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  • Comité d’initiative citoyenne pour le changement


    Ahmed Benbitour expose les grandes lignes à Oran


    Ahmed Benbitour expose les grandes lignes à Oran

    Tout système autoritaire porte en son sein les germes de son autodestruction », a déclaré Ahmed Benbitour, invité vendredi par le Comité d’initiative et de vigilance citoyenne d’Oran (Civic) pour présenter localement la démarche qu’il a lancée à l’échelle nationale : le Comité d’initiative citoyenne pour le changement (CICC).


    On remarquera tout d’abord la similitude de la démarche du comité animé, des années auparavant, à Oran par Hadj Bengasmia, réunissant des personnalités locales issues du mouvement associatif, politique ou indépendantes et celle entreprise aujourd’hui par l’ancien chef de gouvernement qui ambitionne, lui aussi, de réunir, hors des structures partisanes et autour d’un projet commun, ce qu’il a appelé les compétences nationales. « La rente est une force d’inertie qui retarde le processus, mais une fois que le système viendra à se désagréger, il entraînera avec lui toute la société », prévient-il en estimant toutefois que le changement ne viendra ni de l’intérieur ni des satellites du système. Il préconise une pression pacifique permanente et longue de la société sur le pouvoir en attendant l’élément déclencheur qui fera basculer les choses. A la lumière des expériences des pays qui ont eu à gérer une période de transition, Ahmed Benbitour tire des conclusions sur l’Algérie. Par « pouvoir autoritariste et patrimonialiste », il désigne « un chef entouré de courtisans en compétition dans le zèle et qui tous considèrent que la société est arriérée ». Il remarquera sur le plan économique que plus les recettes pétrolières augmentent, plus la dépendance vis-à-vis de la fiscalité pétrolière augmente, ce qui suppose que la richesse n’est pas investie dans le circuit productif. Actuellement, les hydrocarbures représentent 98% des rentrées en devises et 75% de recettes fiscales.

    Ces dernières n’excédaient pas 40% dans les années 1970, a-t-il indiqué. Il impute cette situation à la prédation autour des recettes des hydrocarbures, que ce soit dans les projets publics (les scandales qui ont éclaté cette année autour de Sonatrach et de l’autoroute Est-Ouest), dans les prêts bancaires ou dans les programmes d’importation. Pour lui, la corruption du pouvoir conjuguée à celle de l’argent ne peut qu’aboutir qu’à la déliquescence de l’Etat qui perd ses capacités régaliennes, la capacité à garantir le droit, la capacité à réguler l’économie, la légitimité des institutions et, enfin, la capacité à capitaliser les compétences nationales. Il remarquera au sujet des institutions, comme l’APN, qu’elles ne sont reconnues ni par la population ni par le pouvoir. C’est en réponse à toutes ces préoccupations et comme alternative aux actions partisanes qui n’ont pas abouti que le CICC ambitionne d’innover en matière de travail politique, en faisant émerger de nouvelles forces sociales pour un changement pacifique à long terme. La nouveauté vient d’abord de l’usage qu’on compte faire d’Internet et des réseaux sociaux sur le web pour la mobilisation. Le CICC prône, également, un leadership mais au sens managérial du terme avec un objectif bien précis, qui est celui du changement du mode de gouvernance avec la définition des étapes à suivre pour l’atteindre. Son appel à la mobilisation pacifique pour la refondation de l’Etat, de l’économie, de l’école et de la politique sociale a eu, en théorie, un accueil favorable auprès de l’assistance formée de militants politiques, de syndicalistes, d’acteurs associatifs, mais c’est dans la démarche que les avis ont divergé. Pour certains intervenants, les luttes sociales ont déjà commencé sur le terrain et ce que propose le CICC en termes de réflexion, notamment en prônant le réseau virtuel, risque de passer à côté du réel. Ceci, d’autant plus que, fait remarquer un syndicaliste, le pouvoir a su s’accommoder même des situations où il n’y avait pas de rente, lorsque le pays était endetté. « Accordez vos violons, nous sommes là pour vous suivre sur le terrain », a suggéré un des animateurs du Civic s’adressant à Ahmed Benbitour à quelqu’un parmi plusieurs personnalités nationales qui prônent le changement sans arriver à parler d’une même voix.


    Par Djamel Benachour

  • TIBHIRINE (3) EXTRAITS DU FILM

    L.M. (Source : Le Point - Le Figaro)

    Premier extrait du film

    Second extrait du film

    Troisième extrait du film

  • Cannes : la Palme d'or aux moines de Tibehirine ?

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    Tous les spécialistes le disent : le film « Des hommes et des dieux » qui raconte le destin tragique des sept moines de Tibhrine, est bien parti pour remporter la Palme d'or du Festival. A la fin de la projection réservée à la presse, dans la grande salle du palais des Festivals, « Des hommes et des dieux » a été applaudi durant trois minutes hier matin par des journalistes du monde entier. Scotchés et bouleversés par ce qu’ils venaient de voir pendant deux heures. La nouvelle d’une possible Palme d’or s’est ensuite répandue toute la journée sur la Croisette, jusqu’à accompagner l’équipe du film en début de soirée lors de la montée des marches.
    « Des hommes et des dieux » raconte le destin tragique de sept moines, enlevés fin mars 1996, dans leur monastère de Tibhrine, près de Medea, à 90 km au sud d’Alger. Dans cette région où les tueries étaient fréquentes à l’époque, le GIA de Djamel Zitouni avait alors revendiqué leur enlèvement et leur assassinat. Les têtes des moines avaient été retrouvées le 30 mai, au bord d’une route de montagne.  Un sujet terrible, pour un film tourné au Maroc plutôt qu’en Algérie pour des raisons de sécurité, dans lequel chacun s’est jeté à corps perdu, Xavier Beauvois le premier. Avant d’entamer les prises de vues, il est allé faire une retraite monastique.
    Xavier Beauvois aurait donc magnifiquement réussi son film, Des hommes et des dieux . Il n'a pas raté un sujet qui paraissait bien difficile et bien austère : les derniers mois des sept moines du monastère de Tibéhirine, avant leur enlèvement par des terroristes algériens, en 1996.
    Tout y est. Le portrait sensible, touchant, fidèle, d'une communauté, de ses rituels et de ses liens avec le village arabe voisin ; les tensions qui les agitent individuellement après les premières menaces ; le cheminement de leur questionnement, que le réalisateur traduit habilement par les psaumes chantés qui jalonnent le récit ; leur refus de l'engagement (entre l'armée algérienne et les terroristes) qui vaut comme engagement suprême et mise à l'épreuve de leur foi : vont-ils flancher, s'enfuir, ne pas être à la hauteur de l'épreuve que Dieu leur envoie ?
    « Cela m’a appris beaucoup de choses sur la façon dont ces hommes vivaient leur foi, dit le réalisateur. Les sept offices religieux par jour, dont le premier à 4 heures du matin. Il dure une heure et demie. Je me demande comment ces moines font pour tenir. D’autant plus qu’ils ont énormément d’activité. Je suis tombé amoureux d’eux. » Concernant ceux de Tibhrine, il dit : « Ces hommes étaient des aventuriers, des artistes de l’amour, des gens qui vont jusqu’au bout de leur pensée, avec foi. C’est très rare aujourd’hui, de faire don de soi, de s’intéresser aux autres. Si seulement 5 % des gens étaient comme eux, la société serait meilleure. »
    Lambert Wilson, qui incarne l’un des frères, a été aussi très marqué par ce qu’il a vécu lors du tournage. « J’ai oublié que j’étais acteur. J’étais totalement dans le personnage. Et surtout, très proche de mes partenaires. Au point qu’on est devenus de vrais amis. Il le fallait pour les besoins de ce film. » Quant à Michael Lonsdale, dans le rôle du frère médecin, il avoue : « Cet homme avait 85 ans (NDLR : l’âge de l’acteur) et il soignait parfois jusqu’à 150 personnes par jour. Je l’admire de s’être consacré, cinquante ans de sa vie, aux autres. Ça s’appelle la charité. »
    Aujourd’hui, les circonstances exactes de la terrible fin des moines de Tibhrine restent mystérieuses. L’hypothèse d’une bavure de l’armée algérienne, est évoquée dans le film lorsqu’un hélicoptère de l’armée survole longuement le monastère. « Des hommes et des dieux », film sensible à bien des égards.

    L.M. (Source : Le Point - Le Figaro)

  • Mme Toumi piégée : Une "fiction" à Cannes met en scène Bouteflika, une autre les moines de Tibéhirine

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    Quelle va être la réaction du gouvernement algérien ? C'est l'embarras. Moins d'une semaine après que Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, eût reproché aux officiels français de s'être emportés contre une simple "fiction" (à propos du film "Hors la loi" de Bouchareb), l'Algérie se trouve impliquée à son tour par deux autres "fictions" qui vont marquer le Festival de Cannes et qui font déjà polémique.
    Le premier, « Des hommes et des dieux », présenté en compétition à Cannes, est un film de Xavier Beauvois sur les moines de Tibéhirine qui a ému aux larmes le public. «Une grande claque du Festival», selon Olivier Delcroix du «Figaro». Sortie en salles le 8 septembre. La presse est unanime pour dire qu'avec ce drame inspiré de la tragédie survenue au milieu des années 90 dans les montagnes algériennes, où huit moines chrétiens furent sauvagement assassinés, Xavier Beauvois signe un film magnifique autour des mystères de la foi. Le premier vrai coup de coeur de cette compétition!
    Mais c'est le second film,  "Carlos", réalisé pour la télévision par Olivier Assayas, produit par Canal+, et projeté simultanément au Festival de Cannes, hors compétition, mercredi 19 mai, et sur la chaîne cryptée, qui va poser le plus problème pour Alger. Le film, qui  retrace le parcours du célèbre terroriste international «Carlos», écorche, en effet, l’image du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et de l’ancien ministre de l’Energie: Bélaïd Abdesslam.
    Véritable mythe, Carlos a frayé avec l’ensemble du réseau terroriste mondial des années 1970 et 1980, de l’activisme pro-palestinien à l'Armée rouge japonaise. Il s’est imposé à la fois comme une figure de proue de l’extrême gauche romantique qu’en tant que mercenaire opportuniste. Manipulé aussi bien par les services secrets de pays arabes que par les pays occidentaux, il a construit sa propre organisation terroriste. Personnage complexe, il a “travaillé“ pour tout le monde : le Front populaire de libération de la Palestine, la Syrie, la Libye, l’Irak et la Roumanie de Ceausescu.
    Durant deux décennies, Carlos fut l'un des terroristes les plus recherchés de la planète. Abandonné par tous, en exil au Soudan, il sera finalement capturé et ramené à Paris. Qui était le vrai Carlos ? Comment ses différentes identités, entrecroisées, superposées, s'articulent-elles ? Quel est son vrai visage ? Qui était-il avant de s'engager corps et âme dans cette lutte sans fin ? Autant de questions soulevées par ce film qui décrypte, de façon quasi clinique, les relations internationales d’une époque où la frontière entre diplomatie et droit commun était toute relative.
    Ce film raconte la plus impressionnante prise d’otages de toute l’histoire du terrorisme moderne, celle des 11 ministres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à Vienne en décembre 1975. L’avion des otages a été détourné vers Alger, après que plusieurs pays, dont la Tunisie et la Libye, eurent refusé de l’accueillir. On découvre dans cette partie du film, l’humiliation subie par l’ex-ministre de l’Energie, Bélaïd Abdesslam (un rôle par ailleurs très bien joué par Mohamed Ourdache, qui vient de réussir le plus important rôle de sa carrière) et surtout les discussions entre le chef terroriste Carlos et le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Abdelaziz Bouteflika (rôle joué par l'acteur Abbès Zahmani). Ce dernier est montré en train de donner une malette d’argent à Carlos après la libération des otages.
    Le réalisateur et scénariste de cette superproduction, Olivier Assayas, a-t-il déformé la réalité? D’autant plus qu’il a tourné cette scène à Beyrouth, sachant pertinemment que l’Algérie n’accepterait jamais cette scène où son ministre et son Président seraient mal filmés.
    Ce film est vendu pour 17 pays et suscitera sûrement la réprobation du gouvernement algérien, et même du concerné, Bélaïd Abdesslam, qui n’a pas été consulté sur cet épisode de son parcours.
    « Carlos va sans doute supplanter Hors-la-loi dans la polémique », pronostique un critique cinéma algérien présent à Cannes. La presse algérienne n’avait pas beaucoup apprécié que les militants du FLN (Front national de libération) opérant en France durant la guerre de libération nationale soient montrés sous le visage de gangsters.
    Mais que dire à propos d'une "fiction" qui s"inspire de la réalité, n'est-ce pas, Mme Toumi ?

    Lahouari K.

    Voir la bande annonce de Carlos

  • Ils ont signé une motion au sujet de la grève des médecins : Des députés invitent Barkat à négocier avec les syndicats


    Ils ont signé une motion au sujet de la grève des médecins : Des députés invitent Barkat à négocier avec les syndicats

    Ils dénoncent le recours à des pressions sur les grévistes pour mettre un terme à leur protestation.


    Le conflit opposant le ministère de la Santé aux syndicats des praticiens intéresse enfin les députés. Un groupe composé de 25 élus représentant divers partis politiques siégeant à l’APN ont signé, hier, une motion dans laquelle ils exhortent le ministre de la Santé, Saïd Barkat, à ouvrir des négociations sérieuses avec les syndicats des praticiens. « Soucieux de promouvoir le système national de santé et de rendre justice aux légitimes revendications salariales et statutaires des médecins, les députés signataires engagent le ministre de la Santé à reprendre langue avec le partenaire social et à tout mettre en œuvre pour parvenir à une solution qui garantisse stabilité et développement au secteur dont il a la charge », affirment ces députés dans leur document, dont nous avons obtenu une copie.

    Les signataires de cette motion critiquent la démarche adoptée par les responsables du département de Saïd Barkat dans la gestion de la grève des praticiens de la santé publique qui a duré plus de quatre mois. « La publication du statut particulier et du régime indemnitaire des médecins, sans concertation sérieuse préalable avec leurs représentants syndicaux, ne peut constituer une réponse durable à la détérioration de la situation sociale de cette catégorie de cadres de l’Etat », précise la même source. Les députés en question dénoncent le recours à des pressions sur les grévistes pour mettre un terme à leur protestation. « Les députés déplorent la prépondérance des mesures administratives coercitive – ponction sur salaire, mise en demeure judiciaire…– qui ont cassé la dynamique des réunions de conciliation dès sa mise en place », lit-on dans le même document.


    Par M. M.

  • III. LA PROGRESSION DU CHEVAL DE TROIE






    6. La conquête des secteurs stratégiques et leur verrouillage

    Avant d'aborder les aspects pratiques de la conquête du pouvoir par les bureaucrates francophones après l'indépendance formelle de l'Algérie, il convient de préciser le concept de hizb França ainsi que sa portée dans le contexte contemporain.
    Les intellectuels francophones ne font pas tous forcément par-tie de hizb França. En effet, de nombreux intellectuels francophones comme par exemple Malek Haddad, Mohammed Harbi, Malek Bennabi etc. appartiennent à divers courants de pensée qui vont du communisme à l'islamisme en passant par le nationalisme. Ils ont pris leurs distances, chacun à sa manière, de l'Etat et de sa technostructure.

    Quant à hizb França, il comprend d'anciens officiers de l'armée française, des hauts fonctionnaires et des intellectuels de différentes professions libérales (médecins, avocats, enseignants, entrepreneurs, etc.). Ils ont en commun l'attachement à la France et au mode français de vie et de pensée, considéré par eux comme modèle de référence. Ce phénomène est en fait le produit de la politique française qui, depuis la conquête de l'Algérie au XIXème siècle, avait encouragé la formation d'élites algériennes pour servir de courroie de transmission entre le pouvoir colonial et le peuple algérien en vue d'encadrer les populations et de leur « transmettre les impulsions de l'autorité. L'armée et l'école françaises avaient plus ou moins profondément acculturé ces élites à la nation dominante qui leur réservait un statut privilégié au-dessus de leur peuple74 ».
    Le « parti français » n'est pas un parti organiquement structuré au sens traditionnel du terme, mais constitue une nébuleuse qui milite pour l'attachement de l'Algérie au modèle culturel français et pour la francophonie, devenue une idéologie au service du néocolonialisme.


