusieurs années. Il fut contraint de fermer son journal, l’hebdo Libéré, après l’attaque d’un « commando terroriste » qui a mitraillé trois de ses employés dont son frère.

    Mahmoudi est décédé en février 2007 des suites d’un cancer foudroyant. Quant à Mellouk, il continue à vivre une insupportable pression psychologique en prêchant dans le désert de la presse algérienne et en frappant à des portes qui ne s’ouvrent jamais, surtout celle de la présidence.



    La double trahison des Marocains du Malg

    On comprend mieux maintenant l’impuissance et l’illégitimité de Bouteflika, Zerhouni, des ministres marocains et même des « Marocains du Malg » face à l’omnipotence de l’appareil du DRS. L’importation des réflexes makhzéniens et d’allégeance ont construit autour de la SM un système qui s’est auto-bloqué. (4) Seul un séisme de forte intensité dans une faille du système peut débloquer les faux rapports de force qui s’annulent. Cette faille s’appelle aujourd’hui le général Toufik qui a jeté le déshonneur et l’opprobe sur toute l’armée avec toutes les exactions ignobles qu’il a commises depuis dix-huit ans. Tout le monde attend qu’il démissionne ou qu’il se suicide après la révélation de l’énorme scandale de l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine, comme tout soldat qui doit assumer seul l’infamie de ses actes.



    Cinquante ans après l’indépendance, on peut mesurer aujourd’hui les dégâts de la double trahison des Marocains du Malg à l’égard de leurs deux pays. Ils ont érigé un mur d’incompréhension et de camouflage entre les Algériens et les Marocains, deux facettes d’un même peuple. A tel point qu’il y a quelques malheureux Kabyles qui se croient encore seuls au monde au fond de leur puits et ignore que le Maroc est peuplé d’authentiques berbères. Au lieu de revendiquer une illusoire « autonomie de la Kabylie », ils seraient plus inspirés d’aller rendre visite à leurs frères jumeaux du Maroc et de militer pour une « Union du Maghreb berbère ». Le mensonge, l’imposture et le maintien dans l’ignorance du peuple algérien est un crime de haute trahison.

    Mais la plus grave trahison qu’ont commis ces Marocains qui gouvernent en Algérie s’est faite et continue à se faire envers leur propre pays. Il ont d’abord commis le double crime des diasporas de 1975. Le soutien militaire et logistique au front Polisario a provoqué un exode massif de Sahraouis vers Tindouf. A ce jour, près de 160 000 Sahraouis sont dispersés dans six camps de toile distants les uns des autres de plusieurs kilomètres en plein désert. Des Sahraouis naissent et grandissent dans ces camps et sont abrutis par la chaleur aride et une propagande d’un autre âge. Cela fait plus de trente ans que ça dure sans aucun espoir de solution. Et cela fait aussi plus de trente ans que le Polisario est toujours dirigé par le marrakchi Mohamed Abdelaziz, considéré par les Marocains comme un imposteur et un renégat.

    L’autre crime a été la déportation violente en 1975 de 40 000 familles marocaines (300 000 à 350 000 personnes) qui vivaient en Algérie et ont été expropriées de leurs biens. En référence à la Shoa juive, les Marocains déportés appellent ce crime la Chouha de 1975, ce qui veut dire grande honte en dialecte marocain.

    Enfin, une des hautes trahisons des Marocains au pouvoir à Alger est cette fermeture de la frontière terrestre depuis août 1994, qu’ils refusent toujours d’ouvrir malgré les demandes insistantes de leurs frères du Maroc.

    Le fils du général de Gaulle a rapporté dans son dernier livre Mon père de Gaulle, une confidence lourde de sens faite par son père : « Nous avons laissé 140 000 Harkis infiltrés dans les rangs de l’ALN ». Etait-ce au nez et à la barbe du « génie » Boussouf et de ses « Marocains du Malg ».

    par Saâd Lounès
    www.saadlounes.com



    (1) Consulter l’interview du colonel Ali Hamlat sur les liens ci-dessous :

    http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/06/23/article.php?sid=69939&cid=2

    http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/06/24/article.php?sid=69987&cid=2

    (2)  Jeune Afrique du 15/06/2008



    http://www.jeuneafrique.com/partenariat/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN15068zerhostnorf0?=23

    (3)  Jeune Afrique du 17/08/1999

    http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN17086leshoakilfe0

    (4)  « Le Makhzen du DRS condamne l’Algérie à la décadence »

    http://www.tahiabladi.com/index.php/1541/le-makhzen-du-drs-condamne-lalgerie-a-la-decadence/

    (*) Le Malg était le ministère de l’Armement et des Liaisons générales créé et dirigé par Abdelhafid Boussouf. Le mot « malgache »  désigne les agents membres de ce ministère.

  • no moment, please!!!!!!!!

  • Épidémie d’homonymes !




    Par Hakim Laâlam 
    Email : laalamh@yahoo.fr

    Les premiers tests en laboratoire sur la viande indienne sont rassurants.
    Tous les…


    …laborantins sont en vie !

    Ainsi donc, et selon un communiqué officiel de la justice officielle, le fils du garde officiel des sceaux n’a rien à voir avec des affaires pendantes auprès de certaines cours de justice du pays. Et le communiqué, encore plus officiel dans cette partie-là précisément, dans ce paragraphe nous révèle que la confusion est née d’une homonymie. Il existerait un autre jeune homme portant le même nom que le fils officiel du ministre de la justice officielle. En dehors du côté officiel de la chose, je note que l’Algérie présente depuis peu une particularité très particulière. Elle est touchée de plein fouet par une épidémie foudroyante d’homonymie chronique. Déjà, l’on se rappelle que l’un de nos diplomates officiels avait été inquiété injustement par une autre justice officielle, sinon encore plus officielle que la nôtre (n’est-ce pas juge Courroye ?), la justice française, et que là aussi, nos autorités avaient officiellement expliqué que leur diplomate officiel était blanc comme neige, et qu’il était victime officielle d’une malheureuse homonymie. J’avoue que ce phénomène m’interpelle. Pas officiellement bien sûr, mais il m’interpelle tout de même. S’il ne s’était agi que d’exemples épars, de cas isolés, je n’y aurais pas prêté une attention particulière. Mais là, il me semble que le phénomène d’homonymie gagne du terrain et a pris une ampleur gigantesque. Depuis peu d’ailleurs, et après avoir été «contacté» par un groupe d’internautes algériens pas du tout officiel, je vais à leurs réunions virtuelles et nous discutons de ces phénomènes paranormaux qui frappent le pays. Eux, documents à l’appui, ont fini par me convaincre d’un truc terrible. Tellement terrible que je ne peux le garder pour moi. Voilà : en vérité, les derniers chiffres donnés par l’ONS, l’office très officiel des statistiques, est faux ! Nous ne sommes pas 35 millions d’Algériennes et d’Algériens. Non ! Notre population est de 70 millions d’âmes. Le double exactement du chiffre donné officiellement. Et alors ? Qu’est-ce qui est aussi terrible dans cette affaire ? J’y viens ! En fait, chacun de nous aurait un double, un homonyme parfait dont il ignore même l’existence. Le diplomate et le fils du ministre de la justice officielle viennent de découvrir leurs doubles. Viendra notre tour. Un jour ou l’autre, au détour officiel d’une rencontre anodine, d’un fait divers ou d’une banale collision entre votre voiture et celle d’un autre conducteur, au moment de faire le constat d’usage, peut-être tomberez-vous sur votre parfait homonyme. Brrr ! Et je ne vous dis même pas les problèmes qui vous attendent après. Avec votre assurance ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
    H. L.

