Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • no moment

    20110620.jpg

  • meme nos gouvernants sont contrefaits 3eme choix!!!!

     
    Contrefaçon et rente

    Par : Mustapha Hammouche

    Le directeur général des douanes vient de nous apprendre que 65% des marchandises importées sont des imitations !
    Le problème n’est pas tant dans cette réalité des choses, tant nous savions déjà que le pays a été transformé, ces dix dernières années, en bazar pour économies de contrefaçon. Il est surtout dans le fait que le garde-frontière de l’économie nationale l’annonce, ainsi, sur le ton du simple constat, comme si la situation ne devait point prêter à conséquence. Comme s’il suffisait d’invoquer la culpabilité des “importateurs véreux” pour se… dédouaner de sa responsabilité institutionnelle.
    Les douanes n’ont pas pour rôle de nous informer, d’informer le consommateur sur le niveau d’abus dont il est victime, mais de l’en prémunir. Bouderbala aurait donc dû nous faire part des mesures qu’il compte mettre en œuvre pour ce faire. À moins que, dans la réalité, son institution n’ait pas les prérogatives ou les moyens d’empêcher ce trafic. Plus grave que de raison, le directeur général des douanes nous avise que, non seulement, nous sommes trompés dans les articles de téléphonie, d’électroménager, mais aussi dans les médicaments et dans les cosmétiques qui sont aussi des produits de soin corporel. En d’autres termes, nos malades sont escroqués sous le regard d’un État impuissant à juguler l’arnaque, sinon passif.
    Car, enfin, l’argument des “importateurs véreux” ne suffit pas à justifier cette “bazardisation” massive du marché de consommation, puisque l’opération d’importation constitue l’acte le plus rigoureusement réglementé de l’activité économique nationale. Ces “importateurs véreux” ne sont tout de même pas clandestins, particulièrement dans le médicament, quand on connaît les critères “politiques” qui autorisent l’accès à cette activité. Ce domaine du commerce international est informellement mais strictement réservé !
    Il n’était donc pas étonnant alors que ce pouvoir des oligopoles sur la “libre importation” allait s’accompagner du pouvoir de neutraliser des fonctions de contrôle de qualité et de conformité. Inutile de nous montrer du doigt des “importateurs véreux” si, en même temps, ils restent hors de portée de la réglementation et ont ostensiblement pignon sur rue.
    L’État a bien vu les sources d’approvisionnement se déplacer des États-Unis et de l’Europe vers la Chine, la Turquie, Dubaï, l’Inde ou la Jordanie. Même l’investissement public en matière d’équipements, y compris dans les télécommunications et la pétrochimie, est proposé à des opérateurs issus d’économies nouvelles venues à la technologie. Comme le montre la multiplication de scandales autour de contrats internationaux, les pratiques corruptives ne sont pas toujours étrangères à ce recours tendanciel aux technologies de deuxième main. Si, en plus, on peut satisfaire les besoins du consommateur local à moindre prix, on ne se fait pas trop regardant sur la qualité de ce qui lui parvient. La paix civile n’a pas de prix.
    Finalement, la camelote qui tient lieu d’offre commerciale au consommateur ne relève pas de la seule force de quelques esprits véreux et malins, mais d’un modèle économique qui augmente le pouvoir des opérateurs politiquement agréés et affaiblit l’autorité de la fonction de contrôle. La consommation de contrefaçon est inhérente au système rentier

    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

  • pas de futur pour L'ALGERIE!!!!

    No futur !

    Par Hakim Laâlam  
    Email : laalamh@yahoo.fr
    Au bout d’un long et insoutenable suspense, ça y est !
    La FAF a choisi ! Et le nom du nouvel entraîneur de
    l’équipe nationale de football est…

    … Eric Gerets !

    Finalement, des quatre anciens chefs de l’Etat, seul Ben Bella devrait répondre à l’invitation d’Abdekka à venir discuter de l’avenir de l’Algérie. Je ne sais pas pour vous, mais moi, cette nouvelle m’emplit d’un spleen profond. Rien que d’y penser, je vois déjà dans ma glace se former des cernes et des poches sous mes yeux. Mon Dieu ! L’avenir de l’Algérie en discussion entre Boutef’ et B. B. Y a franchement de quoi se montrer inquiet, profondément inquiet pour l’avenir d’un pays qui serait discuté par ces deux-là ! Il y a des tonnes d’années, le premier se sentant menacé par le second a pris les devants en allant demander à un troisième – qui allait devenir ensuite le numéro un – de liquider le rival soupçonné de malveillance. Vous me suivez ? Non ! C’est logique ! Même moi, je n’arrive plus à me suivre dans ce fatras. Retenez juste cette incongruité : un mec qui en a fait emprisonner un autre pendant des tombereaux d’années le rappelle ensuite en 2011 pour lui demander de prendre le thé et de dialoguer du futur. Mais quel futur peut jaillir de ces deux-là, ya bouguelb ? Même Gandhi, dans sa période la plus zen, n’aurait pas pardonné à quelqu’un qui l’aurait mis en taule aussi longtemps que l’a été Ben Bella. Et pourtant, lui, c’est le mahatma, connu pour en supporter des masses en matière de hogra et de sévices. Eh ben plus fort que Gandhi, y a B. B. et Abdekka. Presque 200 ans à eux deux et ils planifient entre deux gâteaux aux amandes notre avenir à nous tous. Deux centenaires en guise de balises pour notre futur ! Qu’est-ce que nous avons fait au bon Dieu pour mériter cette punition, Allah yarham babakoum ? Quel est ce péché mortel qu’aurait commis la population majoritaire de l’Algérie, celle des jeunes, pour se voir condamnée à n’entrevoir d’avenir qu’à travers un tête-à-tête entre Abdelaziz Premier et H’mimed ? Que devons-nous faire comme rituel de repentance pour que soit levée cette malédiction gériatrique ? Je ne vois qu’une seule voie de rédemption pour l’heure : fumer du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
    H. L.

  • LE PERSONNEL NAVIGANT COMMERCIAL RÉUSSIT SA GRÈVE


    Air Algérie clouée au sol

    Les passagers d’Air Algérie ont vécu hier une journée cauchemardesque à l’aéroport Houari- Boumediène en raison de l’annulation de tous les vols de la compagnie suite au mouvement de grève lancé par le Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNCA). Orientés vers les vols d’autres compagnies quand la destination était programmée, les passagers ont dû jouer des coudes pour être enregistrés sur ces vols. Beaucoup n’ont pas pu rejoindre leur destination en raison du nombre réduit de places disponibles.
    F.-Zohra B. - Alger (Le Soir) - Les vols vers Montréal, Barcelone, Paris, Nice, Bruxelles, Milan, Francfurt, Palma et vers d’autres destinations étaient annulés hier. Une ambiance particulière régnait à l’aérogare internationale Houari- Boumediène. Dès le hall d’entrée, la couleur était annoncée : les tableaux électroniques indiquaient l’annulation de tous les vols de la compagnie Air Algérie, soit onze en tout. Si quelques guichets d’enregistrement fonctionnaient normalement, d’autres ont dû faire face à un rush de voyageurs détenteurs de billets Air Algérie, impatients de s’inscrire sur les vols en question. Le plus sollicité était incontestablement Alger/P aris-Roissy-Charles-de Gaulle programmé en début d’après-midi. Des passagers, le visage inquiet et brandissant leurs billets tamponnés par la compagnie Air Algérie, attendaient impatiemment de se faire enregistrer. Ils ont dû patienter cependant plus de deux heures dans une longue file d’attente avant que l’enregistrement ne commence dans une ambiance tendue. Tout le monde ne pouvait cependant pas prendre le vol, en raison des places limitées disponibles. Même ambiance dans un stand réservé à l’enregistrement de passagers sur le vol de la compagnie Royal Air Maroc à destination de Casablanca. Deux agents débordés tentaient de faire comprendre à un groupe d’une vingtaine de personnes qu’il n’y avait que quatre places disponibles. L’arrivée de deux passagers prioritaires de la compagnie marocaine a anéanti les espoirs des présents. «Nous n’avons pas où aller, on ne peut nous annoncer comme ça que le vol est annulé, c’est une aberration, et en plus on nous parle comme si on allait prendre le bus, nous ne sommes pas en train de mendier, nos billets nous les avons payés», s’emporte une jeune fille ayant acheté un billet à destination de Casablanca. Dans le hall de l’aérogare des familles, des groupes de passagers erraient, traînant leurs bagages et ne sachant qu’elle solution adopter. Les guichets de la compagnie Aigle Azur et d’Air France ont dû accueillir des passagers d’Air Algérie hagards et espérant prendre le prochain vol vers la France. «Nous sommes là depuis 7 heures du matin, nous courons d’un guichet à un autre en vain et on nous demande d’attendre encore, nous n’avons pas où aller, nous devions rentrer chez nous aujourd’hui », s’indignent deux femmes. Même ambiance au guichet d’Air Algérie où une cinquantaine de personnes tentaient vainement de se faire rembourser. «Voyez avec l’agence où vous avez acheté le billet», répétaient inlassablement les employés de la compagnie. Même spectacle au niveau des lignes intérieures où, cependant, il n’y avait pas de solution de rechange pour les passagers qui ont dû soit annuler leur voyage soit opter pour d’autres moyens de transport. Pour sa part, la compagnie Air Algérie précise, dans un communiqué de presse, qu’à l’issue d’une action en justice engagée contre «les auteurs du préavis de grève prévue pour le 15 juin 2011 par des délégués du SNPNCA, une ordonnance a été rendue par la justice sommant les initiateurs de ce mouvement d’annuler leur action».
    F.-Z. B.

    Le PNC d’Air Algérie annule sa grève

    Le personnel navigant commercial d’Air Algérie a décidé, en milieu d’après-midi, de reprendre le travail après une journée de grève. Le premier avion programmé est parti à destination de Paris. Notons que l’annulation de la grève est intervenue au terme de négociations menées par Abdelwahid Bouabdallah, président-directeur général d’Air Algérie.
    T. H.

  • APRÈS PLUS DE 80 JOURS DE GRÈVE

     
    Les résidents ne renoncent pas

    Les médecins résidents ne reculent toujours pas. Hier encore, ils ont observé un sit-in suivi d’une marche à l’intérieur du CHU Mustapha d’Alger, juste pour dire, souligne le Dr Omar Mohamed-Sahnoun, l’un des délégués du Collectif autonome des médecins résidents, que «nous sommes présents et nous irons jusqu’au bout pour changer le système national de santé».
    Lyas Hallas - Alger (Le Soir) - Le représentant des résidents, dont le mouvement dure depuis 80 jours, a dénoncé les pressions que subissent ses pairs à cause de leur détermination, comme les «ponctions anarchiques». De même qu’il s’est indigné du fait de leur interdire mardi de donner du sang à l’occasion de la Journée mondiale du don de sang. «Comme si nous étions des pestiférés ou que nous portons un virus. Si c’est vrai, nous leur dirons que le virus que nous portons s’appelle détermination et nous ne baisserons jamais les bras», assène- t-il. Et de préciser : «Au début, ils nous ont signifié qu’ils ont reçu des instructions, on ne sait d’où exactement, de ne pas prélever du sang aux résidents. Mais aujourd’hui, vers 11 h, et sous la pression, puisque nous étions nombreux, ils ont cédé et 70 parmi nous ont donné de leur sang. Notre but n’est pas de médiatiser cette action humanitaire mais nous estimons que durant l’été et le Ramadhan, les besoins en sang augmentent et qu’il faudrait réalimenter la banque de sang. Ainsi, nous avons décidé d’étaler cette action sur 15 jours.» Revenons au sujet de la grève, il a rappelé que ces sit-in, puisque trois sit-in régionaux ont été tenus en même temps, à Constantine, Tlemcen et Alger, ont été décidés lors des assemblées générales tenues après la marche du 1er juin jusqu’à l’APN où des délégués des résidents ont été reçus par Abdelaziz Ziari, président de l’Assemblée. Lors de cette réunion, Ziari leur promis l’installation d’un audit pour étudier la question du service civil, point de discorde entre les résidents et la tutelle. «Nous aurions pu tout avoir si nous avons abdiqué par rapport à cette question de service civil», affirme-t-on. Or c’est «le bien-être du malade qui nous pousse à aller de l’avant. Nous refusons que le service civil, solution provisoire qui s’est installée dans la durée, persiste, et que les gens du Sud et des autres contrées reculées du pays se soignent dans les conditions pitoyables qui prévalent là-bas». En fait, avance le Dr Mohamed- Sahnoun, «nous nous battons contre la médiocrité du système de santé, qui doit changer». Les résidents d’Alger, Blida et de Tizi Ouzou, qui se sont rassemblés dès 9 h à l’intérieur du CHU Mustapha, estiment que les mesures pédagogiques prises par la tutelle sont «exceptionnelles». Elles répondent à une situation «exceptionnelle» et ne rassurent guère ni sur leur avenir ni sur l’amélioration du système de santé. A ce propos, ils sont unanimes : «Ce sont eux qui ont peur de l’année blanche, pas nous.» D’ailleurs, insiste le Dr Mohamed-Sahnoun, beaucoup de décisions de la conférence des doyens des facultés de médecine n’ont pas été appliquées. «Qu’ils rattrapent les trois mois de retard que nous avons perdus à cause de la grève et organisent les examens en septembre. Au lieu de cela, ils essayent de diviser nos rangs et déstabiliser notre collectif en annonçant l’établissement de listes des résidents voulant passer les examens. Mais nous, nous n’abdiquerons jamais», ajoute-t-il. Idem pour les engagements de Ziari dont l’audit n’a pas été installé jusqu’ici, tout comme notre statut, contrairement aux annonces du ministre de la Santé, qui situe la bloquage au niveau de la Fonction publique. Néanmoins, un important dispositif de police a été installé tout autour du CHU Mustapha pour empêcher les résidents de sortir. Même s’ils n’avaient nullement l’intention de sortir. Tout au long du sit-in et de la marche, ils scandaient «Nous ne voulons que dignité, dignité pour les résidents», avant de se disperser vers 14 h.
    L. H.

  • Echec et rente

     

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    Des milliers de retraités se sont déplacés hier au siège de la centrale syndicale pour réclamer une revalorisation de leur pension. Ils se sont mobilisés, eux aussi, mais eux surtout, pour exiger la reconquête d’un certain pouvoir d’achat qui fond comme neige au soleil sous l’effet d’une augmentation généralisée des prix des produits et des services. Le malaise social dans lequel baigne cette population du troisième âge, qui est estimée à près de 2 millions de travailleurs retraités, est peut-être l’indice le plus probant d’une injustice commise à l’endroit de certaines catégories de la société. 

    L’ouverture débridée de notre économie dans les années 1990, si elle a permis en effet l’éclosion de multimilliardaires, huilé les circuits de l’affairisme et encouragé parfois des pratiques peu orthodoxes d’enrichissement douteux, comme de la corruption, elle n’en a pourtant pas permis, en revanche, de corriger certains décalages entre les différentes catégories de travailleurs. A telle enseigne d’ailleurs que le plus bas niveau de rémunération (SNMG) qui, après de multiples augmentations, a été porté à 15 000 DA, ne veut plus dire grand-chose. Quel sens économique reste-il à un SNMG dont la fonction sociale permet à peine l’acquisition d’une ration alimentaire pour seulement quelques jours ?  La mutation systémique de notre économie dont se gargarisent nos dirigeants politiques pour justifier à chaque fois le refus d’alignement des salaires ne fait plus recette.

