Le temps de la révolte
Soldats de carrière et idéalistes, dès nos premiers pas dans l’institution militaire qui représente pour nous l’honorable descendante de l’armée de libération nationale (ALN), nos aînés nous enseignent un code de l’honneur très strict. Nous devons être intègres, irréprochables et prêts à donner nos vies à tout moment. Ils nous inculquent des valeurs qui sont sensées nous rendre digne du port de l’uniforme, ils nous enseignent que l’armée nationale populaire est le ciment de la nation et le fer de lance de notre liberté et que nous sommes par conséquent, le dernier rempart contre la barbarie et le chaos qui guettent la jeune république. Pour nous, l’ennemi est bien connu, ils nous l’ont largement défini. Des pancartes et des écriteaux accrochés aux murs de tous les établissements militaires sont là pour nous le rappeler à tout instant. Notre mission est très claire et devient au fil du temps notre raison de vivre. Nous voulons tellement honorer la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour donner naissance à une Algérie libre, que servir notre pays est devenu plus qu’un devoir: une religion. Nous, la nouvelle génération d’officiers issus des grandes écoles militaires, nous croyons à notre mission sacrée, celle dictée par la constitution : la défense de la nation et la sauvegarde de la république. Mais les idéaux pervertis et l’irresponsabilité pernicieuse que nous rencontrons au sein de l’institution militaire, joints à la cupidité, à l’affairisme aveugle, au clanisme, au régionalisme, à la soif de pouvoir, à la manipulation et au manque total de respect de la vie humaine, nous incitent à rompre le silence. Un silence très pesant et parfois déchirant qui fait des uns des complices et des autres des lâches. Dénoncer est devenu plus qu’un devoir républicain. Notre témoignage est une obligation humanitaire. Une manière de rendre justice aux dizaines de milliers de victimes et aux valeureux qui se sont sacrifiés en essayant d’apporter un peu de lumière et de justice. Après des années de loyaux services, durant lesquelles nous nous sommes appliqués à faire notre devoir de militaires, le constat est amer. Nous avons vu venir la catastrophe avec l’effondrement de tous les principes qu’on nous a minutieusement professé. Devenir militaire en Algérie n’a plus qu’un synonyme : Devenir riche, puissant et au-dessus de la loi. Notre sort aurait pu être le même que celui de centaines de militaires qui succombent aux multiples tentations, mais pour une Algérie juste et souveraine, nous engageons un combat sans merci contre ceux qui transforment l’espoir des Algériens en déception et le rêve en cauchemar. Contre ceux qui utilisent les dépouilles comme un tremplin pour grimper toujours plus haut et s’assurer une place au soleil. Les commandeurs de l’institution militaire qui ont pris la situation sécuritaire en main et ont depuis longtemps trahi leur mission en commençant par anéantir les principes humains les plus fondamentaux. Manigancer pour leurs propres comptes avec un égoïsme sans égal, est devenu leur principale préoccupation dans le but de servir des intérêts personnels et mesquins. En définitive, Ils ont conduit le pays dans une impasse ténébreuse, avec pour seul horizon, un spectacle de guerre et de désolation. L’Algérie est pratiquement le seul pays au monde où la violence envers les civiles est un instrument institutionnalisé qui sert quotidiennement à gérer la vie politique et économique. Cette violence est devenue avec les années un mode avéré de contrôle des populations. Dès l’instant où le premier citoyen a été torturé, le corps armé dans son ensemble a cessé d’être digne et la république s’est vue affliger la pire des humiliations. La première victime a entraîné une seconde et dans une tourmente assourdissante qui dure encore, le compte final est terrifiant. Douloureux est d’admettre que certains officiers de l’ANP ont très largement dépassé dans le geste barbare de la torture le plus atroce des colonisateurs français. Une torture que certains psychopathes qui font honte à la race humaine, imaginent et mettent en pratique poussant à chaque fois les limites de l’intolérable. Ces Terminators «comme ils aiment bien être dénommés», ont réalisé l’œuvre la plus macabre de toute l’histoire de l’Algérie, elle compte des dizaines de milliers de victimes et plus de quarante milles disparus. Rien ni personne ne peut décrire fidèlement les supplices de ces femmes et de ces hommes que le temps a oublié L’humanité prend bien trop de temps à digérer les leçons de l’existence et oublie bien vite les brûlures de l’histoire. Les plus récents génocides en Bosnie, au Rwanda, en Algérie (pour ne citer que ceux là) sont des preuves qui interpellent et se rejoignent à la même finalité : tant que les décideurs optent pour l'élimination de l’autre pour asseoir un règne, une idéologie ou un gouvernement le résultat que nous connaissons restera toujours le même et la folie meurtrière prendra à chaque fois le dessus.
Le putsch Révéler les dessous de l’infiltration et le but de la manipulation, n’est sûrement pas chose facile. Il n’est pas toujours évident d’expliquer cette pratique si l’on considère la complexité des mécanismes employés et les motivations qui caractérisent chaque opération de ce genre. Il serait affolant de découvrir combien l’opinion française autant que l’opinion algérienne ont pu être habilement menées dans un monde de machination. Il reste malheureusement fort à parier que tant que l’omerta est de rigueur, les illusionnistes régneront en maîtres.
