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Initiateur du livre La Sale Guerre que finit par signer l'ex sous-lieutenant Habib Souaïdia, Mohamed Sifaoui vient de publier en Algérie, aux éditions Chihab, "Histoire d'une imposture" dénonçant ce qui devait être son premier ouvrage. Il se distingua, encore, en témoignant en faveur du général Khaled Nezzar au procès qui opposa le parrain de la mafia des généraux algériens à Habib Souaïdia. Un acte qui souleva pas mal d'interrogations. Comment un réfugié politique qui se dit persécuté par le pouvoir se range du côté de celui qui symbolise ce même pouvoir? Comment un réfugié politique publie un livre qui encense le pouvoir et s'érige en défenseur zélé de ces généraux qu'il pourfendait dans ses discussions en privé et dans la version initiale de La Sale Guerre ? Comment un réfugié politique, opposant au régime par définition, jouit-il des largesses de la télévision algérienne connue pour être un instrument entre les mains des généraux mafieux? Le peu de doute qui restait pour ceux qui hésitaient à voir en Mohamed Sifaoui le parfait agent envoyé par le Département des Renseignements et de la Sécurité (DRS) du général Tewfik, pour infiltrer les milieux de l'opposition en exil est levé pour beaucoup d'observateurs. Cette étiquette d'agent a collé toujours à Sifaoui. Elle ne le dérange pas, pour autant. Elle lui collait à la peau depuis qu'il était en Algérie. Cela ne le dérangeait nullement. "Bien au contraire, ça l'arrangeait" confie une journaliste algérienne qui l'a bien connu. L'arme de poing qui lui a été remise comme à beaucoup d'autres journalistes, il l'exhibait fièrement comme un enfant à qui on a offert un jouet.
Et pourtant, Mohamed Sifaoui n'a jamais été un agent du DRS. On ne lui a jamais fait signer un dossier d'agent. Telle qu'il m'a raconté ses relations avec le DRS je n'ai aucune raison de ne pas croire la source qui me confirme que l'ancien compagnon de Souaïdia n'a jamais été un agent du DRS.
Venu au journalisme par un pur hasard avec l'avènement de la décennie rouge, Mohamed Sifaoui a trimballé sa plume dans divers journaux algériens. Du quotidien gouvernemental Horizons au premier quotidien indépendant Le Soir d'Algérie en passant par le journal du général Mohamed Betchine, L'Authentique, il s'est fait remarquer par ses écrits sur la situation sécuritaire. L'information sécuritaire étant frappée, à l'époque, du sceau de la confidentialité, seuls les journalistes qui acceptaient de s'approcher des services de sécurité (police, gendarmerie, sécurité militaire) pouvaient traiter le sujet.
Sifaoui, comme beaucoup d'autres journalistes, était fasciné par ce monde mysterieux du renseignement et de l'espionnage. Pour connaître de près cet univers, il se lia d'amitié avec un journaliste dont le frère était capitaine au DRS. A la faveur de ses activités journalistiques il pensait trouver la brèche pour se rapprocher des services de renseignements militaires. Ses tentatives de se faire recruter comme agent échouèrent lamentablement. Sifaoui ne pouvait être recruté. Sur sa fiche, il est écrit "élément très entreprenant, instable et versatile" me confie une source sûre qui connaît bien son dossier. Sa participation à des opérations contre les groupes terroristes aux côtés des GLD (milices civiles) n'a fait que le desservir. C'était une preuve de plus, pour les recruteurs du DRS, que c'était un élément très entreprenant. Il ira jusqu'à tuer par arme à feu un voisin à lui qu'il soupçonnait d’appartenir aux GIA. Un crime dont il s'enorgueillit dans ses conversations en privé. Rien n'y fit.