    74 Guy Perville, Les étudiants algériens de l'université française, 1880-1962, cité par M. Hamoumou, Et ils sont devenus harkis, op. cit., p. 63.


    La longue présence française, plus d'un siècle et quart en Algérie, ainsi que la stratégie arrêtée et mise en œuvre par la France entre 1958 et 1961 pour promouvoir l'Algérie au statut néocolonial et la maintenir sous sa domination ont considérablement renforcé hizb França (le parti français) et ont contribué à miner dangereusement l'indépendance du pays.
    C'est ainsi que, après l'indépendance, hizb França n'a eu aucun mal à s'installer dans les rouages de l'Etat tant dans l'administration centrale (ministères) et régionale (wilayate, communes) que dans l'ensemble des secteurs économiques (agriculture, industrie, banques, douanes, services). L'étatisation de l'économie et les nationalisations intervenues à partir de 1966 ont facilité l'extension de la sphère d'influence de hizb França. Ceci constitue une occasion pour les bureaucrates formés au moule colonial de s'engager dans les projets étatiques dans tous les secteurs d'activité.



    6.1. L'émergence de la technostructure dans l'Algérie indépendante

    Au sommet de l'Etat, les responsables politiques ne se préoccupent que de leur maintien au pouvoir en refusant l'idée de l'alternance du pouvoir dans un cadre démocratique. Ils tiennent leur légitimité de la participation ou de la fréquentation de la Révolution. Ils ne disposent ni d'orientation idéologique claire, ni de projet de société, ni de programme politique précis. Ils se contentent d'imposer au nom du nationalisme le projet industrialiste (à partir de la seconde moitié de la décennie 1960) en s'appuyant sur la technostructure qui se trouve être francophile. Pour combler leur déficit de légitimité, pour consolider leur statut social et pour bénéficier ou préserver des privilèges de toutes sortes, les bureaucrates et les technocrates ont incontestablement constitué les agents actifs du pouvoir.
    La nature dirigiste, étatiste, autoritaire et paternaliste du régime algérien depuis l'indépendance a non seulement ouvert la voie à la médiocrité et à l'opportunisme, mais a généré un climat d'indiffé

    rence et de démobilisation des masses et d'un bon nombre de cadres intègres et compétents au fil des années. Ceci a conduit à une double césure : coupure entre les bureaucrates et technocrates et la société algérienne d'une part et création d'un fossé grandissant entre gouvernants et gouvernés d'autre part. Le divorce entre ces bureaucrates et le peuple algérien traduit la rupture entre la culture populaire ancrée sur la civilisation arabo-musulmane et la culture des bureaucrates formés par l'école française ou par l'administration (plutôt répressive) ou l'armée coloniale75.

    Par ailleurs, le rôle du bureaucrate est, par intérêt, de servir de hauts responsables en justifiant le pouvoir en place et en défendant sa légitimité. Ainsi, dans une société dépourvue d'espaces de liberté, les pratiques administratives et politiques non démocratiques contribuent à accroître l'exclusion et al-hogra c'est à dire le mépris des citoyens par les bureaucrates et les représentants de l'Etat. On arrive ainsi à une situation curieuse où ce n'est pas l'administration qui est au service du citoyen comme cela devrait être le cas, mais c'est le citoyen qui est à la merci du bureaucrate. Ce qui ouvre la voie à la corruption, aux passe-droits (qui défient le droit et la justice), à l'impunité et à toutes sortes d'injustices. L'ensemble de ces facteurs a conduit à l'effondrement du respect de l'autorité de l'Etat dès le milieu des années 1970 comme nous allons le voir plus loin.
    Maintenant, nous allons examiner de plus près comment Boumediène a contribué à stabiliser la bureaucratie pour renforcer son pouvoir, puis comment hizb França a réussi à s'installer dans l'ensemble des secteurs stratégiques pour conduire l'Algérie dans la situation catastrophique que nous connaissons aujourd'hui à la fin du XXème siècle.




    6.2. La consolidation du hizb França dans les pricipaux secteurs

    Le coup d'Etat de 1965 a permis à Boumediène de stabiliser, puis consolider la bureaucratie dans le cadre d'une politique de contrôle
    75 J. Moch, En 1961, paix en Algérie, cité par M. Hamoumou, op. cit., p. 84. Selon Jules Moch, « une grande partie des jeunes musulmans formés par l'école française, imprégnés de nos principes juridiques, moraux et politiques, aurait aimé oeuvrer pour l'Algérie avec la France ».

    par l'Etat de tous les secteurs d'activité économique, sociale, culturelle et administrative dans le but de renforcer son pouvoir sans partage.
    La répression du mouvement syndical et de l'union des étudiants, ainsi que « l'épuration » du parti FLN dès juin 1965, suivies par la neutralisation du mouvement nationaliste au sein de l'armée (ANP), notamment après le « putsch » raté du colonel Tahar Zebiri du 14 décembre 1967, constituent des éléments décisifs d'un processus lancé après l'indépendance de l'Algérie et destiné à mettre fin au projet révolutionnaire et populaire véhiculé par la guerre de libération nationale. L'orientation du régime consiste depuis lors à renforcer la bureaucratie, désormais nécessaire à sa survie, en prenant toutefois le soin de tenir un discours en apparence socialiste et égalitaire destiné à améliorer sa popularité.

    Sur le plan interne, le régime utilise le socialisme de façade comme gage pour la construction d'une société égalitaire pour anesthésier le peuple algérien qui a toujours été sensible à la justice sociale, à la liberté et à la dignité. La rente pétrolière sert de combustible pour alimenter le projet socialiste, basé sur l'étatisation de l'économie et sur la distribution d'avantages sociaux, pour cacher les problèmes réels du pays.

    En fait, le régime se contente d'octroyer avec paternalisme des projets conçus bien loin des citoyens. Pour la mise en œuvre de ses projets, le pouvoir utilise des subterfuges et de gros moyens pour, selon la formule consacrée, « mobiliser » selon les cas des travailleurs, des étudiants ou des paysans. Mais en même temps, le pouvoir n'hésite pas à freiner ou à réprimer tout mouvement revendicatif ou toute action politique qui tendrait directement ou indirectement à conduire à un partage du pouvoir, si minime soit-il.
    Sur le plan externe, le discours tiers-mondiste officiel est fondé sur la dénonciation de l'impérialisme ainsi que l'aide et le soutien aux mouvements de libération nationale dans le monde. Plus tard, après le choc pétrolier de 1973-1974, poursuivant sa politique de prestige, l'Algérie devient le champion du dialogue Nord-Sud et de l'établissement d'un nouvel ordre international. Le prestige international de l'Algérie (qui remonte d'ailleurs à la Révolution et à la guerre de libération nationale) est exploité pour la consommation

    locale au moment où la situation économique et sociale réelle était loin d'être brillante.
    Pour élucider la contradiction apparente entre Boumediène, formé essentiellement en arabe à l'université d'Al-Azhar, partisan de la civilisation arabo-musulmane et imprégné des valeurs de la Révolution algérienne, d'une part, et hizb França qui a réussi à consolider ses positions dans les structures de l'Etat sous son règne, d'autre part, il convient de donner un éclairage rapide sur la personnalité de Boumediène76.

    Boumediène est un homme secret, froid, prudent, méfiant, austère et autoritaire. Il a incontestablement des qualités de chef. Très intelligent et doté d'une excellente mémoire, Boumediène a une haute idée de lui-même. Il ne croit ni en la démocratie ni aux vertus du peuple. Il n'accepte jamais la critique si constructive soitelle. Il pense qu'il est le mieux placé pour décider du sort du peuple algérien. Paternaliste, il se pose en tuteur du peuple. Il a des ten-dances fascisantes.
    Partisan de l'ordre et de la discipline, Boumediène tient à être informé de tout et avec précision. Au début de sa carrière, il exige que les informations et les renseignements qui lui parviennent soient toujours étayés par des arguments et des preuves. Son ambition est de faire de l'Algérie un pays économiquement avancé et une puissance régionale dans le monde arabe et en Afrique. Boumediène veut un Etat fort et très centralisé. Il néglige le facteur humain et pense qu'on peut tout obtenir avec de l'argent : assistance technique étrangère, transfert de technologie, industrialisation, progrès technique, croissance économique. Il n'a aucun respect pour l'individu et aime cultiver la dépersonnalisation des responsables politiques qui l'entourent. Il écarte systématiquement du pouvoir des dirigeants ou des chefs ayant une forte personnalité même s'ils sont compétents, constructifs et intègres. En un mot, il ne veut ni de près ni de loin d'un concurrent potentiel.

    76 J'avais connu Boumediène pendant la guerre de libération nationale entre 1959 et 1962. Je continuais à le voir régulièrement après l'indépendance non seulement lorsque j'exerçais les fonctions de wali entre 1963 et 1965 mais même plus tard. Je le rencontrais de manière informelle soit chez lui soit à son bureau jusqu'en 1967 lorsqu'il s'est brouillé avec le colonel Tahar Zebiri, alors chef d'état-major et avec Ali Mendjeli, membre du conseil de la révolution.

    Pour réaliser ses ambitions, Boumediène s'appuie sur un groupe restreint d'hommes de confiance qui constituent le noyau dur du régime, sur des technocrates et sur l'assistance technique étrangère pour concrétiser sa révolution industrielle.
    Initialement de formation arabo-musulmane, Boumediène a été influencé par deux courants de pensée contradictoires : le capitalisme et le communisme. Boumediène n'a jamais été marxiste ni communiste. Mais il a lu de nombreux ouvrages de Lénine et de Mao Tsé Toung pendant la guerre de libération. Avec le courant communiste il a en commun le culte de la personnalité, l'étatisme, la primauté de l'économique sur le politique, le totalitarisme, le non-respect des libertés fondamentales notamment la liberté d'expression et les libertés individuelles. Par contre, il ne croit pas en l'internationalisme.

    S'agissant du capitalisme, Boumediène est impressionné par les progrès scientifiques et techniques, l'efficacité organisationnelle et productive ainsi que par le niveau élevé de développement économique et par le bien-être social réalisés par les pays industrialisés et dont il souhaite faire bénéficier son pays, fût ce au prix de raccourcis. Mais il rejette les inégalités économiques et sociales prononcées générées par ce système.

    Ce sont ces trois dimensions culturelle (appartenance à la civilisation arabo-musulmane), politique (influence communiste) et économique et technique (influence capitaliste) qui inspirent à Boumediène le « socialisme spécifique » pour l'Algérie dont il rêve de faire une puissance et l'exemple pour le Tiers Monde. Sûr de lui, seul maître à bord et contrôlant tout, Boumediène pense réaliser son projet de société en s'appuyant sur des technocrates.

    C'est dans ce contexte que Boumediène a permis à une élite formée à l'école coloniale de s'installer pour de bon dans des postes de commande dans tous les secteurs d'activité. Nous verrons plus loin comment ce mélange explosif qui a miné l'Algérie indépendante et ses institutions va conduire le pays vers la ruine. Cela a été ainsi parce que le modèle de développement choisi était inadéquat et que l'Etat rongé par la médiocrité, l'opportunisme et la corruption, n'a pas été en mesure d'apporter des solutions appropriées aux multiples problèmes du sous-développement.

    Bancal dans de nombreux aspects, le projet de modernisation conçu par des technocrates (en rupture avec le peuple) et adopté par Boumediène se concentre dans la sphère matérielle et en néglige la dimension spirituelle et humaine. C'est ainsi qu'il s'est créé une sorte de symbiose entre Boumediène et la bureaucratie qui s'est renforcée sous son règne dans tous les secteurs d'activités. L'approche laïque et moderniste de Boumediène rassure et conforte la bureaucratie d'orientation française.

    En effet, Boumediène refuse d'inscrire les valeurs islamiques dans son projet et se méfie du mouvement islamique qu'il réussit à circonscrire et à neutraliser. Conscient de l'attachement du peuple algérien à l'Islam, Boumediène essaye de compenser la séparation de la religion et de la politique par le feu vert donné au ministère de l'Education pour inscrire la religion dans les programmes scolaires et par l'inscription dans la Constitution de 1976 du principe selon lequel « l'Islam est la religion de l'Etat ».
    Mais, en même temps, le ministère des Affaires religieuses est chargé de contrôler les activités islamiques dans les mosquées. Ce contrôle s'est intensifié au point où, au cours des années 1970, le prêche prononcé par l'imam le vendredi est préparé et diffusé par ce ministère à l'ensemble des mosquées du pays. Les mosquées sont ainsi devenues une tribune pour le discours officiel et le soutien inconditionnel au régime. L'essentiel pour Boumediène est d'éloigner la religion du champ politique et de cantonner l'Islam dans un rôle de symbole. Rien de plus. Ceci en vue d'assurer la pérennité du régime.

    S'agissant de la modernisation du pays, Boumediène s'appuie sur la bureaucratie pour réaliser son projet. L'industrialisation ainsi que le renforcement de l'étatisme par des nationalisations intervenues dans les domaines industriel, financier et minier et par la création de sociétés nationales publiques ont permis à Boumediène de renforcer son pouvoir autoritaire et à la bureaucratie de proliférer dans son sillage. Mohamed Harbi a bien décrit ce phénomène en soulignant que « le caractère militaire de la centralisation est multiplié par l'exode, depuis 1967, de cadres supérieurs de l'armée vers les ministères et les sociétés de l'Etat. La prolifération des couches bureaucratiques, économiques, militaires et policières s'est accomplie sur une toile de fond dominée par une grande mobilité sociale

    et la ruralisation des villes, deux phénomènes propices à la manipulation des aspirations du peuple et au pouvoir incontrôlé de l'Etat propriétaire »77.
    Ainsi, pour mener son projet grandiose de modernisation de l'Algérie, Boumediène compte sur la bureaucratie. Mais, pour renforcer son pouvoir politique, il s'appuie sur l'armée et les services de sécurité qu'il contrôle sans partage.

    77 Mohamed Harbi, Le FLN, mirage et réalité, op. cit., p. 379.



    6.3. L'armée et les services de sécurité

    Déjà bien avant l'indépendance, Boumediène s'est appuyé sur l'armée pour accéder au pouvoir. Mais, après le coup d'Etat de juin 1965, Boumediène a pris la précaution de ne pas impliquer directement l'armée et les services de sécurité dans l'exercice du pouvoir. En d'autres termes, il a utilisé l'armée et les services de sécurités pour consolider son pouvoir personnel mais sans les associer au processus de prise de décision dans les domaines politique et économique.

    Si Boumediène est respecté et craint par l'armée et les services de sécurité, il est indéniable que c'est avec sa bénédiction que la mainmise du « parti français » sur ces deux institutions a été opérée et ce dés l'indépendance de l'Algérie. Ceci contribuera à faciliter leur progression et l'extension de leur influence à de nombreux secteurs en vue d'assurer le contrôle effectif des appareils.

    6.3.1. L'armée
    Comme cela a été démontré plus haut dans le chapitre 2, l'infiltration de l'ALN par des « déserteurs » de l'armée française en 195759 et en 1961 visait la mainmise sur l'armée algérienne après l'indépendance. Nous avons vu comment ces « déserteurs » ont commencé par servir Krim Belkacem, alors ministre des Forces armées. Ils se sont mis à sa disposition pour avoir ses bonnes grâces et acquérir une légitimité révolutionnaire dont ils avaient tant besoin pour accéder aux postes de commandement. Lorsque Krim est affaibli par la crise qui a secoué le GPRA et le CNRA, ces mêmes « déserteurs » offrent leurs services au colonel Boumediène, adversaire déclaré de Krim, juste après sa désignation comme chef d'état-major général de l'ALN. Nous avons également vu comment, fraîchement débarqué à Ghardimaou où il installe son quartier général, Boumediène s'entoure aussitôt de « déserteurs » qui ont su gagner sa confiance en courbant la tête et en pliant l'échine. Ces gens conviennent parfaitement à Boumediène qui n'aime pas avoir à ses côtés ou en face de lui de fortes personnalités ou des officiers qui ont du caractère et de l'autorité. Il préfère s'entourer de gens serviles. C'est sa nature. Il les a utilisés pour s'emparer du pouvoir. Eux aussi pensaient utiliser Boumediène pour parvenir à leur fin en jouant sur le facteur temps.