  • Affaire de drogue : Le fils du ministre de la Justice sous contrôle judiciaire

     

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    Ce qui n’était qu’une folle rumeur, qui a fait le tour de l’Oranie, a fini par se confirmer. Le fils du ministre de la Justice a été inculpé et placé sous contrôle judiciaire, apprend-on de sources proches du dossier. Il aurait été cité par un trafiquant de drogue, arrêté dans l’Oranie par les services de sécurité. Selon nos sources, le mis en cause aurait révélé que l’argent de la drogue transitait par le compte du fils du ministre de la Justice, avant d’être blanchi dans des opérations d’achat de biens immobiliers, fonciers et autres. Des révélations qui seraient à l’origine d’une vérification des comptes personnels du fils du ministre et qui contenaient des sommes extrêmement importantes. Des fonds dont le propriétaire aurait été incapable de justifier la provenance. La découverte a fait l’effet d’une bombe dans le milieu judiciaire vu le statut du mis en cause, qui a été inculpé pour, entre autres, trafic de drogue et blanchiment d’argent.

    L’information s’est répandue comme une traînée de poudre dans les milieux de la justice et a suscité les plus folles rumeurs sur des liens supposés que pourrait avoir le dossier avec le père du mis en cause. Néanmoins, ce dernier aurait, selon nos sources, « donné le feu vert aux magistrats chargés de ce dossier pour aller très loin dans leurs investigations ».

    Au stade actuel de l’enquête, aucune information officielle n’a été donnée et tout semble avoir été mis en place pour maintenir le black-out sur ce « dossier brûlant » qui vient d’éclabousser le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz. Celui même qui avait été cité par Abdelmoumen Khalifa, comme étant une des personnalités qui aurait profité de ses largesses, alors qu’il était ministre chargé de la Solidarité. En effet, dans un entretien accordé à un journal étranger, paru alors que le procès relatif au détournement de fonds de la caisse principale d’El Khalifa Bank se tenait au tribunal criminel de Blida, début mars 2007, plus d’une quarantaine d’accusés ont été jugés et condamnés à des peines de prison allant de 2 à 15 ans, alors que la dizaine d’accusés absents, dont Abdelmoumen Khalifa et Abdenour Kerramane, avaient écopé de peines à perpétuité. Le nouveau dossier impliquant le fils du ministre vient encore une fois mettre ce dernier dans une situation très délicate. Saura-t-il s’en sortir sans fracas ? Une question qui reste posée tant que l’affaire est encore au stade de l’instruction.

    Par Salima Tlemçani ( EW

  • ambassadeur francais répond .........

     

  • Mise sous contrôle judiciaire du fils du ministre de la Justice : Le démenti du parquet d’Oran

     


    Surpris par les allégations contenues dans l’article susmentionné, le procureur général près la cour d’Oran dément formellement toute implication ou poursuite judiciaire à l’encontre du fils du ministre de la Justice.



    A ce titre, il y a lieu de confirmer qu’en aucun cas le nom du fils du ministre de la Justice, cité dans votre article, n’a fait objet ni de près ni de loin d’une implication ou de poursuite judiciaire. Il s’agit, en effet, dans le cas d’espèce d’un homonyme, du nommé Belaïz D. né le 8 mars 1971 à Bab El Assa - Tlemcen, poursuivi et détenu depuis le 1er septembre 2009 pour des infractions liées au trafic de drogue. L’affaire a été traitée par le tribunal d’El Amria et revendiquée par le procureur général près la cour d’Oran, conformément aux dispositions du code de procédure pénale où l’affaire est traitée par le pôle spécialisé d’Oran. (Renvoi devant le tribunal criminel le 4 mai 2010).

    Le procureur général près la cour d’Oran

     

  • Maroc : Répression des Manifestants de Taghjijt et condamnation d’un blogueur

    Le recul de la liberté d’expression au Maroc est de plus en plus inquiétant. Un retour en arrière marqué par une série de condamnations à l’encontre des journalistes, blogueurs et défenseurs des droits humains. En effet, le tribunal de première instance de Guelmime, a condamné, le 15 décembre 2009, le blogueur El Bachir Hazzam à quatre mois de prison ferme et Abdellah Boukfou,  propriétaire d’un cybercafé, à un an de prison ferme. Trois manifestants ont également été condamnés à six mois de prison pour "usage de la violence", "trouble à l’ordre public" et "insultes à fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions". Les trois étudiants  doivent payer une amende de 500 dirhams chacun. Ils ont été immédiatement incarcérés. El Bachir Hazzam a été arrêté, le 7 décembre 2009, trois jours après avoir publié sur son blog un communiqué diffusé par des étudiants dénonçant l’intervention musclée des forces de l’ordre pour réprimer leur manifestation du 1er décembre à Taghjijte, à 200 km au sud d’Agadir. Le blogueur a été condamné pour « diffusion de fausses informations portant atteinte à l’image du royaume concernant les droits humains ». Quant à Abdullah Boukfou, il a été arrêté dans son cybercafé le 4 décembre. Les autorités auraient retrouvé sur son flash disk des communiqués de l’organisation amazigh Al Haraka. Il a été condamné pour avoir diffusé des informations relatives aux manifestations et pour « possession de publications incitant à la haine raciale ». Le 1er décembre 2009, des manifestations pour des  revendications sociales organisées par des étudiants ont éclaté à Taghjijt  dans la province de Guelmime. Trois étudiants ont  alors été arrêtés par les autorités sous les ordres du Caïd, provoquant ainsi un rassemblement plus large de soutien aux interpellés, réprimé violemment par les forces de l’ordre. Les autorités ont dépêché de nouveaux renforts et instauré un couvre-feu. Reporter sans frontières et le groupe du travail sur la liberté d’expression en Afrique du Nord (WGFENA) ont condamné avec fermeté cette campagne de harcèlement visant à réduire au silence les blogueurs qui osent couvrir et dénoncer les violations commises par les forces de sécurité et les autorités administratives.

    A. Haizer

  • Le Maroc cède, Aminatou rentre à Laâyoun

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    Un peu plus d'un mois après avoir entamé une grève de la faim et un véritable bras de fer avec les autorités marocaines, la militante sahraouie Aminatou Haidar est revenue dans la nuit de jeudi à vendredi à Laâyoune (Sahara occidental) dans un avion en provenance des Canaries (Espagne).

    L'avion médicalisé dans lequel elle avait embarqué s'est posé à Laâyoune vendredi vers 00H15 locales (et GMT). Il avait quitté Lanzarote deux heures plus tôt.Selon une source policière, Mme Haidar a accompli normalement les formalités d'entrée à l'aéroport en marquant sur la fiche d'arrivée qu'elle "arrivait au Maroc". Elle est ensuite partie dans une voiture conduite par son oncle maternel, cheikh Mohamed Boussoula.Agée de 42 ans et mère de deux enfants, Aminatou Haidar observait une grève de la faim depuis plus d'un mois pour forcer le Maroc à l'autoriser à rentrer chez elle à Laâyoune. Elle avait été hospitalisée dans la nuit de mercredi à jeudi à la suite de violentes nausées et de douleurs abdominales.

    Au retour d'un séjour aux Etats-Unis, où elle avait reçu un prix en faveur des droits de l'Homme, elle avait été refoulée le 14 novembre de Lâayoune, les autorités marocaines lui reprochant de n'avoir pas voulu accomplir les formalités nécessaires. Elle les accusait en retour de lui avoir retiré son passeport marocain.Cette affaire a donné lieu à un ping-pong diplomatique entre Madrid et Rabat, Paris intervenant finalement pour, semble-t-il, débloquer une situation qui paraissait sans issue.

