Posté par Rédaction LQA
Rachid Ziani-Cherif
Nombreux sont ceux qui se demandent, jusqu’à la confusion, comment se fait-il que, malgré les nombreuses vagues de protestations, qui n’excluent pas un seul secteur ou une seule région parmi les nombreuses régions du pays, restent malgré cela confinées, toujours buttant sur le méga dispositif sécuritaire, qui arrive chaque fois à étouffer cet élan dans l’œuf. Ce piétinement, est d’autant plus surprenant, qu’il semble traîner le pas et en porte à faux avec les révolutions populaires que connaît la plupart des pays du monde arabe. L’Algérie reste quant à elle, ‘réfractaire’ jusque là, et n’arrive pas à exprimer, de manière adéquate et conséquente ses aspirations aux changements. Cela reste d’autant plus frustrant, à la lumière de l’étendue des atrocités, en tout genre, subies par le peuple algérien, répression aveugle, corruption endémique depuis des décennies, et les nombreux sacrifices consentis par le peuple, surtout sachant que le peuple algérien a été l’un des pionniers, en matière de recours à la rue depuis les années ‘80’, pour exprimer son ras le bol face à la dictature et le pourrissement de la situation, pour demander le changement. En conséquence, il est impératif, si nous voulons vraiment mettre le doigt sur la faille, de réévaluer le parcours jusque là emprunté, pour pouvoir percer, et réaliser les aspirations légitimes du peuple algérien, et sortir de ce marasme mortifère, que constitue la corruption systématique, et permettre au peuple de reconquérir ses droits à la sécurité et la liberté, tout en le libérant de la mainmise de la mafia militaro financière, et de ses mercenaires de tous genres. La réponse à cette question exige de nous l’abord de ce problème sur deux volets:
Tout d’abord, recette du pouvoir pour contenir et avorter le mouvement de protestation (diagnostic).
Il convient de noter que le succès du régime algérien jusque là, à avorter les nombreuses et successives tentatives qu’a connu le pays des mois durant, ne trouve pas sa justification dans le fait que la situation en Algérie soit différente de celle des régimes arabes évincés ou ceux qui sont en stand by. Personne ne croit les couleuvres des prestidigitateurs du système et ceux qui gravitent autour, qui prétendent que l’Algérie est un Etat démocratique qui permet au peuple de jouir de liberté et d’un niveau de vie décent, et autres mensonges que ces mercenaires essaient de diffuser par le biais de ses médias rétrogrades; il ne fait point de doute pour tous ceux vivent dans leur chair, l’amère et dure vérité du quotidien en Algérie, que ce régime déliquescent, est dépourvu de toute légitimité, laminé par une corruption endémique non moins importante que les autres pouvoirs arabes en proie à des sursaut de révoltes. Mais l’objectivité nous impose le devoir de reconnaître que ce pouvoir, a pu grâce au machiavélisme acquis durant plus de deux décennies de répression, et de ruse diabolique, à brouiller les cartes et favoriser le pourrissement, en semant les graines du désespoir et du découragement au sein de pans entiers de la population, et anesthésier son potentiel en semant la peur et l’horreur, de ce qui pourrait en advenir comme conséquences découlant de toute tentative visant le changement.