Mohamed Sifaoui ne sera jamais recruté. On ne recrute pas quelqu'un qui cherche à se faire recruter coûte que coûte. Il est bon à utiliser en deuxième main. Autrement dit, il sera manipulé par un agent et non pas par un officier des services. Son rapprochement avec un officier risque d'être nuisible pour les services. Il est du genre d'agent qui ne connaît pas ses limites.
Avec le colonel Hadj Zoubir qui succéda au colonel Fawzi en 1997 à la tête de la cellule de communication du DRS, ce qui ne devait pas arriver arriva. Hadj Zoubir sans avoir fait signer de dossier d'agent à Mohamed Sifaoui n'a pas manqué d'entretenir des relations directes avec lui. Des relations qui n'ont pas tardé à tourner au vinaigre. Le journaliste qui oubliait de se limiter à son rôle d'agent qui exécute sans discuter les ordres de son officier traitant se prend pour l'égal d'un colonel des services de sécurité. Il est, alors, malmené, tabassé et renvoyé. Il dit même avoir été torturé. A un journaliste d'un quotidien arabe, il avoue avoir subi le supplice de la bouteille. Ce qui lui a provoqué des lésions anales. En somme, il a connu le sort de tout agent qui déraille.
Aigri par cette mauvaise expérience, il se retourne contre ses manipulateurs. Il met à profit ses déboires avec les services de la sécurité militaire pour demander l'asile politique en France. Bien que n'ayant jamais signé un seul article contre le régime du temps où il exerçait en Algérie, il est accueilli par l'organisation Reporters Sans Frontières qui met à sa disposition un bureau et un micro ordinateur. C'est ainsi qu'il fit la connaissance de Habib Souaïdia. Il prend en charge l'ex sous-lieutenant des forces spéciales et voit en lui une source de gains faciles. En recueillant ses témoignages et en les publiant dans divers journaux français, il se fera un nom et gagnera, à coup sûr, beaucoup d'argent.
Il commence, alors, à faire la tournée des rédactions parisiennes en leur proposant le témoignage d'un officier de l'armée algérienne sur les exactions des militaires en Algérie. C'est ce qu'il raconte dans son livre "L'Histoire d'une Imposture". Souvent, on lui demande de présenter cet officier. Il le fit à contre coeur. Devant les journalistes, il soumet Souaïdia à un véritable interrogatoire pour rendre son récit plus intéressant et susciter la curiosité des uns et des autres. Peu prolixe, Souaïdia est poussé par Sifaoui à raconter, parfois, n'importe quoi jusqu'à susciter le doute chez ses interlocuteurs. Le correspondant d'un quotidien arabe à Paris garde en souvenir deux cassettes audio où l'on entend Sifaoui inciter Souaïdia à s'attaquer à l'armée algérienne.
Cette tournée des rédactions parisiennes ne généra aucun bénéfice pour Sifaoui. Seul L'hebdomadaire Le Nouvel Observateur lui verse un acompte sur un article qu'il ne publiera jamais. Comme il l'avoue dans son livre. Il touchera un petit pécule de la part de la chaîne " canal + " en participant à la traduction de l'arabe au français des déclarations de Souaïdia.
Vint, alors, l'idée d'écrire un livre. Il se rend chez François Gèze directeur des éditions La Découverte et lui propose un brûlot contre l'armée algérienne. Comprenant qu'il s'agit d'un récit d'un officier qui était sur le terrain des opérations, Gèze lui demande d'écrire le livre à la première personne du singulier. Autrement dit, Sifaoui ne fera que prêter sa plume à Habib Souaïdia qui est le véritable auteur du récit qui sera publié sous forme de témoignage. Dans le jargon du monde de l'édition, on appelle celui qui prête sa plume "un nègre". Et c'était le rôle de Sifaoui.
Comme dans ses relations avec le DRS où il oublie qu'il n'était qu'un agent qui devait exécuter les ordres de son officier traitant, Sifaoui, dans la rédaction de La Sale Guerre a oublié son rôle de nègre pour se substituer au rôle de l'auteur.