    Dans un communiqué publié jeudi soir, l'Elysée a en effet annoncé que le président français Nicolas Sarkozy avait demandé au Maroc de remettre un passeport à Mme Haidar.M. Sarkozy a effectué cette démarche le 15 décembre en recevant à Paris le ministre marocain des Affaires étrangères Taïeb Fassi Fihri et en exprimant "le voeu que le royaume du Maroc puisse, dans sa tradition d'ouverture et de générosité, faire remettre à Mme Aminatou Haidar son passeport marocain à son arrivée sur le territoire du royaume", selon le texte."Comme suite à cet entretien", le roi "Mohammed VI a informé le président Sarkozy, par message, le 17 décembre 2009, de l'accord de l'Etat marocain. Dans ces conditions, Madame Aminatou Haidar peut regagner le Maroc", ajoute le communiqué.Vendredi, le ministère marocain des Affaires étrangères a confirmé que le Maroc avait accédé à la demande de "pays amis et partenaires" en faveur d'un retour d'Aminatou Haidar à Laâyoune, mais qu'il restait ferme sur "le respect total de la loi marocaine, par tous, sans exception et sur l'intégralité du territoire national".

    Deux tentatives de la militante sahraouie de rentrer à Lâayoune, les 4 et 5 décembre, avaient échoué, les autorités marocaines refusant l'atterrissage de l'avion à bord duquel elle se trouvait. "C'est un triomphe du droit international, des droits de l'Homme, de la justice internationale et de la cause sahraouie", avait déclaré à la presse la militante pro-Polisario en sortant de l'hôpital. Si les autorités marocaines s'opposaient une nouvelle fois à son retour au Sahara occidental, elle "resterai(t) à bord de l'avion et continuerai(t) (sa) grève de la faim", avait-elle ajouté.

    AFP

  • Mauvaise polémique autour de Said Sadi

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    Une triste et lamentable polémique enfle autour du chef du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Said Sadi. Son précurseur : l'ancien secrétaire général de l'Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC), Lakhdar Ben Said (photo). Invité au Forum du quotidien arabophone El Bilad, le sieur Ben Said lâche une accusation lourde et haineuse : « Said Sadi n'est pas apte à écrire un livre sur l'histoire de la révolution algérienne (…)  Il aurait du publier le CV de son père pour permettre aux Algériens de le connaitre…. Nous avons des témoignages qui attestent que durant la guerre de libération, le père de Said Sadi n'hésitait pas à voiler le visage pour dénoncer les moudjahidine et les militants de la cause nationale. »

    Ben Said, qui n’ignore pas que ce genre d’argument pervers – en quoi le fils serait-il comptable des agissements de son père ? - produit toujours le trouble et que d’une médisance restera toujours quelque chose dans les esprits, n’en dit pas plus sur ces « témoignages ». Il laisse le ragot faire son effet, selon une technique qu’il n’est, hélas, pas le seul à expérimenter. N’est ce pas…

    Comme de juste, la rumeur publique s’est emparé de la dite « information », des sites l’ont relayée et un malaise s’est installé, conforté par l’absence de réaction de la part de Said Sadi.

    Lakhdar Bensaid n’en est pas à son premier « coup » dans le genre. Ce membre-fondateur de la Coordination des enfants de chouhada, qui anime actuellement une association qui fait de la lutte contre le colonialisme son credo, s’était déjà distingué en 2009 en traitant Abdelaziz Belkhadem, dans un entretien accordé à l‘hebdomadaire arabophone «El Khabar El Ousboui», de      « représentant de Hizb Franca (le parti de la France) en Algérie ». accusation qui lui valut un retentissant procès. « Abdelzaziz Belkhadem ne peut rien dire sur le sujet, il avait lui-même un frère qui a été vu en uniforme français avec les soldats français pendant la guerre de Libration, nous avons les preuves… », avait-il affirmé devant la presse.

    Auparavant, il avait accusé Abdelaziz si Affif, député FLN et président de la commission parlementaire des affaires étrangères, ainsi que Ayachi Daadoua, président du groupe parlementaire FLN, d’être des fils de harki.

    Lakhdar Bensaid est également parti en guerre contre les « faux moudjahidine », avec des déclarations fracassantes. «  D’abord, le congrès de Tripoli en juin 1962 annonçait l’existence de 75 000 moudjahidine, puis le congrès du FLN en 1964 fixait le même nombre, et aujourd’hui, on nous annonce l’existence de 600 000 anciens combattants ! Faites vos calculs : on peut dire qu’il ya 525 000 faux moudjahidine (600 000 moins 75 000). D’où viennent-ils ? Sur les 525 000 faux moudjahidine, il y avait ceux qui collaboraient avec les Français, 110 000 environ entre policiers, agents de sécurité, administratifs, etc. Six mois après l’Indépendance, ces 111 000 traîtres ont reçu la carte de moudjahidine. Ils reçoivent désormais leurs pensions de retraite du ministère des Moudjahidines et également du ministère français des Anciens combattants. »

    Avant Said Sadi, le sieur Bensaid avait fait une sortie remarquée contre Chakib Khelil et Temmar. « Prenez l’exemple d’un ministre algérien qui a la nationalité américaine. Quand il acquiert la nationalité américaine, il doit jurer de défendre sa Constitution et l’Amérique où qu’il soit. Est-ce compatible avec une personne qui aurait en même temps la nationalité algérienne ? Je vous laisse y réfléchir. C’est une honte ! »

    En 2001, Bensaïd avait décidé de retirer sa confiance à Bouteflika après avoir pourtant fait campagne pour lui durant les élections présidentielles. La cause : le président n'a tenu aucune de ses promesses.  Dans un entretien au Matin, il avait développé ses arguments de façon spectaculaire : « Nous regrettons de l'avoir aidé. Je croyais sincèrement à ces promesses. Il est temps pour lui de faire un bilan et de constater qu'il n'a rien fait, qu'il admette qu'il a échoué. »

    A propos de la crise en Kabylie, il avait fustigé Bouteflika : « Il porte entièrement la responsabilité de ce qui se passe en Kabylie où nous comptons de très nombreux adhérents. Etait-il si difficile de gérer la mort de Massinissa ? Ne pouvait-il pas se rendre sur place, assister aux funérailles pour calmer les esprits et agir en présentant ce gendarme à la justice ? Non, ils ont laissé la situation pourrir, et à présent, ils manoeuvrent en créant de faux aârouch. N'ont-ils pas compris que l'heure est grave ? Mais Bouteflika est entouré par des individus qui travaillent pour que cette situation empire (…), des personnes qui représentent l'échec de tous les régimes passés, tel Larbi Belkheir, l'homme qui tire les ficelles depuis de longues années dans le pays et qui ferait même partie des commanditaires de l'assassinat de Boudiaf. »

    « Je m'assume », avait martelé Bensaïd.

    Voilà Said Sadi averti.

    L.M.