    En 1962, les « déserteurs » de l'armée française comptent parmi les plus proches collaborateurs de Boumediène. Une fois nommé vice-président du Conseil et ministre de la Défense en septembre 1962, il nomme Abdelkader Chabou (lieutenant de l'armée française 4 ans auparavant) au poste de secrétaire général du ministère de la Défense nationale. Le poste sensible de directeur du personnel est confié à Lahbib Khellil, ex-sous-lieutenant de l'armée française, 3 ans auparavant. La quasi-totalité des directions centrales du ministère de la Défense a été réservée aux « déserteurs » de l'armée française.

    Ainsi, dès 1962, avant même que le sang des chouhada (martyrs) n'ait séché et que les plaies causées par une des plus farouches guerre du siècle ne se soient cicatrisées, l'ANP (l'armée nationale populaire) se trouve de fait et de droit sous le contrôle d'une quinzaine d'officiers les moins gradés de l'armée française (lieutenants et sous-lieutenant) où ils se trouvaient trois à quatre années seulement auparavant. Quelle jolie promotion. Ce groupe de « déserteurs », dont les plus actifs sont Larbi Belkheir, Khaled Nezzar, Mostepha Cheloufi, Benabbas Gheziel, Salim Saadi, Mohamed Touati et Mohamed Lamari, est dirigé par Abdelkader Chabou et Slimane Hoffman78. Le premier est discret, courtois, rancunier et sournois. Le second, plutôt effronté, a un caractère exubérant et une ambition envahissante.

    78 J'ai eu l'occasion de connaître personnellement ces deux chefs de file entre 1959 et 1962 aux frontières algéro-tunisiennes.

    Le plan de ce groupe mis en œuvre dès 1962 comporte avec effet immédiat 4 volets :

    • Démobilisation rapide, massive et sans préavis des officiers et sous-officiers maquisards nationalistes. Pour activer cette démobilisation et se débarrasser des maquisards, on a eu recours à toutes sortes de combines telles que la remise d'une aide pécuniaire importante, le recasement dans des activités commerciales (en mettant à la disposition des démobilisés un café ou un restaurant ou un fonds de commerce quelconque, déclaré « bien vacant » après le départ des Européens) ou dans l'appareil du parti FLN ou encore dans l'administration (dans des postes subalternes). Dans tous les cas de recasement, l'ancienneté des maquisards est prise en compte ainsi que d'autres avantages matériels ou mesures incitatives pour encourager le départ rapide des maquisards de la jeune armée algérienne.

    • Intégration automatique dans l'ANP d'officiers et de sous-officiers encore en service dans l'armée française après l'indépendance avec sauvegarde de leur ancienneté et de leur plan de carrière. Certains officiers, comme par exemple, le colonel Djebaïli et le commandant Bouras qui n'ont rejoint l'ANP qu'en 1968 ont aussitôt reçu des affectations dans des postes importants d'encadrement, comme nous l'avons précédemment signalé au chapitre 4.

    • Formation militaire. Le programme de formation des différentes écoles militaires et de l'école nationale des ingénieurs et techniciens de l'armée (ENITA), héritées de la période coloniale, a été mis au point et suivi, après l'indépendance, par des officiers instructeurs français au titre de la coopération technique. Cette politique de formation militaire mise en œuvre avec le concours d'officiers français vise bien entendu à créer les conditions de leur relève, un relais durable grâce à la reproduction de jeunes cadres militaires algériens dans le moule français. Cette politique de formation militaire d'orientation française a été renforcée, dès le début des années 1970, par l'envoi d'officiers de l'ANP (notamment des « déserteurs » de l'armée française et quelques officiers nationalistes tels que Liamine Zeroual et Madjdoub Lakhal Ayat) à l'école de guerre de Paris, après avoir fait l'école d'état-major de Moscou au milieu des années 1960.

    • Organisation du ministère de la défense et de l'armée. Les « déserteurs » de l'armée française se sont taillés la part du lion dans la répartition des directions centrales du ministère de la Défense dont ils ont conçu d'ailleurs l'organigramme. Boumediène les a propulsés à de très hautes fonctions au nom de la soi-disant compétence et de la technicité. Le vrai grand patron du ministère est incontestablement son secrétaire général, Abdelkader Chabou.

    Préoccupé essentiellement par la prise du pouvoir dès 1962, puis juin 1965 par la consolidation de son régime, Boumediène essaye d'établir à sa manière un certain équilibre au sein de l'armée entre les « déserteurs » de l'armée française et ce qui reste des officiers maquisards. Aux premiers, il confie la gestion du ministère de la Défense ainsi que le commandement des unités stratégiques (comme par exemple, le corps des blindés, les unités aéroportées, l'aviation, etc.). Aux seconds, il confie la direction des régions militaires (au nombre de 5 en 1962-63)79 et des secteurs militaires (dont le nombre, calqué sur celui des wilayate est passé de 15 au cours des années 1960 à 31 avec la réforme administrative de 1976).

    A l'occasion de chaque promotion d'officiers, Boumediène récompense à la fois les « déserteurs » de l'armée française et les anciens moudjahidine dans un savant dosage. Mais lorsque l'on regarde de près les attributions des uns et des autres, ce mécanisme équilibreur ne représente qu'un équilibre de façade, puisqu'il est incontestablement en faveur des anciens de l'armée française. En fait, le commandement réel de l'armée se situe au niveau du ministère de la Défense nationale et non dans les régions militaires et dans les secteurs où les postes sont plutôt honorifiques.
    En effet, la confection du budget et sa répartition par chapitre et par région, l'ensemble des opérations d'importation, le ravitaillement de l'armée ainsi que son habillement, son équipement et son armement, les activités de construction et de réalisation des infrastructures ainsi que le mouvement des troupes d'un point du territoire à un autre relèvent de la seule compétence du ministère de la Défense.

    79 Le commandement de la 1ère Région militaire (jugée stratétégique puisqu'elle couvre, outre la capitale, l'Algérois et la grande Kabylie) a été confié au commandant Said Abid.

    Dès 1962, Boumediène se décharge de la gestion de ce ministère stratégique sur son secrétaire général, Abdelkader Chabou, auquel il fait confiance. A fortiori, lorsque Boumediène cumule depuis juin 1965 les fonctions de chef d'Etat et de ministre de la Défense, les attributions du secrétaire général se sont considérablement accrues au point où ce dernier siège au conseil des ministres. Donc l'organisation, la gestion et le fonctionnement de l'armée relèvent directement du secrétaire général du ministère de la Défense.

    Après la mort « accidentelle » de Chabou en 197180, c'est Abdelhamid Latrèche, « déserteur » de l'armée française mais connu pour son patriotisme qui lui succède jusqu'à la mort de Boumediène.
    Au cours du deuxième mandat de Chadli Bendjedid (19841988), les officiers « déserteurs » de l'armée française bénéficient d'une ascension vertigineuse. Les choses s'accélèrent en leur faveur à partir de l'élimination du général Mostepha Benloucif en 1987 dont nous donnerons les détails plus bas.
    C'est ainsi que le général Mostepha Cheloufi, ancien de l'armée française, est nommé secrétaire général du ministère de la Défense en 1986. Le général Khaled Nezzar, « déserteur » de l'armée française est nommé chef d'état- major de l'armée en 1989, puis ministre de la Défense en 1990. Le général Abdelmalek Guenaizia, « déserteur » comme lui, lui succède à la tête de l'état-major en 1990. La boucle est ainsi bouclée. Pour la première fois depuis l'indépendance, les postes de ministre de la Défense, de chef d'état-major de l'armée et de secrétaire général du ministère de la Défense se trouvent entre les mains d'anciens officiers de l'armée française. C'est d'ailleurs au cours de cette période que deux faits majeurs interviennent : d'une part, la restructuration de l'armée, fondée sur la marginalisation des régions militaires et sur le renforcement de la centralisation du commandement au profit du ministère de la Défense et de l'état-major général, et d'autre part l'élaboration d'un plan d'action, mis en œuvre juste après le coup d'Etat de janvier 199281.

    80 Un cadre supérieur (dont je ne peux révéler le nom pour des raisons évidentes de sécurité), associé aux travaux d'analyse des débris de l'hélicoptère, officiellement « accidenté », qui transportait Chabou et ses compagnons, m'a confirmé en son temps que l'équipe, chargée de l'investigation a trouvé des traces d'explosifs dans ces débris et a conclu à l'attentat. Par ailleurs, d'après des sources sûres, très proches du chef de l'Etat, le Président Boumediène a eu des informations sur l'imminence d'un coup d'État fomenté contre lui par la France. Il a aussitôt déduit que le coup ne pourrait venir que de Abdelkader Chabou, ancien « déserteur » de l'armée française, son homme de confiance, à qui il a précisément confié le fonctionnement du ministère de la défense et le commandement de l'armée depuis l'indépendance. Il convient de faire un rapprochement entre cette tentative de coup d'État, avorté à temps, et les deux tentatives d'assassinat du roi Hassan II organisées par le général Oufkir, ancien officier de l'armée française, dont la première a eu lieu au Palais de Skhirat en juillet 1971 et la seconde en 1972 avec l'attaque du Boeing royal en plein ciel par six chasseurs de l'armée marocaine. Ces informations accréditent la thèse de l'empoisonnement de Boumediène en 1978, soutenue par certains boumediènistes. C'est, en effet, quelques années après la mort de Boumediène que le contrôle total de l'armée par les « déserteurs » de l'armée française a été effectif.

    C'est en 1990 que s'est confirmé pour moi et quelques amis le début de la fin de la carrière politique de Chadli Bendjedid qui a commis l'imprudence de les nommer tous à des postes aussi stratégiques sans contre poids quelconque.
    Cette erreur fatale du président Chadli est d'autant plus dramatique pour l'Algérie que l'armée dispose de services de sécurité qui lui sont organiquement rattachés comme la puissante Sécurité militaire et la Gendarmerie nationale.




    6.3.2. Les services de sécurité
    L'organisation des services de sécurité a évolué entre 1962 et 1998 en fonction des changements opérés à la tête de l'Etat. Nous n'allons pas suivre les méandres des différentes restructurations que les services de sécurité ont connues au cours de cette longue période où des polices parallèles apparaissent et disparaissent au gré des événements. Ceci sort de notre champ d'investigation et ne change d'ailleurs rien à la nature de la question qui nous occupe ici et qui se rapporte à la conquête des secteurs stratégiques par le hizb França. C'est pourquoi, nous nous limiterons ici aux trois corps essentiels de sécurité qui ont survécu à toutes les restructurations à savoir : la Gendarmerie nationale, la Sécurité militaire et Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN).

    81 Pour plus de détails, cf. Mémoires du général Khaled Nezzar, pp. 224-230 (Alger: Chihab, 1999).

    6.3.2.1. La Gendarmerie nationale
    La Gendarmerie nationale, fief de hizb França a été longtemps considérée comme une direction centrale du ministère de la Défense. Entre 1962 et 1997, le commandement de la Gendarmerie a été successivement confié à Ahmed Bencherif (1962-1977), à Mostepha Cheloufi (1977-1986) et à Abbas Gheziel (1986-1997), tous anciens de l'armée française.
    La Gendarmerie nationale représente l'exemple type d'appareil qui est investi dès sa création par des « déserteurs » de l'armée française et verrouillé par un dispositif particulier de sélection, de recrutement et de formation dans la pure tradition coloniale.
    En 35 ans, la Gendarmerie a eu à sa tête trois chefs seulement. Cette stabilité l'a rendue imperméable à toute réforme. Instrument de répression et rongée par la corruption, la Gendarmerie est considérée au cours de cette longue période comme une chasse gardée de hizb França et une enclave française.


    6.3.2.2.La Sécurité militaire
    A l'inverse de la Gendarmerie nationale qui a été créée ex-nihilo en 1962, la Sécurité militaire est constituée par le personnel du MALG83 (ministère de l'Armement et des Liaisons générales) qui a déserté le GPRA et rejoint l'EMG, juste après l'indépendance.
    De formation et d'orientation françaises, ces cadres transfuges ont dominé sans partage la Sécurité militaire entre 1962 et 2000 (au moment où nous rédigeons ces lignes). Les responsables de la Sécurité militaire, notamment les généraux Mohamed Mediène, dit
    82 Pour plus de commodité, nous utiliserons le terme de sécurité miltaire dans cet ouvrage pour désigner ce corps quelques soient les appellations qu'il a eues entre 1962 et 1999.

    83 Le MALG est dirigé par Abdelhafid Boussouf depuis la création du GPRA en 1958. Ce ministère est composé de trois départements chargés respectivement de l'armement, du corps de transmissions et des services de renseignements. Boussouf a réussi à faire du MALG un puissant appareil où toute une génération de cadres disciplinés et conformistes ont été formés. Ces cadres dirigés d'une main de fer « sont en majorité des enfants de fonctionnaires du protectorat marocain » liés à la France comme le note si justement Mohammed Harbi dans son livre Le FLN, mirage et réalité, op. cit., p. 314.

    Toufik et Smail Lamari (en poste de 1989 à ce jour), sont connus pour leurs attaches avec la France et pour des relations asymétriques avec les services spéciaux français. La stabilité de ce corps, à l'exception du passage éphémère à la tête de ces services du général Lakhal Ayatt et du général Mohamed Bétchine (tous deux d'anciens maquisards, mais liés à hizb França, pour des raisons tactiques et pour des affinités de comportement) a facilité l'extension de l'influence française dans ses rouages et dans d'autres appareils avec sa bénédiction.
    Sa responsabilité est lourde dans ce domaine du fait de l'infiltration par ses éléments dans l'administration (au niveau des directions stratégiques de tous les ministères, au niveau des wilayate et des communes économiquement importantes), dans le secteur économique (sociétés nationales industrielles, organismes et offices agricoles, banques, compagnies d'assurance, etc.) ainsi que dans le secteur de l'information et de la culture (pour le contrôle des médias, la défense de la francophonie et de la laïcité etc.). La réglementation prévoit que la Sécurité militaire donne son feu vert pour le recrutement et la promotion des cadres de l'Etat.
    C'est ainsi que, la Sécurité militaire a réussi à être présente en plaçant ses hommes dans tous les secteurs d'activité économique, sociale, culturelle et administrative du pays grâce à un réseau dense à tous les échelons du processus de décision dans le secteur public depuis le début des années 1970.

    6.3.2.3. La Direction générale de Sûreté nationale
    A l'instar de la Gendarmerie et de la Sécurité militaire, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a été prise en charge par hizb França dès 1962, même si différents responsables nommés à la tête de cette institution ont appartenu à l'ALN. Mais depuis le coup d'Etat de juin 1965, la DGSN a connu une stabilité étonnante. En 22 ans, la DGSN a été dirigé par deux responsables seulement : entre 1965 et 1977 par Ahmed Draia (ancien officier de l'ALN) et entre 1977 et 1987 par Hédi Khédiri (arrivé aux frontières algérotunisiennes en 1961 de France où il était étudiant).
    Mais le recrutement des cadres, la formation des officiers de police ainsi que le fonctionnement de cet appareil obéissent à des critères, des méthodes et des pratiques de l'ère coloniale. D'ailleurs,

    les relations soutenues des responsables de la DGSN avec les services spéciaux français sont bien connues dans les allées du pouvoir.
    Même si la DGSN est théoriquement sous la tutelle du ministre de l'Intérieur, son directeur général reporte directement au chef de l'Etat et ce depuis 1965. Mais lorsque Zéroual arrive à la Présidence de la République en 1994, c'est un ancien officier de la Sécurité militaire, Ali Tounsi dit El Ghouti84, qui est nommé à la tête de la DGSN, mettant ainsi fin à l'autonomie de cette institution en en faisant un appendice de l'armée, elle-même entièrement contrôlée par des anciens de l'armée française depuis 1989.

    Ainsi, depuis 1994, l'ensemble des services de sécurité se trouve sous le contrôle de l'armée ne laissant au chef de l'Etat que les services parallèles relevant de la Présidence de la République et qui n'ont pas l'envergure des trois services ci-dessus mentionnés.
    Derrière cet aspect organisationnel se cache en fait la démarche totalitaire d'une poignée de généraux d'orientation franchement française qui, conseillés par des services spéciaux français85, contrôlent sans partage la vie politique algérienne depuis le coup d'Etat de janvier 1992 et tirent les ficelles dans les allées du pouvoir sans s'impliquer directement dans la gestion catastrophique des affaires politiques, économiques et sociales du pays. Il convient de rappeler à cet égard qu'entre 1992 et 2000, l'Algérie a eu 4 chefs d'Etat, 6 premiers ministres et des centaines de ministres, tandis que les 4 généraux impliqués dans le coup d'Etat de 1992 sont toujours à leurs postes respectifs au cours de cette période86.