    L’argument de la logique économique que nos ministres ont l’habitude d’opposer à l’opinion publique est aujourd’hui enterré par la montée au créneau de toute une armée de catégories de professionnels à la fois de la Fonction publique et du secteur économique (public et privé).  Il n’est pas rare d’entendre ça et là des voix qui s’élèvent pour réclamer carrément leur part  de «la rente». Sans doute, les pouvoirs publics l’ont-ils déjà compris en ayant largement ouvert le robinet des finances. L’enjeu est tel que les manifestations de rue qui se sont multipliées en Algérie depuis janvier dernier comportent, outre la nécessaire instauration de la démocratie, des revendications socioéconomiques de plusieurs ordres. La vulnérabilité de la population des retraités montre, au juste, toute la faiblesse de la protection sociale et les errements d’une politique que ses auteurs ne pourront plus jamais soutenir en se cachant derrière les faux chiffres d’une gestion chaotique qu’ils refusent d’assumer.


    La nouvelle donne politique nationale que l’Exécutif actuel se doit d’intégrer dans ses plans exige en tout cas de ce dernier d’abord de concéder l’aveu de son échec à trouver des solutions. Ensuite, faut-il éviter de se mentir encore une fois et admettre que le salut ne peut venir de la planche à billets. Enfin viendra un jour, sinon déjà le moment, où la question même de la gestion de cette «rente» pourrait être posée avec beaucoup plus d’acuité. Mais là, la rente n’y pourra rien. Tout le monde voudra gérer, gouverner. Et si, par contre, cette rente n’était plus là ?
     

    Ali Benyahia
  • no moment

    20110616.jpg

  • La partie visible de l’iceberg

    La commission Bensalah sur les réformes politiques

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    Le véritable débat sur la nature et la portée des réformes politiques à engager dans le pays se déroule-t-il ailleurs qu’au sein de la commission officielle présidée par le président du Sénat, Abdelkader Bensalah ?

    Quand on lit les déclarations peu élogieuses de l’ancien président du Haut-Comité d’Etat (HCE), Ali Kafi, sur le dialogue tel qu’il est organisé et sur le bilan de la gestion Bouteflika, tout incline à penser que le chapiteau qui doit abriter et arbitrer les consultations sur les réformes n’est pas encore dressé. Le dialogue en cours en cacherait-il un autre – décisif celui-là – qui se déroulerait dans l’ombre ? Il y a, en effet, d’un côté les consultations officielles menées au pas de charge par Bensalah et ses deux collaborateurs,  tous désignés par le président Bouteflika, qui reçoivent sans discontinuer, pêle-mêle : représentants de partis politiques, personnalités nationales ou présentées comme telles, responsables du mouvement associatif actifs sur la scène nationale ou éternels opportunistes n’apparaissant que dans des conjonctures propices à la distribution de prébendes.

    Il y a, de l’autre côté, les voix dissonantes qui ont décliné l’invitation de la commission Bensalah et qui se sont vues, de facto, ignorées par la télévision et les médias publics ne trouvant que certains titres de la presse privée pour répercuter leurs messages. Entre ces deux courants, une troisième voie s’est affirmée dans ce débat qui part décidément dans tous les sens. Elle est incarnée par des personnalités censées être en rupture de ban avec le pouvoir pour certains ou, pour d’autres, évoluant à la lisière de ce pouvoir avec lequel elles n’ont, en vérité, jamais rompu les amarres. C’est le cas de l’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, de l’ancien ministre de la Défense nationale Khaled Nezzar, ainsi que de l’ancien secrétaire général du FLN Abdelhamid Mehri qui ont préféré, chacun avec ses arguments et son «plan de bataille», faire le déplacement à la présidence de la République pour y exposer, de vive voix, leurs visions respectives des réformes devant la commission Bensalah. Indépendamment du contenu des propositions faites par ces personnalités, il est un fait que leur émargement au bas de la liste des invités de la commission Bensalah est perçu par cette structure comme une aubaine, un appel d’air frais pour donner au travail de la commission un zeste de crédibilité.


    Et si la commission Bensalah n’était que la partie visible de l’iceberg du débat sur les réformes, dont les contours apparaissent, en l’état actuel des choses, flous et insaisissables ? On crée un simulacre de dialogue avec des acteurs de divers horizons pour sacrifier aux convenances démocratiques imposées par l’actualité politique régionale tout en reconnaissant les limites des prérogatives de cette commission puisque dès le départ, on n’a pas écarté l’idée de voir ce dialogue prendre une autre forme lorsque la commission Bensalah aura achevé sa mission. Tout laisse croire que cette seconde phase du dialogue est déjà en train de s’ébaucher par petites touches, confirmant ainsi que la commission Bensalah n’est rien d’autre qu’un théâtre d’ombres chinoises où l’on voit des acteurs s’agiter et amuser la galerie pendant que les véritables concepteurs du spectacle et les acteurs de premier plan s’attellent, derrière le rideau, à mettre au point la représentation finale.


    Certains de ces acteurs ont choisi de descendre dans l’arène et d’agir à visage découvert, tout en prenant soin d’enrober leurs propositions dans un emballage avenant pour ne pas être suspectés de caresser des desseins politiques malveillants.
    C’est le sens que les observateurs ont donné à l’incursion de Mehri dans le débat.
    Un pied dans le système, un autre dans l’opposition-maison. En acceptant de prendre part au dialogue, Mehri se démarque des parties qui ont boycotté la commission Bensalah, y compris des sensibilités politiques dont il se dit proche comme le FFS de Aït Ahmed, mais tout en saisissant cette tribune politique pour tenter de recadrer le débat tant du point de vue de la démarche qui doit sous-tendre le dialogue sur les réformes que des objectifs politiques qu’il assigne à ces réformes. L’idée de la conférence nationale sans exclusive – allusion aux islamistes – dont il s’est fait l’avocat lors de sa rencontre avec les membres de la commission Bensalah trouvera-t-elle un écho favorable auprès de Bouteflika et des décideurs ?

    Faire une telle proposition, c’est déjà reconnaître que la commission Bensalah est inopérante. Il reste que pour qui connaît l’habileté politique de Abdelhamid Mehri qui ne s’aventure jamais en terrain hostile et miné, lui qui n’entreprend rien s’il n’a pas de visibilité maximum, il est à se demander s’il ne vole pas au secours du pouvoir pour animer ou réanimer le projet de réformes qui bat de l’aile. Cela, de manière consentante ou par défaut. Parce qu’il trouve, lui aussi, quelque part son compte dans ce scénario politique qui se décline comme le dernier acte dans la voie de la politique de réconciliation nationale qui demeure à ses yeux inachevée avec les différentes lois y afférentes promulguées en la matière. Et on peut pousser le bouchon plus loin encore sans verser dans la paranoïa politique en se demandant si Mehri n’a pas été investi d’une mission para-officielle de sauver le dialogue en cours en plaçant le dossier de la réconciliation nationale chère à Bouteflika au cœur du débat sur les réformes politiques.

    Le moins que l’on puisse dire est que le pouvoir devra arbitrer entre des positions qui sont loin d’être solubles les unes dans les autres. En politique – et c’est d’autant plus vrai dans les pays non démocratiques – les arbitrages politiques ne sont pas le fruit d’une saine compétition dans un jeu politique et institutionnel démocratique classique, mais le résultat d’un jeu d’influence, d’un rapport de forces entre clans du pouvoir.
    Pour le moment, la partie se joue à huis clos, sans arbitre et sans galerie ; l’opinion publique étant maintenue en dehors du débat. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les Algériens ne veulent pas de changement ou de réformes. On a vu, à travers les expériences des révolutions arabes, de quoi sont capables les peuples quand la coupe est pleine.

    Omar Berbiche
  • Algérie : La machine de mort


    Rapport établi par Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum , octobre 2003

    Sommaire


    3. Les centres de détention secrète, de torture et d’exécutions

    Une première liste de 95 centres

    L’Algérie comporte un grand nombre de centres de détention secrète et de torture dépendant des forces dites « de sécurité ». En fait, dans tous les commissariats de police, brigades de gendarmerie, postes de gardes communaux et de miliciens, et dans plusieurs unités de l’ANP — principalement celles des « forces spéciales » —, la torture est pratiquée. Mais ce sont les services du DRS (Département de renseignement et sécurité) qui se distinguent particulièrement dans les enlèvements, les séquestrations et les tortures — et qui ont causé directement la mort de dizaines de milliers de personnes depuis 1992. Comme on l’a vu, ces services, tout au long de la « sale guerre », ont assuré également la coordination des actions menées par les autres forces de « sécurité » (ANP, police, gendarmerie nationale, milices) dans le cadre de la « lutte antisubversive », en pratique principalement dirigée contre des civils.

    Du fait du caractère secret de l’organisation de la terreur d’État et de la difficulté à collecter les informations fiables, on ne propose ici qu’une description certainement encore incomplète du dispositif des centres de détention secrète, de torture et d’exécutions extrajudiciaires, description limitée à sept centres du DRS, ainsi qu’à trois commissariats et une brigade de gendarmerie. Ces centres figurent parmi les plus importants, mais il en existe de très nombreux autres, sans oublier ceux sur lesquels il n’a pas encore été possible de recueillir suffisamment d’informations.

    Le pays est en effet quadrillé (surtout dans l’Algérois) de casernes militaires, brigades de gendarmerie, postes de polices ou de gardes communales par lesquels « transitent » les personnes arrêtées qui y sont systématiquement torturées avant d’être « prises en charge » par des agents du DRS sur place, ou d’être transférées dans l’un de ses centres. Tous les endroits où est pratiquée la torture ne sont pas connus, mais les témoignages de victimes et de militaires et officiers dissidents ont permis de dresser une première liste de 96 centres (voir encadré ci-après).

    96 centres de tortures, de détention et de liquidation

    * Centres du DRS

    1re région militaire

    Alger : CPMI (Centre principal militaire d’investigations, Ben-Aknoun), Châteauneuf (PCO), Centre Antar (Ben-Aknoun), centre d’Hydra, caserne de Bouzaréah, caserne de Béni-Messous, Lido (Bordj El-Kiffan) ; autres centres : Haouch-Ch’nou (CTRI de Blida), Centre de Boudouaou (Boumerdès), Centre dit « La Sœurette » (Médéa).

    2e région militaire

    Centre Magenta (CTRI d’Oran), Centre de Relizane (rattaché au CTRI d’Oran), Résidence Colonna Sig (Sidi Bel-Abbés).

    5e région militaire

    Constantine : Centre Bellevue (CTRI de Constantine), Mansourah ; Centre de Guelma.

    * Casernes militaires

    1re région militaire

    Aïn-Naâdja (Alger), Villa Coopawi (Lakhdaria/Bouira), Dellys (caserne Sonipec), Ouled Aïssa (Boumerdès), El-Milia (Jijel), Larbaâ (Blida), Rouïba (caserne Sonacome), Tizi-Ouzou.

    2e région militaire

    Oran : Centre des Amandiers, Centre de Tlilet (base militaire).

    * Commissariats de police

    1re région militaire

    Alger : commissariat central, Aïn-Taya, Anassers, Bab El-Oued, Bab-Ezzouar, Baraki, Belouizdad, Bourouba, Cavaignac, Chéraga, Dar El-Beida, Douéra, El-Harrach, El-Madania (Brigade mobile de police judiciaire), Gué de Constantine, Hussein-Dey, Kouba, Réghaïa : Blida : commissariat central, Service de police judiciaire, El-Affroun, Larbaâ, Ouled-Ayach (Brigade mobile de police judiciaire) : Boumerdès : Boudouaou, Dellys, Thénia ; Médéa : commissariat de Tablat ; Tipaza : Koléa.

    2e région militaire

    Oran : centre de Dar Al-Beïda (caserne des CNS), commissariat central ; Commissariat de Tlemcen.

    5e région militaire

    Constantine : commissariat central, Sidi-Mabrouk (ex-ONRB) ; commissariat de Khenchela.

    * Brigades de gendarmerie

    1re région militaire

    Alger : Aïn-Naâdja, Aïn-Taya, Bab-Ezzouar, Bab Jdid (Casbah), Baba-Hassan, Baraki, Chéraga, Birkhadem, Bouzaréah, Dergana, Reghaïa, Rouïba, Saoula ; Aïn-Defla : Bethia ; Blida : Bougara, Meftah, Mouzaïa, Ouled-Ayach ; Boumerdès : Baghlia, Bordj-Ménaïel, Ouled-Moussa, Sidi-Daoud ; Tipaza : Hattatba. Djelfa : Messaâd ; Laghouat 

    2e région militaire

    Mostaganem : Aïn-Tedlès.

    5e région militaire

    Mila : Chelghoum El-Laïd ; Souk-Ahras : Oualal ; El Tarf : Echatt.

    * Prisons

    El-Harrach (Alger), Serkadji (Alger), Berrouaghia, Blida (prison militaire), Tazoult (ex-Lambèze), Mers El-Kébir (prison militaire).

     

    Les informations qui sont présentées ci-après sur chaque centre — et qui sont évidemment bien loin d’être complètes et exhaustives — sont le résultat d’un dépouillement systématique des témoignages de victimes qui ont survécu après avoir été détenues dans certains de ces centres, et des témoignages de familles de personnes « disparues » ou victimes d’exécutions sommaires après y avoir été amenées[1]. Les informations les plus précises sur le fonctionnement des centres et le rôle de leurs responsables ont toutefois été apportées par des militaires déserteurs, anciens du DRS ou de l’ANP, et des policiers dissidents[2]. Toutes ces informations ont été soigneusement recoupées et vérifiées pour l’établissement du présent rapport (des témoignages résumés, à simple titre d’illustration, ont également été rapportés pour certains des centres présentés ici[3]).

    Dans la perspective de fournir des informations pertinentes aux instances judiciaires qui devront un jour connaître des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Algérie depuis 1988, une attention particulière a été apportée par les auteurs de ce rapport à l’établissement des responsabilités : chaque fois que des sources sûres le permettaient, les noms des chefs des centres et de leurs supérieurs hiérarchiques ont été indiqués, ainsi que la période où ils peuvent être considérés, du fait de leurs fonctions (officielles ou officieuses), comme responsables des crimes qui y ont été commis. Pour certains centres et certaines périodes, la liste des responsables en titre reste à établir. Seuls d’autres témoignages et des enquêtes complémentaires permettront de le faire.

    Les centres du DRS

    Pendant toute la « sale guerre », et encore à ce jour, les agents des différentes branches du DRS ont agi en toute impunité. Ils se rendent fréquemment dans les centres des nombreux services impliqués dans la répression (police, gendarmerie, armée, gardes communales et milices) pour superviser les séances de torture ou enlever les victimes afin de les séquestrer dans leurs centres, où ils sont à nouveau torturés et souvent assassinés. Nous répertorions ici les principaux centres dépendant des services du DRS.

    Le CPMI de Ben-Aknoun

    Rattaché à la DCSA, le CPMI (Centre principal militaire d’investigation) est situé dans le centre de Ben-Aknoun. Le bâtiment de détention est constitué d’un grand hall de réception des prisonniers. Face à l’entrée principale, se situent une série de cellules qui se termine sur sa partie droite par une petite salle d’interrogatoire et de tortures. À la droite de l’entrée du bâtiment se situe la salle principale de tortures, à gauche se trouvent les WC sans portes.

    Croquis du CPMI de Ben Aknoun

    Le CPMI a été dirigé de 1990 à mars 2001 par le colonel Athmane Tartag, dit « Bachir », surnommé par certains le « monstre de Ben-Aknoun ». Ce centre s’est notamment distingué dans l’arrestation d’opposants civils et leur retournement, alors que sa mission est en principe spécifiquement militaire. Dès le printemps 1992, Tartag a reçu l’instruction de son chef, le général Kamel Abderrahmane, de ne plus remettre les « intégristes irrécupérables » à la justice ; ce qui signifiait clairement carte blanche pour tuer. Mais avant, ils passaient systématiquement par la torture[4]. Il s’ensuivit des expéditions punitives qui firent entre 1993 et 1994 entre dix et quarante victimes par jour. De véritables escadrons de la mort ont été formés dans ce centre, chargés de poursuivre les islamistes, de les liquider et de terroriser la population[5]. Mais leur mission militaire initiale ne fut pas abandonnée. Ainsi, de nombreux militaires suspectés de sympathies avec le FIS ont été arrêtés et détenus au CPMI de Ben-Aknoun.