Depuis le début de la crise en Algérie, les généraux janviéristes (généraux auteurs du coup d’Etat de janvier 1992) font tout pour que la guerre contre leurs adversaires du front islamique du salut (FIS) dépasse la frontière du territoire et prenne une dimension internationale. Pour exporter le drame algérien, les moyens les plus abominables sont mis en œuvre. En France, après l’arrêt du processus électoral, la classe politique française condamne presque unanimement les putschistes, du moins en apparence ! Bien qu’hostiles à l'avènement des islamistes au pouvoir, les politiciens en général, ne peuvent en aucune manière avaliser publiquement le renversement d’une conjoncture politique au moyen d'un coup d'état militaire. D'où la déclaration officielle de F. Mitterrand, condamnant en première annonce l'arrêt du processus électoral en le qualifiant "d'acte pour le moins anormal" et ce bien qu’il est avisé de l’imminence du coup d’Etat très peu de temps auparavant. Pour les généraux algériens, il faut à tout prix mobiliser la classe politique française dans son ensemble, en comptant sur l’appui indispensable des «amis de l’Algérie». C’est vital pour la survie même du commandement militaire. Ils mettent tout leur poids pour rallier le maximum de figures politiques à leur cause et obtenir par la même occasion, le soutien de la presse et de l’opinion publique française. Dans l’hémicycle de la démocratie française, des porte-voix perfides s’élèvent pour dénoncer la passivité de la France face à l’avancée de l’intégrisme. Les mots d’ordres : sauvegarde de la démocratie, liberté et droit de l’homme ne sont que chimères, puisque les motivations réelles pour de telles prises de position ne sont que l’avidité du gain. Réaliser cet objectif va entraîner d’autres pays européens à en faire de même et avec l’appui de la France, toutes les portes de la légitimité politique vont s’ouvrir. Les moyens matériels mis en œuvre sont colossaux, et les généraux ne reculent devant aucune dépense, même humaine, pour mener à bien leur plan.
Le cauchemar Sept étrangers dont deux Français, François Bartellet et Emmanuel Didion ( deux géomètres travaillant dans la région de Sidi Bel Abbas ) sont morts en Algérie du 21 septembre 1992 au 22 octobre 1993. Le désarroi pour les étrangers vient de commencer et un autre épisode de la sale guerre vient marquer la surenchère. Le 24 octobre 1993, trois fonctionnaires du consulat français, Jean Claude et Michèle Thévenot et Alain Fressier, sont enlevés par un commando « islamiste » dirigé par un certain Sid Ahmed Mourad alias Djaafar el-Afghani, ce dernier réclame la libération de son ancien chef et membre fondateur du sinistre groupe islamique armé (GIA), Abdelhak Laayada alias Abou Adlane, extradé par les autorités marocaines quelques mois auparavant. En pleins préparatifs pour la fête de la Toussaint, la nouvelle de l’enlèvement des fonctionnaires français a l’effet d’une bombe. Elle choque ce jour là des millions de Français les projetant de plein fouet au cœur du drame algérien. Le peuple français est confronté pour la première fois à la violence de la réalité algérienne. La distance entre les deux pays devient négligeable et tous les yeux sont rivés vers cette terre en feu.
Cette affaire est en vérité plus complexe. Le vrai-faux enlèvement des agents consulaires français n’est qu’un petit acte d’une représentation où les victimes ne sont que les dindons d’une farce minutieusement préparée par les stratèges de la manipulation. La planification de cette machination remonte à quelques mois auparavant, exactement à la période de la compagne des législatives de 1993 en France. Les sondages sont favorables à la droite et une éventuelle victoire de l’opposition remettrait en cause la politique nonchalante des socialistes à l’égard de l’islamisme. Les services algériens inquiets de l’activisme des militants islamistes en France signalé par le représentant da la direction du renseignement et de la sécurité (DRS) en l’occurrence le commandant Souames Mahmoud alias Habib (officiellement premier secrétaire de l’ambassade, décédé en 1997 à Paris), dépêchent à Paris « en urgence » un émissaire spécial à Charles Pasqua. Ce dernier, en pleine compagne électorale, se méfiant des retombées d’une fuite sur une rencontre avec les services algériens, alors qu’il traîne toujours l’affaire Mécili, laisse le soin à son bras droit et homme de confiance Jean Charles Marchiani de rencontrer l’émissaire algérien : Le général Smain Lamari, le tout puissant sous-directeur de la DRS et patron de la direction du contre-espionnage (DCE). Entres barbouzes chevronnés le courant passe très bien et dans le climat feutré d’un hôtel de luxe, Smain Lamari exprime l’inquiétude d’Alger face au manque de fermeté de la gauche vis-à-vis des islamistes présents sur le sol français. Il lui prouve, documents à l’appui, que la France est devenue la plaque tournante du trafic d’armes et de collecte de fonds pour les maquis en Algérie ; en quelques sorte la base arrière du terrorisme islamiste. Il se plaint à son interlocuteur du mépris des politiques français à l’égard des militaires algériens et la pseudo-fixation qu’ils font sur les atteintes aux droits de l’homme, alors que la situation générale est gravissime. Marchiani lui fait remarquer que les socialistes ne font que de la gesticulation intellectuelle, et que les droits de l’homme ne sont pour lui qu’une chose abstraite. Il promet qu’en cas où les urnes confirmeraient les sondages, la situation changerait radicalement. Marchiani exprime aussi des craintes et avoue à Smain que rien n’est sûr vu que les socialistes disposent de moyens matériels gigantesques et peuvent créer la surprise à cause des dernières mesures électoralistes. Smain comprend vite que son interlocuteur le sollicite financièrement, et rétorque que l’Algérie n’oublie jamais ses amis et promet de faire rapidement ce qu’il faut pour leur venir en aide. Dans un climat de satisfaction mutuelle, un rendez-vous est pris juste après le deuxième tour des élections. Yves Bonnet Entre temps un jeune officier de la DRS en poste à Paris livre une mallette contenant 500.000 francs en liquide à un politicien de la droite et proche des services du contre-espionnage français dans un hôtel de