    84 Selon le Mouvement algérien des Officiers libres (MAOL), Ali Tounsi, fils d’un officier de l’armée française établi au Maroc, a été arrêté au maquis dans la wilaya V (Ouest algérien) et a été intégré en 1960 au sein du commando « Tempête » dit « Georges » de l’armée française, composé de « supplétifs récupérés » opérant sous les ordres de l’officier français De Saint Georges. Cf. Internet du MAOL : www.anp.org.
    85 Une liste d'officiers français exerçant auprès des généraux éradicateurs de l'ANP est donnée en 1998 par le Mouvement algérien des Officiers libres dans leur site sur Internet : www.anp.org.
    86 Il s'agit des généraux Mohammed Lamari, chef d'état-major, Mohammed Mediene dit Taoufik, responsable de la sécurité militaire et son adjoint Smail Lamari ainsi que leur conseiller Mohammed Touati. Selon le Mouvement algérien des Officiers libres (MAOL), Mohamed Touati avait participé en 1956, alors qu'il était dans l'armée française, au massacre de dizaines de jeunes Algériens au douar de Beni Flik à un kilomètre de la localité d'Azefoun, par représailles à une attaque de l'ALN.
    Il convient de noter à ce propos que Mohamed Lamari et Mohamed Touati ont rejoint le FLN respectivement au Maroc et en Tunisie, en « désertant » l'armée française en 1961 à quelques mois du cessez-le-feu. Mais, les généraux Khaled Nezzar et Larbi Belkheir, cerveaux du coup d'État de 1992 et officiellement en retraite, disposent toujours d'une certaine influence dans ces cercles.

    Quelques exemples méritent d'être rappelée pour illustrer l'opacité de la gestion des services de sécurité. Toutes leurs actions ten-dent à renforcer leur pouvoir et à assurer la pérennité du système.

    6.3.2.4. La gestion opaque des services de sécurité
    Au cours des décennies 1960 et 1970, le régime utilise les services de sécurité pour asseoir et conforter son autorité avec un mépris absolu de l'intérêt général et de la transparence. La décennie 1980 assiste au renforcement du rôle des services de sécurité qui s'acheminent allègrement vers l'autonomie. Cette étape est décisive et a permis notamment à la Sécurité militaire de jouer un rôle très actif dans le coup d'Etat de janvier 1992 avant de s'emparer du pouvoir à son profit et à celui de l'armée.
    Nous allons maintenant voir, à titre d'illustration et de manière non exhaustive, trois exemples qui montrent comment ils ont pu accroître leur pouvoir dès les années 1960 alors qu'ils sont au service du chef de l'Etat, à savoir : l'élimination politique des responsables de l'ALN, l'extension de leur champ opératoire et le recours à la politique des rumeurs.

    a) L'élimination politique des responsables de l'ALN
    Il n'a pas suffi au pouvoir de se débarrasser d'un grand nombre d'officiers de l'ALN en les démobilisant dès 1962 et 1963 pour avoir les mains libres comme on l'a vu plus haut. Il fallait également écarter de la scène politique des chefs de l'ALN, qui ont exercé d'importantes responsabilités durant la guerre de libération, mais jugés redoutables par le pouvoir. Car pour Boumediène, en dehors du groupe de Oudjda87, il ne s'agit pas d'associer qui que ce soit au pouvoir.

    87 Le groupe de Oudjda est constitué au départ de Kaid Ahmed, Abdelaziz Bouteflika, Chérif Belkacem, Ahmed Medeghri et Tayebi Larbi.

    Les anciens chefs de l'ALN ont été éliminés par étapes. Certains, comme le commandant Ali Mendjeli, le colonel Salah Boubnider et le colonel Youssef Khatib sont écartés en 1967 du conseil de la révolution, instance suprême du pays, où ils siègent depuis le coup d'Etat de 1965. D'autres, comme le colonel Tahar Zebiri, alors chef d'état-major de l'ANP, et le colonel Saïd Abid, alors chef de la première région militaire, tous deux membres du conseil de la Révolution et connus pour leur opposition au groupe de Oudjda, sont victimes d'une machination diabolique de la Sécurité militaire et sont amenés à tenter de renverser Boumediène par la force en décembre 196788. Après l'échec de leur tentative de coup d'Etat, le premier a fini par prendre le chemin de l'exil et le second est victime d'un meurtre maquillé en suicide, exécuté par un ancien officier de l'armée française dépêché à Blida (siège de la 1ere région militaire) par Boumediène et Chabou. D'autres encore, comme le colonel Abbas de la wilaya V, alors commandant de l'Ecole militaire interarmes de Cherchell et membre du conseil de la révolution, connu pour ses différends politiques avec Boumediène, perd la vie dans un « accident » de la route entre Cherchell et Alger en 1968.

    En outre, le pouvoir lance à partir de 1968 une opération corruptrice destinée à ligoter certains chefs de l'ALN déjà politiquement écartés en vue de les discréditer et de leur fermer à jamais l'espace politique. Il s'agit d'offrir, par la voie du ministère des Finances, à d'anciens responsables de l'ALN une importante aide financière sous forme de crédits en grande partie non remboursables pour se lancer dans des affaires et créer des entreprises. Des facilités de toutes sortes accompagnent ces crédits comme l'octroi d'un terrain à bâtir, l'importation d'équipements et de machines, etc. De nombreux colonels et commandants de l'ALN ont bénéficié de cette aide piège89. Les services de sécurité ont été par la suite chargés de les avilir par la rumeur. La crédibilité politique de ces anciens officiers de l'ALN a été ainsi battue en brèche dans une société égalitaire où le régime proclame de surcroît son attachement au socialisme et à la justice sociale. Le slogan lancé alors par Boumediène lui-même est de « choisir entre la richesse et la révolution ».

    88 La sécurité militaire a fait croire au colonel Tahar Zebiri que son arrestation par Boumediène était imminente pour le pousser à la fuite ou à la rébellion et donc à son élimination définitive de l'armée.
    89 En 1968, j'ai personnellement été maintes fois approché par des représentants du pouvoir pour bénéficier de cette aide que j'ai toujours refusée pour des raisons politiques et morales. Pour me faire changer d'avis, on m'envoie mon frère aîné, alors directeur de l'hebdomadaire El Moudjahid, pour me convaincre d'accepter leur offre qui était de 2,5

    Ainsi, dès 1969, Boumediène réussit à se débarrasser des anciens chefs de l'ALN, considérés comme une menace pour son régime, et à les éloigner de son vivant définitivement du champ politique. Toutes les conditions sont alors réunies pour que le régime poursuive la consolidation de son emprise sur l'ensemble des secteurs d'activité en toute tranquillité. C'est ainsi que les services de sécurité ont vu leur champ d'intervention s'étendre en conséquence.

    b) L'extension du champ opératoire des services de sécurité
    Les services de sécurité contribuent à consolider la technostructure dans l'ensemble des secteurs d'activité de manière progressive.
    Ils ont commencé d'abord par cibler les secteurs stratégiques dont ils veulent s'assurer le contrôle. Cela consiste à renforcer la présence des services de sécurité dans les ministères de souveraineté comme ceux des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Justice, non seulement dans l'administration centrale, mais également dans les services extérieurs (ambassades, consulats, wilayate, etc.). Cette présence s'opère à travers le choix de cadres qui ont des attaches avec les services de sécurité à l'occasion des nominations dans des emplois supérieurs.
    Il s'agit, ensuite, pour les services de sécurité d'étendre leur contrôle aux ministères économiques comme ceux des Finances, de l'Industrie et de l'Energie, de l'Agriculture, du Commerce et des Transports. Au-delà des ministères, ce contrôle s'étend aux sociétés d'état, aux offices et organismes publics à caractère industriel, agricole, commercial, financier ou autre dont les directeurs généraux ainsi que les directeurs occupant des postes stratégiques doivent
    millions de dinars soit l'équivalent de 630 000 dollars en 1968. Cela représentait à l'époque une fortune.

    être agréés au préalable par les services de sécurité avant leur nomination par le ministre considéré.
    Enfin, au-delà des ministères de souveraineté et des ministères économiques, les services de sécurité interviennent dans un cadre réglementaire précis90 lors du choix des directeurs et des sousdirecteurs de tous les ministères sans exception, ainsi que pour la nomination des directeurs généraux de l'ensemble des entreprises ou organismes d'Etat quelle que soit leur tutelle. A travers ce mécanisme de nomination des cadres à des emplois supérieurs, les services de sécurité sont arrivés à étendre de manière effective leur contrôle à l'ensemble des ministères et à tous les organismes ou sociétés d'Etat vers le milieu des années 1970.

    Le suivi et la gestion des cadres sont assurés par un département de la Présidence de la République, chargé par ailleurs de la coordination entre les différents service de sécurité. Ce département, géré depuis 1979, par un ex-officier de l'armée française, dispose de pouvoirs discrétionnaires sur l'ensemble des appareils administratifs et économiques du pays. Ce département utilise ses prérogatives exorbitantes soit pour aider les ministres appartenant à la mouvance francophile ou, au contraire, pour gêner ceux qui n'en font pas partie. C'est ainsi que j'ai eu beaucoup de difficultés à faire nommer des cadres supérieurs au ministère de la Planification en 198091.

    90 La réglementation prévoit que la nomination par décret des cadres aux hautes fonctions de l'Etat est obligatoirement soumise à une enquête préalable des différents services de sécurité.

    Mais depuis 1980, le président Chadli décide que les ministres sont tenus de présenter trois candidats (au lieu d'un seul comme précédemment) pour un poste, pour augmenter la marge de manoeuvre de la Présidence de la République dans le choix des cadres. Cette nouvelle procédure a mis au grand jour les désaccords entre les différents services de sécurité sur l'appréciation des cadres, chaque service voulant placer « ses » cadres. L'absurdité, dans cette lutte d'influence, a été poussée au point qu'un candidat est rejeté par un service avec force d'arguments sur son incompétence et sa malhonnêteté alors qu'il est défendu par un autre service pour son intégrité et sa compétence avec des preuves à l'appui. Cependant la Sécurité miliaire reste incontestablement la plus influente à tort ou à raison.

    91 Il arrive souvent que lorsque des cadres intégres et compétents mais qui n'ont pas de fil à la patte sont proposés à de hautes fonctions, ils sont rejetés par les services de sécurité et/ou par les services de la Présidence. Ce rejet est fondé non sur l'appréciation des aptitudes professionnelles des candidats aux emplois supérieurs ou sur leur appartenance à un courant politique déterminé, mais pour affaiblir le ministre concerné qui ne fait pas partie du clan francophile. Autrement dit, ce ne sont pas les cadres proposés à occuper de hautes fonctions qui sont personnellement visés par de tels rejets, mais c'est le ministre employeur qui est visé. Les exemples abondent. Mais, je n'en citerai que deux pour illustrer cette situation absurde dont j'ai été victime en 1980 lorsque j'étais ministre de la planification. Concernant le cas de Kamel B., un cadre brillant, consciencieux et infatigable, proposé par mes soins au poste nouvellement créé de directeur général chargé de l'aménagement du territoire, sa nomination a été bloquée pendant plus d'une année sans raison malgré mes différents rappels. Finalement, je demande au colonel Gheziel, « déserteur » de l'armée française, alors chef de département à la Présidence, les raisons du blocage de cette nomination. Il me sort son dossier et me répond que Kamel B. ne peut pas être nommé à ce poste parce qu'il s'adonne à l'alcool. Je lui réponds que son fichier n'est pas à jour puisque non seulement Kamel a cessé de boire, mais qu'il pratique régulièrement la prière depuis plus d'un an et que sa conduite est irréprochable. Coincé, le colonel Gheziel me répond que la prière n'est pas un critère pour la nomination des cadres. Il a fallu l'intervention du Président Chadli lui-même pour obtenir la nomination de Kamel B.
    Concernant H. Nasser, proposé au poste de sous-directeur chargé des questions financières, dont la procédure de nomination a été également bloquée, le colonel Gheziel (qui n'a même le baccalauréat) me répond qu'il n'est pas qualifié pour le poste pour lequel il est pressenti. Je lui rapelle que H. Nasser est titulaire d'un doctorat en économie financière de l'université de Louvain (Belgique), qu'il est très qualifié pour ce poste et que je suis professionnellement mieux placé que lui pour juger de sa compétence. Je n'ai jamais pu obtenir sa nomination par décret comme sous-directeur. Je l'ai maintenu quand même à son poste où il s'en est très bien tiré. Mais, quelques années plus tard, compte tenu de sa sensibilité politico-culturelle, il a été « récupéré » par la Présidence comme directeur en 1986 et en 1990 il fut nommé Gouverneur de la Banque Centrale.

    Ainsi, de la Présidence de la République jusqu'aux wilayate, aux ambassades, aux entreprises d'Etat en passant par l'ensemble des ministères, les cadres supérieurs sont choisis par les différents services de sécurité, contrôlés par hizb França.
    Le rôle des services de sécurité dans la procédure de nomination aux emplois supérieurs leur permet de disposer d'un réseau appréciable pour mener à bien, entre autres, leur propre politique.
    Les services de sécurité disposent, dans l'ombre, de pouvoirs redoutables. Pour eux, il n'y a pas de frontières entre le politique (le gouvernement, l'appareil du FLN), le législatif (les candidats à l'Assemblée Nationale (APN) sont d'ailleurs choisis en dernier res-sort par les services de sécurité), le réglementaire (l'administration contrôlée par eux) et le judiciaire (leur domaine favori d'intervention). Ils interviennent pratiquement dans tous les domaines.

    c) La rumeur, outil de gestion politique
    La politique des rumeurs et l'instrumentalisation de l'opinion par les services de sécurité à des fins politiciennes remonte aux années 1960, juste après l'indépendance.
    Au sommet, compte tenu de la nature même du régime, les dirigeants ne se préoccupent que de leur maintien au pouvoir. Ils ne sont pas là pour régler les problèmes économiques, sociaux et culturels d'un peuple épris de liberté et de justice en s'inscrivant dans une perpective à moyen et long terme. Ils sont là pour défendre leurs privilèges et renforcer le contrôle du champ politique au nom de l'idéologie officielle. Ils sont coupés des réalités sociales.

    La gestion des ressources humaines, matérielles et financières du pays s'opère dans des cercles fort restreints, dans le secret et dans l'opacité totale. Instrument du pouvoir, le secret est cultivé au plus haut niveau de l'Etat et s'impose dans tous les rouages. Un régime autoritaire et paternaliste exclut, par définition, de sa démarche toute tentative de transparence et de sanction des résultats dans la gestion des affaires publiques. C'est pourquoi, le secret, la rumeur, la manipulation des informations et la désinformation permettent au système d'opérer des montages destinés à éliminer des hommes politiques ou des cadres supérieurs jugés encombrants que l'on donne en pâture à l'opinion publique en fonction de la conjoncture. Tout cela est planifié et exécuté pour détourner l'opinion publique de ses préoccupations réelles et de ses aspirations profondes. Ces montages constituent donc des opérations de diversion qui visent en même temps à « crédibiliser » le régime en donnant l'impression que les actes du pouvoir sont réfléchis, appropriés et justes et répondent aux préoccupations des citoyens.

    Les services de sécurité sont bien rompus à ce genre d'exercice qui constitue d'ailleurs leur domaine de prédilection. Ils disposent à cet effet de véritables appareils de propagande pour gérer la rumeur en vue de rendre crédibles des choses préfabriquées.
    Cette technique a été utilisée notamment depuis les années 1970 pour occuper le champ politique et empêcher l'émergence de courant de pensée politique capable de devenir populaire et s'imposer pacifiquement comme alternative crédible.