    En particulier, en mars 1992, plus de soixante-dix militaires (dont le plus haut grade ne dépassait pas celui de capitaine), soupçonnés de préparer un coup d’État, ont été arrêtés, torturés et condamnés à des peines de prison allant jusqu’à trois ans. Certains de ces militaires ont été liquidés après leur libération par les commandos rattachés au CPMI, d’autres ont « disparu ».

    Ainsi, le sergent-chef Rabah Habib, arrêté fin mars 1992, est passé par différentes casernes avant d’être transféré au CPMI. Sa séquestration a duré trente-sept jours, et il eut à subir différentes tortures — le chiffon et des coups, qui lui causèrent une fracture de l’épaule. Il rencontra au CPMI de nombreux autres militaires (près de cent cinquante), qui tous furent transférés à la prison de Béchar. Condamné à trois ans de prison et libéré en juin 1993, il a été radié des rangs de l’armée mais approché à différentes reprises par des officiers du CPMI pour l’inciter à collaborer. Afin d’échapper aux persécutions, il a décidé de quitter l’Algérie.

    Le capitaine Ahmed Chouchane, lui aussi arrêté en mars 1992 et condamné à trois ans de prison, a été l’objet, à sa sortie de prison le 31 mars 1995, d’un enlèvement par un commando qui l’emmena au siège du CPMI. Il y fut accueilli par le colonel Bachir Tartag et le général Kamel Abderrahmane, qui tentèrent de le persuader de collaborer avec eux en lui demandant de devenir l’adjoint, à la tête du GIA (Groupe islamiste armé), de Djamel Zitouni, qu’ils lui ont présenté comme un homme contrôlé par le DRS[6]. Chouchane réussit à déjouer les pressions de ses kidnappeurs et à fuir le pays.

    En 2000, les officiers dissidents du MAOL ont rapporté avec beaucoup de détails les méthodes barbares de tortures pratiquées au CPMI[7] (qui ne différent pas de celles pratiquées dans d’autres centres du DRS, à Châteauneuf, Haouch-Chnou ou Magenta).

    À l’arrestation, le sujet est introduit dans la voiture, sa tête est placée entre ses jambes pour qu’il ne reconnaisse pas la destination ; une fois arrivé au centre, la voiture est stationnée devant la porte de la bâtisse qui sert de prison. Le sujet est descendu de la voiture et conduit à l’intérieur avec une cagoule qui est enlevée une fois à l’intérieur. Il est ensuite délesté de tous ses vêtements sous des regards humiliants, pour mettre une combinaison militaire aux odeurs nauséabondes (du même modèle que celle des mécaniciens, mais de couleur verte), déjà utilisée par des dizaines de victimes et entachée de sang. Généralement, le nouvel arrivé est accueilli par les cris et les supplices d’un autre détenu interrogé dans une des salles réservées à cet usage. C’est le premier choc que reçoit la personne arrêtée, qui est ensuite soumise aux pires exactions. La suite des événements dépend toutefois du sort réservé à la personne arrêtée par les chefs du CMPI : selon les cas, les hommes de Tartag chargés de mener l’interrogatoire se comportent différemment, et si le sujet bénéficie d’une recommandation d’une autorité supérieure, c’est Tartag en personne qui s’en charge.

    Si c’est la mort qui est réservée à la victime, les séances de torture commencent immédiatement par des coups, et la combinaison n’est même pas nécessaire. Le cas du commandant Mohamed Abbassa, un officier de la Marine, est un exemple typique : arrêté au siège du ministère de la Défense nationale (MDN) le matin du 5 janvier 1994, il a été transporté au CPMI, où il est mort deux jours plus tard. Depuis le premier jour, ce fut Tartag en personne qui s’occupa de son cas. Arrêté sous le motif de « suspicion d’appartenance à une entreprise terroriste » (son nom avait surgi lors d’un précédent interrogatoire avec un autre officier qui osait dire « non »), c’est bien sûr des noms que voulait lui arracher Tartag, aidé par un autre officier du CPMI (le « lieutenant Mohamed ») qui prenait plaisir à torturer des officiers supérieurs, gifles et coups de manche à balai pour commencer. Il fut ensuite allongé tout nu sur un sommier métallique et attaché par des sangles et arrosé d’un seau d’eau. Le lieutenant Mohamed lui mit les électrodes aux pieds puis aux organes génitaux, Tartag dirigeait l’opération et demandait la collaboration sous peine de poursuites de la séance de vérité.

    À chaque fois que le courant était branché, le lit en entier se déplaçait. Et ce qui rendait Tartag plus nerveux était le silence et la résistance du commandant Abbassa. Et dans les rares moments de répit, la seule réponse de Abbassa était : « Vous ne savez pas ce que vous faites à l’Algérie, êtes-vous seulement conscients ? » Le chalumeau, le manche à balai, les bouteilles, les fourchettes, toute la panoplie de la torture fut employée par Tartag et son second, et à chaque fois que le commandant Abbassa perdait connaissance, Tartag devenait encore plus furieux et le lieutenant tortionnaire était presque dans un état de transe. Au soir de la deuxième journée, ce fut un corps méconnaissable, enflé et brûlé, même aux yeux, qui rendit l’âme en murmurant des mots à peine audibles. La dépouille n’eut même pas droit à un enterrement correct

    Tout comme dans les autres centres de torture, le supplicié qui mourrait sur la table où qui était exécutée sommairement par la suite était jetée dans la rue.

    Un nombre impressionnant d’hommes a péri dans des conditions atrocement semblables, et à chaque fois les corps étaient jetés pendant la nuit dans la rue comme des chiens que l’on abat ; ils avaient quand même droit à une mention dans les colonnes des journaux du régime : « Un terroriste a été abattu durant la nuit… »

    Le PCO de Châteauneuf

    Les instructions données aux hommes du PCO de Châteauneuf par le colonel Smaïn étaient sans ambiguïtés aucune et consistaient à s’affranchir de toutes les règles juridiques en vigueur, tant au niveau de la législation algérienne qu’au regard du droit international, ainsi qu’en a témoigné, comme on l’a déjà évoqué, l’ex-colonel Mohammed Samraoui : « En mai 1992, lors d’une réunion à Châteauneuf en présence de nombreux officiers de la DCE et des responsables de l’ONRB, il [Smaïl Lamari] nous affirma : “Je suis prêt et décidé à éliminer trois millions d’Algériens s’il le faut pour maintenir l’ordre que les islamistes menacent”[8]. »

    Châteauneuf est sans doute le lieu le plus tristement célèbre de la torture en Algérie — où l’« on broie la personne humaine », selon l’expression d’un rescapé de ce centre. De nombreux citoyens, venus de toutes les contrées du pays, y ont défilé, des centaines de suppliciés y sont morts sur le banc de ciment où ils avaient subi la question.

    Les personnes arrêtées sont détenues au sous-sol : de part et d’autre d’un long couloir de 1,20 m de large, se situent des cellules numérotées. Initialement, selon la description donnée par un témoin en 1994 (M. Chaachoua), le sous-sol comportait deux cellules de 4 m sur 2 m (accueillant chacune de quatorze à trente-cinq personnes, qui ne peuvent ni bouger ni dormir, vu l’exiguïté des lieux), deux cellules de 1,40 m sur 1,40 m (accueillant quatre à sept prisonniers ; l’une d’elles est utilisée pour la torture), une grande cellule de 6 m sur 5 m (accueillant quarante à cinquante personnes) et des cellules secrètes.

    Dans un témoignage reçu en juillet 2003 d’un homme torturé en mars de la même année, il est fait état d’aménagements récents : ce témoin décrit sa cellule (n° 3), située en face des toilettes, longue de 2,50 m et large d’1 m avec un sol en gerflex et des murs en faïence sur une hauteur d’1,50 m. Il y aurait, selon ce même témoin, neuf cellules de chaque côté du couloir.

    De nombreux témoins (Aït-Bellouk, Belkheir…) rapportent l’existence d’une salle principale de torture où se trouve un banc de ciment, sur lequel est allongé le supplicié, et le matériel nécessaire, dont la gégène. À côté de cette salle se trouvent des salles annexes plus petites, où se pratique également la torture. Lors des années les plus noires de la répression, du fait de l’exiguïté des lieux, les très nombreux détenus étaient aussi menottés et enfermés dans les toilettes ou attachés à des tuyaux de radiateurs dans les couloirs.

    Une victime de la torture à Châteauneuf (Aït-Chaouche Mokhtar, de Zeghara) affirme y avoir assisté, en janvier 1995, à la mort sous la torture d’un garçon de quatorze ans, dont le cartable avait été jeté dans la salle de torture.

    Toutes les méthodes de torture, des plus primaires aux plus sophistiquées, sont utilisées. La bastonnade, le tabassage, l’épreuve du chiffon et l’électricité sont les moyens les plus banals. S’y ajoute l’utilisation de matraques et stylos électriques, du chalumeau et même de l’étau sur la tête. Un jeune homme aujourd’hui exilé en Allemagne, Mounir, raconte :

    J’ai été témoin de la mort d’un prisonnier à qui on avait serré la tête dans un étau jusqu’à éclatement du crâne.

    Il était habituel, au cours des séances de torture, que les tortionnaires utilisent des cassettes de raï ou d’aboiements de chiens pour tenter d’étouffer les cris des suppliciés. Rachid Mesli, avocat et militant des droits de l’homme, explique en avoir été témoin lors de sa détention en ces lieux en août 1996 :

    Subitement, des aboiements de chiots. Mais cela dure trop longtemps et les aboiements sont forts. On dirait un enregistrement. Je regarde par l’ouverture de la porte. Un guichet de 15x10 cm environ. Il y a un couloir d’un mètre de large environ et des cellules des deux côtés. Je ne peux voir distinctement que la cellule en face, légèrement décalée. Des autres, je ne peux voir que la porte. Une tête barbue apparaît, puis une autre plus jeune, blonde. Je questionne : « Où sommes-nous ?

    — À Châteauneuf ! » Bien sûr ! Je le savais… « Qui êtes-vous ? » Pas de réponse. « Pourquoi ces aboiements ? » Là, le barbu se pince les oreilles et la langue avec les doigts : « L’électricité ! C’est pour qu’on entende pas quand ils crient trop fort ! »

    Les tortionnaires de ce centre menacent souvent la victime de ramener son épouse, sa mère ou sa fille. C’est le cas de Belhamri d’El Harrach, arrêté le 18 juin 1994 :

    J’ai été insulté ainsi que les membres de ma famille par les policiers. C’étaient des obscénités indignes. On m’a menacé à plusieurs reprises de ramener mon épouse et ma fille pour les violer devant moi.

    Cette menace a été mise à exécution pour de nombreuses victimes. En octobre 1993, Ahmed Chabha, de Baraki (Alger), a ainsi été sauvagement torturé devant son épouse et sa mère, qu’on avait ramenées du domicile pour les forcer à assister aux séances de tortures. C’est le cas aussi de la famille M., de Bachdjarah (Alger), dont le père avait été enlevé par le DRS le 29 juin 1998, près du marché. Le lendemain, l’épouse et les deux filles S. et N. sont arrêtées et emmenées à Châteauneuf. Elles y seront torturées et subiront des violences sexuelles. Au cours de leur séjour, elles entendront de leurs cellules les cris de leur mari et père sous la torture. L’une d’elle, N., rencontrera son père traîné par ses tortionnaires dans le couloir, la barbe arrachée et le visage brûlé au chalumeau. Il mourra sous la torture.

    Même les enfants n’ont pas été épargnés par ces images cauchemardesques. Le témoignage de Mme B. Fatma-Zohra, d’Alger, en apporte une preuve. Son mari avait été arrêté le 5 septembre 1995. Deux jours plus tard, cette dame prend ses trois enfants de quatre, neuf et douze ans et se rend au centre de Châteauneuf à la recherche de son mari. Elle y est séquestrée avec ses trois enfants durant vingt jours. L’épouse assistera à la torture de son mari et sera menacée de violences sexuelles. Ses enfants seront soumis durant toute la durée de la séquestration aux cris des suppliciés, dont leur père. Ils en sortiront perturbés psychologiquement.

    Kamel B., ancien officier de police qui a travaillé à Châteauneuf jusqu’en 1997, dans un témoignage circonstancié recueilli par Algeria-Watch en 1998[9], a confirmé le caractère secret et illégal des opérations de répression conduites par les hommes du PCO, notamment lors de ratissages des forces combinées, police et armée :

    Le but de ce genre d’opération est l’arrestation de terroristes recherchés par la justice et les perquisitions pour trouver des armes ou des tracts. Les personnes arrêtées et recherchées sont transférées au service concerné, celui qui nous a envoyé un avis de recherche et nous ne savons pas ce qui advient de ces personnes. Seront-elles torturées, tuées, emprisonnées ? Passent-elles par la justice ? Il est certain que dans chaque région militaire existent des centres de détention secrets qui ne sont connus que des agents de la SM dépendants du secteur militaire. Moi, je ne les connais pas, d’après les dossiers que j’ai vus, je sais qu’il y a un centre à Reggane. […]

    Cinq mois [début 1992] sont passés durant lesquels les abus de la part de la police et de la SM se sont accumulés : des arrestations collectives et arbitraires, la torture systématique… Il y avait des militaires habillés en tenue de police qui effectuaient ces arrestations. Il y avait aussi beaucoup de femmes arrêtées qui étaient transportées dans des centres secrets pour femmes. Mais comme ces affaires concernaient le terrorisme, nous n’étions pas mis au secret concernant le sort réservé à ces personnes. […]

    Je pense que les GIA ont été créés par les services secrets. Pourquoi ? Ils savent tout sur notre travail, les pauses que nous faisons, nos codes et nos missions. Jamais un élément de ces groupes qui soit au-dessus de l’émir n’a été arrêté. Lors des accrochages que nous avions avec ces groupes, nous avons pu arrêter certains de leurs membres. On nous prévient que des spécialistes vont se charger de l’enquête et nous ne pouvons plus poursuivre l’affaire. En réalité, l’ordre vient de la SM et nous ne savons pas où ils emmènent les personnes que nous avons arrêtées. […]

    Lorsque les membres de la SM venaient chercher les suspects, ils ne présentaient pas de papiers de transfert et lorsque nous les exigions, ils nous montraient des cartes du DRS sur lesquels les noms mentionnés étaient faux. Comment ai-je découvert cela ? J’ai noté certains noms et je me suis rendu au fichier pour vérifier qui ils étaient. Ils étaient inconnus en tant qu’officiers du DRS. Lorsque j’en informai le chef de la Sûreté, il me répondit qu’il ne pouvait rien contre les militaires, qu’ils avaient le pouvoir et qu’il ne pouvait qu’exécuter des ordres. […]

    Lorsqu’on visite les cellules des commissariats ou brigades de gendarmerie à Bab-Ezzouar, Leveilley, Bourouba, Badjarah, Châteauneuf, Bab-el-Oued, Antar ou Béni-Messous, on ne peut être que choqué par la systématisation de la torture et l’état dans lequel se trouvent les prisonniers. Ils n’ont plus rien d’humain. Il y a des membres des forces de sécurité qui n’acceptent pas cet état des choses et d’autres qui torturent même si on ne leur en donne pas l’ordre.