luxe situé à la porte de Maillot. La somme n’est qu’un acompte dérisoire devant le montant total de l’aide apportée aux hommes du RPR et qui se chiffre par millions de francs. Le financement se fait entre autre, grâce à des commissions reversées lors de marchés frauduleux. C’est le cas, par exemple, pendant l’achat par l’Algérie de matériel d’écoute très sophistiqué (des Renault espace bourrées d’électronique servant à la détection) et des équipements de sécurité facturés quatre fois leurs prix réels par une société spécialisée dans le domaine. Le directeur de la dite société qui est un élément très proche à la fois de l’ancien patron de la direction de la surveillance du territoire (DST), en l’occurrence le fameux Yves Bonnet et du ministre de l’intérieur Charles Pasqua, a empoché pour ses amis une commission faramineuse. Voilà un exemple parmi tant d’autres sur les circuits déviés du financement d’un grand parti politique français par les services algériens et la corruption de certaines figures politiques de premier plan. Nous reviendrons dans un autre dossier avec plus de détails sur les relations troubles de certains politiciens français avec les services algériens et le rôle majeur joué par la mafia politico-financière. Une fois les élections passées, les résultats des urnes donnent une large majorité à la droite et sonnent le retour de Pasqua et compagnie aux affaires. Ce dernier va transformer le sol français d’une présumée base arrière de l’islamisme en une réelle arrière cour des services secrets algériens. Les généraux algériens sont pressés et les choses vont alors très vite dès l’installation du gouvernement Balladur. Dans la semaine qui suit l’installation du préfet Philippe Parant en remplacement de Jacques Fournet à la tête de la DST, une réunion de première importance est organisée à la place Beauvau. Une délégation restreinte conduite par le général Smain, comprenant le lieutenant-colonel Farid, commandant des services opérationnels de la DCE et bras droit du général Smain, le commandant Habib et M’hamed Tolba, le chef de la direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Du côté français : le nouveau directeur de la DST, le général Philippe Rondot. Les Algériens présentent une liste nominative comprenant plus de 600 noms de présumés militants islamistes soupçonnés d’activisme au profit des maquis en Algérie avec des détails époustouflants sur l’étendue de leurs activités en Europe! Les responsables français découvrent hébétés que la DRS a gardé intacts ses réseaux de correspondants «indicateurs» de l’ancienne SM (sécurité militaire devenue DRS). Parmi les noms, il y a ceux de gens inconnus des services français, des étudiants, des commerçants, des citoyens algériens en situation irrégulière et des réfugiés politiques. Les Algériens donnent aussi à leur homologues français une autre liste rouge de militants activement recherchés en Algérie pour terrorisme. Le préfet Philippe Parant rassure le général Smain Lamari et lui garantit que la France ne tolérera plus l’activisme islamiste sur son sol et lui promet de soulever un rapport complet à son ministre de l’intérieur et qu’une enquête approfondie serait entreprise par ses services, mais lui fait remarquer délicatement que la décision finale concernant la suite de cette coopération naissante reviendrait aux politiques, mais cette remarque n’est pas du goût des Algériens. Quelques semaines après cette réunion, les services de la DST et les RG localisent la totalité des militants ; des contacts directs sont pris avec certains responsables de cette mouvance dont Moussa Kraouche. Ce porte-parole de la Fraternité algérienne en France (FAF), organisation satellite du front islamique du salut a toujours accepté de rencontrer des agents de la DST et des renseignements généraux (RG) et soutient publiquement la lutte armée en Algérie qu’il considère «légitime». Les services français surveillent de prés la nébuleuse islamiste, pour eux, la FAF est un groupuscule qui pour s’affirmer cherche des relais auprès des grandes associations musulmanes sans plus, et aucune action sérieuse n’est prise à son encontre. Au même moment, les politiciens (principalement de droite) et les médias prennent le relais pour dénoncer ouvertement le manque de fermeté et le laxisme des capitales européennes à l’égard des terroristes du FIS. Lors d’une conversation avec son homologue algérien, Charles Pasqua lui fait comprendre que la France est un Etat de droit et qu’elle ne peut réprimer des gens sur le simple fait qu’ils expriment une opinion. La presse et les organisations de défense des étrangers et des droits de l’homme prendraient dans un tel cas leur défense et feraient tout pour ameuter l’opinion publique qui est très sensible au principe de la liberté d’expression. «Si les intérêts de la France sont menacés, là c’est une autre histoire» commente Pasqua. Si monsieur Pasqua ne peut se permettre de dire ouvertement aux Algériens «donnez-nous un prétexte solide pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière», cela va autrement pour le barbouze J.C. Marchiani. Il propose à ses amis de la DRS de monter une opération de provocation contre des intérêts français en Algérie sans dommages physique (sans perte d’hommes, une opération blanche). Les Algériens qui n’attendent que ça, sautent sur l’occasion et proposent l’explosion d’une voiture piégée devant l’ambassade de France. Marchiani, l’expert des coups tordus depuis l’affaire Marckovic, fait comprendre à Smain Lamari qu’une prise d’otages serait mieux exploitée émotionnellement et l’impact médiatique serait plus grand. Il exige « pour la sécurité des futurs vrais-faux otages » que ce soit les services qui montent toute l’opération sans l’intervention d’islamistes même manipulés et contrôlés de prés. J.C.Marchiani
Les Algériens proposent plusieurs scénarios de prise d’otages : le kidnapping de l’ambassadeur avec son chauffeur et son escorte, l’enlèvement de religieux d’origine française ou des fonctionnaires du consulat. Marchiani opte pour la dernière proposition. Il conforte ce choix en disant que de simples fonctionnaires sont plus faciles à gérer! Le ravissement de l’ambassadeur pouvant entraîner des victimes parmi le personnel d’escorte sécuritaire français.