    Dans ce cadre, le pouvoir a joué sur deux claviers. D'une part, il oppose la gauche, notamment le PAGS (le parti d'avant-garde socialiste) au mouvement islamique. D'autre part, il dresse les francophones aux arabophones. Tous les courants de pensée sans exception sont infiltrés et manipulés par les services de sécurité. Tant et si bien que les services de sécurité ont réussi à gérer la rumeur soit par radio-trottoir, soit par le biais de tracts rédigés et distribués au nom de l'un ou l'autre courant politiquement interdit. Ils l'ont fait également pour dénoncer certains cadres ou certains faits liés à la corruption ou au comportement scandaleux de certains dirigeants afin de préparer l'opinion publique à leur élimination.

    Le recours à cette technique a culminé au cours des années 1990 avec l'infiltration et la manipulation des GIA (groupes islamiques armés, appelés d'ailleurs par les connaisseurs de la situation en Algérie « les groupes islamiques de l'armée »). Des tracts diffusés au nom des extrémistes du GIA ont été inspirés et dictés par les services de sécurité. De même, de nombreux attentats attribués au GIA contre des civils innocents, algériens ou étrangers92, contre des intellectuels et contre des journalistes ainsi que des massacres collectifs (comme ceux de Médéa en janvier 1997, ceux de Ben Talha, Rais et Beni Messous93 dans la banlieue d'Alger en août 1997 et janvier 1998 ou ceux de Relizane en janvier 1998) auxquels n'échappent ni femmes, ni enfants, ni personnes âgées sont en fait inspirés, initiés et souvent exécutés par des services, par les « escadrons de la mort », (unités spéciales sous le commandement de l'armée) ou des milices créées par le gouvernement et équipées par l'armée depuis 1994. Ils le font notamment pour diaboliser l'Islam

    92 Une personnalité française m'a affirmé, en 1996, que le Président Chirac a fait parvenir un message au Président Zeroual, juste après les élections présidentielles algériennes de novembre 1995, par lequel il l'informe, entre autres, que la France n'acceptera plus jamais que les services de la Sécurité militaire algérienne organisent désormais des attentats en France comme ils l'ont fait dans le métro de Paris et ailleurs en 1995. Comme par hasard, depuis 1996, il n'y a eu aucun attentat soit disant islamiste en France.
    93 Tous les massacres collectifs, organisés dans la banlieue d'Alger, nortamment ceux de Beni Messous, ont eu lieu à proximité des casernes de l'ANP. Les tueurs, disent les sources officielles reproduites par la presse algérienne, sont venus et se sont retirés en camions. Les massacres, disent les mêmes sources, ont duré 4 ou 5 heures. Plus de 200 personnes ont été égorgés à une centaine de mètres de la caserne la plus proches, sans que l'armée n'intervienne malgré l'alerte donnée par des survivants. Comment peut-on expliquer cette passivité devant les massacres d'innocents, alors que pour réprimer les manifestations pacifiques d'octobre 1988 le général Nezzar fit venir des blidés de 300 km d'Alger pour tirer sur une foule désarmée ?

    et discréditer les islamistes. Ils le font également pour se venger du FIS et terroriser94 ses militants et ses sympathisants, puisque les victimes de ces massacres sont des gens pauvres dont le seul crime est d'avoir voté en faveur du FIS aux élections communales en juin 1990 et aux élections législatives en décembre 199195.
    La politique machiavélique des rumeurs a atteint des dimensions odieuses au cours de la décennie 1990 qualifiée à juste titre de « décennie rouge ». Les autorités algériennes n'hésitent même plus à recourir ouvertement à certains services français et à certaines personnalités françaises, appelés à la rescousse, pour manipuler les faits et les événements et répandre une propagande belliqueuse contre leur peuple.

    La politique de la rumeur a dépassé les limites de l'horreur. Tout est permis pour une poignée de généraux pour se maintenir au pouvoir par la force et la violence. Si Boumediène dont se réclament ces généraux était encore là, l'Algérie n'aurait jamais été embarquée dans une aventure aussi ignoble pour la simple raison qu'il ne leur aurait jamais confié en même temps les postes de ministre de la Défense qu'il a toujours gardé jusqu'à sa mort, de chef d'étatmajor de l'ANP (resté vacant depuis 1967 à la suite de la rébellion de son titulaire Tahar Zebiri), de secrétaire général du ministère de la Défense et de responsable de la Sécurité militaire.

    94 Redha Malek, alors Premier Ministre, a déclaré en 1994 qu'il est temps que « la peur change de camp », voulant dire qu'il faut transférer la terreur dans le camp des islamiste et a annoncé, juste après, la création des milices pour entreprendre cette sale besogne. En fait, Redha Malek n'a fait que paraphraser Charles Pasqua, ministre français de l'intérieur alors en fonction, qui a déclaré quelque temps avant lui qu'il « faut terroriser les terroristes » c'est à dire les islamistes.
    95 Dr Ahmed Djeddai, premier secrétaire du FFS, a déclaré devant le Congrès de son parti en mars 1998 que le penseur français Bernard-Henri Lévy et son collègue Herzog lui ont dit lors de leur récente visite en Algérie ceci : « les victimes des massacres organisés à Ben Talha, Rais et Beni Messous méritent la mort parce qu'ils ont voté pour le FIS en 1991 », signifiant par là que ces massacres ont été entrepris par le pouvoir. Mais, de retour en France, ces deux personnalités ainsi que d'autres comme André Gluckman et Jack Lang, se lamentent sur le sort des victimes de ces mêmes massacres collectifs, versant des larmes de crocodiles en soutenant publiquement que ce sont les islamistes qui ont sauvagement tué des innocents. Ces penseurs et politiciens français « civilisés » refusent en même temps l'établissement d'une commission internationale d'enqête demandée par de nombreux partis politiques algériens, y compris le FFS, et par de nombreuses personnalités algériennes.

    Cependant, la consolidation des acquis de hizb França ne s'est pas limitée seulement à la conquête de l'armée et des services de sécurité, mais s'est également étendue à d'autres secteurs stratégiques où Boumediène a placé des fidèles depuis les années 1960, constituant le noyau dur du régime.

  • resume' de tout les sites cv ali tounsi,les hommelettes qui nous gouvernent

    Ils ont dit de Ali Tounsi Version imprimable Suggérer par mail Hoggar La Direction générale de Sûreté nationale A l'instar de la Gendarmerie et de la Sécurité militaire, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a été prise en charge par hizb França dès 1962, même si différents responsables nommés à la tête de cette institution ont appartenu à l'ALN. Mais depuis le coup d'Etat de juin 1965, la DGSN a connu une stabilité étonnante. En 22 ans, la DGSN a été dirigé par deux responsables seulement : entre 1965 et 1977 par Ahmed Draia (ancien officier de l'ALN) et entre 1977 et 1987 par Hédi Khédiri (arrivé aux frontières algéro-tunisiennes en 1961 de France où il était étudiant). Mais le recrutement des cadres, la formation des officiers de police ainsi que le fonctionnement de cet appareil obéissent à des critères, des méthodes et des pratiques de l'ère coloniale. D'ailleurs, les relations soutenues des responsables de la DGSN avec les services spéciaux français sont bien connues dans les allées du pouvoir. Même si la DGSN est théoriquement sous la tutelle du ministre de l'Intérieur, son directeur général reporte directement au chef de l'Etat et ce depuis 1965. Mais lorsque Zéroual arrive à la Présidence de la République en 1994, c'est un ancien officier de la Sécurité militaire, Ali Tounsi dit El Ghouti, qui est nommé à la tête de la DGSN, mettant ainsi fin à l'autonomie de cette institution en en faisant un appendice de l'armée, elle-même entièrement contrôlée par des anciens de l'armée française depuis 1989. Selon le Mouvement algérien des Officiers libres (MAOL), Ali Tounsi, fils d’un officier de l’armée française établi au Maroc, a été arrêté au maquis dans la wilaya V (Ouest algé-rien) et a été intégré en 1960 au sein du commando « Tempête » dit « Georges » de l’armée française, composé de « supplétifs récupérés » opérant sous les ordres de l’officier français De Saint Georges. Cf. Internet du MAOL : www.anp.org. Extrait du livre : Aux origines de la tragédie algérienne (1958-2000) : Témoignage sur "Hizb França", Abdelhamid Brahimi, Hoggar 2000. *** Courte biographie Ali Tounsi, né en 1934 à Metz, était fils d’un officier de l’armée française. Cet algérien installé en France bien avant la 2ème guerre mondiale est resté dans l’armée française jusqu’à sa retraite. De nationalité double, française et algérienne, Ali Tounsi a été élevé à Meknès au Maroc où son père était en garnison. En 1957, il rejoint la wilaya V. Il est fait prisonnier en 1958. En 1961, on le retrouve au sein du 2ème Bureau de l’armée française à Sidi Bel Abbes. Il a été membre du commando « Tempête » composé de supplétifs récupérés par les services secrets français sous les ordres de l’officier français De Saint Georges d’où l’appellation « Commando Georges ». Au cessez le feu, il est injecté dans l’administration naissante grâce a des relations familiales nouées au Maroc qui ignoraient sa collaboration avec l’armée coloniale, il est enrôlé dans les rangs de l’ANP. En 1983, son engagement avec l’armée française durant la guerre de libération ayant été dévoilé, il est radié de l’ANP. Son passage au sein d’une structure dépendant du ministère de la jeunesse et des sports lui vaut en 1994 une condamnation à une peine de prison pour détournement et dilapidation de deniers et de biens publics. En appel, début 1995, et malgré son intimité avec « la magistrate » siégeant, la peine de prison fut confirmée bien qu’abaissée. De 1995 jusqu’à son assassinat il était à la tête de la Police algérienne. Sources : Divers sites algériens

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  • 18 sociétés dissoutes et 3 264 employés licenciés

    Au cours de la dernière décennie, la dissolution de 18 entreprises non autonomes a engendré 3 264 licenciements, conformément au décret exécutif 94-294 du 25 septembre 1994.


    Parmi ces entreprises, on citera à titre indicatif l’entreprise nationale de messagerie et de presse de l’Ouest (ENEMEP), l’entreprise publique communale de travaux (EPICT) de Benfréha, EPICT de Missserghine, l’entreprise de mise en valeur des forêts d’Oran (EMIFOR), l’entreprise publique communale du transport des voyageurs (EPICTV) d’Aïn El Turck, la société d’aménagement urbain de la wilaya d’Oran (SAUWO), la société des matériaux de construction de la wilaya d’Oran (SMCWO), l’entreprise communale des matériaux de construction d’Arzew (ECMCA), etc. La valeur globale de ces entreprises cédées de gré à gré aux groupes d’employés est estimée à 370 995 931,00 DA. Ceci a permis de créer une vingtaine de petites entreprises qui emploient 327 travailleurs. D’autre part, la valeur des équipements et des véhicules des entreprises dissoutes, vendus aux enchères publiques, s’élève à 339 405 099, 80 DA.


  • Passation des marchés publics La corruption et le népotisme faussent le jeu


    La corruption et le népotisme faussent le jeu

    Passation des marchés publics

    La corruption et le népotisme faussent le jeu

    Le traditionnel forum d’El Moudjahid a été marqué par des débats houleux hier sur la concurrence et les marchés publics. Les différents intervenants n’avaient pas leur langue dans leur poche.


    Si les représentants des différentes administrations ont mis en avant l’absence de qualification de la plupart des entreprises, les entrepreneurs ont évoqué les fléaux de la corruption et du népotisme qui aboutissent à une concurrence déloyale. « Certains entrepreneurs ne possèdent même pas une brouette, mais ils ont quand même été retenus pour des projets », fulmine le président de l’Union nationale des entrepreneurs du bâtiment. « Oui, il existe des entrepreneurs véreux qui scannent les certificats de qualification. Mais les premières victimes de ces pratiques sont les entrepreneurs qui doivent gérer les problèmes de pénurie de matériaux de construction. »

    Ils sont pénalisés d’emblée avec la caution de 5% », a-t-il noté. Les amendements apportés au code des marchés publics ont été le coup de grâce à la corporation. Un entrepreneur a indiqué que de nombreuses entreprises du secteur rencontrent toutes les difficultés du monde pour être payées après avoir fourni des prestations. « Il y a des entrepreneurs qui ont travaillé après les inondations de Bab El Oued en 2001 et d’autres lors de la campagne d’embellissement de la wilaya d’Alger pour le sommet arabe, elles n’ont toujours pas été payées alors que les services des impôts exigent de nous acquitter de l’IRG relatif à des projets pour lesquels nous n’avons rien touché », a-t-il témoigné. Un autre entrepreneur a regretté l’absence de bureaux de placement de la main-d’œuvre pour le recrutement d’un personnel qualifié. « Nous recrutons dans les rues, dans les cafés, etc. Certains ingénieurs nous proposent de nous vendre leurs diplômes juste pour les soumissions, car cela rapporte plus que d’être un travailleur salarié », raconte-t-il. Djamel Djerad, représentant de l’Ordre des experts-comptables, estime pour sa part que les entrepreneurs algériens et l’administration pèchent par absence de formation et de qualification.

    « Peu d’entreprises nationales publiques ou privées font appel à un expert-comptable et à des professionnels. Les entreprises étrangères font toujours appel à des juristes et des fiscalistes algériens », a-t-il souligné. Pour ce qui est de l’administration, il fera savoir que certaines commissions des marchés publics sont composées de « jeunes sans expérience recrutés il y a un mois à peine ». Faisant allusion aux pratiques de corruption, il fera savoir que certaines entreprises « obtiennent juste comme ça des mises à jour au niveau de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) et auprès d’autres organismes ». « Certaines entreprises font du copier coller et apportent des bilans mal faits. Je n’ai pas encore vu une entreprise qui a une comptabilité analytique pour l’établissement des coûts et leur actualisation », a-t-il ajouté.

    Quid de la préférence nationale ?

    Il relèvera cependant que des avancées ont été réalisées en matière de transparence. « Désormais, l’on est tenu de publier les noms des entreprises retenues et les critères sur lesquels s’est basée la sélection. Il y a aussi des articles dans le code de procédures civiles et administratives consacrés aux marchés publics », a-t-il affirmé à ce propos. Yahiaoui Amar, représentant de l’Union générale des entrepreneurs algériens, estime pour sa part « injuste » le fait que « les entrepreneurs qui sont sur le terrain n’aient pas été consultés pour l’élaboration des textes de loi ». L’administration se montre intransigeante, selon lui, imposant à l’entrepreneur pénalité sur pénalité pour le retard dans la réalisation des projets sans tenir compte des difficultés d’approvisionnement en matériaux de construction et la réévaluation des coûts du fait de la hausse des prix de ces produits. « Parfois, les unités de production de ciment n’honorent que 15% de la commande », soutient-il.

    L’administration est montrée du doigt par M. Bensaci, président du Conseil national consultatif pour la promotion des PME, pour ne pas respecter l’instruction du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, concernant la préférence nationale. « Des entreprises étrangères sont sélectionnées au détriment des entreprises algériennes avec lesquelles elles sous-traitent tout en louant du matériel auprès de sociétés algériennes », assure-t-il. « Dans les appels d’offres et les cahiers des charges, les administrations incluaient des critères qui excluaient de fait les entreprises algériennes, laissant ainsi la voie libre aux groupes étrangers », a-t-il poursuivi. « Aujourd’hui, la PME, tout le monde en parle mais personne ne l’a vue », a-t-il conclu.


    Par Nora Boudedja

  • Les syndicalistes dénoncent la « préférence étrangère » : Le groupe Fondal risque de déposer le bilan

     

    Les syndicalistes dénoncent la « préférence étrangère » : Le groupe Fondal risque de déposer le bilan

    Le groupe public Fondal, spécialisé dans la production et la commercialisation de fonderies, traverse une période difficile.


    Asphyxié par une lourde dette de plus de 1200 milliards de dinars, dont le gouvernement a promis le rachat en 2008, le groupe se trouve dans une situation financière critique qui n’augure rien de bon pour les 900 employés de ses trois filiales (Alger, Oran et Tiaret). L’avenir du groupe semble plus que jamais incertain en raison, notamment, du rétrécissement de sa part de marché, en faveur de sociétés internationales qui fournissent à outrance le marché national. Conscients que leur avenir est hypothéqué par la nouvelle tendance du marché, les travailleurs tentent d’alerter la centrale syndicale et les pouvoirs publics. La coordination syndicale des filiales du groupe Fondal exprime ouvertement son « inquiétude » quant à l’avenir de l’entreprise qui « risque de perdre le marché vital » et lance par là même un « cri de détresse » aux pouvoirs publics afin qu’ils fassent quelque chose pour sauver ce qui reste des entreprises publiques.