    En janvier 1998, « Robert », un policier qui s’était réfugié en Grande-Bretagne un mois plus tôt, a raconté des scènes de tortures auxquelles il avait assisté au PCO :

    Robert témoigne de tortures l’année dernière dans l’infâme centre de police de Châteauneuf : « Nous avions amené le prisonnier dans les baraques, en bas par une trappe dans le sous-sol. Il y avait là environ quinze prisonniers dans la salle de torture. Ils avaient tous les yeux bandés. Un homme était en train de pratiquer la torture avec un chalumeau et une paire de pinces. Je l’ai vu de mes propres yeux. Celui que nous avions amené était ligoté à une échelle. Quand il ne voulait pas donner de noms, la police jetait l’échelle et il tombait sur son visage. Puis ils utilisèrent une bouteille cassée. Il y avait aussi une machine pour étirer les torturés. » Il a décrit environ quatre-vingt-dix façons de torturer, dont l’électricité avec l’eau pour augmenter la douleur[10].

    La caserne de Châteauneuf est certainement un des centres par lequel sont passées le plus de victimes. Beaucoup d’entre elles ont été séquestrées dans des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie avant d’atterrir à Châteauneuf, où les tortionnaires leur arrachent des faux aveux sous la torture.

    Hocine Abderrahim, trente-neuf ans, universitaire, a été arrêté en septembre 1992 à Dellys. Gardé à vue pendant trente jours, notamment à Châteauneuf, il y a été torturé de plusieurs manières (technique du chiffon, électricité, perceuse électrique, bastonnades), ce qui lui a notamment provoqué un traumatisme crânien, obligeant à l’évacuer en urgence à deux reprises sur l’hôpital militaire. Dans son témoignage, il rapporte avoir été personnellement interrogé par les commissaires Kraa, Tolba et Issouli, devant lesquels il fut frappé par un certain officier Talhi. Il finit par faire les aveux qu’on attendait de lui. Ceux-ci, filmés, furent montrés à la télévision algérienne : il y revendiquait l’attentat de l’aéroport d’Alger, commis le 26 août 1992. Il a été condamné à mort et exécuté, le 31 août 1993.

    Ouarti Mohamed, dix-neuf ans, demeurant aux Eucalyptus (Alger), a été arrêté le 11 avril 1993 par des gendarmes à son domicile. Détenu à la brigade de gendarmerie de Bab-Ezzouar, il a été ensuite transféré au centre du DRS du Hamiz, puis au centre de Châteauneuf. Sa « garde à vue » a duré huit mois. Il a été torturé de nombreuses manières : chiffon, électricité, brûlures de l’anus et du dos au fer à souder, enfermement dans un frigo (chambre froide), suspension au plafond durant douze jours, flagellations. Il en a gardé une paralysie définitive de la main droite et des troubles sphinctériens. Il fut présenté à la télévision, « reconnaissant » avoir assassiné la malheureuse Karima Belhadj aux Eucalyptus. Après huit mois de séquestrations et de tortures, il fut jeté dans la forêt et a dû regagner son domicile situé à plus de 20 km à pied.

    Benmerakchi Mohamed, trente-cinq ans, chauffeur de taxi, demeurant au Climat de France (Bab el-Oued), a été arrêté à son domicile le 6 avril 1995 à 2 heures du matin par des ninjas (motif de son arrestation : il était paru accidentellement dans un documentaire de la BBC, rediffusé par Canal + le 17 décembre 1995, évoquant les violations des droits de l’homme par les forces de « sécurité »). Il a été détenu six mois à Châteauneuf, dont quarante jours de tortures (chiffon, électricité, bastonnades, suspension au plafond par des menottes), qui lui ont causé des troubles psychiques et une paralysie transitoire des deux mains du fait des suspensions au plafond.

    Medjnoun Malik, demeurant à Tizi-Ouzou, a été arrêté le 28 septembre 1999 près de son domicile, par des hommes armés de la SM. Transféré à Châteauneuf, il y a été détenu sept mois, subissant de nombreuses tortures (bastonnades, chiffon, flagellation) qui ont conduit à son hospitalisation, pendant vingt-huit jours, à l’hôpital militaire de Blida. Le 2 mai 2000, il a été incarcéré à la prison de Tizi-Ouzou.

    Le CPO, ou « Centre Antar »

    Le centre Antar, siège du CPO (Centre principal des opérations), est situé à Ben-Aknoun, en banlieue d’Alger, sous la rive droite de l’autoroute de Birmourad Raïs, près du parc zoologique. Il est rattaché à la DCE et a été dirigé dans un premier temps, de 1990 à mai 1992, par le commandant Amar Guettouchi, qui joua un rôle essentiel dans la mise en place des premiers groupes armés islamistes contrôlés par le DRS[11]. Après sa mort en opération, un intérim de trois mois a été assuré par le général Smaïl Lamari lui-même ; et à partir d’août 1992, le CPO a été dirigé par le colonel Farid Ghobrini, puis, à partir de 1995, par le colonel Kamel Hamoud. Le service de police judiciaire du DRS s’y trouve aussi.

    Ce centre s’est spécialisé dans la torture des membres des services de sécurité et de l’armée soupçonnés de sympathies avec le FIS. Mais de nombreux civils y sont passés aussi (Ali Benhadj, numéro deux du FIS, y a ainsi passé sa première nuit après son arrestation en juin 1991). Rares sont ceux qui en sont revenus, ce qui explique la rareté des témoignages.

    En novembre 1997, un ancien officier du DRS, témoignant sous le pseudonyme de « Joseph », ayant déserté et s’étant réfugié en Grande-Bretagne en 1995, a donné une longue interview à deux journalistes britanniques[12], dans laquelle il expliquait notamment :

    « J’ai vu à Antar, un centre de torture situé près du parc zoologique d’Alger, un œil humain sur une table et dans lequel était enfoncée une fourchette. J’ai vu des interrogatoires où les tortionnaires menaçaient leurs victimes : “Parle ou on viole ta fille.” Cette dernière était à peine âgée de quatorze ans. J’ai rarement passé des nuits de sommeil calmes. J’ai eu des cauchemars terribles. » Il a décrit également des séances de torture à l’électricité auxquelles il avait assisté : « On attachait une personne sur un lit sans matelas, en contact direct avec les ressorts et on y faisait passer l’électricité. Elle provoquait un mouvement de sifflement — c’était tout le corps qui sautait sous le courant électrique. Smaïn avait l’habitude d’aller au centre de torture du Zoo. Et mes collègues disaient : “Le chef est là. Il travaille.” Ce qui veut dire qu’il supervisait lui-même les séances de torture. »

    L’ex-colonel Samraoui, pour sa part, a raconté ce qu’il a vu en juillet 1994 à Antar, où il rendait une visite de courtoisie à ses anciens collègues (depuis août 1992, il était en poste en Allemagne) :

    J’appris alors, à ma grande surprise, que parmi les « faits d’armes » de mon ancienne unité figuraient désormais les assassinats, les disparitions, les exécutions extrajudiciaires de présumés terroristes. […] [J’ai constaté] que les jeunes officiers que j’avais eus sous mes ordres — et qui, deux ans auparavant, étaient des adolescents timides — étaient devenus des « monstres », qui pavoisaient à l’idée d’aller à Sidi-Moussa « épingler » un islamiste armé : ils étaient impatients d’aller l’arrêter et lui « faire la peau » s’il essayait de résister ! J’avoue que je n’en revenais pas. Étaient-ils drogués ? Étaient-ils conditionnés au point de n’avoir plus aucune considération pour la vie humaine ? Tout ce que je peux dire, c’est que ce n’était pas un comportement normal[13].

    Mohammed Samraoui rapporte également que, à partir de 1989, les militants islamistes qui s’étaient rendus en Afghanistan pour y combattre étaient arrêtés à leur retour en Algérie et emmenés au Centre Antar :

    Ils étaient gardés à vue 24 heures dans les locaux de la police (au commissariat de Cavaignac ou au commissariat central du boulevard Amirouche à Alger) avant d’être acheminés vers le CPO au Centre Antar, pour un “examen de situation” approfondi. Après plusieurs jours de garde à vue au cours de laquelle ils subissaient souvent des tortures lors des séances d’interrogatoires, ils étaient, selon les cas, recrutés, mis sous surveillance ou carrément arrêtés[14].

    Le CTRI de Blida, ou « Haouch-Chnou »

    Le CTRI (Centre territorial de recherche et d’investigation) de la 1re région militaire, est situé à Zabana, au centre de Blida. Il porte deux appellations : Centre administratif Djeridel Mohamed et Centre Bouknit. Il est néanmoins appelé communément « Haouch-Chnou », qui est en fait le siège du commandement de la gendarmerie nationale à Blida, situé sur la route menant à la commune de Chiffa, à la sortie ouest de Blida. Le CTRI, dans lequel sont affectées plus de 550 personnes, est commandé depuis l’été 1990 par le commandant (puis colonel) Mehenna Djebbar (toujours en poste en 2003), sous les ordres directs de « Smaïn » Lamari. C’est sans conteste l’un des principaux centres de torture et d’exécutions extrajudiciaires du DRS. Dans ce centre se trouvent aussi une compagnie du GIS (Groupement d’intervention spéciale) et un service de la police judiciaire, qui prête main forte au CTRI. Il est de surcroît une plaque tournante dans le recrutement et l’armement des milices de la région.

    Sous la direction de Mehenna Djebbar et de son adjoint le capitaine AbdelhafidhAllouache, dit « Hafidh », le CTRI de Blida s’est distingué non seulement par la pratique systématique de la torture, mais aussi par des assassinats d’opposants véritables ou présumés, la mise en place d’escadrons de la mort et la création de milices. Des dizaines de milliers de personnes y sont passées, et plusieurs milliers d’entre elles ont été liquidées, surtout dans les années 1994-1998.

    Dans les premières années de répression, ce centre a coopéré de manière très étroite avec le PCO de Châteauneuf, puisque la majorité des détenus qui passaient par le service chargé de la lutte antiterroriste étaient ensuite transférés à Blida.

    Croquis du CTRI de Blida

    Khider Mohameda été arrêté à son domicile le 2 mars 1994 à 1 heure du matin par la police de Dellys où il passa la nuit ; puis il a été transféré au CTRI de Blida, où il fut séquestré pendant trente-sept jours et a subi de terribles tortures : complètement nu, il a été attaché les mains derrière le dos sur une table et il a subi le supplice du chiffon imbibé d’eau sale (contrainte d’ingurgiter ce liquide infect, alternant avec des pressions sur le ventre pour provoquer le vomissement), pendant des séances répétées jusqu’à perdre connaissance. Il subit aussi la gégène avec des électrodes placées sur les parties intimes et le lobe des oreilles, puis la pendaison par les parties intimes au moyen d’une corde fine, entraînant des urines de sang. Quatre détenus ont été tués sommairement en sa présence à cet endroit. Il s’agit de Lamri Rabah, Bentouati Malik, Benchiha Rabah (marié, huit enfants) et Rachdi Ali.

    Les témoignages recueillis par Me Mahmoud Khélili, et publiés par Algeria-Watch, montrent que ce centre s’est notamment spécialisé dans la technique de la suspension par le sexe ; et que « la victime est souvent accueillie par un officier connu par sa phrase célèbre : “Ici on ne connaît ni Dieu ni Amnesty International, ou tu parles ou tu meures[15] !” ».

    En octobre 1997, un ancien membre des forces spéciales de l’ANP, âgé de vingt-trois ans, témoignant sous le pseudonyme de « Reda », a raconté à une journaliste irlandaise[16] comment lui et ses camarades partaient en opération après s’être drogués :

    Il y avait un médecin en uniforme appelé Dr Sadek qui nous en donnait [un étrange liquide blanchâtre]. Nous nous l’injections les uns les autres. Cela vous fait sentir comme dans un rêve : quand nous tuions des hommes, c’était comme si nous tuions des chats ;

    et comment, après avoir brutalement arrêté seize hommes à Sidi-Moussa, en mai 1997, ils les ont conduits à Blida :

    Il y avait une pièce spéciale où on torturait, appelée al-Katela (la pièce de la mort). C’était comme une morgue. Nous disions : « Tu as abrité et nourri des terroristes, parle-nous d’eux ! » Nous faisons des trous dans leurs mains et dans leur corps avec une perceuse électrique, nous brûlions leur barbe. Je ne l’ai pas fait personnellement, mais nous étions un groupe ; mon rôle était de monter la garde.

    En 2001, l’ex-adjudant Abdelkader Tigha, qui a travaillé au CTRI de Blida de 1993 à 1997 (il a déserté en 1999), a expliqué à Nord-Sud Export[17] comment, à partir de 1993, la police est passée sous le contrôle du DRS, chaque CTRI donnant des ordres aux unités de police de sa région :

    Ils ont fermé des commissariats, car ils avaient peur des bombes, Mais nous, nous étions des hommes de l’ombre, nous ne sommes pas un service officiel. On évolue sur le terrain avec des voitures et des véhicules banalisés. Rien n’a changé depuis 1993 jusqu’en 1997, c’était le même travail, c’étaient les mêmes objectifs et c’étaient les mêmes exécutions. La méthode a toujours été la même : on identifie, on arrête les gens et on les exécute. Encore maintenant, si on arrête quelqu’un, il est assassiné, mais sous scénario.

    Nord-Sud poursuit : « Tigha décrit ensuite, dans les pages de son cahier, comment ces personnes sont ensuite transférées dans les geôles du service et comment se déroulent les séances de torture : “La nuit suivante, les détenus sont exécutés à l’intérieur des geôles par strangulation avec des sacs de plastique.” Tigha indique que, dans une phase précédente, les détenus étaient exécutés par halles (HK silencieux) devant leur domicile, mais que craignant d’être vus, le GIS et la police judiciaire ont préféré, par la suite, jeter, de nuit, les cadavres devant chez eux[18]. »

    Djouaidia Mabrouk, né le 18 novembre 1968, demeurant à Ouallel (Souk-Ahras), a été arrêté le 8 mars 1997 par la brigade de gendarmerie de Ouallel. Pendant huit jours, il a subi la torture : chiffon trempé dans l’eau sale, gégène, coups de bâton qui lui ont fracassé la mâchoire. Il a fini par signer un PV sous la contrainte, sans en connaître le contenu. Il a ensuite été transféré au CTRI de Blida, où il a été séquestré pendant soixante jours, sans avoir été torturé. En revanche, les cinq amis arrêtés avec lui n’ont plus donné signe de vie après avoir été séquestrés au même endroit. Il s’agit de Ahmed Azzouzi, Abdelkader Azzouzi, Toufik Mahmoudi, Youcef Mahmoudi et Djilali Adelali.

    En 2002, Abdelkader Tigha a expliqué également, avec beaucoup de précisions, comment les responsables du CTRI de Blida ont manipulé les groupes armés islamistes, en particulier le GIA de Djamel Zitouni. Et aussi comment, fin 1993, ils ont créé l’Organisation des jeunes Algériens libres (OJAL), un escadron de la mort composé de membres du DRS et responsables de centaines d’assassinats[19]. Ce que confirmera dans son livre l’ex-colonel Mohammed Samraoui :

    C’est en 1995 que j’apprendrai la vérité sur l’origine de l’OJAL, par un officier ayant fait partie des forces spéciales du CCC/ALAS, le colonel Mohamed Benabdallah, qui avait été sous mes ordres en juin 1991 […]. Cet officier avait activement participé à la « chasse aux intégristes » à la tête d’une unité dépendant conjointement du CC/ALAS (donc recevant ses ordres directement du général Mohamed Lamari) et du DRS, travaillant en étroite collaboration avec le CTRI de Blida. […] Le colonel Benabdallah se vantera devant moi d’avoir été l’un des responsables de l’OJAL, escadron de la mort du DRS créé à l’initiative du général Toufik. […] Le colonel Benabdallah m’a aussi révélé que le commandement militaire a mis fin aux représailles signées sous le nom de cette organisation, car certains officiers étaient réticents à la poursuite de cette sale besogne et surtout parce que ce « travail » serait bientôt confié aux « patriotes » et aux membres des groupes de légitime défense, que le commandement militaire allait armer et encadrer[20].