Le 23 octobre, téléguidé par les services opérationnels de Smain, un contact algérois de Djaafar el-Afghani l’informe que le groupe de Climat de France (une localité pas loin de Bab El-oued) a l’intention d’enlever des français, sans autres précisions. Cette démarche est une précaution prise par les services pour parasiter un éventuel démenti de la part des groupes armés. A cette époque les groupes armés sont autonomes et l’absence d’une direction nationale offre aux «émirs» une certaine liberté d’action. C’est la raison pour laquelle plusieurs attentats contre des militaires ou des membres des services de sécurité sont revendiqués par plusieurs groupes en même temps et parfois d’autres attentats sont restés sans revendication. Cette situation facilite la tâche du département d’infiltration et de manipulation (DIM), une sous-direction de planification des opérations à la DRS. Le lendemain, 24 octobre un commando spécial composé de six hommes appartenant tous au service action de la DCE (une unité faisant partie du service opérationnel de la direction du contre-espionnage, respectivement sous le commandement du lieutenant-colonel Farid et le général Smain Lamari), avec à sa tête le capitaine Rachid Belhout et le lieutenant Mustapha Aouina comme second (leurs vrais noms), enlève les trois fonctionnaires français et les emmène à bord d’une camionnette G5 abattant à son passage un pauvre policier. Les otages sont séquestrés dans une maison appartenant au service et un communiqué revendiquant l’enlèvement est transmis de suite aux médias réclamant la libération de Abdelhak Laayada. Après le branle-bas de combat médiatique, une chasse à l’homme est déclenchée à Alger et plusieurs militants islamistes sont appréhendés à l’occasion. L’assaut donné par les forces spéciales contre une maison à Ouled Eslama pas loin d’ Alger n’est qu’une vulgaire mise en scène. François de Grossouvre (officiellement chargé de l’organisation des chasses présidentielles, en réalité, attaché des renseignements auprès de F. Mitterrand), l’homme de confiance du président, alerte ce dernier et lui révèle l’implication des services algériens dans cette prise d’otages ; l’information lui vient d’une source qu’on ne nommera pas pour des raisons de sécurité car cette personne se trouve toujours en Algérie. Aussitôt, l’Élysée exige de Matignon d’être associé au suivi du dossier puisque cela relève de la politique étrangère qui reste toujours le domaine du président. Une mission est confiée à un spécialiste de l’Algérie qui est envoyé auprès du Ministre de l’intérieur algérien, mais Pasqua obtient de le faire accompagner par l’un de ses envoyés très spéciaux sous le prétexte fallacieux de faire entendre une seule voix de la France. Pasqua ne veut surtout pas que les décideurs algériens pensent que le dossier algérien lui échappe. Il veut aussi éviter par la même occasion que les retombées d’une libération, qu’il sait imminente, ne profitent politiquement au président de la république F. Mitterrand. Il faut bien rappeler au passage que cette rivalité entre droite et gauche, remonte à la crise déjà vécue entre les deux camps pendant la guerre du Liban et la prise d’otages français qui a eu lieu en ce temps. Au ministère de l’intérieur algérien, le général Smain rassure ses interlocuteurs français et plus particulièrement l’homme de l’Élysée, il leur fait un large exposé sur le danger du terrorisme islamiste et les menaces qu’il représente de part ses relais en France et dans certains pays européens. Il les rassure quant au sort des otages en leur disant qu’ils sont localisés et que ses hommes sont préparés à tout faire pour éviter de mettre en danger la vie des ressortissants français pendant leur intervention. Sans aucune gêne, Smain Lamari fait remarquer aux émissaires français que les autorités algériennes attendent bien entendu un geste en échange. Il laisse ensuite entendre qu’il n’arrive pas à comprendre les raisons pour lesquelles, les gens signalés par ses soins aux autorités françaises, continuent de mener librement leur propagande à la sortie des mosquées et récoltent des fonds pour acheter ensuite des armes. Smain prend même un ton menaçant en annonçant « que dans le cas où la politique de complaisance du gouvernement français envers les gens du FIS ne cessera pas, ses services ne resteront pas les bras croisés face au large soutien logistique et financier des maquis venant de l’autre rive de la méditerranée. Il promet que ses services agiront pour éradiquer le problème à la source. De son côté, M’hamed Tolba, le patron de la police accorde pour la première fois une interview à la chaîne TF1 où il donne des assurances. Il faut dire que jusque là les étrangers enlevés sont généralement retrouvés morts au bout de 48 heures. La décision de libérer les trois fonctionnaires du consulat est prise par le commandement dans la nuit du 26 octobre. Pendant ce temps, dans le quartier populaire de Ben Aknoun, les «otages» sont maintenus au secret sous la bonne garde des officiers du service opérationnel (appelé aussi service action ; ce service fait partie du centre opérationnel connu sous le nom de code «ANTAR» ) de la DCE. Une altercation entre deux membres du commando ravisseur a failli tourner au drame à cause d’un abus d’alcool. Les