    Dans une lettre adressée à la fois au secrétaire général de l’UGTA, au Premier ministre et au ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, la coordination syndicale dénonce « les pratiques en vigueur » de certaines entreprises qui favorisent des fournisseurs étrangers au détriment de la production nationale. Ce qui ne sied pas, précise le coordinateur Mohand Ladaoui, avec les nouvelles orientations économiques du gouvernement qui visent à limiter les importations et à encourager la production nationale. La coordination syndicale évoque, entre autres marchés, celui de la Société de gestion et de la distribution de l’eau pour la ville d’Oran (SEOR) qui, après avoir lancé un appel d’offres national pour la fourniture de 3000 tampons Regard pour l’assainissement de la ville d’Oran, a confié le marché à une entreprise espagnole. « Notre filiale Fonderie d’El Harrach a pourtant déposé son offre dans les règles. Entre temps, nous avons été informés que le marché avait déjà été attribué », souligne le coordinateur qui dit ne pas comprendre pourquoi les entreprises nationales en sont exclues. « Nous attirons votre attention sur la menace qui pèse depuis 2008 sur le groupe dont le processus de commercialisation de nos produits en voirie, matériel d’embellissement urbain, boulet de broyage et diverses pièces mécaniques est sérieusement perturbé », indique la coordination syndicale.

    Selon M. Ladaoui, la production nationale est « menacée » par la profusion de matériels importés de Chine, de France et d’Espagne. Pourtant, il n’y a pas de défaut de qualité. « Les produits de nos différentes fonderies, que ce soit d’El Harrach, d’Oran ou de Tiaret sont certifiés ISO 9001 en 2000. Comme ils le sont par l’organisme national de normalisation algérienne (Ianor), dont les normes correspondent à celles en vigueur en Europe », relève M. Ladaoui. Ainsi, la coordination syndicale dénonce « la pratique qui consiste à recourir systématiquement aux importations en écartant de fait tous les producteurs nationaux en élaborant des cahiers des charges qui sont des copies conformes des fiches techniques de certains fabricants étrangers parfaitement connus ». Les syndicalistes demandent une « intervention rapide » pour pallier cette situation qui risque de condamner à la disparition les entreprises nationales publiques ou privées. Ils estiment que la raison économique et la nécessaire préservation de l’emploi, la substitution de la production locale aux importations, exigent une intervention rapide des pouvoirs publics pour que les approvisionnements des sociétés, à préférence égale, se fassent auprès des entreprises nationales, conformément à la réglementation en vigueur. Ils demandent ainsi à ce que le marché de la production nationale, publique ou privée, soit protégé par l’Etat, car « il reste le véritable créateur de richesse et porteur de valeur ajoutée ». La coordination syndicale relève l’urgence de doter le groupe d’un fonds de roulement et de mettre en exécution la décision gouvernementale concernant le rachat de la dette de l’entreprise.


    Par M. A. O.

  • Le ministre du Commerce devant la commission économique de l’APN : L’argent de la relance aspiré par les importations


    Le ministre du Commerce devant la commission économique de l’APN : L’argent de la relance aspiré par les importations

    Le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a présenté hier devant la commission économique, développement industriel, commerce et planification, présidée par Zoubida Kharbache, du Parti des travailleurs à l’Assemblée populaire nationale, un exposé sur la situation économique nationale à l’ombre des mutations économiques à travers le monde.


    Le ministre a révélé, à l’occasion, un chiffre que certains parlementaires qualifient de douteux, alors que d’autres députés estiment que les données avancées par le ministre démontrent l’échec de l’économie algérienne. Pour le ministre du secteur, les secousses auxquelles a été confrontée l’économie mondiale à la suite de la crise financière 2007-2008 n’ont pas eu un impact majeur sur le commerce extérieur de l’Algérie. Pourquoi ? M. Djaâboub a justifié cela par le fait que le gouvernement algérien a poursuivi la mise en œuvre du programme de relance économique auquel 150 milliards de dollars ont été consacrés, dont 70% transférés à l’étranger pour l’acquisition d’outils de production, d’équipements et de services, et ce, dans le but de concrétiser le programme en question. Certains députés pensent en effet que ce chiffre est énorme face aux maigres résultats réalisés sur le terrain. « Est-ce normal de consacrer autant d’argent pour qu’en fin de compte on exporte hors hydrocarbures qu’une valeur de 330 millions de dollars ?

    Les statistiques avancées par le ministre sont la preuve par quatre de l’échec de l’économie algérienne. La machine économique est en panne. Il n’y a pas eu de production », a lâché un député, convaincu par ailleurs que les 150 milliards de dollars avancés sont un chiffre douteux, d’autant plus que d’autres organismes économiques algériens ont avancé un tout autre chiffre. Concernant justement la question des exportations, l’Algérie, selon le ministre, a exporté, au premier trimestre 2010, 13 milliards de dollars, dont 330 millions d’exportations hors hydrocarbures. El Hachemi Djaâboub impute le recul des exportations hors hydrocarbures à plusieurs facteurs dont l’interdiction de l’exportation des déchets de fer et des produits alimentaires à base d’aliments subventionnés. Sur ce chapitre, il a reconnu que l’Algérie doit encore fournir de grands efforts pour l’amélioration de ce secteur, et ce, « malgré les moyens fournis par l’Etat en matière d’aide et de prise en charge assurées aux opérateurs dans ce domaine sans omettre les mesures législatives et financières prises pour faire face aux dangers éventuels découlant de l’ouverture économique ». Dans son exposé, le représentant du gouvernement a donné un aperçu général, chiffres à l’appui des réalités du commerce extérieur de l’Algérie.

    Il a déclaré à cet effet que les importations ont représenté 0,24% du total des importations mondiales. Selon lui, au premier trimestre 2010, les importations de l’Algérie étaient estimées à 9,4 milliards de dollars. Un chiffre appelé, révèle le ministre, à atteindre 32 milliards à la fin de l’année si ce rythme est maintenu. M. Djaâboub a fait remarquer dans ce sillage que le matériel d’équipement vient en tête des importations de l’Algérie avec 3,6 milliards dollars, suivi des produits semi-finis avec 2,7 millions de dollars, puis les produits alimentaires, dont le montant s’élève à 1,7 milliard de dollars et les produits non alimentaires à 1,3 milliard de dollars. M. Djaâboub a indiqué que beaucoup d’efforts sont consentis pour faire face aux éventuels risques dus à l’ouverture économique relevant les mécanismes adoptés par l’Etat pour le soutien du secteur du commerce extérieur. Les membres de la commission ont par ailleurs interrogé le ministre sur les clauses qu’envisage l’Algérie de revoir dans le cadre de l’Accord d’association avec l’Union européenne et les raisons du retard qu’accuse l’Algérie en matière d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce.


    Par Nabila Amir

  • L’hypocrite message de Bouteflika aux journalistes Algériens

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    Abdelaziz Bouteflika a saisi l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, pour adresser aux « membres de la corporation, journalistes, éditeurs et cadres du secteur de l'information » un message haut en couleurs de la duplicité.

    Le chef de l’Etat s’oublie dans des professions de foi tartuffiennes qui masquent maladroitement la politique méprisante et  oppressive conduite par le pouvoir en direction de la presse.

    QUELLE "CONSIDERATION" ?

    Bouteflika fait d’abord état, dans ce message, de sa « plus haute considération » pour « tous ceux qui activent dans le champ médiatique national » et dont il salue « les sacrifices consentis durant toutes les étapes que notre peuple a parcourues et pour les efforts continus qu'ils déploient, aujourd'hui, en vue de mettre en exergue les mutations que vit l'Algérie dans tous les domaines. »

    Le chef de l’Etat en rajoute même une couche en évoquant « la profonde considération à l'égard du rôle de la presse écrite et audiovisuelle qui a su accompagner le passage de la société à l'étape de l'après-terrorisme »

    On s’étonne alors qu’avec toute cette « considération », le président n’ait jamais reçu la presse de son pays.

    Depuis 1999, Bouteflika a rencontré les journalistes de tous les pays, sauf ceux d’Algérie !

    La réponse est claire : le mépris !

    On est loin, bien loin, de la «  profonde considération »

    LES « EXILES » ET L’ENTV

    Bouteflika rend hommage aux compétences algériennes parmi les journalistes se trouvant à l'étranger. « Grande est ma fierté devant le travail qu'ils accomplissent, leur niveau de compétence et leurs capacités à s'imposer dans différents médias arabes et étrangers. Les voir contribuer à la promotion du système médiatique national que nous comptons doter d'outils de perfectionnement et de développement dans un cadre empreint de flexibilité, de libre initiative et de professionnalisme, me procurera incontestablement davantage de fierté. »

    le chef de l’Etat ne pense pas un mot de ce qu’il dit.

    Primo, ces compétences ont souvent été forcées à l’exil par le verrouillage médiatique national commandé par le pouvoir en place et dont le président Abdelaziz Bouteflika est le chef. Elles sont la preuve de notre médiocrité.

    Secundo : comment  les imaginer venir « contribuer à la promotion du système médiatique national » qu’elles ont fui ? Travailler à l’ENTV où il leur est interdit de recevoir des opposants et où elles sont tenues de chanter à la gloire du roi ?

    QUI SOUTIENT LES RENTIERS DE LA PRESSE ?

    Pour le président Abdelaziz Bouteflika « la presse ne doit  pas se complaire dans le rôle d'intermédiaire inerte ni accepter d'être un outil entre les mains de rentiers pour l'utiliser à des fins autres que celles servant la nation. Elle doit, au contraire, redoubler d'efforts pour permettre au pays d'aller vers davantage de progrès en vue d'atteindre les objectifs de paix, de sécurité et de développement durable. »

    On croit rêver !

    Mais qui donc entretient les « titres serpillères » par l’apport publicitaire de l’Etat ? Qui a fait de ces journaux sans lecteurs des « tiroirs caisses » opulents en contrepartie du rôle de porte-voix ?

    LE MATIN, M. le président !

    On apprend aussi, de la bouche du président, que « la presse nationale doit s'intéresser de manière soutenue à toutes les questions nécessitant débat et suivi. Elle ne doit marquer aucune hésitation à combattre les fléaux sociaux que sont la complaisance, le clientélisme, le régionalisme, la bureaucratie et la corruption . Elle doit orienter son combat contre tous les maux susceptibles de propager la culture du désespoir et de la délinquance. »

    Le dernier journal a avoir essayé de le faire s’appelle LE MATIN, M. le président !

    Il est suspendu à votre demande.

    Quant aux journalistes algériens qui tentent de « combattre les fléaux sociaux que sont la complaisance, le clientélisme, le régionalisme, la bureaucratie et la corruption », ils remplissent les tribunaux et les commissariats.

    PLURALISME, DITES-VOUS ?

    On apprend avec Bouteflika que « Notre pays a opté pour la voie du pluralisme politique et médiatique. Il a adopté une démarche qui permet la liberté de parole et d'initiative. »

    On a de la peine à croire que c’est ce même personnage qui s’oppose à l’ouverture du champ de l’audiovisuel, qui tient à sa télévision unique, c’est ce même personnage qui dit avoir « opté pour la voie du pluralisme politique et médiatique (et) adopté une démarche qui permet la liberté de parole et d'initiative. »

    C’est tout l’art de prendre  les journalistes pour ce qu’il pense qu’ils sont : « tayabet el hammam » !

    L.M.

  • L'Algérie et ses réserves monétaires : Les mauvais calculs de Bouteflika

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    A l'encontre de tous les avertissements d'experts, le président-candidat Abdelaziz Bouteflika a promis monts et merveilles à l'électorat algérien lors de sa campagne pour les présidentielles, et notamment une enveloppe de 150 milliards de dollars.
    Pari risqué dans ce contexte de baisse du prix de pétrole, et de hausse de la facture des importations.
    Et voilà que les mêmes experts viennent de déclarer que l’équilibre budgétaire de l’Etat algérien est sérieusement remis en cause puisque les cours du pétrole continuent à enregistrer une tendance baissière. Les importations de l’Algérie, dont le montant augmente de manière substantielle, sont aussi de nature à mettre en difficulté le budget de l’Etat, si l’on tient compte des explications données hier par les intervenants à la conférence organisée à Alger par ATI Business Service et Djazaïr Events. Jean-Louis Perrault, directeur de Master Economie international et PME à l’université de Rennes (France), a estimé que l’ère de 150 dollars le baril du pétrole n’a fait qu’encourager la spéculation sur les produits de base, à l’instar du blé, traduite par l’évolution inquiétante des importations en 2008. Selon M. Perrault, « l’importation est une stratégie de survie et une mauvaise habitude qui fait disparaître rapidement la rente. A titre d’exemple, le contrechoc (la crise) a fait que 20% des réserves russes se sont évaporées en un seul semestre seulement »
    Abdelhamid Mezaâche, consultant et maître de conférences à l’Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP) et à l’école supérieure des banques, a estimé que l’équilibre budgétaire de l’Algérie ne dépend pas uniquement de ce que l’on encaisse comme recettes, mais aussi de la maîtrise rigoureuse des dépenses publiques. « Les importations ont atteint en 2008 la barre des 40 milliards de dollars, et compromettent l'avenir ainsi que les entreprises,  précisant que les secteurs dans lesquels évoluent les PME algériennes sont fortement concurrencés par les importations. « Les entreprises publiques se débattent dans une situation de ni faillite ni survie, alors que les sociétés privées, elles, occupent des créneaux qui sont très fortement concurrencés par les importations », fera remarquer le conférencier.

    D’après El Watan

  • COMMUNIQUE DE BOUSSAD OUADI

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    Chers amis,

    Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes mis en demeure de quitter les lieux dans les prochains jours et de restituer la gérance de notre chère Librairie des Beaux-arts aux propriétaires des murs.

    Durant 4 ans nous y avons mis notre amour des livres, des arts, de la littérature et de la liberté au service d’un public exigeant, toujours en attente de nouveautés, d’ouvrages de fond ou recherchant tout simplement le plaisir de lire.

    Nous avons espéré pouvoir fournir les dernières nouveautés, à la demande des particuliers, dès leur parution dans le monde, par la mise en place d’un service express d’importation. Nous en avons été empêchés par des lois scélérates nous exigeant d’augmenter notre capital social à 2 milliards de centimes. Et puis tout dernièrement des directives de la banque centrale nous ont imposé pour chaque livre importé : des certificats phytosanitaires, des certificats d’origine et de conformité, en plus des traditionnels visas des ministères de la culture, de la police et des affaires religieuses !

    Comment sortir de ces carcans répressifs et bureaucratiques ? Com ment satisfaire  la soif inextinguible de cette jeunesse assoiffée de savoir et de liberté ? Com ment  aider les professionnels à mieux se former et s’informer lorsque de tels verrous sont imposés à la circulation des livres ?

    En notre qualité d’éditeurs, nous avons également été bâillonnés, interdits de dépôt légal et donc de publication, éliminés de tous les programmes de subventions et d’aide à  l’édition, par ailleurs généreusement octroyés à tant de « professionnels ».

    Nous quittons La Librairie des Beaux- Arts avec un amer sentiment d’inachevé. Profitons-en aussi pour rappeler à tous les responsables de ce pays que les grandes artères de nos villes sont désertées par les espaces culturels vue l’absence de vision politique dans la gestion culturelle et urbaine et le mépris de l’aspiration naturelle des citoyens à accéder à la liberté d’apprendre, de s’exprimer… et de lire.

    Boussad OUADI

    P.S. Nous profiterons de ces 2 ou 3 semaines de présence à la librairie pour offrir à nos fidèles clients des livres à prix soldés. C’est notre façon de leur  tirer la révérence.  A tous merci !

    En raison du changement de gérance,

    La Librairie des Beaux-arts organise une opération de

    Soldes et
    liquidation
    de stocks
    durant le mois de
    Mai 2009


    Remises exceptionnelles

    de 10 à 50%

    sur tous les livres

    Boussad OUADI
    EDITIONS INAS - DIFFUSION INASEN
    LIBRAIRIE DES BEAUX ARTS
    ALGER
    Tél. +213 556 776 221
  • L'argent des émigrés


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    Le directeur général de l’institut d’études méditerranéennes à Paris, M. Radi Medab a révélé que les transferts des immigrés algériens en France avoisinent les quatre millions d’euros annuellement, une somme qui dépasse les aides octroyées par l’union européenne aux pays du Maghreb arabe à savoir l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, auxquels la communauté transfère un montant de 10 milliards d’euros annuellement.