    Le CTRI de Constantine, ou « Centre Bellevue »

    Le CTRI de Constantine, situé dans le quartier Bellevue, a été commandé jusqu’en mai 1992 par le colonel Farid Ghobrini (qui a pris alors la tête du CPO de Ben-Aknoun, le Centre Antar). Il a été remplacé à cette date par le colonel Kamel Hamoud. En 1995, ce dernier quittera le Centre Bellevue pour prendre, à son tour, la direction du CPO en remplacement de Ghobrini. Colonel Hamoud a été remplacé par le colonel Karim.

    Les familles de disparus disposent dans certains cas de procès-verbaux de notification émanant des services de la police judiciaire de Constantine informant que la personne arrêtée a été transférée vers le CTRI.

    Saker Salah, né le 10 janvier 1957, marié et père de six enfants, professeur de lycée à Constantine, militant du FIS, avait été élu au premier tour des élections législatives de décembre 1991. Arrêté le 29 mai 1994 à 18 h 15 à son domicile par des membres de la police judiciaire, il a été atrocement torturé, transféré à l’hôpital militaire, puis civil. À sa sortie, il a été remis au CTRI de Constantine le 3 juillet 1994 (PV n° 848 du 10 juillet 1994 de la police) et depuis, il a disparu. Le procureur général qui a reçu la plainte de la famille, en juillet 1994, a déclaré à cette dernière que son parent était détenu au CTRI et qu’il avait été hospitalisé suite aux tortures.

    Seridi Mostepha, trente-huit ans, marié et père de trois enfants, professeur de collège, demeurant à Guelma, a été arrêté en 1993 au domicile de sa sœur par des membres de l’antenne locale du DRS. Il a été emmené dans leur centre à Guelma avant d’être transféré au CTRI de Constantine. Laissé sans nourriture, il a été torturé à plusieurs reprises durant la nuit (coups de toutes sortes, pinces aux ongles, fil au sexe, éponge d’eau dans la bouche, électricité aux phalanges…), selon les informations rapportées à la famille. Un témoin aurait affirmé à ses parents qu’il serait décédé sous la torture, mais le corps n’a jamais été remis à sa famille.

    Le CTRI d’Oran, ou « Centre Magenta »

    Le CTRI d’Oran, antenne principale du DRS dans cette région, connu sous le nom du centre de Magenta, a été dirigé de 1988 à 1993 par le colonel « Abdelwahab », secondé par le commandant Boudia Mered. Ces deux officiers sont responsables des principaux enlèvements qui ont eu lieu dans la région d’Oran, où ils étaient notamment chargés des opérations d’enlèvements, de tortures et de liquidation d’opposants. Plusieurs personnes qui ont eu à connaître ce sinistre lieu ont disparu à ce jour. Après « Abdelwahab » le centre est dirigé par le commandant Hamidou qui a partir de 1997 ou 1998 sera remplacé par Hamou Belouisa.

    Ce centre est situé au cœur d’Oran et comporte vingt-cinq cellules d’un mètre carré plus trois cellules d’isolement. Les détenus sont torturés par six à huit agents, souvent sous l’emprise des boissons alcoolisées et de la drogue pour mener « à bien » leurs interrogatoires poussés. Une spécialité est d’introduire le supplicié dans le « cercle de la mort », entouré par les tortionnaires qui le battent avec du fil électrique et des bâtons. Cette opération peut durer toute une journée avec des moments de répit pour permettre à la victime de reprendre connaissance et de réfléchir. Autres méthodes utilisées : technique du chiffon, gégène, strangulation, sodomisation à la bouteille, viols et coups de massue sur les coudes et genoux. Une fois les séances de torture physique terminées, les tortionnaires ramènent les victimes dans leurs cellules qui se trouvent à proximité de la salle de torture. Des jours — voire des mois — durant, les victimes sont séquestrées dans leurs cellules exposées nuit et jour à la lumière, contraintes d’entendre les cris et gémissements des autres torturés. Les détenus sont séquestrés parfois jusqu’à neuf mois sous le même régime, avant, très souvent, d’être exécutés à l’intérieur ou à l’extérieur du centre.

    Le colonel Hamou était également responsable du centre des Amandiers, qui se trouve dans les locaux de la 2e région militaire, et travaillait en étroite collaboration avec les forces de sécurité responsables des autres centres de détention et de torture de la région : le centre de Tlilet (situé sur la base militaire), le centre de Dar Al-Beida (caserne des CNS), la prison militaire de Mers El-Kébir et le commissariat central d’Oran, qui sert essentiellement de lieu de tri et d’interrogatoires poussés avant de livrer les personnes arrêtées au centre de Magenta.

    Mimouna Traïba, mère de cinq enfants, demeurant à Oran, a été arrêtée le 19 mars 1996 à 16 h 15 à son domicile, en même temps que son mari Kaddour et son frère Mohamed, par une dizaine d’agents du DRS. Elle a été séquestrée pendant vingt et un jours à la caserne Magenta d’Oran et torturée pendant treize jours (déshabillée devant son frère et son mari, électricité sur les oreilles, la langue et les seins, sodomisation par goulot de bouteille, menace de viol). Son mari Kaddour Belbachir a passé aussi vingt et un jours dans le même centre, il porte des séquelles dues à la sodomisation par bouteille. Le frère Mohamed Traïba, né le 26 mars 1955, séquestré au même endroit, a été torturé à l’électricité, et subi des coups de massue sur les coudes et les genoux devant sa sœur et son beau-frère. Il est porté disparu à ce jour.

    Hocine Rachedi, vingt-huit ans, demeurant à Relizane, a été kidnappé le 2 octobre 2002 par trois éléments du DRS devant la porte de son domicile. Il a été torturé à l’électricité au centre du DRS de Relizane durant toute la journée du 2 octobre (ayant entraîné des brûlures du lobe de l’oreille), avant d’être transféré le lendemain soir à la caserne Magenta d’Oran.

    La villa COOPAWI de Lakhdaria

    Située sur la route nationale n° 5 de Lakhdaria (anciennement Palestro, à environ soixante-dix kilomètres à l’est d’Alger), cette ancienne villa coloniale était occupée pendant la guerre de libération par les militaires français, qui y pratiquaient la torture. Elle sera, après l’indépendance et à l’ère de la « révolution agraire », le siège administratif de la « coopérative agricole de wilaya », d’où son appellation COOP.A.WI. Début 1993, elle a été occupée par l’armée, retrouvant sa fonction coloniale de centre d’interrogatoire et de tortures, contrôlé à la fois par le CLAS et le DRS. La villa, comprenant un rez-de-chaussée et un étage, a alors accueilli un détachement du 25e régiment de reconnaissance (25e RR) et d’agents du DRS.

    Le rez-de-chaussée comporte cinq cellules de moins de 2 m2 chacune, pièces sombres et humides, sans toilettes, dans lesquelles pouvaient être entassées près de huit personnes. L’accès aux cellules est caché.

    En octobre 1994, le Dr Salah-Eddine Sidhoum a reçu un témoignage d’un détenu de la prison d’El-Harrach, Belhadi Ali, demeurant au village Thameur, qui citait pour la première fois cette villa de Lakhdaria et les différentes techniques de torture qu’il y avait subies. Il y a été témoin de la mort de dix citoyens après d’horribles tortures, dont Tali Yahia, Kerbouche Arezki et Amrani Ahmed.

    En février 2001, le sous-lieutenant Habib Souaïdia, officier du 25e RR, a raconté dans son livre La Sale Guerre les horreurs que subissaient les malheureuses victimes dans cette villa. Il cite notamment le cas de l’ex-maire FIS de Lakhdaria, Mohamed Yabouche, kidnappé par les agents du DRS près de la gare de la ville :

    Le soir, dans ma chambre, située à l’étage au-dessus des cellules, j’entendais les cris de l’homme qui suppliait ses tortionnaires. Abdelhak et ses collègues étaient à l’œuvre. Le supplice a duré toute la nuit avant de reprendre la nuit suivante pour se terminer au petit matin. Et ainsi de suite pendant quinze jours. Il ne m’était plus possible de trouver le sommeil[21].

    Plus loin, H. Souaïdia décrit une séance de torture que pratiquaient ses collègues :

    En rentrant dans l’appentis donnant accès aux cellules pour prévenir un officier du CMI qui était appelé au téléphone, je l’ai vu avec deux de ses collègues en train de torturer un malheureux : c’était un cadre de l’ENAD (une entreprise de la zone industrielle de Lakhdaria), qui était soupçonné d’être le chauffeur de l’émir Omar Chikhi. Il était attaché, entièrement nu, sur un banc. Ils lui avaient noué aux pieds des fils électriques reliés à une petite dynamo à manivelle (du matériel russe normalement utilisé pour les téléphones de campagne), qu’ils faisaient fonctionner pour lui envoyer des décharges. Je les ai vus aussi utiliser d’autres procédés : il était battu violemment avec de longs gourdins, où encore, ils l’obligeaient à absorber des quantités invraisemblables d’eau mélangée de Javel ou d’autres produits détergents. Cet homme est mort sous la torture au bout de quatre jours[22].

    Les commissariats de police

    Dans la plupart des commissariats, la torture est pratiquée. La police dépend en principe de la DGSN (Direction générale de la sûreté nationale), qui a été dirigée par M’hamed Tolba de mai 1991 à juin 1994, puis par M. Ouadah, remplacé le 20 mars 1995 par Ali Tounsi, toujours en poste à ce jour.

    Ces responsables n’ont jamais engagé la moindre poursuite contre les policiers tortionnaires, qu’ils ont donc couverts en toute connaissance de cause. Dans la pratique, on l’a vu, la police participe à la lutte « antisubversive » sous le contrôle du DRS. C’est le cas en particulier dans trois commissariats importants où la torture est systématique : celui de Bourouba (dans la banlieue d’Alger) et, à Alger même, le commissariat central et le commissariat de Cavaignac.

    Le commissariat de Bourouba

    Situé dans le quartier populaire de Bachdjarah à Alger, ce centre restera gravé durant longtemps dans la conscience collective de la jeunesse de la région comme symbole de la terreur et de la déchéance humaine. Siège de la 5e Brigade mobile de police judiciaire (BMPJ), ce commissariat a été dirigé par le chef de brigade Ouled Ami Boualem qui a été tué le 22 juillet 1995. De nombreuses personnes y sont décédées sous la torture.

    Ce commissariat comportait initialement deux cellules — quinze à vingt détenus s’entassaient dans chacune d’elles. En 1994, le commissaire a aménagé un bureau isolé en cellule de détention des femmes et un autre bureau comme chambre à coucher, où il violait les femmes détenues et sodomisait les mineurs. Ces faits étaient connus dès 1994, par plusieurs témoignages. En octobre 1994, Le Dr Sidhoum a ainsi reçu un témoignage d’un groupe de détenus de la prison d’El-Harrach, victimes de supplices de ce commissaire. Parmi eux, Hakim Benslimane, arrêté le 12 juillet 1994, séquestré et torturé pendant soixante-dix jours, qui a expliqué :

    Yousfi Nadir était le plus jeune parmi nous. Il avait dix-neuf ans. C’est lui qui a subi les tortures les plus atroces. Les tortionnaires ont utilisé avec lui l’électricité sur les parties sensibles de son corps. Le plus grave, c’est qu’il a été sodomisé par le commissaire en personne, le nommé Ouled Ami Boualem, qui paraissait être, vu son excitation et le plaisir qu’il éprouvait, un véritable obsédé sexuel. Ce n’était pas la première fois. Il faisait cela à chaque fois qu’il y avait des jeunes.

    Le viol semble une pratique routinière de l’équipe de Bourouba. Le même groupe de détenus rapporte que l’une des femmes détenues « a été violée en notre présence au deuxième étage. L’auteur du viol est un inspecteur de police qui était ivre ce jour-là ».

    Nacéra Lazreg, née le 11 avril 1961, mère de six enfants, a été arrêtée à son domicile à El-Harrach le 6 décembre 1994 à minuit par des policiers du commissariat de Bourouba. Ils l’informent de la mort de trois hommes, abattus par eux-mêmes, dont son mari recherché, Mahfoud Koudri ; elle doit les accompagner pour l’identifier. Plus tard, la famille a appris par des témoins que Nacéra avait été torturée sauvagement pendant près de trente jours, entre autres par le commissaire Ouled Ami lui-même. Finalement, elle aurait été exécutée et sa dépouille aurait été jetée à la décharge publique de Oued-Smar, où elle fut retrouvée avec d’autres cadavres. Elle fut emmenée à la morgue de Bologhine et enterrée sous l’inscription « X-algérienne ».

    En juillet 2000, Algeria-Watch a publié une lettre ouverte de Abdelkader Rebaï, un officier de police affecté dans ce commissariat en juin 1994 comme adjoint au chef de brigade. Il y a travaillé pendant trente-quatre jours, avant d’être arrêté à cause d’un rapport qu’il avait rédigé sur la situation dans ce commissariat et une affaire de vol de véhicule.

    J’avais découvert dans les deux cellules de la brigade entre quinze et vingt détenus dans chacune d’elles, en plus d’un bureau isolé aménagé par le chef de brigade Ouled Ami Boualem en cellule spéciale pour les femmes détenues […]. Il m’apparut également de l’état des détenus qu’ils étaient en garde à vue depuis une trop longue période, comme il me sera révélé à la suite de leur interrogatoire ; la plupart d’entre eux furent arrêtés plus de quatre mois. […] Les détenus m’apprirent encore qu’ils n’étaient nourris qu’une ou deux fois par semaine, avec pour menu invariable du pain et de l’eau. […] En plus de ces réalités, et sur la base des questions que j’avais posées à tous les détenus, il m’est apparu que la plupart d’entre eux ont été victimes d’agressions sexuelles commises par l’officier de police Ouled Ami Boualem, alors même que la quasi totalité des détenus sont mineurs ou encore que leur âge se situe entre dix-huit et vingt ans. La même chose pour les femmes détenues dans le bureau spécialement aménagé en cellule par le chef de brigade mobile qui en gardait personnellement la clef. Le seul tort de ces femmes était qu’elles étaient épouses, sœurs ou filles de terroristes[23].

    Le commissariat central d’Alger

    Situé boulevard Amirouche, en plein centre d’Alger, le commissariat central comporte plusieurs cellules de détention et salles de tortures, dans les sous-sols du bâtiment. Depuis 1988, il a été — avec le PCO de Châteauneuf, le siège de la BMPJ d’El-Madania, les commissariats de Cavaignac et de Bourouba — l’un des centres de tortures les plus actifs de la capitale. Le Pr Moulay Mohamed Saïd, séquestré et torturé en juin 1994 dans ce commissariat, raconte y avoir retrouvé sur les murs des inscriptions d’Algériens détenus et torturés par les Français pendant la guerre de libération.

    Des milliers d’Algériens connaissent les sous-sols de ce commissariat, ses cellules crasseuses et humides et ses salles de torture aux murs ensanglantés. Des dizaines de citoyens y ont laissé la vie sur les bancs du supplice. Comme dans de nombreux autres commissariats, des officiers du DRS supervisent les interrogatoires et tortures. Outre les classiques épreuves du chiffon et de la gégène, des actes inhumains y sont pratiqués.

    Le Dr Noureddine Lamdjadani, séquestré et torturé dans ce commissariat à partir du 17 mai 1994, relate :

    Au niveau des geôles du commissariat central, j’ai eu connaissance de cas de tortures qui dépassent l’imagination : un jeune homme a eu le tibia découpé à la baïonnette ; un autre, attaché à une échelle et précipité à terre à plusieurs reprises jusqu’à avoir le crâne fêlé, d’où s’écoulait un liquide visqueux, d’autres encore avaient reçu des coups de ciseaux à la tête.