sous-lieutenants Tayeb Ramdani et Samir Guettaf en charge de surveiller les deux otages, en viennent presque aux armes et leur état d’ébriété met la puce à l’oreille de Alain Fressier. L’odeur de l’alcool et le comportement des deux officiers finissent par gripper la machine bien huilée de la DRS. Alain Fressier n’hésite nullement à remettre en cause l’appartenance islamiste de ses ravisseurs. En effet, connaissant bien l’Algérie et les islamistes Algériens ainsi que leurs comportements, il exprime son étonnement au chef du groupe, le capitaine Rachid Belhout en lui demandant, comment des gens qui luttent pour l’installation d’une république islamique consomment de l’alcool ? Le capitaine Rachid Belhout informe le lieutenant-colonel Farid de cet incident qui informe à son tour le général Smain Lamari. Les répercussions de cet incident survenu pendant la soirée mettent particulièrement Smain Lamari hors de lui et sèment un vent de panique ; c’est ce qui entraîne une libération tardive des deux hommes. Les deux otages français échappent de très peu à une mort certaine à cause du commentaire de Alain Fressier. Michèle Thévenot est libérée en premier le 27 octobre, habillée en tchador et quelques heures plus tard les deux autres captifs sont libérés à leur tour. Entre les deux libérations, il n’a y a pas plus de trois heures. Les militaires algériens veulent que les «otages» soient interrogés (briefing) par des hommes sûrs pour éviter toute fuite et qu’ils soient soustraits à la presse! Pour ne pas faire de commentaires sur la libération des otages, les services d’Alain Jupé invoquent des raisons de sécurité pour expliquer le mutisme des ex-otages. Les autorités françaises ont pour la première fois de leur histoire interdit à des otages libérés de parler librement à la presse. En éloignant les trois otages (affectés vers de nouvelles fonctions dans l’Océan indien), Charles Pasqua croit avoir enterré la vérité.
Alain Fressier, Jean Claude Thévenot et Michèle Thévenot
En Algérie, quatre membres du commando sont arrêtés sous l’ordre du général Smain Lamari, quelques jours après les familles Ramdani et Guettaf sont informés que leurs enfants sont morts en service commandé. L’enlèvement des agents du consulat français a réussi et s’est fait avec la bénédiction du ministre de l’intérieur Charles Pasqua et la complicité de Jean Charles Marchiani. Le premier et le dernier dénouement heureux d’une prise d’otages en Algérie! C’est le ministre algérien de l’intérieur qui livre la version officielle finale en déclarant : «les ravisseurs sont au nombre de neuf, quatre sont tués et quatre sont en fuite, leurs portraits sont diffusés et ils sont recherchés activement. Le neuvième est arrêté et donne aux forces de sécurité une adresse à Oued Slama à 25 km au sud Alger. Les forces de sécurité donnent l’assaut et le bilan est d’un mort et un blessé qui parle à son tour avant de mourir et donne une autre adresse. Un autre assaut des forces de sécurité et un autre blessé aussi qui donne des informations avant de succomber à ses blessures. Jean Claude Thévenot et Alain Fressier sont ensuite retrouvés ligotés dans une salle de prière située à Oued Koriche». Pour ce qui est de madame Thévenot, la version officielle dit qu’elle est restée trois jours avec son mari avant que ses ravisseurs ne lui changent d’endroit! Sur sa demande, elle est déposée à sa libération chez monseigneur Thessier, l’archevêque d’Alger d’où elle appelle l’ambassade de France. Elle est par contre porteuse d’une lettre de menace manuscrite qui est rédigée en toute hâte à l’intention des Français présents en Algérie en particulier : * les étrangers qui seront en Algérie le mois prochain risquent de se faire tuer. * il n y’aura plus de prise d’otages et ce sera plus violent qu’en Égypte. Cette version étant trop bien réglée pour être plausible conduit en effet certains experts à douter de la responsabilité des commandos islamistes. A Paris la rumeur dit qu’il y a manipulation de la part du gouvernement algérien et trois versions circulent concernant le scénario de cette libération. A ce propos, une chaîne de télévision française privée soulève des interrogations sur les vrais commanditaires de cette affaire à cause des zones d’ombres qui l’entourent.
Le pouvoir marque un point; Merbah assassiné depuis peu, c’est une revanche pour le gouvernement qui veut afficher sa maîtrise de la situation. Cette libération est un succès pour les services de sécurité algériens, ce qui va améliorer l’image du gouvernement algérien en France, mais aussi un coup de publicité extraordinaire pour le GIA qui met au devant de la scène l’éternelle piste islamique qui va servir à la DRS pour mener d’autres opérations. Les retombées politiques de cette affaire sont extraordinaires pour les généraux d’Alger, les parlementaires européens demandent en cette occasion l’annulation de 6 milliards de dollars de la dette algérienne contractée auprès de la CEE, (un argent qui s’est évaporé dans le labyrinthe des généraux), tout en appelant à une nouvelle politique vis-à-vis de l’Algérie anti-intégriste.
Stephan Hessel, ancien ministre conseiller à Alger entre 1964 et 1969 et président de l’association France-Algérie déclare à cette occasion : «On n’aura le fin mot de l’histoire que dans quelque temps».