    M. Radi Medab  a assuré que les immigrants marocains viennent en première position avec un total de 5 milliards suivi des Algériens avec 4 milliards et les Tunisiens avec un milliard d’euros. Il explique en revanche que l’Algérie n’a pas investi dans ce transferts, assurant que le montant global transférés vers ces trois pays dépasse les aides financières octroyées par l’union européenne pour le développement.

    Dans ce contexte, le meme responsable souligne qu’il est de l’intérêt des banques algériennes d'ouvrir des filiales à l’étranger pour servir sa communauté dans les pays européens, et qui aiderait à établir des projets. Il souligne par ailleurs que les responsables de 14 banques euro méditerranéennes se sont réunis l’année dernière dans un consortium bancaire qui permettra d’introduire le secteur bancaire et les services financiers dans la région.

    SCE : CHOUROUK

  • Le pouvoir rassure : "L'Algérie a de l'argent !"

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    L'Algérie a terminé l'année 2008 avec de bonnes réserves financières et compte engranger de bonnes recettes en 2009;
    Voilà, en gros, le double message du pouvoir, à l'intention de l'opinion.
    Premier message : le pays disposait de 143,102 milliards de dollars de réserves à la fin décembre 2008, contre 110,18 milliards de dollars à la fin de l'année précédente et 77,781 milliards de dollars à fin 2006, a indiqué samedi la Banque d'Algérie à l'agence APS.

    Le taux de couverture des importations de biens et services par les réserves de change est de près de 36 mois, en raison de l'augmentation des importations des biens et services en 2008, selon la banque.

    Le 20 avril, le Centre national de l'Informatique et des Statistiques (CNIS) des Douanes avaient indiqué que les exportations algériennes avaient chuté en valeur de 42,07% au cours du premier trimestre 2009 par rapport à la même période 2008 pour s'établir à 10,74 milliards de dollars.

    Les importations avaient au contraire enregistré une hausse de 10,07% par rapport aux trois premiers mois de l'année précédente, pour atteindre 9,42 milliards de dollars.

    Cette baisse en valeur des exportations était due à la chute des cours du pétrole qui sont passés de 110 dollars le baril durant cette période 2008 à 52 dollars environ en moyenne durant le premier trimestre 2009, selon le CNIS.

    Les importations totales de l'Algérie en biens et services ont été de 48,37 milliards de dollars en 2008 (contre 33,28 milliards de dollars en 2007) dont 37,39 milliards de dollars pour les marchandises (contre 26,35 milliards de dollars en 2007), selon la Banque d'Algérie.

    (En avril, le CNIS des Douanes avait estimé les importations totales à 39,16 milliards de dollars, contre 27,63 milliards de dollars en 2007 (+41,71%)).

    Les hydrocarbures représentent plus de 97% des ressources en devises de l'Algérie.

    La Banque d'Algérie a précisé par ailleurs que les investissements directs étrangers nets engagés dans le pays se sont établis à 2,31 milliards de dollars en 2008, contre 1,37 milliard de dollars l'année précédente.

    Second message : les recettes d’exportations d’hydrocarbures de l’Algérie pourraient atteindre entre 45 et 50 milliards de dollars en 2009 selon le ministre Chakib Khelil.  Invité avant-hier de l’émission « Fi dairat edaoue » de l’ENTV, M. Chakib Khelil, a en effet, déclaré que « si les prix restent au même niveau qu’actuellement, nous aurons des revenus de l’ordre de 45 à 50 milliards de dollars », ce qui est, selon lui, dans la moyenne des « 48 milliards de dollars enregistrés entre 2000 et 2008 ». Au début de l’année, les prévisions n’étaient pas aussi encourageantes, puisque le ministre lui-même avait parlé de recettes d’à peine plus de 30 milliards de dollars à la fin de 2009, ce qui avait à un certain moment laissé planer le risque que certains projets pourraient être reportés.

    M. Khelil a indiqué qu’à la fin des quatre premiers mois de cette année, les recettes des hydrocarbures étaient entre « 13 et 14 milliards de dollars », ajoutant qu’il n’y a aucune raison pour qu’il y ait « une crise pour l’Algérie ». « Des revenus moyens nous ont permis de mettre en place une stratégie d’investissement et si les prix restent au même niveau, nous n’aurons pas de problème pour achever nos investissements », a-t-il assuré. Toutefois, le problème réside dans le fait que rien n’indique que les prix du pétrole resteront stables, a estimé le ministre. Selon lui, « il y a une sorte de reprise économique, c’est pour cette raison que les prix se stabilisent autour de 50 dollars le baril, mais personne ne sait quand la crise aura cessé ». Néanmoins, M. Khelil s’attend à ce que les cours du pétrole atteignent la barre des 60 dollars à la fin de cette année.

    Source : AFP/ Presses
  • Démocratie : L'Algérie à la 133è place sur 167

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    Moins d'un mois après les éléctions présidentielles contestées, un classement mondial vient rappeler que la démocratie est encore inexistante en Algérie. Preuve en est le rapport élaboré par The Economist Intelligence Unit sur l'index de la démocratie dans le monde dans lequel notre pays occupe la 133ème place sur un total de 167 pays. (Voir le rapport)

    Le rapport du The Economist Intelligence Unit a été élaboré sur la base de critères bien spécifiques tels que le pluralisme, le libre vote et le droit des citoyens à ester en justice des responsables du gouvernement ou des membres de la police.

    Le rapport a divisé les pays en quatre listes : les pays réellement démocratique dont le nombre est 30, les pays dont le système démocratique à des défauts (50), les pays dont le régime est qualifié d' «hybride» (36) et en dernier lieu les régimes autoritaires (51)

    30 nations vivent en démocratie parfaite, 50 en démocratie imparfaite, 36 en régime hybride et 51 en régime autoritaire.

    Les rédacteurs de ce document ont mis l'Algérie dans la catégorie dédiée aux «régimes autoritaires»

    Le rapport a salué les avancées enregistrées par certains pays. A titre d'exemple, le Népal est passé de la liste noire des régimes autoritaire
    en 2006 à celle des démocraties dites « hybrides». Idem pour le Pakistan ou la Sierra Leone.

    Ce classement de l'Algérie vient en effet confirmer les récents rapports élaborés par des organisations internationales, même le très diplomatique document, rendu publique la semaine dernière, de l'Union européenne a pointé du doigt les incuries en justice, liberté d'expression, lutte contre la corruption et le droit à la création des associations.

    C.N.

  • La République des prête-noms

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    QUATRIEME ET DERNIERE PARTIE : La République des prête-noms
    Durant l’été 2003, la presse [22] publie des dossiers accablants de spoliations par les plus hauts sphères de l’État. Le ministère des Affaire étrangères a été dépouillé de son patrimoine foncier, Abdelaziz Bouteflika se taillant un part de lion avec, parmi « quatre villas, plusieurs appartements et des immeubles appartenant à la Présidence », la villa Ali-Chérif de 9000 m2, boulevard Mohamed Bouagara. Achetée en 1991 à 20 DA (soit 0,20 €) le m2, sa valeur est aujourd’hui estimée à 5 millions d’euros. Autres bénéficiaires de ce dépeçage méthodique, Ahmed Ouyahia (a acheté au dinar symbolique une villa cédée par l’ambassade de Yougoslavie), Ahmed Attaf (une villa près de l’ambassade des USA qui a coûté 5 milliards de centimes à l’État), Ahmed-Taleb Ibrahimi et nombre d’autres « personnalités », les cessions se faisant souvent « sur interventions personnelles de Larbi Belkheir, sur simple coup de téléphone, et Mohamed Betchine. » Ces spoliations ont, comme chaque fois, une cascade d’incidences fâcheuses : en reprenant ces résidences des mains des missions diplomatiques étrangères, les ambassades d’Algérie dans les pays correspondants sont maintenant obligées de louer à prix d’or les locaux qu’elles occupaient jadis gracieusement. L’opposition assiste à cette razzia dans une quasi-indifférence. Ahmed Ouyahia, chef du RND, quant à lui « ne demande pas seulement la vente des terres, mais plus encore, il milite pour leur privatisation [23] »... Bouteflika le nomme derechef Premier ministre ! Razzia sur les ressources naturelles Sonatrach incarne la dernière présence algérienne dans le Sahara. Quelque contrôlée que soit cette société, son personnel algérien constitue un témoin gênant contre les spoliations à grande échelle qui s’y déroulent. Un témoin dont les dirigeants algériens n’ont eu de cesse de vouloir se débarrasser. En plaçant un malade en phase terminale de cancer comme PDG de Sonatrach, le ministre de l’Énergie et des mines Chakib Khelil garde la mainmise sur cette société, vouée selon lui à la privatisation, et préside à son démembrement. Tandis qu’il prépare les textes et travaille au corps l’APN pour faire adopter une loi sur les hydrocarbures, Nouredine Boukrouh, ministre de la Participation et de la coordination des réformes, assure la pédagogie du dossier : « Les Algériens, dit-il, interprètent mal la notion de privatisation et croient qu’elle est le contraire de la nationalisation. Il faut la démystifier et la désacraliser. Ce n’est qu’une modalité et non un idéal. Il faut également bannir les attitudes frileuses et éviter les prismes idéologiques. [...] La privatisation est la seule voie possible. L’État ne peut plus supporter les lourdes charges liées à l’assainissement des entreprises déficitaires [24] ». Cette société qui doit dégager des bénéfices colossaux serait donc simplement... déficitaire. Mais, à y regarder de près, on constate que le « déficit » de Sonatrach est inscrit dans le cahier des charges de ses dirigeants, qui s’évertuent à la ruiner, au bénéfice de sociétés privées, telle Brown Root&Condor (BRC, filiale du groupe Haliburton, anciennement dirigé par Dick Cheyney), qui croule sous les contrats tous plus douteux les uns que les autres, après avoir « fait faillite à travers plusieurs pays. Elle s’est installée [...] avec la bénédiction de Chakib Khelil, qui lui a offert le premier contrat, avec une participation de Sonatrach à 50 %, pour financer un projet de construction de logements Cnep qui n’a pas jusqu’à aujourd’hui vu le jour. » Parmi les innombrables arnaques où la Sonatrach est chargée en bout de course de régler la facture, celle de « deux tourelles construites par l’entrepreneur Chabani, ami de Belkheir, en difficulté de paiement, [qui] a offert de les vendre. »Desopérateurs,tellela CAAR à 250 milliards de centimes, ont refusé le prix fixé par Chabani ; elles seront finalement acquises le double par Sonatrach, transaction opérée avec Chakib Khelil, dans l’illégalité la plus absolue. « Achetées en l’état à 420 000 DA le m2, elles nécessiteront 320 000 DA le m2 pour leur finition (contrat confié à BRC, évidemment), pour un coût total de 740 000 DA le m2, soit plus de dix fois le prix réel. [25] » « BRC a pu intervenir sur le projet d’Aïn-Oussera puis à construire, pour le ministère de la Défense, deux hôpitaux militaires à Oran et à Constantine, ainsi que deux ensembles sportifs et des logements. » C’est aussi BRC qui réalise l’extension de la piste de l’aéroport de Tamanrasset pour permettre l’atterrissage de gros porteurs américains [26]. Spécialisée dans l’engineering, BRC est rapidement devenue en Algérie une société qui fait tout : pétrole, béton, transport aérien, services... Et si BRC peut saigner à ce point la Sonatrach, c’est qu’elle sait redistribuer ses prébendes : « BRC, c’est une poule aux œufs d’or autour de laquelle tourne beaucoup de monde : les amis de Chakib Khelil, bien sûr, le clan du président [Bouteflika], évidemment, mais aussi une société aérienne privée [Aigle Azur], des dirigeants de l’UGTA, d’honorables responsables militaires, des pontes du FLN, le fils de Zerhouni, des ministres. [...] Moumène Ould-Kaddour [patron de BRC] mène une vie de Pacha, [...] et passe ses soirées et ses week-ends au Sheraton [...], en famille avec Chakib Khelil et Réda Hemche », directeur de la cellule sponsoring de Sonatrach et consultant à la BRC. Les factures du Sheraton seraient effrayantes, « mais c’est Sonatrach qui paye [27] ». Le budget sponsoring de Sonatrach est colossal. S’il sert pour l’essentiel à payer les factures laissées par les ministres dans les hôtels de luxe parisiens, à seconder le groupe Khalifa pour arroser les médias français et le monde du show-business dans le cadre de l’Année de l’Algérie en France, etc., les journaux algériens ne sont pas délaissés. Et lorsque Sonatrach y achète à répétition des doubles pages [28] , c’est pour vanter les mérites... de la loi sur les hydrocarbures ! Les arguments de Chakib Khelil sont entendus : « préserver l’intérêt de la nation [29] », jurera-t-il : « Le seul objectif sera de créer de la richesse pour la collectivité nationale dont l’État est l’émanation, et il n’est question ni de privatisation, ni de restructuration, ni de démembrement de Sonatrach dans la nouvelle loi des hydrocarbures. Non seulement les acquis des travailleurs seront maintenus, mais nous travaillons toujours à améliorer leurs conditions de travail et à créer de nouveaux postes de travail. Je demande à tous les travailleurs, chacun à son poste, de redoubler d’effort et de m’aider à atteindre cet objectif pour le bien-être de tous les citoyens de notre cher pays. »
    En guise de bien-être, il y a, selon Inès Chahinez, celui de « Chakib Khelil et Réda Hemche par exemple, [occupés à] dilapider 10 milliards par mois en pots-de-vin politiques ; ou, plus grossier mais plus gracieux, comme Khalida Toumi qui distribue individuellement aux artistes des chèques de 500 000 dinars » pour en faire des VRP de Bouteflika. Les arguments faussement « nationalistes » de Chakib Khelil ne bernent personne, pas même Abdelmadjid Sidi-Saïd, le chef de l’UGTA, qui, devant l’énormité du sacrifice à bénir, se braque en déclarant que « la démarche entreprise par les autorités du pays, afin de confier la gestion du secteur des hydrocarbures aux multinationales étrangères, est dictée exclusivement de l’étranger ». Il décrit « la tentative de vendre les richesses pétrolières du pays comme un acte de haute trahison envers la nation » et affirme que « si nous sommes dans cette situation, c’est parce que nos gouvernants son vendus [30] ». Démagogie ? Lors de son passage à Alger, fin 2002, le Secrétaire d’État américain au Commerce, Marc Bodman s’est autorisé de dire : « Il faut que cette loi [sur les hydrocarbures] soit adoptée ». Face à la fronde, Chakib Khelil fait mine de renoncer au projet, pour mieux revenir à la charge en septembre 2004, une fois Bouteflika réélu, et constater « qu’il n’est pas normal, du point de vue économique, de continuer d’obliger le groupe Sonatrach à s’occuper de projets qu’il estime non rentables comme le transport par canalisations. [31] » On voit mal ce qui, « du point de vue économique », peut pousser des investisseurs privés à reprendre à la Sonatrach ces projets « non rentables », sinon pour ôter aux Algériens tout moyen de contrôle sur les volumes « transportés ». Bref, que cela passe par la cannibalisation du marché de l’importation, par le pillage des banques, par l’accaparement de la rente pétrolière, par la spoliation des domaines publics, par la dilapidation des biens et des entreprises publiques ou par quelque activité lucrative que ce soit, seule la loi du milieu compte et les bénéficiaires se recensent parmi un noyau dur aux effectifs réduits : Larbi Belkheir, Toufik Mediene, Smaïn Lamari, disposant d’un vivier inépuisable de prête-noms, secondés par des hommes dénués de scrupules, qu’ils aient pour nom Bouteflika, Khelil, Benachenhou, Ouyahia, Barkat, Temmar, Zerhouni, Tounsi, ou autre, pour concrétiser sous couvert des institutions les pires prédations...
    Tels sont les principaux « partenaires » algériens du « partenariat d’exception » que projette Jacques Chirac avec l’Algérie. Un partenariat avec la micro-colonie du Club des pins, un État malfaisant, qui livre son pays au dépeçage foncier, financier, social, économique, culturel... Car, les 30 millions d’Algériens ne sont évoqués dans les discussions bilatérales que pour trouver les moyens de les empêcher de grossir les rangs des « clandestins » en France, et pour ceux qui y sont déjà, de les renvoyer en Algérie sans créer de vagues. Pour ceux-là, le partenariat d’exception s’apparente à celui du racketteur avec des rackettés : ou ils se taisent et meurent en silence, ou ce sera encore pire pour eux [32], les recours auprès de qui ils peuvent se tourner étant eux-mêmes receleurs du racket, une bonne part de la manne détournée alimentant les alliés étrangers de ce dépeçage méthodique, des personnalités politiques, médiatiques, diplomatiques, du monde financier, policier, d’institutions internationales, etc. Nous l’avons vu, si la caution judiciaire est souhaitable pour cette rapine, elle n’est pas une nécessité absolue : un simple barbelé et des gendarmes suffisent à tenir en respect les paysans spoliés sur le littoral algérois. Le Sahara présente quant à lui un double inconvénient. Le rapt des ressources naturelles exige un cadre législatif explicite et cette vaste étendue est difficile à contrôler. Le ministre des Finances Abdelatif Benachenhou et celui de l’Énergie et des mines Chakib Khelil s’emploient à faire adopter (au nom des Algériens) les lois qui font perdre aux Algériens la souveraineté sur le Sahara. Quant à la sécurisation de ce territoire, qui de mieux alors pour y veiller que le gendarme du monde par excellence : les États-Unis d’Amérique ?