    Bouamama Nourreddine, quarante-deux ans, marié et père de quatre enfants, a été arrêté le 23 septembre 1992 à 2 heures du matin à son domicile par des ninjas. Détenu vingt-deux jours au commissariat central d’Alger, il a été torturé de nombreuses manières (électricité, technique du chiffon, bastonnades, arrachage de dents par tournevis, arrachage de la peau par pinces), provoquant un œdème généralisé. Transféré à la prison d’El-Harrach, il a ensuite été condamné à mort par le tribunal d’exception d’Alger.

    Lafri Khaled, chirurgien, demeurant à El-Harrach (Alger), a été arrêté le 7 juin 1994 à son domicile par des policiers. Détenu au commissariat central d’Alger pendant quarante jours, il a subi des tabassages, des flagellations et le supplice du chiffon. Transféré à la prison d’El-Harrach puis de Serkadji, il sera condamné à trois ans de prison (il a été libéré en juillet 1997 après avoir purgé sa peine).

    Yousfi Nadir, dix-neuf ans, lycéen, demeurant à Badjarah, a été arrêté le 12 juillet 1994 à son domicile par des policiers. Détenu pendant soixante-dix jours au commissariat de Bourouba puis au commissariat central d’Alger, il a subi diverses tortures (électricité, bastonnades, tentative de sodomisation par le commissaire).

    Le commissariat de Cavaignac à Alger

    Siège de la police dite judiciaire, le commissariat de Cavaignac est situé rue Hocine-Asselah, à Alger, près de la Poste centrale. Il a été le lieu de nombreux actes criminels commis contre des citoyens arbitrairement arrêtés et séquestrés. Là également, de nombreux cadavres en sortiront pour être enterrés furtivement, de nuit, sous l’étiquette de « X Algérien », selon de nombreux témoignages de policiers ayant fui ces horreurs.

    Son sous-sol est constitué de deux salles barreaudées et de quatre cellules. Une sorte de garage fait fonction de salle de torture. Les méthodes classiques de torture y sont pratiquées (chiffon, tabassage, bastonnades, électricité, suspension par les pieds au plafond).

    Kazi Abdennacer, vingt-sept ans, tailleur, demeurant à la cité de Diar El-Mahçoul (Alger), a été arrêté le 27 octobre 1992 à 3 heures du matin par des civils armés et cagoulés. Détenu pendant onze jours au commissariat de Cavaignac, il y a subi de nombreuses tortures (bastonnade, arrosage par eau froide, coups avec chaise métallique, simulation d’exécution avec pistolet sur la tempe, technique du chiffon, clous enfoncés dans le corps et reliés à du courant électrique, brûlures par des mégots de cigarettes, crachats, simulacre d’exécution) qui lui ont notamment provoqué un traumatisme crânien. Il a été incarcéré le 5 novembre 1992 à la prison d’El-Harrach.

    En octobre 1997, une ancienne policière âgée de trente ans, « Dalilah », réfugiée à Londres, a raconté au journaliste britannique Robert Fisk les horreurs dont elle avait été le témoin à Cavaignac[24], où elle était affectée :

    Ils exécutaient des gens de 11 heures du matin jusqu’à la nuit, des gens qui n’avaient rien fait. Ils disaient simplement : « C’est un terroriste », et l’homme était tué.

    Elle a raconté à Robert Fisk comment, en quelques mois, au moins mille hommes ont été torturés, au rythme de quelque douze par jour.

    Il y avait des prisonniers qui pleuraient et qui disaient : « Je n’ai rien fait, j’ai le droit de voir un médecin et un avocat. » Quand ils disaient cela, ils recevaient un coup de poing sur la bouche. Souvent ceux qui étaient soumis au supplice de l’eau mouraient : leur estomac était trop distendu par l’eau ; parfois, pendant ce supplice, les tortionnaires leur enfonçaient aussi un goulot dans l’anus. […] Ce sont les chefs policiers qui donnaient l’ordre de torturer — je pense qu’ils donnaient ces ordres par téléphone, mais ils n’utilisaient pas le mot de « torture », ils l’appelaient nakdoulou eslah, « traitement spécial ». Souvent les hommes mouraient sous la torture. […] J’ai dû signer des certificats pour faire croire qu’il s’agissait de cadavres trouvés dans la forêt. […] J’ai dit à l’un de mes chefs, Hamid : « Vous ne devez pas faire ces choses-là, car nous sommes tous des musulmans ; il devrait au moins y avoir des preuves contre ces gens-là avant que vous les tuiez. » Il m’a répondu : « Ma fille, tu n’es pas faite pour la police. Si tu soupçonnes quelqu’un, tu dois le tuer. C’est en tuant des gens que tu obtiendras une promotion. » Les séances de torture se déroulaient dans un parking au sous-sol du commissariat. Tous les policiers devaient frapper les prisonniers avec leur Klach. Certains prisonniers devenaient complètement fous après avoir été torturés. Tous ceux qui étaient conduits à Cavaignac étaient torturés — environ 70 % des policiers voyaient tout ça, ils participaient…

    Des citoyens torturés seront laissés sans soins. La même inspectrice relate[25] :

    Au sous-sol, sept hommes à moitié nus, dont un vieillard, étaient à terre dans une flaque de sang. Ils ont d’abord eu peur de moi, puis l’un d’entre eux m’a montré son bras : il était horriblement brûlé, il avait presque un trou.

    Certains mourront, suite aux supplices subis. Sari-Ahmed Mahfoud, professeur de médecine, arrêté par la police le 2 mai 1993 sur son lieu de travail à l’hôpital de Baïnem (Alger), a été détenu douze jours à Cavaignac, où il a été torturé (coups de poing, chiffon, arrosage du corps par eau froide, simulation d’exécution par arme à feu). Acquitté par le tribunal d’exception d’Alger après six mois de détention préventive à la prison d’El-Harrach, il a témoigné :

    Je tiens enfin à signaler que durant ma détention à Cavaignac, un jeune citoyen âgé de vingt-quatre ans, originaire de Staoueli, est mort sous la torture. Il a agonisé durant deux jours et a rendu l’âme le mardi.

    Ce commissariat sera ainsi le lieu de nombreuses exécutions sommaires de citoyens, tués après avoir été sauvagement torturés. Là également, de nombreux cadavres en sortiront pour être jetés dans la rue ou enterrés furtivement de nuit sous l’étiquette de « X Algérien » selon de nombreux témoignages de suppliciés. L’ex- inspectrice poursuit[26] :

    Presque chaque nuit, vers 11 heures, un prisonnier, parfois deux, est exécuté puis jeté dehors. Après on dit qu’il est mort dans un accrochage. D’autres sont abattus pendant les transferts.

    Les brigades de gendarmerie

    La gendarmerie, partie intégrante de l’armée algérienne, est tout aussi impliquée dans la « lutte antiterroriste ». Après le coup d’État de janvier 1992 et le déclenchement de la répression, des unités spéciales de gendarmerie sont intégrées dans toutes les structures nouvellement créées. Elles sont opérationnelles dans différents centres, tel le PCO de Châteauneuf, ou au sein des forces combinées d’unités spéciales de la police, armée et gendarmerie sous le commandement du CLAS. De plus en plus, c’est le DRS qui va contrôler les activités de la gendarmerie, comme le confirme la composition de sa direction : le général Benabbès Ghezaïel, chef de la gendarmerie de 1989 à mars 1995, fait partie du quarteron de généraux qui ont organisé le coup d’État et la terreur qui a suivi. La gendarmerie est ensuite dirigée par le général Brahim Fodhil Chérif (réputé très proche du général-major Mohamed Lamari) jusqu’en juillet 1997, puis par Tayeb Derradji, parfois présenté comme partisan du dialogue avec les islamistes. Finalement, en février 2000 (au moment de l’élection d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République), c’est Ahmed Bousteïla qui prend le commandement de la gendarmerie.

    Traditionnellement implantée surtout en périphérie des villes et en campagne, alors que la police est présente dans les villes, la gendarmerie semble avoir agi dans les premiers mois de manière un peu plus autonome, avant d’être, une fois le dispositif de lutte antiterroriste mis en place, totalement assujettie au DRS. Sur le terrain, cela s’est traduit par des opérations sous forme de forces combinées (police, armée et gendarmerie) ou par le contact étroit avec les officiers du DRS venant dans les gendarmeries « interroger » les suspects ou les transférer dans leurs centres. Les ONG de défense des droits humains disposent de nombreux témoignages de victimes d’enlèvements et séquestration dans les locaux des brigades de gendarmerie.

    La brigade de gendarmerie de Aïn-Naâdja (Birkhadem)

    Nous disposons de plusieurs témoignages de personnes passées par cette gendarmerie. Ce qui semble la distinguer, c’est le fait que les victimes qui y ont été emmenées y sont restées parfois pendant des mois, comme oubliées par le personnel. Vu sa proximité de l’état-major des forces armées et les nombreux officiers du DRS en fonction dans ces lieux, ces derniers pouvaient se rendre facilement dans la gendarmerie.

    Croquis de la gendarmerie de Birkhadem

    Djemaoune Abdeslam, vingt-sept ans, restaurateur, a été arrêté dans la rue le 18 mars 1994 à 13 heures, par des gendarmes et jeté dans une salle sombre où, après qu’on lui a bandé les yeux, il a été torturé à l’électricité au niveau des doigts et du sexe. En même temps, il recevait des coups qu’il ne pouvait éviter. Cette torture a duré pendant une heure et les séances se sont répétées pendant une semaine environ. Puis il a été incarcéré dans une cellule pendant plus de cinq mois, rongé par les poux et la saleté et ne recevant que tous les quelques jours un croûton de pain. Attachés pendant plus de trois mois avec des menottes, ses poignets se sont infectés du fait de la strangulation.

    Allache Tahar, instituteur, a été arrêté le 1er avril 1994 suite à un ratissage effectué dans son quartier. Jeté dans une cellule sombre et sale sans aucune aération, il a été régulièrement bastonné et a subi des tortures par brûlures de cigarettes, coups assénés avec des barres de fer, sans connaître les raisons de son arrestation. Il a été incarcéré dans ce lieu plus de quatre mois. Souvent, il a été oublié en raison du nombre d’arrestations qui s’opéraient chaque jour. Il lui était interdit de se rendre aux WC, ce qui l’obligeait à se soulager dans la cellule. Finalement impliqué dans une affaire de terrorisme à laquelle il était entièrement étranger, il a été présenté à la justice et incarcéré à la prison d’El-Harrach.

    Abderrahmane Mosbah a été arrêté et incarcéré une première fois en mars 1992 et déporté dans un camp d’internement. Une fois libéré, il a été de nouveau arrêté à son domicile en 1993 et emmené à la brigade de gendarmerie de Aïn-Naâdja. Torturé au chiffon, il a été sodomisé avec un bâton. Enfermé dans une cellule, il n’était pas autorisé à aller aux toilettes et il a été privé de nourriture et d’eau. Ayant passé quarante jours dans ces lieux, il comptait les jours. Pourtant il n’arrive pas à reconstituer la période entière.


    [1] Voir notamment les rapports publiés sur le site Algeria-watch cités en annexe.

    [2] Voir supra, note 2, les références de ces témoignages.

    [3] Sources : Me Mahmoud Khélili, La Torture en Algérie (1991-2001), op. cit. ; Comité algérien des militants libres de la dignité humaine et des droits de l’homme, Livre blanc contre la répression en Algérie, tome I, Hoggar Éditions, Genève, 1995.

    [4] Voir Mohammed Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit., p. 200.

    [5] Ibid., p. 201.

    [6] Voir le témoignage précité de Ahmed Chouchane.

    [7] MAOL, « Affaires des généraux », <www.anp.org/affairegeneraux/affgene.html>.

    [8] Mohammed Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit., p. 162.

    [9] « À propos de terrorisme… », <www.algeria-watch.org/farticle/aw/awterkamel.htm>.

    [11] Voir Mohammed Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit., p. 172 sq.

    [12] John Sweeney et Leonard Doyle, « Algerian regime responsible for massacres : Algeria regime “was behind Paris bomb” », Manchester Guardian Weekly, 16 novembre 1997.

    [13] Mohammed Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit., p. 196.

    [14] Ibid., p. 90.

    [15] Me Mahmoud Khélili, La Torture en Algérie (1991-2001), op. cit.

    [16] Lara Marlowe, « Ex-army man saw villagers being murdering », The Irish Times, 30 octobre 1997.

    [17] « Algérie : les révélations d’un déserteur de la SM », Nord-Sud Export, loc. cit.

    [18] Ibid.

    [19] « Algérie. Dossier politique », Nord-Sud Export, loc. cit.

    [20] Mohammed Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit., p. 203-205.

    [21] Habib Souaïdia, La Sale Guerre, op. cit., p. 108.

    [22] Ibid., p. 109.

    [23] « Lettre ouverte de M. Rebaï à propos de l’affaire “Taiwan” », 1er juillet 2000, <www.algeria-watch.org/farticle/taiwanlettre.htm>.

    [25] « Algérie : une femme-flic raconte la “sale guerre” », Libération, 22 juin 1995.

    [26] Ibid.

     

  • no moment


  • COMMUNIQUÉ DU SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ)

     

    Notre confrère Hamid Yacine, journaliste au quotidien arabophone El Khabar, a été officiellement inculpé, lundi 13 juin 2011, par le juge d’instruction en charge de l’affaire Ali Tounsi.
    Tout comme notre confrère, le Syndicat national des journalistes exprime sa surprise de ce que le concerné, cité comme simple témoin en raison d’un article sur l’affaire qu’il avait rédigé le 16 mars 2010, se voit signifier son inculpation à l’issue de son troisième passage chez le juge d’instruction, lundi dernier. Et ce, en vertu de l’article 301 du code pénal, lui signifie-t-on. Plus d’une année après les faits et la parution de l’article incriminé, il est ainsi reproché à Hamid Yacine d’avoir violé le secret d’instruction. C’est d’autant plus surprenant comme mutation dans le statut du prévenu de témoin à accusé que, depuis le dramatique assassinat de l’ex-directeur général de la Sûreté nationale, des centaines d’articles de presse sont parus dans les colonnes des journaux algériens au sujet de cette affaire-là, sans qu’aucun média ni journaliste ne soit inquiété par la justice. La gravité de l’affaire, les circonstances de son avènement et l’importance et le rang du défunt Ali Tounsi exigeaient naturellement de la presse algérienne de s’y intéresser de près, de la commenter et, surtout, d’accomplir son devoir envers l’opinion publique. La quête de la vérité, c’est aussi le travail de la presse. Pour quelle raison alors inculper un confrère qui n’a fait que son travail de journaliste ? Le rebondissement de lundi dernier inquiète le Syndicat au plus haut point. Cela nous replonge dans l’ambiance frénétique du harcèlement judiciaire contre la presse des années 2003, 2004 que permettait un code pénal liberticide et qui l’est finalement resté en dépit de l’engagement du pouvoir, et à plus haut niveau de dépénaliser les délits de presse. Le Syndicat, qui assure notre confrère de son entière solidarité, interpelle les pouvoirs publics pour qu’ils mettent fin immédiatement au recours au tristement célèbre code pénal et de revenir, comme ils s’y sont engagés publiquement, à des normes universelles régissant la presse. L’ère des procès politiques contre les journalistes appartient à un passé à jamais révolu.
    P/ le Syndicat national des journalistes, le secrétaire général Kamel Amarni

  • 1 ,2 ,3, soleil 4,5,6 brume,7,8,9,wakhda

    1, 2, 3 systèmes !

    Par Hakim Laâlam  
    Email : laalamh@yahoo.fr
    Consultations politiques. Abdekka a lancé des invitations à 4
    anciens présidents : Ben Bella, Chadli, Kafi et Zeroual. Je dois
    avoir de sacrés problèmes avec les mathématiques. Parce que
    j’ai beau compter et recompter, je n’en vois qu’un !

    Parmi les 5 cités !