  • Réconciliation, impunité et communication

    Par : Mustapha Hammouche

    Dix ans après le boulevard d’impunités ouvert par la “concorde civile” et élargi par la “réconciliation nationale”, l’islamisme fait ce qu’il peut encore pour tuer, terrifier et détrousser les Algériens. Mais la moindre retraite de terroriste est présentée comme le résultat de cette politique.
    Jeudi dernier, deux de ces assassins de vocation, au tableau de chasse élogieux, plastronnaient doctement à la une de mon journal sous prétexte d’un “appel à la raison” en direction de leurs frères restés aux maquis.
    Entre un attentat qui a fait quatre morts et neuf blessés à Tadmaït et un autre qui a occasionné autant de décès à Tébessa, ces deux assassins aux CV touffus prenaient une attitude doucereuse de samaritains devant les téléobjectifs officiels. À s’y méprendre, on pourrait croire que les deux tueurs, qui ont voué leur vie à la mort, sont du côté de la vie. Et pour les besoins de la cause, ils sont bardés de titres et gratifiés d’une biographie qui en fait d’anciens dirigeants et théoriciens du crime. Car plus le “repenti” a de références, plus son “repentir” est appréciable et significatif du triomphe d’une politique.
    La “réconciliation nationale” étant moralement et rationnellement indéfendable, elle s’est voulu incontournable par ses résultats. Or, c’est là que le bât blesse. Et souvent… tue. L’hémorragie n’a pas cessé et si l’on exclue les terroristes libérés de prison et les quelques “émirs” déposés par leurs compères, ce n’est pas le déferlement au portillon du pardon, pourtant gratuit.
    Faute de quantité, il faut donc nous vendre la qualité. Alors, ces sanguinaires, qui n’ont que leur bilan meurtrier à faire valoir, puisent dans leur sanglante carrière le droit à la médiatisation de leur perfide et théâtral repentir. Leur légitimité vient de leur sanglant bilan. Affublés de titres de “mufti” et d’“émir”, ils prennent des airs méditatifs. Leur brillante carrière dans la hiérarchie criminelle et leurs larmes de crocodile sont complaisamment médiatisées, bizarrement pas par la presse publique, mais par un “journalisme sécuritaire”, certainement convaincu de faire œuvre utile. Parce que nous pensons ne plus rien devoir à Djaout, à Mekbel et à Zinou, parce que nous n’avons plus de crédibilité à défendre, nous pouvons, avec cette légèreté qui caractérise désormais le journalisme national, tenter de faire passer un terroriste au long cours pour un soudain apôtre de la non-violence !
    Par cette forme de communication, les pouvoirs publics, de leur côté, tendent plus à justifier l’impunité de ces terroristes qu’à prouver l’efficacité de leur démarche. Car, enfin, pourquoi cet “émir” n’a-t-il pas convaincu ses ouailles quand il était au milieu d’elles ? Si les terroristes en activité prêtaient quelque attention aux conseils d’un “repenti”, pourquoi a-t-il attendu d’être à l’abri d’une résidence surveillée pour émettre ses “fetwas” ? Au demeurant, si ces requêtes de judas avaient quelques retombées “réconciliatrices”, on l’aurait su depuis le temps que Hattab et d’autres s’y exercent.
    La règle, quand on reconnaît son erreur, c’est d’admettre la sanction de la loi. Le chauffard le plus insouciant le sait. Mais dans le cas d’une impunité assurée, l’aveu n’est qu’une bravade de plus, de trop.
    Et du temps perdu pour la paix et la sécurité.

  • « Le Poète et le tyran », un poème de Ben Brik en prison

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    Taoufik Ben Brik, journaliste tunisien, arrêté pour une prétendue affaire d'agression, doit être jugé le 19 novembre. Depuis sa prison de Monarguia, à 30 km de Tunis, il a écrit ce poème.

    Monsieur le Juge,

    le prévenu a-t-il droit à une parole licite ?
    Comment, alors que vous m'interrompez
    exigeant un non ou un oui…
    Le droit, je vous le dis, votre Honneur,
    pour nous autres Arabes,
    qui sommes peuple amateur de préliminaires
    avant toute réponse !

    A présent, vous allez m'écouter…
    Le marché, la grand-place, le ventre de la ville
    grouillent de cette clameur :
    la justice, en mon pays, est inexistante ;
    la justice passa et s'en fut ;
    la justice a rejoint le Sein du Seigneur,
    qui fit que nul n'est pérenne,
    fut-il magnifique ou tyran.

    Ne vous souciez point de ces mots,
    les gens sont saisis de fièvre délirante
    et d'hallucinations.
    J'ai vu, quant à moi, de mes propres pupilles
    ce que la cécité des mécréants ne saurait distinguer,
    le fin mot de l'histoire :

    la justice n'est pas absente,
    c'est la cause qui est illusoire,
    ou l'accusation, si vous préférez, qui peine à exister
    condamnée qu'elle fut à la peine capitale.
    Nous sommes alors aujourd'hui jugés et condamnés
    en manque d'accusation.
    Comme l'amant est en manque de sa bien-aimée,
    Je me consume de désir pour une accusation savoureuse.

    Monsieur le juge vénérable
    scrutez bien avec moi ces fariboles
    exercez votre perçant jugement :
    L'on m'accuse d'avoir administré une torgnole
    à une dame innocente,
    de l'avoir gratifiée d'une ruade,
    d'avoir tiré sa chevelure de sirène,
    griffé ses joues de pomme rouge,
    brisé ses côtes de gazelle…
    Comment un poète peut-il commettre autant de fautes de goût ?

    Notre poète disait
    « nous aimons le pays comme nul ne l'aime »,
    je réponds en contrepoint
    « j'aime les femmes comme nul ne les aime ».

    A toutes les femmes de la terre et des cieux j'ai chanté :
    la foudre a tonné sur les contreforts du Kef,
    son écho a atteint les confins des terres de Abid,
    j'ai cru entendre là le tonnerre de Dieu,
    c'était en fait le rire de ma bien-aimée.

    A la policière travestie je voudrais dire :
    tu es la bien-aimée, tu es le poème,
    mais où se scèle donc la vérité ?
    Tu fus dure avec moi,
    sans répit ni nuance,
    j'aurais préféré que tu me taxes d'assassin
    ou de voleur de tout ce qui fut thésaurisé durant votre règne.
    Mais rosser une femme ? Que désastre !
    Où donc se scelle la vérité ?

    La vérité est que je me suis aventuré
    dans les recoins du palais du dragon,
    une promenade devenue cauchemar sans issue.
    La vérité est que c'est une affaire
    entre moi et Zaba le Grand,
    souverain du pays,
    une affaire qui concerne Hallaj, le poète et le tyran,
    Charlie Chaplin et le dictateur,
    Shéherazade et Shahryar…

    Dites à mon geôlier de ne pas se fâcher.
    Je ne suis, quant à moi, pas en colère,
    l'esprit en paix
    non pas parce qu'innocent,
    parce que coupable de l'avoir dépouillé
    de ses derniers masques et parures,
    de l'avoir laissé nu comme un nouveau-né
    en proie aux moqueurs et aux ricanants.

    Ceux qui ne sont point familiers du soleil
    sont atteints, à la lumière, de glaucome.
    Le soleil se lève, alors sauve-toi, vampire !
    Buveur de sang !
    Fuis ! Fuis ! Et fais ce qu'il te plaît.
    Mes paroles sont libres
    comme le souffle de la brise !
    Aucune geôle ni aucune cage
    ne peut retenir le fugitif qui te parle
    de derrière ces barreaux.

    Quand la récitation servile
    sera étouffée par la bonne nouvelle,
    le jour venu,
    tu seras humble et poli…
    Carthage, cette tombe lugubre où manque le cadavre…

    L'idiot fléchira pour faire place à l'étendard et à la bataille.
    Tu lâcheras la bride à la démesure
    et n'étouffera point le hennissement de ta monture
    Elle porte en sa croupe un combattant…

    Plaidoyer du détenu N°5707
    Bloc H, Aile 2, Cellule 2
    Prison civile de Mornaguia
    Taoufik Ben Brik

  • Tunisie: Six mois de prison fermes pour Benbrik ou comment Ben Ali harcèle l'opposition démocratique

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    Le journaliste tunisien dissident Taoufik Ben Brik a été condamné aujourd'hui à six mois de prison ferme, par la justice de Ben Ali, a annoncé son avocat Mokhtar Trifi. Hier Benbrik avait été privé de visite. Ni sa famille, ni ses avocats n'ont eu le droit de le rencontrer. Alors qu'ils protestaient devant l’entrée de la prison contre le refus des autorités, tous les détenus ont le droit de recevoir leurs familles et leurs avocats, ils ont été chassés par les forces de l'ordre.