Tout écrivain qui se respecte présente à son éditeur un manuscrit fini. Or, Sifaoui ne l'a pas fait. Il présentait les chapitres les uns après les autres en les soumettant à l'appréciation de l'éditeur, comme il le relate dans son livre "Histoire d'une Imposture". Ce qui prouve, on ne peut mieux, qu'il n'avait pas de manuscrit à proposer et dans le cas où l'éditeur émettait la moindre réserve, libre à lui de le retirer et d'aller voir un autre éditeur.
La Sale Guerre étant écrit à la première personne du singulier, ce qui signifie clairement que c'est Habib Souaïdia qui témoigne que de ce qu'il a vu et vécu. Sifaoui se substituant à l'auteur le fait témoigner sur des événements qu'il n'a pas connu ni de près, ni de loin. C'est le cas de la mutinerie de Serkadji. Il brosse également des portraits des généraux sur lesquels lui même est mal informé. En brossant au vitriol les portraits des généraux Khaled Nezzar (quel paradoxe!), Mohammed Lamari et Mohamed Mediène dit Tewfik, ce n'était plus Souaïdia qui témoignait mais son nègre. François Gèze le rappelle à l'ordre et lui signifie dans un courrier, que Sifaoui a eu la maladresse de publier en document annexe de son livre, qu'on ne peut attribuer à l'auteur des témoignages sur des événements qu'il n'a pas vécus. C'est ainsi qu'il s'est trouvé remercié par l'éditeur.
Chose qu'il ne pardonnera jamais à Souaïdia et à François Gèze d'autant plus que le livre s'étant bien vendu a généré à son auteur des gains substantiels. Sifaoui tout en écrivant noir sur blanc dans son livre "histoire d'une imposture" qu'il n'est nullement l'auteur de la Sale Guerre ne manque pas moins de réclamer à Souaïdia le partage des droits d'auteur. Il va jusqu'à contester la véracité des événements qu'il a écrit de sa propre main pour mieux prouver qu'il n'est en rien responsable de ce qui a été écrit dans "la sale guerre". Pourtant, ni l'éditeur ni Souaïdia ne lui ont demandé le remboursement de l'à-valoir qu'il a touché à la signature du contrat.
La vérité sur sa relation avec Souaïdia et l’œuvre publiée par les éditions La Découverte, je ne l'ai sue qu'à la lecture de L'Histoire d'une Imposture signé par Mohamed Sifaoui aux éditions Chihab. Auparavant, lorsqu'il m'a rencontré au mois de février 2002 peu après la parution de La Mafia des Généraux, Sifaoui m'avait donné une autre version. A savoir que La Sale Guerre dans sa version initiale était dirigée contre les généraux maffieux et qu'il veillait à ce qu'il n'y ait pas de confusion entre l'armée algérienne et cette poignée de généraux. Il s'était appuyé sur le blocus médiatique français qui avait été décrété contre mon livre "La Mafia des Généraux" pour me convaincre de sa bonne foi. Son discours d'opposant ne laissait aucun doute. Il ira jusqu'à téléphoner, à ma demande, au général Khaled Nezzar, pour que je puisse connaître les intentions des généraux à Alger et leurs réactions à la parution de La Mafia des Généraux.
Son livre "Histoire d'Imposture" dans lequel il se dédouane de sa participation à l'ouvrage de Souaïdia ne lui a jamais été commandé. Il l'a fait de sa propre initiative. Avant sa publication, je peux attester qu'il n'avait aucune relation avec les services. En publiant ce livre il a, au moins, le mérite d'éclaircir les choses. Il n'a fait que confirmer qu'il est un élément très entreprenant, instable et versatile. Par conséquent, il ne peut faire l'objet d'un recrutement de la part d'un quelconque service de renseignements. Tout comme ceux qui l'entourent sauront se méfier d'un homme qui se retourne du jour au lendemain sur ses alliés.