    Ah ben non ! C’est pas loyal, ça ! Si même Ali Kafi en vient aujourd’hui à appeler au départ du système, où allons-nous ? Moi, du coup, j’en perds mes repères ! J’ai besoin de repères ! Et dans mes repères, j’ai beau chercher, y a pas Kafi en haut d’une barricade, le front ceint d’un bandana, le regard farouche et tenant à la main une banderole sur laquelle serait inscrit «Pouvoir, dégage !». Dans mes repères à moi, Kafi, c’est le système. Vous comprendrez alors que je sois pour le moins désorienté. Comment le système peut-il appeler au départ du système ? Question qui en appelle fatalement un tas d’autres tout aussi existentielles. Y aurait-il deux systèmes ? L’un en fonctionnement, l’autre de réserve. Comme dans les courses de Formule 1, ou, pour rester dans l’actualité comme lors des 24 heures du Mans, avec la voiture mulet que l’on garde sous le coude en cas de pépin grave ? Existe-t-il des voies de communication, des passerelles entre les systèmes ? Peut-on passer d’un système à l’autre, de celui en cours à celui en réserve ? Comment les gens des deux systèmes se reconnaissent-ils entre eux ? Ont-ils des codes distinctifs, des habits rituels qui les différencient et une phrase secrète spécifique grâce à laquelle ils peuvent accéder aux salles de réunion, le soir, lorsque les enfants et Louisa Hanoune sont couchés ? En cas de crise profonde du système, les toubibs du second système, celui de réserve, ont-ils le droit de donner un avis médical, de prescrire des soins ou alors doivent-ils juste se contenter de casser les grèves des médecins résidents, qui eux ne sont membres ni du premier ni du second système ? Peut-on imaginer un jour un pouvoir à deux systèmes, à deux têtes, les deux fonctionnant en même temps, comme l’hydre ? Auquel cas, cela poserait un problème nouveau. Si cette double direction du pays, ce pilotage des affaires de la Nation par deux systèmes en même temps n’arrivait pas malgré tout à nous sortir de la crise, qui, alors, appellerait au départ des deux systèmes en cours ? Quoi ? Un 3e système ? Je n’ose y croire ! Et il y aurait qui dans ce 3e système ? Comment et à travers quelle figure l’identifier ? Ah ! Bon ! Vous en êtes absolument sûrs ? Il faudra attendre les réactions à la dernière sortie de Kafi, c’est ça ? Celui qui réagira avec force et véhémence, par voie de communiqué ou par voie de contribution dans la presse, ça sera lui le représentant du 3e système ? Merci de m’éclairer sur cette véritable saga des systèmes ! Je peux vous poser une dernière question sans paraître abuser de votre gentillesse, de votre disponibilité et de patience ? Dites-moi juste un truc : l’usine à systèmes, elle est implantée où, dans quelle zone industrielle du pays ? Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
    H. L.

  • Technologie suisse, voleurs avec bandits!!!

    C’est finalement l’entreprise suisse OVD qui a remporté le marché de la sécurisation du passeport biométrique algérien.
    L’Hôtel des monnaies avait dû lancer un autre avis d’appel d’offres international pour remplacer le français Fasver qui avait fourni un produit ne répondant à aucune norme de sécurité.

  • Quelle forme possède le vide ?

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    L’Algérie travaille. En quelques semaines, elle a organisé quatre événements, l’un à la suite de l’autre dans une débauche d’énergie sans précédent. Une foire, une rencontre avec les partis et les personnalités, un baccalauréat et maintenant une rencontre avec la société civile, sous l’égide du CNES. Si ces quatre événements sont nationaux, ils sont organisés par le régime et il faut bien admettre qu’il n’est pas réellement compétent, pour aucun des quatre. D’abord, la Foire internationale, où la production nationale est tellement insignifiante que cela fait sourire un économiste  : «La seule compétition au monde où le pays organisateur n’est pas qualifié.» Ensuite la commission Bensalah, non qualifiée aussi puisque c’est sous ce même Bensalah, numéro deux de l’Etat, que des fraudes électorales, des atteintes aux droits de l’homme et des abus divers sont régulièrement commis. Viennent le baccalauréat, à propos duquel il faut encore rappeler que très peu en possèdent un dans les hautes sphères de l’Etat, et la rencontre du CNES, qui ne fait pas encore la différence entre société civile et société servile. Malgré une apparence de désorganisation, l’Algérie est bien organisée, du moins son Etat.

    Sauf qu’elle ne sait toujours pas quoi mettre dans ses organisations, coquilles vides d’escargots morts. L’Algérie sait organiser des rencontres, mais ne sait pas se rencontrer. Elle sait faire des élections, mais ne comprend pas encore qu’il faut compter les voix des électeurs et pas celles des élus. Elle sait monter des télévisions et des radios, mais ne sait toujours pas quoi dire avec. Elle sait organiser la répartition de 200 000 policiers en Algérie, mais ne sait toujours pas comment assurer la sécurité des citoyens. Et depuis la partition du Soudan au début de l’année, l’Algérie est aujourd’hui le plus grand pays d’Afrique. Mais elle ne sait toujours pas quoi mettre dedans.
     

    Chawki Amari
  • Inquiétude

     

    l'algerie,et son peuple inquiét de son sort ? mais pas la france, ni USA, c'est ça la démocratie toz fikoum !!

    Taille du texte normale

     

    Plus de trois millions d’Algériens malades ne suffisent pas à attirer l’attention des responsables censés pourtant veiller sur leur santé. Tapis dans leurs bureaux feutrés des institutions de la République ou même au niveau de leur siège de mouvement associatif, ils feignent ignorer les réactions déclenchées par le retrait sur le marché de deux médicaments destinés aux diabétiques.
    C’est sûr, le branle-bas de combat se passe de l’autre côté de la Méditerranée où les droits du malade ne passent pas en seconde importance. Au niveau de nos officines, qui continuent à commercialiser les médicaments incriminés, rien n’est décidé pour l’heure, faute, dit-on, de directives des instances du ministère de la Santé.

    L’on se contente de préciser, en haut lieu, qu’il n’ont reçu aucune note de la part de l’Agence française de sécurité des produits sanitaires concernant les risques élevés de cancer de la prostate qu’encourent les utilisateurs des produits Actos et Competact. Pourtant, c’est la même agence qui vient de décider du retrait de ce médicament de toutes les pharmacies françaises. Ce silence devient réellement inquiétant tant le marché national du médicament, particulièrement celui destiné aux maladies chroniques, est sujet à de graves tromperies en cascade.

    Tout récemment, des produits de contrefaçon ont inondé les pharmacies sans que personne s’en aperçoive. Il a fallu l’intervention du fabricant du produit piraté pour alerter nos autorités sanitaires. Dans ce cas aussi, les autorités sanitaires n’ont pas jugé bon d’intervenir. Rien n’est porté à la connaissance des patients pour leur éviter d’éventuelles complications sur leur santé. Cette politique de l’autruche dans laquelle excellent nos responsables n’est pas pour rassurer les malades qui, avant toute médication, tiennent au contrat de confiance qui doit les lier avec tous les intervenants dans leur bien-être en général et leur santé en particulier. Dommage que cette relation primordiale soit compromise pour des desseins inavoués d’une poignée d’affairistes obnubilés par l’ivresse du pouvoir et la cupidité.
     

    Ali Guissem
  • no moment

    20110615.jpg

  • La grève des médecins résidents entame aujourd’hui son 80e jour

     

     

    Ces services qui marchent tant bien que mal

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte


    Au CHU Mustapha, on trouve encore des services qui fonctionnent, malgré 3 mois de grève des médecins résidents.
     

    Si l’activité dans son ensemble est en berne, le débrayage ne se ressent pas pour autant dans une poignée de services. En ce samedi 11 juin, en urologie, l’activité est assurée au grand bonheur des patientes hospitalisées. Les huit lits disponibles sont occupés. Au bloc opératoire, sont assurées toutes les interventions chirurgicales programmées. «Ici, les résidents assurent leurs gardes aux urgences. Mais le plus gros du travail dans le bloc est assuré par les assistants, les maîtres assistants et les professeurs», assure-t-on.  Même topo, ou presque, au service de gynécologie obstétrique qu’abrite une bâtisse crépie de blanc et de rouge.
    «La grève a quelque peu affecté l’activité du service. Mais, les assistants et les maîtres assistants assurent le gros de la tâche», explique un infirmier.


    Ici, plus de 400 accouchements sont enregistrés par an. Aux urgences du même service, des malades, accompagnées de leurs proches, affluent sans discontinuer. «Heureusement que ce service n’est pas comme les autres. Car, ailleurs, on raconte qu’on renvoie les malades en raison de la grève. Ma fille en est à son 4e mois de grossesse. Nous sommes venues pour une consultation, cela aurait été plus compliqué si le service était paralysé par la grève», avance une vieille femme, soulagée que le rendez-vous de sa fille ait été maintenu.


    Affluence


    A l’intérieur, c’est une ruche : des proches, bras chargés de victuailles, viennent rendre visite aux parturientes.  
    Chez les maîtres assistants, la défection des médecins en cours de spécialisation inquiète, au vu du nombre de malades à prendre en charge.
    «On ressent l’absence des médecins résidents. Leur présence nous est d’un grand apport, se désole un médecin spécialiste. Nous comprenons qu’ils fassent grève. C’est leur droit, même si cela  pénalise passablement le bon fonctionnement du service.»
    Objets de toutes les remontrances, les médecins grévistes encaissent. «Nous n’avons pas le choix. C’est la seule manière dont nous disposons pour espérer arracher nos droits, se défend Nabil, médecin en gynécologie, lui-même gréviste, il est temps que le ministère de la Santé se réveille de sa léthargie et règle les problèmes des médecins du pays.»
    Le ministre de la Santé, pris entre les feux de patients impatients et des médecins toujours en colère, se retrouve coincé dans la seringue.

     

    Hocine Lamriben
  • L’Unicef tire la sonnette d’alarme

     

    340 000 enfants travaillent en Algérie

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte


    La cérémonie de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants a été organisée, hier, au siège du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale.

    Cette cérémonie a été caractérisée par l’absence d’enquête, de statistiques et de données fiables permettant de rendre compte de la réalité du terrain en Algérie. 340 000 enfants en Algérie sont exploités dans les différents secteurs. Ce chiffre avancé par Emmanuel Fontaine, représentant du bureau de l’Unicef en Algérie, demeure la seule donnée concernant le travail des enfants en Algérie. Questionné à ce sujet, le représentant de l’Unicef reconnaît le manque d’enquêtes sur le phénomène. Quant aux motifs de ce manque, Emmanuel Fontaine estime qu’une enquête sur le terrain est un travail énorme qui nécessite beaucoup de moyens et l’implication de différentes institutions notamment le ministère du Travail.

    Le représentant de l’Unicef annonce tout de même le projet d’une enquête prochainement. Cette enquête portera sur l’ensemble des données relatives à la situation de l’enfant en Algérie. Dans son allocution, M. Emmanuel Fontaine a mis en garde contre les risques du travail domestique des enfants. «La vente des galettes dans les rues représente un danger sur les enfants», alerte-t-il. Pour rappel, ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Mais le nombre d’enfants touchés reste jusque-là ignoré. Les différentes interventions des différents organismes travaillant pour la protection de l’enfant en Algérie, à savoir la représentante du BIT au Maghreb, ainsi que la représentante du ministère de la Santé se sont limitées aux données mondiales, estimant que la situation de l’enfant en Algérie n’est pas préoccupante tout en reconnaissant l’absence d’enquêtes récentes.

    «Toutes les données confirment que la situation en Algérie n’est pas inquiétante et que notre pays n’est pas concerné par des situations de pires formes de travail des enfants», affirme  Tayeb Louh, ministre du Travail, dans une communication lue par le secrétaire général du ministère. Mais ce discours n’est pas soutenu par Fatah Achoura, membre du mouvement citoyen des archs des Aurès qui alerte sur les conditions dont les propriétaires des carrières de T’kout recrutent les mineurs. «La plupart des tailleurs de pierre qui sont recrutés, leur âge varie entre 15 et 16 ans. 18 décès sont enregistrés jusque-là parmi les travailleurs ayant moins de 18 ans», déclare Fatah Achoura, soulignant qu’en période de vacances scolaires, on recrute même les enfants qui ne dépassent pas l’âge de 13 ans. Ces horribles formes de travail semblent omises ou plutôt ignorées par les représentants des organismes ayant pour tâche la protection de l’enfant en Algérie.

     

    Djedjiga Rahmani
  • no moment

     

    20110613.jpg

  • pause-pipi!!! de qui se mok t'on.

    Pouce ! On marque une pause !

    Par Hakim Laâlam  
    Email : laalamh@yahoo.fr
    Ça y est ! Le Cnes a enfin une nouvelle mission.

    Se trouver un coiffeur !

    La commission du dialogue national, plus connue sous le doux nom de «café de l’Oncle Ben», vient d’annoncer le plus officiellement qu’il soit qu’elle marquait une pause de trois jours. Je me gratte le menton. Ce qui, chez moi, comme chez un maximum de personnes d’ailleurs, exprime une profonde interrogation teintée d’un zeste d’incompréhension. Eh oui ! Pourquoi serait-ce à l’Oncle Ben et à sa commission militaro-islamiste de marquer une pause ? S’il y en a bien qui devraient observer une pause, prendre un repos bien mérité, c’est nous ! Ben oui ! Il nous faut bien trois jours de décrochage pour récupérer de tout ça, non ? Je dirais même plus, trois jours de repos ne seront pas de trop pour effacer ce que nous avons enduré durant ce premier round de discussions et de concertations. Nous avons été les témoins malgré nous de phénomènes nerveusement éprouvants, psychologiquement déstabilisants. Ce n’est pas tous les jours que l’on assiste à un retour massif de zombies à la lumière du jour. Il n’est tout de même pas commun de se voir imposer sous son nez la réouverture de cercueils et d’en voir exhumer des cadavres politiques sur lesquels on procède à des manip’, à la mode du Docteur Frankenstein. A plusieurs reprises, en reluquant les comptes-rendus télévisés des séances organisées dans le café de l’Oncle Ben, j’ai failli me choper des arrêts cardiaques sévères. Tout simplement parce que, là, sur l’écran de ma télé, je voyais ressurgir des personnages que je croyais réellement, très franchement morts, définitivement enterrés. Je ne veux pas me la ramener en jouant aux vierges effarouchées, mais mettez-vous à ma place ! Voir un mort accueilli officiellement au Palais par l’Oncle Ben, constater que même mort, il peut marcher, sourire, donner l’accolade, voire pousser le bouchon mortuaire jusqu’à avaler un breuvage de bienvenue, ça vous scotche ! J’en ai même vu deux ou trois qui ont remis de grosses enveloppes à l’Oncle Ben. Mon Dieu ! Des enveloppes de l’Au-delà ! Et vous voudriez qu’après toutes ces scènes gore, je ne me prenne pas trois jours de pause, que je ne me fasse pas un break ? Vous, vous faites ce que vous voulez ! Mais moi, pouce ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
    H. L.

  • La France muselle t-elle l’opposition algérienne ?

     

    In Kalimadz.com

    Dimanche 12 juin 2011

    Eutelsat a coupé la liaison satellitaire de la chaine de télévision de l’opposition algérienne « AL ASR », qui devait diffuser notamment Rachad TV et Kalima TV, ce samedi 11 juin 2011 au moment ou celle ci allait entamer sa première retransmission.
    En Mars 2010, Eutelsat avait déjà opéré de la même manière en coupant la liaison satellitaire de Radio kalima. En réponse à un courrier de Jean-François Julliard, secrétaire général de l’ONG Reporters Sans Frontières «  RSF » qui lui demandait des explications, le Directeur Général d’Eutelsat, avait reconnu l’intervention directe des autorités algériennes. 

    Eutelsat récidiviste

    En récidivant dans ses actes de censure, Eutelsat ne se contente plus d’apporter des solutions techniques à ses clients, mais se met ouvertement du coté du régime algérien et participe à la marginalisation de l’opposition et au muselage des médias indépendants.