Au lendemain des révoltes populaires qui ont ébranlé les fondements des régimes totalitaires dans le monde arabe et renversé certains d’entre eux, le pouvoir chez nous, eut recours, dans le cadre de sa stratégie préemptive, visant à contenir, voire saborder toute tentative de cette nature susceptible de voir le jour chez nous, à un certain nombre d’outils et de méthodes, dont nous nous contenterons de citer quelque uns:
- infiltrer ses éléments à tous les niveaux (pour rappel, le pouvoir a embauché récemment une armée de conscrits civils, notamment parmi les spécialistes dans l’utilisation de l’outil informatique), dans le but de contrecarrer toutes les tentatives avant même leur enclenchement, usant des divers stratagèmes dont il a les secrets, notamment par la désinformation, la tromperie, la corruption et l’intimidation, en miroitant la gravité des conséquences qui peuvent découler de ces actions ;
- Semer la panique à grande échelle, usant du spectre de la décennie sanglante qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, comme si le citoyen algérien ignorait le véritable responsable de cette tragédie qui a plongé le pays dans ce tunnel sombre, au lendemain du putsch de 1992, une sorte de menace à peine voilée à l’intention du peuple algérien, comme pour lui rappeler être en mesure de renouveler son forfait, et ratisser encore plus de victimes, toujours sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme;
- contrer les vagues de protestation, en déviant l’attention du peuple sur l’essence des revendications premières, par l’entremise de ses mercenaires recrutés dans les rangs d’une certaine presse et de certains intellectuels, en amputant ces élans de révoltes de leur dimension nationale et de leur portée politique et pacifique, les réduisant à leur aspect sectoriel corporatiste et les contenant dans un espace géographique restreint, dans le but de les étouffer dans l’œuf et d’éviter qu’elles ne se propagent aux autres régions du pays et aux autres pans de la société;
- Usage de l’arme fatal, l’argent que prodigue les recettes en hydrocarbures, utilisé aux fins d’acheter le silence des uns et les consciences des autres, et satisfaire quelque peu certains besoins immédiats, tout en veillant à étouffer les réelles revendications, gage de la durabilité du pouvoir effectif de fait;
- L’utilisation de l’arme dissuasive, celle du tout sécuritaire, aussi bien physique que psychologique, en mobilisant les interminables cordons sécuritaires constitués de force de l’ordre, en place depuis les premières heures de la matinée du jour des manifestations prévues, au point moins même de leur départ, ne lésinant sur aucun moyen pour assurer un maximum de diffusion, à grande échelle, de ces images terrorisantes, dans le but évident d’atteindre un double objectif: d’abord, semer la panique et la terreur avant le commencent, pour briser les volontés hésitantes et les dissuader et, d’autre part, empêcher l’avancée, ne serait-ce d’un seul pas, pour éviter que ces manifestations ne prennent de l’ampleur et drainent les foules qui s’identifieront à ces revendications, et afin de ne pas se voir contrainte plus tard de les réprimer sous les lumières des caméras indiscrets, ce qui contribuerait à dévoiler sa véritable nature et réfuterait ses allégations prétendant ne pas bannir les liberté, et permettre l’organisation des manifestations pacifiques ;
- et au cas où ces vagues humaines déferlantes arrivent quand même à briser ces premiers remparts sécuritaires constitués des lignes sécuritaire successives, les manifestants se retrouvent bousculé d’une manière dirigée, vers des rues parallèles secondaires, où les ‘attendent’ les hommes de mains récemment embauché par les services de Tewfiq, dans le but de faire obstacle aux manifestants, provoquant des échauffourées préméditées, pour leurrer l’opinion publique nationale et international, en présentant ces événements, comme de simples affrontements entre les différentes composantes de la société, et apparaître ainsi comme garante et soucieuse du bien être et de la sécurité des citoyens sans distinction, et oeuvrant d’arrache pied pour éviter les confrontations qui risquent de dégénérer. Un gain sur toute la ligne.
Cette stratégie démontre on ne peut mieux l’insistance du pouvoir et son exagération calculée à exposer délibérément et de manière provocante ses légions sécuritaires, suréquipé, pour faire barrage aux manifestants et empêcher ce fatidique « premier pas », qui risquerait de faire tache d’huile. Ce geste trouve son explication dans la ferme conviction du pouvoir que sa survie et sa cohésion reposent essentiellement sur sa capacité à saborder toute tentative d’extension de la vague des manifestations populaires, en particulier à la lumière de l’expérience que vivent divers pays arabes, l’Egypte, la Tunisie et le Yémen à titre d’exemple ; ces vagues humaines de protestation, ont prouvé qu’une fois ayant franchit le premier pas, et bravant les interdits des marées sécuritaires lourdement implantées, transforment à partir de ce moment là, tout l’arsenal médiatique et son dispositif sécuritaire répressive pléthorique, en arme obsolète, incapable d’arrêter la déferlante populaire demandant le départ des régimes corrompus. Ce qui renforce cette conviction, et fait perdre au régime algérien la boule, c’est que toutes les concessions faites ultérieurement par les régimes qui se sont effondré, se sont avérés ‘trop peu trop tard’, et bien en deçà, des ambitions de ces peuples, qui ont vu dans ces concessions ‘lâché’ à la catastrophe, de simples mesures tactiques, et qui dés lors n’acceptaient rien de moins que le départ pur et simple de ces systèmes corrompus, et la fin d’une ère sinistre dans leurs l’histoire. Partant de là, on comprend aisément les raisons de l’insistance du pouvoir en Algérie, à exhiber de manière arrogante son dispositif de répression, afin de ne pas se voir contraint d’en user ultérieurement, au moment justement où cet outil là aura perdu sa ‘fonctionnalité’ (dissuasive), signe de la fin de ceux qui ont bâtit leur pouvoir dessus.