    Mardi, les avocats d'un autre journaliste emprisonné, Zouhaïer Makhlouf, au cours de la seconde audience du procès, n’ont pour ainsi dire pas pu plaider. Et le juge a annoncé que le verdict serait rendu le 1er décembre.

    Comment Ben Ali harcèle les dissidents

    Lorsqu’elle se déplace à pieds, Sihem Bensedrine, a toujours une moto qui la suit. Quelques fois, le motard s’approche très prés et va même jusqu’à la bousculer avec son engin. C’est ce qui s’est passé lundi 23 novembre. Elle a part la suite été empêcher de rendre rentrer au journal El Tejdid, la police lui a barré l’accès. Même chose lorsqu’elle a voulu rendre visite à une autre militante, Sana Benachour.

    La surveillance autour des domiciles des journalistes, des avocats et de presque tous les militants est impressionnante. Des véhicules, des équipes qui se relaient 24h sur 24, des filatures, les écoutes, tout y passe. Même les grands criminels n’ont pas droit à autant d’attention et de moyens. Ces pressions n’ont pas seulement pour but de vérifier qui ces gens reçoivent. Leurs domiciles sont inaccessibles, presque des prisons. Seuls les proches parents sont autorisés à y pénétrer. Le domicile de Taouwfik Benbrik n’échappe pas à la règle. Non content de l’avoir jeté en prison, la police de Ben Ali, maintien une surveillance stricte. Personne ne peut rendre visite à son épouse. Le tout, bien entendu sans aucun motif officiel, ni surtout de décisions de justice. Ben Ali agit à sa guise en faisant fi des lois qu’il a lui-même écrites et promulguées.

    Du harcèlement à la persécution

    En empêchant les opposants de se rendre visite les uns les autres, non plus seulement sur les lieux de travail, mais maintenant à leurs domiciles, Ben Ali veut les empêcher de communiquer. Ce harcèlement concerne Lotfi Hadji, le correspondant d’Al Jazeera, Lotfi Sidouni, Omar Mestiri, Ziad Elhani, les avocats Raouf Ayadi et Mohamed Abou, la militante des droits des femmes Khedidja Cherif et bien d’autres. Tous le téléphones sont sur écoutes et aucun d’eux n’a accès à internet. Même lorsque l’on tente de les joindre de l’étranger les appels sont détournés et sonnent dans le vide pour les priver du soutien international et les empêcher de raconter ce qui se passe en Tunisie. Leurs mails, quand ils arrivent à leurs destinataires, sont lus par la police politique. Il n’est pas rare que leur contenu soit changé par les sbires de Ben Ali. On y troue des vulgarités, des insultes et des menaces. Bref le harcèlement est permanent et tourne à la persécution.

    Les capitales occidentales ne réagissent toujours pas. Prompt à donner des leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme partout sur la planète, la France de Sarkozy et de Kouchner, se mure dans un silence assourdissant face aux agissements du dictateur Ben Ali.

    Yahia Bounouar

  • Nouveau tour de vis contre les droits de l'homme en Tunisie : Sihem Bensedrine répond à Ben Ali

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    Le 19 mai dernier, le Conseil des ministres tunisien adoptait un projet de loi dite des « traitres », elle vise les activistes de droits humains et assimile leur travail de plaidoyer auprès de l’Union européenne à de l’espionnage. Une campagne de calomnies contre les défenseurs des droits de l'homme a accompagné cette loi. Un appel au lynchage est lancé par les thuriféraires du régime contre notamment Sihem Bensedrine en tant que dirigeante du CNLT et de Radio Kalima. Cette lettre constitue sa réponse à la campagne de dénigrement.

    Adresse au patron des services spéciaux et à son adjoint, le Ministre de la propaganda
    Votre acharnement nous honore

    La nouvelle de l'adoption du projet de loi qui sanctionne l'atteinte à la sécurité économique de la Tunisie m'a transportée de joie; Des illusions m'envahirent l’espace de courts instants: enfin, l'Etat tunisien va protéger l'économie de notre pays des rapaces qui l'ont mise à sac, sapant les chances des générations futures. Enfin, les autorités se sont décidées à mettre le holà à l'utilisation abusive du pouvoir à des fins d’enrichissement illicite des potentats et de leurs proches.
    Mais la campagne hystérique qui a tenu lieu d'exposé des motifs, m'a brutalement rappelée à la triste réalité. L'amendement proposé, s'est avéré destiné à réduire au silence les voix qui s'élèvent contre le pillage des biens publics et à protéger les faussaires.
    Le recours à un tel genre de loi scélérate qu'on ne retrouve qu'en Corée du Nord, est en soi un aveu d'échec de votre machine de propagande qui s'essouffle. Il ne vous reste plus que vos hordes déchaînées et la calomnie, l'arme des lâches.
    J'ai décidé aujourd'hui de vous infliger la vérité, plus terrible encore que vos calomnies, elle sera ma première et dernière réponse à votre imposture.

    Gouverner par la salissure

    Hitler avançait souvent la devise «je pourrirai tout», qui résumait sa méthode pour dominer les sociétés conquises par la force. Il semble que vous l’ayez faite vôtre.
    Vos services sont revenus à leur exercice favori, la salissure des dissidents. Dès le départ, vous avez dénié à tout citoyen, armé de ses seules convictions, le droit de ne pas partager vos choix et de le faire savoir. Fuyant vaillamment  la confrontation des idées, vous avez donné libre cours à votre prédilection pour les procédés avilissants infligés à vos contradicteurs dont vous avez fait un mode de gouvernement.
    Vous avez fait de l’atteinte à l’honneur de vos opposants par des vidéomontages, photos truquées, écrits pornographiques étalés sur vos journaux de caniveau, la marque distinctive de votre régime. Ces «œuvres d’art» inaltérables exposent votre fonds de valeurs limité à une pathologie de dépravés sexuels et révèlent tout autant une foi très ébranlée en votre propre capacité de persuasion.
    Plus encore qu’un mépris pour le monde intellectuel, cela témoigne, surtout, du peu d’estime que vous vous portez. La haine que vous nourrissez pour la vie et la liberté enlaidit tout ce sur quoi votre regard se porte et vous empêche d’apprécier la beauté.
    Ce besoin constant de ravaler la façade de votre régime en ruines en affichant de fausses performances, témoigne du fait que votre image réelle vous insupporte et vous êtes incapable de vous regarder dans un miroir.

    Vous rejetez  la responsabilité de votre laideur sur tous ceux que la Tunisie compte de valeureux et qui sont la fierté de notre pays; vous déversez alors votre fange sur les Kamel Jendoubi, Khemaies Chamari, Souhayr Belhassen, Khedija cherif, Moncef Marzouki, Sana Ben Achour, Radhia Nasraoui, Naziha Rjiba, Ahmed Ounaies, Mohamed Abbou, Taoufik Ben Brik, Slim Bagga, Raouf Ayadi, Mokhtar Trifi, Hamma Hammami, Omar Mestiri et tant d’autres encore.

    La valeur de ces éminentes figures de la Tunisie libre est reconnue au-delà de nos frontières et nombre d’entre eux sont portés à la tête de prestigieuses organisations internationales, comme Souhayr Benhassen, présidente de la FIDH ou Kamel Jendoubi, président du réseau Euromed que vous avez privé de passeport et l'empêchant de pleurer son père sur son tombeau. Même d’anciens hauts responsables de cet Etat que vous prétendez servir, n'ont pas été épargnés par votre obsession de tout salir.