Le ménage DRS-DST
Anéantis par la prise d’otages au Liban en guerre, les services français sont dans l’embarras le plus total et se débattent en vain dans le bourbier libanais pour la récolte de renseignements qui peuvent mener aux ravisseurs. Malgré de bons rapports avec les autorités libanaises, le gouvernement français est hors circuit dans cette zone où la situation échappe à tout contrôle. Les rues de Beyrouth sont devenues la propriété des milices de toutes tendances, dont celle proche du Hezbollah iranien qui a kidnappé des otages français. A cette période, l’Algérie jouit d’un crédit important auprès des Iraniens suite à la résolution pacifique de la crise des otages de l’ambassade américaine. De plus la sécurité militaire du temps de Boumediene a implanté à Beyrouth, grâce à l’aide du KGB, un centre d’écoute très avancé, ce qui lui donne une longueur d’avance dans le domaine du renseignement. Pour essayer de résoudre le problème des otages, les services français dépendent entièrement de la bonne volonté du MOSSAD qui monnaye bien ses informations qu’il distille au compte-gouttes. Avec l’arrivée en France de la gauche au pouvoir et le récent changement de président en Algérie, une nouvelle ère est née. L’histoire dira que l’arrivée de Chadli Bendjedid au pouvoir a permis à certains éléments «plus motivés», favorables au rapprochement avec la France, d’accéder à la sphère de décision et contribuer ainsi d’une manière très efficace à la fusion du mur de glace qui est dressé entre les deux pays depuis l’indépendance. Profitant de la nouvelle conjoncture, des responsables français émettent une demande de collaboration avec la sécurité militaire dans le but de libérer les otages. Pour se faire plusieurs va-et-vient entre Paris et Alger sont nécessaires pour venir à bout de tous les différends. Yves Bonnet, directeur de la DST à l’époque, fait de la réussite de cette approche avec la sécurité militaire algérienne un point d’honneur. Du succès de ce concubinage peu ordinaire dépend sa carrière personnelle et professionnelle. En fin de compte le marché est conclu entre les deux services DST et SM : une aide pour la libération des otages au Liban en échange d’informations sur les activités du parti de Ben Bella, le MDA. Du temps où la sécurité militaire algérienne était redoutable (les années Boumediene), il était évidement impensable d’imaginer un seul instant une coopération avec les services français surtout ceux de la DST!
Depuis cette date la coopération entre la DRS (la nouvelle appellation de la SM) et la DST s’est largement développée et les exemples ne manquent pas : Le cas le plus frappant (en période de paix) de cet échange souvent illégitime est l’affaire Mécili. A cette époque la sécurité militaire algérienne possède un service spécialisé qui s’occupe des Mouvements de Libération. Commandé vers la fin des années quatre-vingt par le commandant Mahmoudi (le dernier directeur), ce service avait la charge d’entraîner les commandos volontaires de chaque mouvement et de subvenir à leurs besoins logistiques. C’est ainsi que des Palestiniens, des Basques de l’ETA, des Irlandais de l’IRA et d’autres ont séjourné à plusieurs reprises dans un camp spécial d’entraînement dépendant du service non loin de Médéa à environ 85 Km au sud-ouest d’Alger. Comble du comble lorsqu’il s’agit pour Alger de condamner aujourd’hui publiquement le terrorisme! Concernant les Basques de l’ETA : un commando dirigé par un certain Domingo Iturbe Abásolo, alias Txomin ayant causé beaucoup de soucis aux Français et aux Espagnols qui demandent officiellement à Alger son extradition ou son refoulement. Pour satisfaire cette demande il est envoyé au Mali pour 48 heures puis revient. Un peu plus tard, lorsque Txomin se montre non disposé à négocier la fin de la lutte en Espagne, Il est liquidé le 25 février 1987. Nous passons sur les motifs qui ont mené à la liquidation le 07 avril 1987 de Ali Mécili, un ancien du Ministère de l’armement et des liaisons Générales (MALG : le service de renseignement algérien pendant la guerre de libération), par un homme de main de Smain Lamari, le capitaine Abdel-Malek Amalou alias capitaine hassane. Après son arrestation par la police française, Le tueur a droit à un billet première classe vers Alger. La relation entre la liquidation de Txomin et Mécili est l’on ne peut plus claire. Ca ne s’est malheureusement pas arrêté à cet assassinat, car l’oligarchie militaire en Algérie ne fait pas dans les demis-mesures. La liquidation des opposants au régime est une pratique tout ce qu’il y a de plus courant ; le représentant du FIS à Paris Abdel Baki Sahraoui est une victime dont le cas aurait dû susciter bien des interrogations dans un pays qui réclame la paternité des droits universels de l’homme. Sa liquidation est nécessaire pour ne laisser apparaître sur le champs politique et médiatique qu’une seule tendance du FIS, celle de Rabah Kebir qui est déjà bien amadoué par Jean Charles Marchiani depuis quelques mois. Pour la DST française, sous traiter des affaires pour le compte de la DRS est devenu chose courante, histoire de rendre service aux copains. En plus des informations piégées qui sont transmises par le service algérien à leurs homologues français afin de les mettre sur des pistes bien spécifiques plutôt que d’autres, les responsables du renseignement algérien demandent des services ponctuels, comme ils l’ont fait tout récemment en demandant : *une assistance pour l’identification et la localisation des membres du mouvement algérien des officiers libres (MAOL) et plus particulièrement du porte-parole, le colonel Baali Ali. *La neutralisation des sites Internet du MAOL par leurs experts. Notons au passage que plusieurs militaires qui se sont réfugiés en France (pour diverses raisons) durant les années 90(surtout à la fin) ont été réexpédiés à la demande d’Alger et ce malgré les conventions internationales en terme de droit d’asile ! Les officiers victimes de cette pratique (qui ont refusé pour la plupart de cautionner une hiérarchie criminelle) se sont retrouvés dans la prison militaire de Blida après une correction bien spécifique aux déserteurs. Il y a beaucoup à révéler sur cette «coopération» peu ordinaire où la loi n’a pas droit de regard, pour ce qui nous concerne, en plus des intérêts personnels des uns et des aspirations politiques des autres, cette coopération rentre dans un autre cadre et sert un but stratégique qui est celui de mettre les bâtons dans les roues du concurrent! L’aide des services algériens aux autorités françaises est très souvent discret, si ce n’est les fuites répandues par certaines sources qui le mettent parfois sous les feux de la presse. La livraison de missiles français par les Algériens aux Iraniens (un avion Cargo militaire algérien aux couleurs d’air Algérie livre des missiles français via Chypres) pour le compte des français. Cette livraison est faite entre autre pour satisfaire le gouvernement iranien durant la période de jugement des assassins d’un opposant iranien. Pour Alger, l’aide des services français est plus que normale, puisqu’en combattant l’intégrisme dans son nid, Alger rend service à Paris et prévient sa prolifération en Europe! Un argument largement évoqué par des politiciens qui clament un soutien ouvert et sans limites aux militaires d’Alger. Certains politiciens joignent l’utile à l’agréable et ne font pas de différence entre les affaires et la politique. Durant la chasse aux dirigeants du FIS à l’étranger, de grands moyens sont déployés et la priorité est donnée à la surveillance des responsables comme Ben Azouz Zebda qui est un des leaders et membre fondateur du FIS et connu pour être un affairiste redoutable. Il a pour mission, la collecte des fonds nécessaires à l’effort de guerre. Installé en Turquie, où Il réussit à monter une grande affaire, il se déplace beaucoup vers les capitales du golf en quête de financement. A la fin de l’année 92, des agents de la DRS le suivent pour identifier l’origine de ces fonds et incriminer les généreux donateurs. Il se rend au début de l’année 93 au Soudan et en guise de bienvenue, une soirée (à la Soudanaise) est organisée en son honneur dans la maison d’un notable. L’officier en charge de l’opération de surveillance arrive à le photographier à l’intérieur même de la maison avec les dignitaires présents ce soir là. La surprise est plus que formidable lorsqu’à la DRS on relève sur les photos la présence parmi les invités d’un homme fantomatique : Illich Ramirez Sanchez alias «Carlos». Pour Smain, cette découverte est un cadeau du ciel, une bénédiction car après l’éloignement de Carlos de la Syrie, c’est au Yémen que les services étrangers perdent sa trace. Le général Smain Lamari sait que le général Philippe Rondot et Charles Pasqua veulent tous deux mettre la main sur cet homme qui leur a mené la vie dure. Plus encore le général Rondot puisque Carlos est l’une des raisons de son éviction du SDECE (service de documentation extérieure et de contre espionnage, ancêtre de la DGSE). Le timing est plus que parfait, avec Charles Pasqua au ministère de l’intérieur, Le général Philippe Rondot à la DST comme l’un des meilleurs spécialistes français du monde arabe, Smain Lamari est sûr que la nouvelle va mettre les intéressés dans tous leurs états. Il se déplace en personne à Paris pour montrer les photos aux général Rondot. Le Calcul est judicieux! Smain sait qu’il aurait beaucoup à gagner en informant Rondot et non le ministre de l’intérieur Charles Pasqua; il veut consolider une relation qu’il a mis beaucoup de temps à construire. La suite, c’est un coup médiatique sans précédent pour la droite, une légion d’honneur pour le général Philippe Rondot, une revanche bien lourde de la DST sur la DGSE. Nous laissons aux ouvrages spécialisés le chapitre de la guerre entre les services français et ses conséquences sur la vie politique. Toujours est –il en ce qui nous concerne que pour la DRS (et spécialement la DCE), la DST est devenue le copain d’à côté. Ayant bâti cette relation sur une base plus personnelle que professionnelle, Smain Lamari est devenu un personnage incontournable qui met à mal la position même du général Toufik, ce qui décide ce dernier à bouger et veiller en personne sur l’évolution des rapports avec les services de la DST. D’un autre côté, il va sans dire que la DGSE reste pour la DRS un service très hostile à cause des prises de positions de celle-ci après les élections qui ont failli porter le FIS au pouvoir. Les recommandations de la DGSE au gouvernement français n’étant pas du goût d’Alger car préconisant aux politiques de se faire avec la nouvelle situation et de se préparer à traiter avec un gouvernement FIS de la même manière qu’ils traitent avec les pays du golf.
La brouille entre la DRS et la DGSE vient aussi du fait que les éléments de la DGSE sont plus rigides car astreints à la discipline militaire ; la marge de manœuvre réservée aux affaires est nulle. Pour la DGSE, l’Algérie est toujours un adversaire à surveiller de très près et pour cause, l’affaire des moines de Tibhirine est un exemple très flagrant dans ses tenants et aboutissants. Cette tragédie qui a choqué par son atrocité tous les Français a mis la DGSE dans un embarras certain. Un des objectifs principaux de cette macabre machination est de discréditer une fois pour toute la centrale du renseignement extérieur français. Les généraux de la DRS soufflent le chaud et le froid et prennent activement part à la vieille querelle dont ils tirent un grand bénéfice.