Après ce diagnostic partiel, qu’est ce qui peut être fait pour contrecarrer ces plans?
Abordons le deuxième volet: que doit-on faire pour que la stratégie revendicatrice donne ses fruits.
Tout d’abord, concernant l’alibi « épée de Damoclès » utilisé par le pouvoir, celui de la menace des conséquences d’une autre décennie sanglante. Cela ne devrait en réalité avoir aucun effet dissuasif, car il existe une conviction quasi générale chez le peuple, qui considère que c’est précisément la pérennisation de ce système, qui est à l’origine des suites des décennies, tantôt sanglante tantôt lugubre, toutes confirmées d’ailleurs par les révélations de témoins de premier rang, qui prouvent que la main du pouvoir est derrière ces crimes immondes, crimes qui ont même franchit dernièrement les frontières du territoire national pour s’exporter sur le sol de pays frère et voisin, dans le but de faire barrage et empêcher que la vague des révolutions arabes ne rende visite à l’Algérie. Cette faillite morale criminelle du pouvoir se greffe d’une faillite en compétence, traduite sur le terrain par son incapacité criarde à gérer les affaires du pays à tous les niveaux en plus de la corruption rampante. Ainsi, la revendication du départ imminent de ce pouvoir est seule garante du bien être, de la stabilité, la sécurité et le retour de la paix en Algérie.
En ce qui concerne le mouvement des manifestants, il y a des raisons objectives qui entravent la progression de ces protestations, en terme d’expansion dans le temps et dans l’espace, parmi elle:
- ces manifestations restent encore isolées car confinées dans un cadre restreint, professionnelle, de revendication sectorielle, et ce malgré leur multiplicité et leur et fréquence, ce qui rend la tache aisée pour que le pouvoir, arrive à les neutraliser, soit par des réponses partielles anesthésiantes, soit en implosant le noyau protestataire de manière méphistophélique, sans en apporter des solutions concrètes à leurs problèmes.
- Partant du fait, que nul n’ignore que ce système, est un système illégitime et obsolète, et que selon l’adage arabe, ‘celui qui ne possède pas, ne peut pas donner’, il serait donc plus qu’absurde que les manifestants s’attendent à ce qu’ils obtiennent de ce pouvoir des réponses réelles à leurs revendications légitimes, tout ce qu’ils recevront par contre, ce sont de vaines promesses ou des pots de vin ‘trompe œil’ dans le seul but de contrecarrer les efforts de changement réel, déviant le parcours originel de leur revendications, tout cela dans l’ultime but d’assurer la survie du système inchangé, avec la même structure et la même méthode de travail, en instillant à la goutte des pseudo changements partiels;
Les manifestants manquent encore de vision globale à même de les libérer de l’emprise de ce système et de ses illusions, à tel point qu’il agissent encore comme si ce système était réformable, capable et disposé à satisfaire leurs revendications, bien que la seule chose dont ce système fut disposé à faire preuve, était de ‘satisfaire’ les revendications de ces milliers de manifestants, en lâchant une armée de forces de sécurité, auxquels on vient juste de doubler le salaire pour les ‘encourager’ à briser sans modération les corps des protestataires. Il est judicieux à cet égard de rappeler que les systèmes finissants, montrent au moment critique, qu’ils sont disposés, quand l’étau se resserre autour d’eux, à promettre même ce dont ils sont incapable de satisfaire, dans l’espoir vain que ces promesses puissent leur permettent de survivre (au pouvoir). Le président Ali Saleh, n’a-t-il pas promis au peuple yéménite de satisfaire toutes ses exigences lorsqu’il s’est senti pied au mur, assiégé par les appels ‘Dégage ‘(arhal)! Alors qu’il s’était, juste avant cela, muré des années durant à décliner tous les appels au dialogue lancés par ses opposants, tout comme c’est le cas aujourd’hui avec notre Ouyahia, le porte-parole non officiel du général Tewfiq. Mais contrairement au Yémen, la Tunisie et l’Egypte, le pouvoir en Algérie, comme d’ailleurs son homologue libyen, dispose de beaucoup de liquidités, dont il pourrait (c’est déjà en cours) se servir à satiété, si la nécessité se fait sentir plus tard, pour maintenir sa mainmise sur la destinée du pays. Est-ce que ceux qui sont sortis pour revendiquer leur droit à la liberté et la dignité accepteront-ils de troquer ces droits nobles et légitimes contre des pots de vin offert par ce pouvoir maffieux? Il n’est un secret pour personne que ce pouvoir est incapable de réparer en quelques semaines les injustices et autres crimes qu’il a perpétré depuis prés d’un demi siècle. A la lumière de cela, seul le changement réel est à même de satisfaire la principale revendication du peuple, ce qui implique de facto, la fin de ce pouvoir corrompu délétère et honni. Ce pouvoir responsable des catastrophes dont a été victime le pays ne pourrait en aucune manière faire partie du changement espéré.