    Vous avez poussé l’impudence jusqu’à vous attaquer de façon abjecte à Om Zied, une écrivaine qui a plus de fans en Tunisie et ailleurs que toutes vos stars de la politique et du showbiz réunis. Votre lamentable description de sa prétendue «laideur» et «vieillesse» ne peut atteindre son beau sourire de Joconde, ni le charme qu’elle diffuse lorsqu’elle prend la parole; une parole vraie qui dénude votre dictature hideuse. Une parole qui va droit aux cœurs et aux esprits sans recourir au fard. Une parole vraie qui éclipse toutes celles que vous soudoyez en dilapidant les fonds publics par dizaines de millions de dinars pour maquiller votre image.

    Ces pauvres hères que vous exhibez

    Pourtant, il y a quelques mois, vous sembliez innover avec la mise en avant de quelques uns de nos anciens collaborateurs pitoyablement exhibés aux fins de révéler une prétendue face cachée.
    Vous en aviez tant fait pour nous dénigrer et attenter à la réputation des militants de Kalima et du CNLT que vous aviez épuisé la marge de crédibilité nécessaire à toute entreprise de désinformation; Car cette tâche requiert une subtilité et un art dans le dosage du mensonge par rapport à la vérité que vous ne possédez même pas; Vous avez ainsi fait preuve de médiocrité jusque dans l'imposture; c’est pourquoi je vous invite à prendre quelques leçons chez les experts de l’ex-Union soviétique.

    Vous avez, en effet, habilement réussi, appuyés sur les formidables moyens qu’offre la puissance publique, à infiltrer nos cercles proches, y plaçant vos agents pour des périodes plus ou moins longues. La thèse reprenait les litanies ressassées jusqu’à la corde d’un engagement destiné à servir un enrichissement personnel, d’une quête effrénée pour la célébrité ou la soif de pouvoir.

    Votre dépit se manifeste, cependant, à travers tous les actes de cette mauvaise comédie. C’est ainsi que nous sommes pris à partie, pêle-mêle, pour notre influence, nos prestations télévisuelles, nos écrits, les distinctions internationales reçues, notre aptitude à nous déplacer à l’étranger et à y séjourner et même nos sourires et une «éternelle jeunesse»!

    Les «révélations», «poignantes et sincères», avaient de quoi abuser un public crédule, à la conscience émoussée, lecteur de Alhadath, Likolennas, Assarih, Echourouk, Al Moulahidh  et autres torchons financés par vos services; cependant, l’écrasante majorité des Tunisiens, perspicaces et dotés de bon sens, ont vite décelé les erreurs de casting hilarantes.

    Ainsi, de pauvres hères se plaignant d’avoir été «exploités et payés pour un salaire de misère» (tout en jurant la main sur le cœur ne rechercher que l’engagement militant), s’offrent des tournées de princes à l’étranger et impriment leur «littérature» à des tirages gigantesques (à compte d’auteurs  n’est-ce pas?). Ces représentants d’une jeunesse aux conditions sociales difficiles, s’affichent en costume-cravate, tenue de rigueur des milieux qu’ils prétendent représenter!

    A qui bénéficient les financements suspects?

    Les observateurs avisés n’ont pas manqué de relever ces contradictions flagrantes qui ont fait tourner votre mayonnaise. Comment faire passer le Conseil National pour les Libertés en Tunisie, votre bête noire depuis douze ans, pour une «institution virtuelle qui n’existe pas dans la réalité» et prétendre que ses permanents y ont été soumis à des cadences de travail infernales durant huit années, souvent obligés à des heures supplémentaires?

    Des diplômés maltraités et humiliés, mais affirmant avoir été souvent délégués à l’étranger pour y représenter l’institution. Des responsables absents du pays mais pouvant exercer un harcèlement constant!
    On considère les organisations internationales des droits de l’homme comme «suspectes», mais on les sollicite pour faire la lumière sur le bien fondé des projets qu’elles financement. Des «militants» prétendant s’être engagés dans le CNLT et Radio kalima, mais s’offusquant d’avoir été impliqués dans leurs activités «illégales»!

    Les grosses ficelles dominent le scénario. Partis pour mettre en cause notre «cupidité», vous vous retrouvez à pointer «l’exagération de la réalité», sa «déformation», nos communiqués «agressifs», notre «négation des progrès accomplis» ou l'éternelle «politisation» des droits de l’homme et à stigmatiser la logique de soutien des organisations internationales et la «confrontation avec le pouvoir». Surtout, vous tenez à nous dénier tout droit de «dénoncer les questions de malversations financières».

    Vos faussaires, trop sûrs de leur affaire, pensaient disposer de quelques pièces maitresses dûment maquillées et refilées à ces acteurs d’un jour, vite embrouillés dans les données: incluant une somme de 89.000$ dans un budget annuel de 30.000$, après avoir claironné précédemment que celui-ci se montait à 1 million d'euros. Il leur a échappé qu’il était peu vraisemblable d’imputer un salaire de 18.000$ sur un budget global de 30.000$, violation des normes les plus élémentaires de gestion financière.

    Ils ont également imputé un financement de 57 870 USD versés par une autre «partie suspecte», le PIDC, qui n’est autre que le programme de l’UNESCO dédié aux médias pluriels. Radio Kalima  a effectivement soumis un projet d’un montant de 57 870 USD à ce programme qui avait été approuvé par les experts du département communication ; en fin de parcours, il a  été soumis pour approbation à un conseil formé des Etats où siège évidemment la Tunisie. Le représentant tunisien a opposé son veto à une subvention à Radio Kalima, celle-ci a été en conséquence refusée et le projet non abouti.

    Vos services se sont rabattus sur des faux fabriqués à partir de données subtilisées de nos ordinateurs portables lors de la glorieuse agression menée par vos dizaines d’agents, le 3 mars 2008, au port de La Goulette. Enfin, tout cela nous laisse assez loin du million d’euros annuels.Ces manipulations peuvent toujours impressionner un public non averti, mais qui portera crédit à l’affirmation grotesque de l’association des israéliens au Groupe arabe sur l’observation des médias en période électorale? Ou à celle, loufoque, qui nous attribue le soutien de l’USAID, du MEPI ou de la NED? Nous vous défions d’apporter ne serait que l’ombre d’une preuve de tels financements.

    Vous savez pertinemment que notre indépendance est inaliénable et que nous n’accepterons jamais de partenariat avec des parties qui ne partagent pas avec nous un socle de valeurs. Par contre nous nous permettons de relever que VOS associations satellitaires ont reçu et continuent de recevoir des fonds non seulement de ces organismes que vous qualifiez de «suspects», mais encore du Pentagone, c'est-à-dire de l’armée américaine depuis 2004, en pleine occupation de l’Iraq, comme l’UNFT ou BASMA, dirigée par Leila Ben Ali et qui non seulement dilapide l’argent public, mais encore construit ses luxueux locaux sur des terrains appartenant au patrimoine archéologique classé par l’UNESCO.

    Nous avons nos partenaires et vous avez les vôtres

    Ce qui vous insupporte, en fait, c’est que ces défenseurs aient mis en échec votre dispositif d’étranglement et d’avoir constitué une référence crédible à l’échelle nationale et internationale.

    Le CNLT -dont l’existence «virtuelle» vous cause bien des tracas- a produit un contre rapport au Comité des droits de l’homme de l’ONU qui a servi de base à de sévères critiques sur les violations des droits humains en mars 2008, ainsi qu’un autre rapport de suivi en juillet 2009; Il a fait de la lutte contre la torture sa priorité; il a réalisé un documentaire sur la torture pratiquée par vos services; il a dressé une liste de tortionnaires que vous protégez; il a produit des éléments qui ont contribué à faire condamner à Strasbourg votre subordonné Khaled Ben Saïd (huit ans de prison par contumace) ; Il se trouve que nous pensons que les victimes de la torture sont plus tunisiennes que leurs bourreaux et que le devoir patriotique exige d’assurer leur protection, même si dans votre dictionnaire, cela s’appelle «trahison».