    Cette attitude d’Eutelsat à l’encontre de l’Algérie ne serait pas possible sans le consentement du pouvoir français. Comment Eutelsat, entreprise européenne mais dirigée par les français peut-elle bloquer la liaison satellitaire d’une chaîne de télévision d’opposant algériens trois jours avant le voyage du ministre français des affaires étrangères à Alger, ( Alain juppé est attendu à Alger mercredi 15 juin) sans avoir au préalable, au minimum pris l’avis du quai d’Orsay à Paris. Il est, en effet, inimaginable qu’Eutelsat prenne le risque de « pourrir » le déplacement d’un ministre. Il est dès lors plus que probable que cette grave atteinte à la liberté d’expression en violation de l’article III de la Convention Internationale établissant l’Organisation Européenne des télécommunications « Eutelsat » s’est faite avec la bénédiction du pays «  des droits de l’homme ».

     

    La France muselle t-elle l’opposition algérienne ?

     

    Les récentes signatures, dans l’opacité absolue, d’accords commerciaux et financiers en faveur de Paris par les autorités algériennes prennent alors toute leur signification. Que le gouvernement français ferme les yeux sur le comportement quasi mafieux du régime algérien n’a rien de surprenant, il l’a toujours fait et continue à la faire dans tous les pays de la région, mais qu’il se rende directement complice, en contre partie de contrats commerciaux, du muselage de l’opposition et des médias indépendants qui militent pour un changement démocratique en Algérie, constitue un glissement très dangereux. La diplomatie française est directement interpellée et doit clarifier sa position dans les plus brefs délais, si elle veut garder encore un quelconque crédit à ses positions par rapport aux changements démocratiques en cours au sud de la méditerranée.

     

    Yahia Bounouar

  • La société civile “choisie”

     

     
    Par : Mustapha Hammouche

    Demain, l’État réunira, par le truchement du Cnes, les “représentants” de la société civile. Demain, on saura de quoi la société civile à l’algérienne est faite.
    Une des définitions les plus courantes de la notion de société civile évoque “l'ensemble des rapports interindividuels, des structures familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l'intervention de l'État”. Mais toutes évoquent l’indépendance qui fait la caractéristique d’une société civile.
    Mais la société civile du 14 juin sera réunie par un organisme qui, lui aussi, a restitué l’indépendance attachée à sa mission pour se consacrer un rôle militant d’approbation des politiques sociales et économiques du pouvoir et d’authentification des “performances” officielles, selon la formule affectionnée par son actuel président : “Tous les voyants sont au vert !”
    Son application lui vaut donc d’être sollicitée pour participer à cette entreprise de diversion réformiste qui accompagne la répression du désir de changement. C’est justement pendant les trois jours de “pause” de la commission Bensalah, occupée jusqu’ici à écouter la société politique et la notabilité, elle aussi autoritairement définie par la présidence de la République, que le Conseil national économique et social se transforme en commission de consultation pour la société civile “officielle”. Ces commissions, comme la tripartite et comme tous les conclaves maison, n’ont qu’un seul objectif : permettre au pouvoir de couvrir le son des voix revendicatrices de changement et de décider des opinions qui peuvent s’exprimer sur les pseudos réformes. Nul doute sur ce que seront ces voix “autorisées”, au sens discrétionnaire du terme, cette fois-ci.
    On ne connaît pas encore la composition de la société civile “réunie”, mais on connaît la société politico-associative consultée ; ses composantes ont cette marque de fabrique : elles relèvent toutes d’organisations qui émargent au budget de l’État. Et c’est à ce titre qu’on leur demande leur avis sur la manière de changer l’ordre en place ! Il n’y a pas de raison pour que la nomenclature de la société civile soit plus ouverte que celle de la société “consultable”.
    En théorie, comme dans les saines réalités, les membres individuels ou collectifs d’une société civile s’imposent d’eux-mêmes, comme autant d’avis légitimes et autonomes. Cette légitimité tient au parcours de la personne ou du groupe, à leur implication dans les questions de société, à leur compétence distinctive et, surtout, à leur autonomie intellectuelle et politique reconnue. Ils ne doivent surtout pas leur existence publique au budget de l’État, ni d’agrément pour activer et s’exprimer, ne sont pas sur les “tablettes” des colloques promotionnels des politiques publiques.
    Enfin, la société civile ne s’exprime pas sur convocation, mais c’est quand elle juge par elle-même, que les circonstances l’interpellent.
    Cependant, demain, ce sera sous le regard inquisiteur d’un pouvoir tout-puissant, que la société civile “choisie” osera parler de réformes.

    M. H
    musthammouche@yahoo.fr
        

  • Les sept policiers acquittés!!!!!

    AFFAIRE DU JEUNE DÉCÉDÉ AU COMMISSARIAT CENTRAL DE CONSTANTINE

    C’est avec joie et soulagement que les familles des sept policiers, accusés dans l’affaire Kamel Toufouti, décédé en décembre dernier dans les locaux du commissariat central de Constantine, ont accueilli le verdict du procès en appel rendu, hier matin, par la cour de Constantine.
    Accusés de négligence grave ayant entraîné mort d’homme et non-observation des mesures règlementaires, les peines prononcées, hier, par le président de la séance à l’encontre des mis en cause dans cette affaire ont été revues à la baisse. En bref, un officier de police (AF) a été condamné à une année de prison ferme, dont six mois avec sursis, assortie d’une amende de 20.000 DA. Un autre officier, l’inspecteur de police (BA) a écopé, lui d’une peine de quatre mois de prison avec sursis. Des peines, qu’ils ont effectivement purgées, puisqu’ils ont passé plus de six mois en garde à vue. Quant aux cinq autres mis en cause dans cette affaire, deux commissaires de police et trois AOP, ils ont bénéficié de la relaxe. Il est utile de préciser, à ce titre, que le représentant du ministère public près la cour de Constantine avait requis, au terme d’un procès marathonien qui s’est déroulé hier, trois années de prison ferme assorties d’une amende de 20.000 DA contre les sept policiers. Un procès où se sont succédé, tour à tour devant la barre de la cour une dizaine de personnes entre accusés, témoins des deux parties, experts médicolégaux et avocats. Ces derniers ont tenté, chacun à leur manière de plaider la cause de leur client. L’avocat de la famille Toufouti, récusant, toujours la théorie du suicide a demandé dans sa plaidoirie une reconstitution des faits en présence des avocats des deux parties ainsi qu’une nouvelle autopsie. Demande, du reste que le juge a refusée, étant donné que la dépouille, en état de décomposition avancée ne pourra rien apporter de nouveau. De leur côté, les avocats de la défense ont tous plaidé l’acquittement pur et simple de leurs clients car, aucun indice pouvant démontrer la culpabilité des accusés n’a été apporté jusque-là. Il convient dans ce contexte, de rappeler que les sept policiers, jugés, une première fois devant le tribunal de Chelghoum Laïd, ont écopé de peines allant de six mois à deux ans de prison ferme. En effet, deux commissaires de police et un officier ont été condamnés à deux années de prison ferme assorties d’une amende de 50 millions de centimes alors qu’un autre officier a écopé d’une peine d’un an d’incarcération. Deux AOP s’en étaient sortis avec six mois de prison au moment où un seul agent de police avait bénéficié de la relaxe. Aussi, et selon des sources concordantes, on apprend que la famille de la victime, déçue par le verdict, compte introduire un appel devant les hautes instances juridiques.
    Farid Benzaïd

  • Bab-El-Oued, six mois après Boudebouz...

     

     Les policiers viendront les arrêter à l'aube. La télévision parlera de main de l’étranger et la mère pleurera.  Ils les reconnaîtront facilement. A leur rage. A leur âge aussi : l’âge encore vert où l’on croit ne connaître aucune raison de vivre et tous les prétextes pour mourir. Ils seront reconnaissables à leur peau tremblante. A leurs yeux rougis après une nuit  à faire tourner un joint inépuisable ou un verre de mauvais vin, à hurler d’une jouissance arrachée au mauvais sort et d’une rage échappée de leurs poitrines résignées… A hurler, rire et pleurer, couteau à la main, à hurler, chanter et s’épancher, à laisser tournoyer autour d’eux le monde ingrat, tournoyer…, tournoyer, au rythme de la ronde des paumés, celle du joint et du verre de vin qui pirouettent entre les lèvres…, tournoyer, tournoyer jusqu’à ce que cette voix sourde vienne mettre fin à la nuit : « Allahou Akbar, il n’y a de divinité que Dieu ! » Les aurores puritaines ! Les policiers viendront les arrêter à ce moment là. " Atteinte à l'ordre public". Ce sera à l'heure de la prière. Ils seront reconnaissables à leurs yeux égarés : pour quel pays a-t-on pavoisé en été, aux cris de « One, twoo, three, viva l’Algérie » ? Certainement le même que celui pour lequel sont sortis pavoiser leurs pères, en 1962, dans ce qui sera appelé plus tard, l’indépendance, à la fin d’une guerre magnifiée qui eut lieu dans l’exubérance et la duplicité, dans l’enthousiasme et les fourberies ; l’indépendance où l’on n’a pas cessé d’espérer pour les enfants ce que nos pères avaient espéré pour nous, ce que le temps nous refusait alors, ce qu’il nous refuse toujours, un demi-siècle plus tard, quarante-huit ans avant Boudebouz, quand on se disait que dans l’Algérie, enfin délivrée, il y aura à rire et à danser pour tout le monde. Oui, pour tout le monde, se disait-on, puisque le monstre colonial était notre tourment à tous, qu’il avait coûté du sang indigène pour le terrasser et qu’à bien y réfléchir, cette guerre avait fait du maître et du métayer deux créatures à peu près semblables.
     Les policiers viendront les arrêter à l'aube. " Atteinte à l'ordre public". La télévision parlera de main de l’étranger et la mère pleurera. Cette fois-ci, les jeunes s’étaient trompés de slogan. Ils ont envahi la voie publique, dressé des barrages sur l’autoroute, fermé le tronçon menant à la mairie et, tout cela, non pas aux cris de de « One, twoo, three, viva l’Algérie » mais sous un slogan bizarre : « Assez du bidonville ! Nous voulons être recasés ! »

    Les policiers viendront les arrêter à l'aube. " Atteinte à l'ordre public", dira le juge.

    Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

    Rien.

    Ils n’auront rien à dire pour leur défense.

    La télévision parlera de main de l’étranger et la mère pleurera.

    On leur donnera un numéro d’écrou,

    Ils se souviendront juste qu’ils étaient sortis pavoiser  le jour du match Angleterre- Algérie, le jour de Mbolhi, de Cape Town et du Green Point Stadium, et que ce jour-là, le jour d’un triomphe algérien, mourut le général Bigeard, l’assassin de Hassiba Ben Bouali, d’Ali la Pointe et de P’tit Omar…Alors oui, peut-être avaient-il pavoisé pour le même pays que celui pour lequel sont sortis pavoiser leurs pères, en 1962, dans ce qui sera appelé plus tard, l’indépendance, à la fin d’une guerre magnifiée, une guerre dont personne ne sut si elle avait été gagnée ou perdue, dont on ne se rappela ni de l’époque ni des prétextes qui avaient servi à la déclencher, seulement des parrains qui en furent les seuls vainqueurs.

    Les policiers viendront les arrêter à l’aube. A l’heure de la prière. Ils croiseront leurs pères devant la mosquée s’ouvrant aux hommes pour un instant de mirage et de piété. Sous la majesté de la maqsura kitsch et des charpentes en faux cèdre, les vieux se prosterneront près de l’oreille de Dieu et le supplieront de n’être plus de ce monde quand arrivera ce jour maudit où leurs enfants les libéreront.

  • Vous faites la morale à Abidjan. Mais Alger ?

     


     
    Par Mohamed Benchicou - Article paru dans le quotidien français Libération du 13 janvier

    A vous qui prenez le risque d’édicter à Abidjan une loi de l’histoire pour le seul présent, je vous écris d’une époque peut-être  sans vertu mais pas sans mémoire. Qu’allez-vous faire de vos mensonges d’hier ? Un adolescent vient de mourir dans Alger, dans Tunis, seules et solennelles, une honorable goutte de sang sur son sourire, seul et en éveil entre tous les morts, le sang tombant sur lui comme la pluie, cette aube muette où gisait, nue et éternelle, la dépouille d’un vieux rêve démocratique et qu’un orage noir annonçait la  colère des fils insoumis. Vous parvient-il ce râle de Sidi-Bouzid et  d’Alger ? C’est le râle d’un peuple trahi, un de ces peuples qui auront toujours tort puisqu’il ne s’est pas trouvé quelqu’un pour les défendre mais beaucoup pour philosopher avec leurs bourreaux. 

    Entendez donc ce feu qui embrase Carthage et la Régence. C’est le vieil empire qui craquelle sous le poids du nouveau monde, l’empire corrompu de Zine-El-Abidine Ben Ali  et d’Abdelaziz Bouteflika,  autocrates impopulaires dont  vous aviez oublié, hier, d’exiger ce que vous exigez aujourd’hui de Laurent Gbabo,  le « respect du choix populaire », ceux-là dont vous entouriez de silence et de terribles justifications, les fraudes électorales et les viols de la Constitution.

    Et ce fantôme qui vous hantera, ce fantôme, c’est Tunis  asphyxiée dans le suaire de la dictature,  quand la main noire que vous avez serrée, vint garrotter les gorges solitaires et qu’un long silence retarda l’aube de mille ans. Qu’allez-vous faire de vos mensonges d’hier ? Il résonne encore les voix cyniques de Chirac, de Bush et, plus tard, de Sarkozy, clamant cette dialectique sardonique qui opposait le pain à la démocratie, la liberté à la paix. Ben Ali ou la faim ! Bouteflika ou les Taliban ! La dictature ou le terrorisme ! Et nous qui avions le bonheur de vivre sous la coupe de dictateurs privilégiés, nous étions sommés de mesurer la chance de pouvoir troquer le droit à la parole pour le droit au pain, heureux qu’il existât des oppressions justifiables et d’autres qui le sont moins. Dans cette dégoûtante surenchère, on croyait entendre les vieilles liturgies des missionnaires. Votre mystification était aussi insupportable  que celle qui, autrefois, fondait l'oppression colonialiste sur la nécessité de sauver les âmes des infidèles.      

    Qu’allez-vous faire de vos mensonges d’hier ? Un adolescent vient de mourir et nous devons désormais brûler les mensonges dont vous nous avez gavés. Il portait sur son front la vérité de l’aube : tous les bourreaux sont de la même famille.  Il laisse un message vivant : les opprimés ne veulent pas seulement être libérés de leur faim, ils veulent l'être aussi de leurs maîtres. Ce râle de Sidi-Bouzid et  d’Alger, c’est  bien la preuve sanglante que les opprimés ne seront effectivement affranchis de la faim que lorsqu'ils musèleront leurs maîtres, tous leurs maîtres. Vous qui avez pris le risque d’édicter à Abidjan une loi de l’histoire pour le seul présent, je vous écris d’une époque peut-être  sans vertu mais pas sans mémoire.  Que ferez-vous demain du serment d’Abidjan ? Demain, quand sera bafoué sous vos yeux « le choix populaire, et que voudront régner les jeunes vampires, Gamal Moubarak, Saïd Bouteflika, quand Zine-dine Ben Ali postulera pour un septième mandat ?   Un adolescent vient de mourir et désormais, et sur la stèle il est gravé que la misère avance à mesure que la liberté recule, que jamais les colombes ne se perchent  sur les potences et que la liberté n'est pas un cadeau, mais notre propre proie, celle qu’on capturera  tous les jours.

    M.B.

    Cet article a aussi paru dans " Le Soir d'Algérie" et "El-Watan" sous le titre " Lettre aux puissants de ce monde : un adolescent vient de mourir"

    LIRE LES REACTIONS