Le réseau dormant
Dès l’arrivée de la droite au pouvoir et suite au manque de personnel qualifié pour la surveillance des ressortissants algériens présents sur le sol français, les responsables des services de sécurité du ministère de l’intérieur français demandent à M’hamed Tolba (au moment où il est directeur de la police algérienne) de les renforcer en moyens humains sûrs, efficaces et capables de se reconvertir facilement sur le sol français ; une affaire qui fait tache d’huile au sein de l’administration de la police nationale. M’hamed Tolba M’hamed Tolba orchestre une vraie hémorragie au sein de la DGSN, plusieurs dizaines de jeunes officiers de police ayant fait leurs preuves sur le terrain sont sélectionnés par ses soins et envoyés en France. Le motif de leur déplacement étant bien singulier, «des vacances en France» en guise d’encouragement aux officiers méritants et ayant fourni le plus d'efforts. Une fois arrivés à bon port, les policiers algériens sont pris en charge et approchés par des officiers de la DST qui ont déjà le dossier complet de chacun des agents potentiels. Soudoyés par les promesses d’une belle carrière, la plus grande majorité des officiers dépêchés par Tolba succombe aux propositions et opte pour un changement de carrière avec l’acquisition immédiate de la nationalité française en prime. Même le fils de Ali Haroune, Abdel-Malek Haroune choisit cette reconversion rocambolesque! Ces officiers de police fraîchement recrutés sont pour la plupart utilisés par les renseignements généraux (RG). Les plus sûrs d’entre eux sont récupérés par la DST pour les investir dans les services de recherches ou dans le centre d’écoute téléphonique pour aider à la transcription des conversations entre individus algériens qui utilisent le plus souvent dans leurs discussions un langage codé que seuls des algérois peuvent comprendre. Notons au passage, que les policiers (tous grades confondus) qui fuient le feu en Algérie pour se réfugier en France sont tous approchés par les services de la police française. Sous la menace d’un rapatriement ou le refus d’une carte de séjour, ils finissent presque tous par collaborer ; certains plus perméables que d’autres pour des raisons bien simples que nous verrons plus loin dans le texte. Malheureusement pour Tolba, dès leurs entretiens avec les agents des services français, trois officiers parmi ceux qu’il a envoyé prennent immédiatement contact avec le chef du bureau de la DRS à l’ambassade d’Algérie, le commandant Habib. Ce dernier alerte sa direction de tutelle à Alger et de fil en aiguille, le général Toufik découvre la «trahison» du patron de la police nationale. Le général Toufik saisit l’occasion et ordonne au commandant Habib d’investir tous les policiers qui se mettent en contact avec lui et de leur expliquer la nécessité de leur présence au sein des services français pour des raisons de sécurité nationale. Il veut en faire des agents doubles et leur promet un tas d’avantages sociaux en plus de ceux perçus par le gouvernement français. La discrétion la plus absolue est recommandée par Habib à ses jeunes taupes et des instructions très strictes leurs sont données concernant les modes de contact avec le service. Cette opération de renflouement des services de sécurité français par des sujets algériens est ordonnée par Charles Pasqua en personne, et c’est grâce à lui aujourd’hui que des officiers de sécurité se retrouvent à des postes importants au sein de la police française dont certains au sein même de la DST comme agents doubles. Le pire pour L’ex. ministre de l’intérieur français c’est que le général Toufik a par la suite dépêché d’autres soi-disant policiers (des éléments de la DRS) qui ont rejoint le territoire français et qui activent…,officiellement comme… Charles Pasqua Près de quatre cents agents ou collaborateurs ont ainsi regagné le sol français et formé un réseau dormant clandestin constituant ainsi un moyen terrible de chantage qui a fait ses preuves dans…et ce grâce à monsieur Charles Victor Pasqua. Pour ce qui est de M’hamed Tolba, il espère devenir grâce à son apport le médiateur exclusif entre les services algériens et les services français avec la création d’un super service de sécurité intérieure similaire à la DST en Algérie. Mais c’est sans compter avec les ambitions du général Smain Lamari qui a en tête les mêmes projets. Pour ne pas soulever les suspicions des services français, Tolba est démis de son poste à la DGSN en douceur et nommé consul à Lyon. Il vit toujours dans la même ville où il gère une grande Boulangerie -Pâtisserie dans un centre commercial de renom en plus des nombreuses affaires qu’il possède en France et en Suisse. C’est Smain Lamari qui prend la relève et s’impose comme unique médiateur grâce à son passé avec les services de la DST et ses relations plus que privilégiées avec son ex. directeur Yves Bonnet. Un autre général, Saidi Fodil est démis de ses fonctions de directeur de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE, l’équivalent de la DGSE) lorsqu’il revendique la coopération avec les services étrangers prétextant qu’elle dépendait de la DDSE et non de la DCE (une mini-guerre des services ). Ce même général est par la suite liquidé pour des raisons du même genre en 1996 au début de la période présidentielle de Zeroual. Dans la pêche aux agents, la friction entre les deux services français DST et DGSE a donné des étincelles et les deux partis ont souffert des effets du choc entre poids lourds. |