    Le CNLT a également produit, en collaboration avec d’autres ONG indépendantes, un rapport d’observation des médias durant les élections d’octobre dernier qui a mis a nu votre monopole sur les medias(97,14% de l'espace alloué à votre campagne); il a dénoncé vos abus auprès des institutions régionales (Union Africaine, Union européenne) ainsi que dans les pays européens. Il travaille en étroite collaboration avec les ONG internationales (comme la FIDH, le REMDH, OMCT, RSF, AI, Frontline, IFEX…) afin de promouvoir les droits humains. Il est vrai que le tableau de vos performances qu’il présente n’est pas très attrayant et c’est ce qui vous irrite le plus et que vous appelez «atteinte à l’image du pays».

    Nous vous répondons que c’est vous qui salissez l’image du pays; c’est la fraude électorale massive, dont vous êtes devenus la référence mondiale, qui fait honte à nos citoyens et sape notre image. Votre censure bâillonne les ressources intellectuelles de notre société et vos médias de propagande sont une insulte à l’intelligence des Tunisiens. Déchirer le voile opaque qui couvre les activités véreuses de vos proches contribue à l’intégrité de l’économie nationale.

    Vous avez vos partenaires étrangers auxquels vous allouez une part de nos précieuses ressources en devises, soustraites aux besoins les plus pressants de nos jeunes diplômés chômeurs. Vous achetez à des tarifs prohibitifs des officines de lobbying pour farder votre image. Ces parties partagent avec vous l’objectif de maintenir notre peuple dans l’arriération et sous tutelle. Ils développent des conceptions postcoloniales prétendant que les régimes autoritaires sont les seuls qui conviennent à nos sociétés arabes qu’ils jugent indignes d’élections honnêtes, de presse libre ou de justice indépendante.

    Est-ce notre jugement qui vous fait tant peur?

    Nous n'avons face à votre puissance régalienne que notre autorité morale. C’est vous qui tenez en main tous les centres de décision, qui disposez sans contrôle des ressources publiques, qui accordez les marchés et les licences, signez les accords, privatisez les entreprises publiques, déclassez les terrains protégés. C'est vous qui donnez le feu vert pour que les marchandises non aurorisées entrent et sortent sans contrôle des services de douane. C’est vous qui contractez les prêts, hypothéquez nos biens et vous soumettez aux diktats des institutions financières internationales… est-ce notre jugement qui vous fait tant peur ?

    Depuis plus de vingt ans vous avez systématiquement détruit nos sources de revenus pour tenter, vainement, de nous faire renoncer à notre engagement. Vous en avez tiré une certitude que nous ne sommes pas faits de la même argile. En 2006, à la suite de nos écrits sur la célèbre affaire des bateaux de luxe volés en Europe -acte hautement patriotique- vous avez réagi en initiant des représailles fiscales contre nous. Un des agents chargés d’imposer ces sanctions, désorienté de ne rien trouver à se mettre sous la dent (ni maison, ni voiture, ni compte en banque…), s’était exclamé: «comment arrivez-vous à survivre?»

    Oui, nous survivons depuis onze ans grâce à Dieu et à la solidarité. On ne s’est pas enrichis, car cela ne fait toujours pas partie de nos priorités. Nous n’avons rien à cacher. Nous sommes disposés à nous présenter devant un jury d’honneur pour répondre à vos accusations malhonnêtes, bien que n’ayant jamais eu aucun rapport avec l’argent public.

    Vous vous êtes engagés, il y a vingt deux ans, à publier un état du patrimoine des détenteurs de responsabilités publiques. Comme vous tenez toujours parole, je vous demande de publier le vôtre et celui de vos proches, à l’heure actuelle et ce qu’il était il y a vingt deux ans.
    Puisque la transparence est votre souci, auriez-vous le courage de publier les comptes du 2626, les rapports de la Cour des comptes, le rapport financier du RCD, celui de l’association de bienfaisance Besma, les conditions de cession des sociétés publiques?

    Je suis certaine que vous n’aurez aucun inconvénient à faire toute la lumière sur l’acquisition des propriétés nouvellement acquises par vos proches, dont la construction gigantesque de Sidi Bou Saïd, contigüe au château d’eau de la SONEDE; Vous ne rechignerez certainement pas à rendre publiques les conditions de privatisation de la société Ennakl, la cession des actions de l’Etat dans la société Nestlé Tunisie. Enfin, les conditions d'attribution de la téléphonie à Orange? Et vous n’aurez aucune gêne à montrer que vos proches s’acquittent convenablement de leurs redevances fiscales.

    Loyauté à la Tunisie, pas à votre régime

    La Trahison de la Tunisie que vos mercenaires de la plume reprennent comme une litanie, c’est exactement ce que nous nous vous reprochons!
    Lorsque nous dénonçons les injustices sociales, le clientélisme de votre parti, la corruption, la torture, le pillage des biens publics, les passe-droits, les violations des droits des citoyens, le chantage au passeport….etc, c’est précisément parce que nous avons une toute autre idée de la République et que nous ne nous résignons pas à la voir partir en lambeaux en toute impunité.

    C’est par fidélité à la Tunisie que tous ces défenseurs vous combattent ; c’est pour restaurer ses acquis et ses valeurs qu’ils exposent leur liberté, leur sécurité et leurs biens à la rapacité de votre machine policière.
    Notre loyauté va à cette Tunisie que nous aimons et défendrons sans répit, pas à votre régime qui l’a prise en otage et pillée.
    Enfin, sachez que votre acharnement nous honore. Votre courroux nous stimule et nous rassure sur la validité de nos choix. Vous pouvez promulguer vos lois liberticides, installer vos tribunaux d'inquisition et dresser vos potences, nous poursuivrons notre chemin avec la même sérénité et la même foi en la justesse de notre cause; quant à vos hyènes hystériques et leurs calomnies, on ne les élèvera jamais au-dessus de notre dédain.

    Sihem Bensedrine

  • Sonatrach, le bijou de la « famille » (EXTRAITS DE "NOTRE AMI BOUTEFLIKA")