- Quelle solution alors?
Toutes les protestations se sont heurtées au mur constitué par les cordons des différentes forces de sécurité, et de ses baltajia affiliés, ce qui impose le devoir de changement de cette stratégie, et pourquoi pas s’inspirer des expériences de terrain de nos frères en Egypte, en Tunisie, au Yémen, et même la Syrie, en les adaptant à notre situation propre, aux fins suivantes:
- Parvenir à une harmonisation et à l’unification du programme et du calendrier du mouvement de protestation civile, englobant le territoire national, de telle sorte que ces manifestations démarrent le même jour, sans préavis, et à différents endroits à la fois, vers des points de rencontres (2 à 3 places dans chaque ville), et dans toutes les villes qui peuvent mobiliser les masses, en mettant l’accent sur le caractère pacifique, même en cas de provocations avérées, de la part des forces de l’ordre en tenue ou en civil et de ses affilés informels.
- Ne pas confiner les revendications dans un cadre professionnel exclusif, ce qui risquerait de faire perdre à cet élan la sympathie, le soutien et l’adhésion des autres pans de la société, qui pourraient se sentir non concernés, alors que la réalité sur le terrain montre bien, que toutes les composantes de cette société souffrent de la mal vie, de la dictature, du manque de libertés, sous l’emprise de ce même système qui a institué un mode de gouvernance basé sur la tyrannie et la corruption, ce qui fait que la revendication est une et indivisible. Ce changement une fois institué, en mettant fin à ce système moribond, chaque catégorie pourra alors voir ses revendications légitimes satisfaites et sa situation améliorée. Et ainsi seront balayés d’un revers de main, les allégations de ce pouvoir, prétendant le caractère purement social, et partiel de ces manifestations, sous prétexte que l’Algérie a déjà entamé des réformes et par conséquent n’a que faire de révolution pour le changement, à l’image du reste des autres pays arabes;
- Nécessité de délimiter et d’uniformiser les slogans revendicatifs, afin de lever toute ambiguïté, dans un but clair, celui de mettre le doigt sur le mal qui ronge le pays et cause sa déliquescence totale, un mal dont la responsabilité incombe au ‘pouvoir’, et dont le départ constitue l’exigence fondamentale à même de libérer le peuple de son emprise.
Enfin, la sortie en masse des populations, en même temps et en plusieurs endroits, dans différentes régions du pays, mettra en échec l’objectif de ce pouvoir, qui ne pourra, concrètement, arrêter des centaines de milliers de manifestants, même en usant de ces multiples dispositifs sécuritaires, ce qui dévoilera au grand jour, sa réelle image hideuse, tout en sachant pertinemment que nombreux, parmi ces forces de l’ordre, refuseront l’ordre de réprimer des civils pacifistes, ce qui annihilera les stratagèmes de cette cabale. Un tel changement de paradigme dans la stratégie de protestations annulera de facto l’argument officiel tant brandit, selon lequel le gouvernement fait preuve de beaucoup de retenue face aux manifestants. Et ainsi ce sursaut citoyen pacifique acquérra, inévitablement l’élan nécessaire et réussira à drainer les masses vers l’aboutissement de la voie du changement et imposera son autorité sur le reste des autres forces du peuple jusque là hésitantes ou ‘réfractaires‘ voire même les plus réticentes, pour convaincre jusqu’à ceux qui jusque là gravitaient autour du pouvoir en place, et qui n’hésiteront pas un instant à quitter le bateau du pouvoir finissant; l’expérience récente dans le monde arabe abonde en leçons et en exemples.