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    Le nerf de la guerre du mandat à vie, comme celui de toutes les guerres, reste l’argent. Et l’argent c’est Sonatrach, la tirelire du pays, principale source de revenus en devises, la plus grande entreprise algérienne, 120 000 salariés, 12e compagnie au monde avec un chiffre d’affaires de 80,8 milliards de dollars en 2008, un monopole public qui gère les hydrocarbures et le gaz dans le pays.
    Sonatrach est, pour les Algériens, le bijou de famille.
    Elle deviendra le bijou de la « famille ».
    Comment la famille Bouteflika a-t-elle pu s’emparer de Sonatrach ?
    Dès son arrivée au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika s'empressa de désigner une de ses plus proches relations, Chekib Khelil, à la tête du ministère de l'Energie avec pour principale mission de contrôler Sonatrach et de la soustraire aux regards extérieurs.
    Chakib Khelil, né à Oujda au Maroc le 8 août 1939, fait partie des déserteurs recherchés par l’ALN, c’est-à-dire de cette catégorie d’étudiants au Maroc qui ont préféré, entre 1956 et 1960, désobéir à l’appel de la wilaya V de Boussouf (dont l’état-major était basé au Maroc) et rejoindre l’Europe et l’Amérique plutôt que le maquis. Rejoindre la résistance était, rappelons-le, une obligation incontournable pour les étudiants algériens, sous peine d’être poursuivis pour désertion.
    Abdelaziz Bouteflika le connaît bien, puisqu’il fréquentait le même lycée d’Oujda, le lycée Abdelmoumène. A  l’époque où Chakib Khelil fuyait son devoir de patriote, lui était recruté à Oujda à dix-neuf ans, lors de la grève de 1956, par l’ALN alors qu’il était en classe de terminale.
    Chakib Khelil répondra, en revanche, et avec zèle, à l’appel du pouvoir prodigue, quarante années plus tard en 1999, pour activer avec une âme intacte de coopérants. Bouteflika l’imposera au gouvernement malgré l’opposition des services de renseignements de l’Armée qui en avaient rejeté la candidature pour désertion avérée !
    Sonatrach sera gérée dans l’opacité, comme une caisse noire.
    Chargé de la mission de contrôler Sonatrach et de la soustraire aux regards extérieurs, le tout nouveau ministre va immédiatement entourer de barbelés la poule aux œufs d'or : il ne laissera personne s'en approcher.
    Dans un premier temps, il la coiffera lui-même, cumulant grossièrement sa haute fonction au sein du gouvernement avec celle de directeur général de Sonatrach. C'était, lui semblait-il, le meilleur moyen d'assurer la confidentialité à des besognes non avouables. Après quatre ans le procédé devenait cependant assez gênant et le ministre finira par consentir à nommer un successeur à la tête de Sonatrach. Un prête-nom qui n'aurait aucun pouvoir, qui laisserait faire le clan, mais dont la désignation formelle sauverait les apparences aux yeux de l'opinion. Où trouver ce dirigeant fictif  ? Chekib Khelil va avoir une idée diabolique : placer aux commandes de l'entreprise un homme atteint d'un cancer avancé et qui passe ses journées dans les séances de chimiothérapie sur un lit d'hôpital. Un homme entièrement absorbé par son combat contre la mort, et donc totalement absent. Le 7 mai 2003, sur proposition de son ministre de l'Energie, le président Bouteflika nomme donc Djamel-Eddine Khène, grand malade, directeur général de Sonatrach. Le Matin  sera le premier journal à révéler le scandale et à dénoncer le procédé inhumain qui consiste à exploiter l'handicap d'un homme pour des desseins politiciens et à l'empêcher de se soigner convenablement. Le journal recevra, en retour, une avalanche de démentis accompagnée de fortes giboulées de prêches moraux. De son côté, Chekib Khelil  menacera le journal de poursuites judiciaires pour diffamation.
    Le Matin avait, hélas ! raison : Djamel-Eddine Khène mourra le 7 juillet 2003, deux mois à peine après sa désignation. Le clan Bouteflika venait sans doute de hâter la mort d'un cancéreux.
    Et Sonatrach sera livrée à la prédation. Le Matin en avait révélé quelques-unes, sans doute parmi les moins scandaleuses, à commencer par le détournement des fonds de sponsoring de la société, un pactole estimé à 730 millions de dollars destiné à financer des associations de toutes sortes, mais dont la gestion obscure, dénoncée par les syndicats, n'en a laissé aucune trace. Le magot était confié au fameux Hemche, natif de Hennaya, près de Tlemcen, une bourgade qui élit aux meilleurs destins puisque c'est le village natal du père de Bouteflika. Hemche était l'homme de confiance du clan présidentiel et sut judicieusement répartir l'enveloppe entre les associations qui s'engageaient à soutenir la candidature de Bouteflika pour un second mandat.
    Autre magouille révélée par le journal : l'achat de deux immeubles inachevés par Sonatrach à un promoteur privé à un prix surévalué. La transaction s'est faite de gré à gré, sans respecter la réglementation des marchés publiques. Pour la finition des deux immeubles, puis pour leur équipement, Chekib Khelil s'était adressé aux « copains », à une société mixte algéro-américaine, Brown and Root Condor, BRC, une joint-venture entre Sonatrach (51%) et la compagnie du vice-président américain Dick Cheney, Halliburton. BRC était dirigée par un autre natif de Hennaya , Moumène Ould Kaddour. Le marché avait toutes les allures d'une combine : mêmes méthodes opaques, mêmes procédés mafieux. BRC sous-traitera le marché avec une entreprise turque qu'on dit liée à l'épouse de Hemche, elle-même turque. L'argent du pétrole était, ainsi, dépensé entre amis. Ces révélations valurent au journal un procès intenté par le ministre de l'Energie et qui se solda par la condamnation du directeur, ainsi que celle de deux autres journalistes, à trois mois de prison ferme. La juge aux ordres avait sanctionné la vérité : deux ans après, en effet, l'Inspection générale des finances, saisie par le Chef du gouvernement, ouvrait une enquête sur les relations suspectes entre Chekib Khelil et Brown and Root Condor et  découvrait que Sonatrach avait confié, illégalement, vingt-sept projets à la société mixte pour un montant global de soixante-treize milliards de dinars. Un scandale vertigineux dont s'empara la justice, qui fit la une des journaux et qui donna raison au Matin : Brown Roots Condor fut mise en liquidation en janvier 2007 et  Moumene Ould Kaddour incarcéré à la prison de Blida un mois plus tard !
    Mais les magouilles mafieuses vont bien au-delà.
    Qui vend le pétrole ? Et où va l’argent ? Qui profite des contrats ?
    II suffit d’observer le fonctionnement de Sonatrach pour relever l’absence totale de contrôle à priori et posteriori sur les importations en équipements et services pour le seul secteur de l’énergie estimés à près de 10 milliards de dollars /an ces quatre dernières années. L’opacité et le secret qui entourent ces contrats ainsi que les permis de recherche et d’exploitation sont mieux gardés que ceux des contrats d’armement qui sont révélés aux Algériens , au moins et fort heureusement d’ailleurs , par les media étrangers . Tous ces contrats et bien d’autres échappent à l’avis du Gouvernement et au contrôle de la Banque Centrale qui n’en est pas informée en temps réel ce qui la dépouille de l’une de ses principales prérogatives, la bonne gestion des engagements financiers à l'égard de l’étranger .
    Elle fait preuve d‘une impuissante mais non moins complice passivité.
    Du pétrole est vendu sur le marché spot placé par des tiers et dont la traçabilité est des plus aléatoire de même que la signature ‘’ en secret ‘’ ( pour les Algériens entendre ) d’un contrat de livraison de gaz à long terme en 2008 à des conditions diplomatiques cette fois - ci en rapport avec le troisième mandat . Des investissements de 1, 2 milliards d’euros ont été engagés à l’étranger sans information adéquate des organes sociaux de Sonatrach et encore moins du Conseil national de l’énergie en veilleuse depuis 10 ans. Sonatrach s’est aussi distinguée ces dernières années par la signature de plusieurs centaines de contrats de gré à gré dépassant les 100millions de dollars l’un dans plusieurs cas. Le gré à gré, forme de transaction réservée par nature aux situations d’urgence est devenu courant dans le secteur de l’énergie alors que le Baossem présenté comme outil de la transparence a été réduit aux fournitures de bureau.
    Sonatrach s’implique dans des domaines qui n’ont aucun rapport avec ses missions comme l’acquisition d’unités de dessalement d’eau, des montages financiers et d’association singulièrement novateurs dans la production d’électricité, l’assainissement des eaux ou encore la construction et la gestion d’un palais des Congrès et d’un hôtel de luxe pour 560 millions d’euros ( sans les avenants ) pour un Congrès de 3 jours sur le gaz. Avec une chute de la production à 55 milliards de m3 /an notre pays n’a pas un seul mètre cube de gaz supplémentaire à placer avant au moins 5 ans si nous considérons la hausse de 10 % an de la demande nationale ,les besoins gigantesques des projets d’unités d’ammoniac d’Orascom et d’aluminium , la stagnation de la demande mondiale . A tout cela il faudra ajouter l e retard enregistré dans l’achèvement des unités de Skikda confiée en 2007 et de gré à gré à Kellog Brown and Root (KBR ) dans des conditions que les milieux gaziers internationaux ont qualifié d’hallucinantes.

    "NOTRE AMI BOUTEFLIKA" (ED RIVENEUVE- JUIN 2010)