    MOUH

    FIN

  • ALGERIE DES PARRAINS

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    PREMIERE PARTIE : Larbi Belkheir, Toufik Mediene, Smaïn Lamari etla micro-colonie du Club des pins
    En avril 2004, aussitôt Abdelaziz Bouteflika « réélu » président, Jacques Chirac se rend à Alger pour l’en féliciter et l’inviter à engager entre leurs deux pays un « partenariat d’exception » [1]]. Ambition louable s’il s’agissait d’établir entre la France et l’Algérie des rapports de coopération économique, culturelle, touristique ou scientifique sains et bénéfiques pour les deux peuples. Or, il y a supercherie sur l’identité du partenaire, la micro-colonie du Club des pins qui domine et assujettit le pays et qui mène une guerre sans merci au peuple algérien, lequel ne sert que d’alibi à la manœuvre. Le score de 84 % par lequel les Algériens sont censés avoir désigné Abdelaziz Bouteflika donne la mesure du mépris que le régime leur voue, eux qui le reçoivent partout où il se rend avec des pluies de pierres et des volées d’injures. Aux yeux de l’opinion mondiale, le pouvoir entretient la fiction d’un renouveau. Or, Mohamed-Chérif Messaâdia, était le chef de file de la vieille garde « barbéfélène » jusqu’en 1988 où il fut sacrifié à l’autel de la « démocratisation » [2]. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, est le promoteur en 1984 du toujours en vigueur Code de la famille qui fait de la femme une chose. Le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, contribua dès 1962 à asseoir le pouvoir absolu de la Sécurité militaire, aux côtés d’Ali Tounsi, actuel chef de la Sécurité intérieure, connu pour avoir été durant la guerre d’indépendance membre du « commando Georges » de sinistre mémoire. Voilà quelques exemples de ces partenaires d’exception de la France, censés incarner la rupture avec le passé, sous la houlette d’Abdelaziz Bouteflika, fossoyeur en 1962 des rêves d’indépendance des Algériens et membre de l’équipe qui poussa - avec force assassinats - à l’exode un million d’Européens et des dizaines de milliers de Harkis. Déchu en 1979, condamné pour vol, il doit son retour en grâce en 1999 au fait qu’il présente aux yeux des vrais détenteurs du pouvoir, Larbi Belkheir, Toufik Mediene, Smaïn Lamari, le profil idéal pour masquer à l’opinion internationale la réalité cruelle d’une dictature féroce, un État terroriste, un sol vandalisé, un pays en voie de démantèlement. Une économie sinistrée L’analyse que fait le banquier américain William Byrd [3] de l’économie algérienne susciterait l’épouvante chez n’importe quel diplomate honnête désirant traiter avec l’Algérie. Pour un niveau d’investissement flatteur de 32 % du PIB de 1971 à 2000, les « investissements étrangers sont concentrés dans le seul secteur des hydrocarbures, dans un territoire loin des populations algériennes qui n’en profitent ni en matière d’emploi ni en autres retombées. » Le chômage est estimé à 30 % en 2001, le pire de l’ensemble des pays de la Méditerranée (hormis peut-être la Bosnie-Herzégovine), la réalité étant bien pire que ce que suggèrent ces données officielles fournies par l’OIT et le FMI. L’Algérie ne fonctionne que grâce à l’exportation des hydrocarbures (98 % du montant global) ; « 14 000 sociétés privées assurent l’équivalent de 90 % du volume global des importations du pays et dont la facture oscille entre 13 et 14 milliards de dollars par an » [4] ; tel est le résumé de l’accaparement d’un pays par une minorité parasite.
    Selon le banquier, « la rente issue du secteur des hydrocarbures a permis la constitution d’une vaste organisation clientéliste informelle opérant sous le couvert des institutions officielles » dont la « fonction fondamentale est de protéger les transactions d’une caste d’opérateurs économiques [...]. Dans cette organisation, les actes de régulation sont trop souvent le fait d’un clan du régime cherchant à entraver l’action d’un concurrent. » Des pseudo-« contrôles sanitaires » ne ciblant que « des importateurs non impliqués dans le système de pouvoir parallèle », des « capacités publiques [...] largement utilisées pour maintenir des positions dominantes sur un certain nombre de secteurs d’importation », des « impôts sélectifs [évalués] en fonction des relations dans le sérail militaro-sécuritaire et les agents du fisc [qui servent] de vecteurs de destruction des concurrents », des magistrats « relais des clans quand il s’agit d’éliminer juridiquement, voire d’emprisonner, des gestionnaires gênants pour les affaires de ces groupes d’intérêts », voilà quelques exemples de ce qui caractérise l’État algérien, une administration malfaisante, traître à son pays. Cette description d’un État à mettre au ban des nations rend pourtant à peine compte de la réalité d’un pays ravagé, une dépouille sur laquelle s’acharnent, telle une meute de vautours, les multinationales et les mafias politico-militaro-médiatico-affairistes. Nous allons examiner quelques aspects de cette folle mise à sac, dans des secteurs où les 30 millions d’Algériens, responsables présumés de tous les maux, ne peuvent servir d’alibi. Banques à tiroir ouverts Tout le monde a en mémoire le méga-scandale Khalifa, qui n’a jusqu’ici fait de victimes que parmi les clients civils de la banque et le Trésor public, devenu propriété privée des réseaux dont Larbi Belkheir, « conseiller à la présidence », est la figure tutélaire [5]. Parrain des institutions du pays, et jouissant de soutiens inconditionnels en France, Larbi Belkheir est à l’abri de toute poursuite ; quant à Moumène Khalifa, le prodigue « golden »-président du groupe, d’innombrables mandats d’arrêts internationaux ne l’empêchent pas de couler des jours tranquilles à Londres. L’épilogue de cette affaire n’est pas prêt d’être rendu, malgré des mises en examen spectaculaires : « L’ex-ministre des Finances Mohamed Terbèche, [...] Abdelmadjid Tebboune et Abdelmadjid Attar, respectivement ex-ministres de l’Habitat et des Ressources en eau, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelwahab Keramane, [...] l’actuel gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Mohamed Laksaci, et le premier vice-gouverneur, Ali Touati [...], en leur qualité, pour le premier, de gouverneur de la BA durant la période 2003 et, pour le second, en tant qu’ancien responsable du contrôle des changes. [6] » « Les responsables de ces organismes ont affirmé lors de l’instruction avoir pris la décision de retirer une grande partie de leur trésorerie des banques publiques pour les mettre dans les caisses d’El-Khalifa Bank à la suite d’“une instruction verbale” du ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune [...]. “En contrepartie des dépôts, les responsables d’El-Khalifa Bank versaient des dessous de table aux dirigeants.” » Ces fonds ont permis notamment à Khalifa TV d’arroser généreusement le PAF (paysage audio-visuel français) et d’acquérir la villa « la plus chère » de Cannes pour abriter des soirées pharaoniques où était convié le gratin du show-business français [7]. « La plus grande escroquerie que le pays a connue et qui a causé au Trésor public la perte sèche de près de 7 milliards de dollars » égrène l’inventaire des délits financiers imaginables : « transferts illégaux d’importantes sommes en devises [...] au profit d’au moins une cinquantaine de personnalités politiques, sportives et culturelles, [...] sommes énormes en devise offertes à travers les cartes Gold à des hautes personnalités de l’État, [dont] des patrons d’importantes institutions publiques ainsi que le frère du président de la République et ancien avocat du groupe Khalifa », salarié à raison d’« un demi-million de dinars par mois ». Les transferts illicites d’El-Khalifa permettent aussi aux frères Bouteflika d’acheter « l’appartement du 182 faubourg Saint-Honoré (Paris 8) » et au président de se distraire, puisqu’il « a embrassé Adel Imam en juillet [2003] grâce aux dollars tirés illégalement d’El-Khalifa à la demande de Khalida [Messaoudi] Toumi ». Le président serait intervenu pour que la chanteuse Amel Wahby touche de Khalifa « un chèque en devises de 500 000 euros et un autre en monnaie nationale de 6 millions de dinars », etc. Selon le ministre de la Justice, « de hauts responsables ont été auditionnés dans cette affaire et un seul inculpé a été retenu, à savoir M. Keramane, l’ancien gouverneur de la BA. » El-Watan, 12 septembre 2004, Le Jeune Indépendant, [8] Larbi Belkheir & Co. peuvent donc dormir tranquilles.

    MOUH

    A SUIVRE

  • Maghreb, terre de censure et de la prison ? Débat avec Benbrick, Lmrabet, Benchicou...

    image

    Depuis quelques mois, on constate une augmentation de la pression exercée sur les médias du Maghreb. Il est reproché tout débordement, ou critique potentielle du pouvoir. Et pour les contrevenants, cela peut aboutir à l'emprisonnement.

    Taoufik Benbrick, journaliste et écrivain tunisien engagé, vient de connaître cela, ayant été détenu pendant 6 mois pour avoir osé s'exprimer. 
    Ali Lmrabet, journaliste marocain, ancien Directeur de l’hebdomadaire Demain, a été incarcéré en 2004 pour "offense au roi". Il est interdit d’exercer sa profession pendant dix ans en 2005 ;
    Mohamed Benchicou, journaliste algérien, ancien directeur du Matin (liquidé), a purgé deux années de prison suite à la publication d’un livre sur le Président Bouteflika.
    Tous les trois seront lundi 17 mai à Montpellier dans une journée d’action et de réflexion autour du problème de la Liberté de la Presse au Maghreb, organisée par l’Association Coup de Soleil, le Club de la Presse de Montpellier, les Amis du Monde diplomatique.
    Ils seront aux côtés de  Mme Siham Bensedrine, journaliste tunisienne et militante des Droits de l’Homme en Tunisie, Directrice de Radio Kalima (radio libre) et de Yahia Bounouar ancien journaliste algérien du Matin, Directeur de Radio Kalima Algérie (radio libre).
    Ils expliqueront comment,  confrontés aux mêmes tracasseries administratives et aux mêmes persécutions judiciaires, les journalistes du Maghreb ont choisi de faire bouger les lignes en s’attaquant à tous les tabous qui étouffent et obstruent l’avenir des sociétés de la rive sud de la Méditerranée.
    Malmenés par les assignations et les emprisonnements, soumis en permanence à la menace de la disparition de leurs journaux et parfois interdits d’exercer leur profession, les journalistes du Maghreb ont plus que jamais besoin du soutien et de la solidarité des opinions publiques internationales.
    En dénonçant les archaïsmes et les ambiguïtés des trois pouvoirs, en s’attaquant de front aux dérives immorales de la corruption institutionnalisée, en plaçant les droits de l’homme au cœur des débats politiques, les journalistes du Maghreb entendent exercer une pression inédite sur la gouvernance de leurs trois pays en offrant à leurs sociétés les espaces de liberté dont elles ont besoin.
    Une rencontre unique et exceptionnelle, au service de la liberté d'informer.

    L.M.

    Conférence de presse à 11 heures au Club. Entrée libre.
    Débat à 19 heures  au

  • A qui ont profité les massacres en Algérie ?

    A qui ont profité les massacres en Algérie ?

  • Operation Boudiaf


    Mohamed Boudiaf



    Après le coup d'état, les généraux putschistes voulaient trouver un moyen pour calmer les populations en colère contre l'arrêt du processus électoral d'une part, et éloigner l'armee de la façade du commandement de l'état d'autre part. Ils avaient tout intérêt a agir derrière un gouvernement pseudo-civil ,pour ne pas s'attirer les foudres des états occidentaux, qui bien soulages de ne pas voir le FIS au pouvoir, ne pouvaient cautionner directement une dictature militaire.

    Les généraux: Khaled Nezar, Abdelmalek Guenaizia, Mohamed Lamari, Mohamed Mediene, Mohamed Touati devaient trouver le plus vite possible un chef d'état sur mesure, un homme qui remplirait des conditions bien précises.
    Comme base de départ, un critère était déjà règle: "l'heureux" élu devait être un ancien moudjahid bien entendu avec un passe révolutionnaire irréprochable, une victime du régime de Chadli et même de Boumedienne si possible, et il devait être aussi loin de tout clivage politique. Les critères ainsi définis, peu de candidats pouvaient satisfaire le cahier de charge de chef d'état.C'est presque par hasard que le général Nezar évoqua le nom de Mohamed Boudiaf: un homme qui répondait a tous les critères et qui pesait lourd dans la balance. Mais un problème de taille se posait: Mr Boudiaf, voudrait-il de ce poste empoisonne alors qu'il avait abandonne la politique depuis bien longtemps et s'etait consacre principalement a ses affaires et a sa famille? C'est alors que les généraux déciderent de lui envoyer un de ses amis les plus proches pour lui faire la proposition et c'est Ali Haroun qui fut charge de cette délicate mission. Tout le monde( les generaux en question) au SG du MDN (secretariat general du ministere de la defense nationale) retint alors son souffle. Des plus aux moins tentes, tous espèrerent une réponse positive de la part de Boudiaf.

    Au Maroc les deux amis se rencontrerent chez Si Mohamed, et Ali Haroun révéla le but de sa visite avec beaucoup d'emotion. Boudiaf ému mais non surpris,  promit d'y réfléchir et de donner une réponse au plus vite. Apres la consultation de sa famille et d'un ancien ami médecin marocain, il finit par accepter, non pour la splendeur du poste mais parceque l'heure etait grave et la situation du pays presentee par Ali Haroun etait des plus catastrophique. Boudiaf  fit ses premiers contacts a partir du Maroc avec d'anciens membres du PRS, et  informa le roi Hassan II qui prit cette nouvelle comme un don du ciel, car la crise du sahara occidentale allait peut-etre ainsi  trouver une solution.

    Les putchistes d'Alger furent informés de la nouvelle par Ali Haroun,et crurent voir une solution a la crise constitutionnelle qui menacait meme leur devenir. La nouvelle fut rendue publique et les préparatifs commencerent pour accueillir l'enfant sauveur du pays. Il va sans dire que Paris fut informee de ce choix la nuit même ou il avait été décide de joindre Boudiaf, qui était bien connu des Français, car ancien adjudant de l'arme française, médaille militaire et croix de guerre. Que pouvait-on faire de mieux pour satisfaire les amis d'outre mer? La boucle était ainsi bouclée et la légalisation du nouveau commandement politique du pays était ainsi réussie. Nezar avait contribue personnellement a l'acceptation de Boudiaf a la tète de l'institution militaire, mais certains officiers supérieurs qui desavouaient ce choix avaient pris cette nouvelle donnée comme une insulte. Ils n'avaient pas oublie que cette figure de la révolution s'était rangée aux cotes du roi Hassan II lors de la marche verte, qui avait entraine une guerre fratricide ou des centaines de militaires Algeriens avaient trouve la mort, sans parler des disparus et des prisonniers.

    A 73 ans Boudiaf était loin de se douter qu'il allait enfin rentrer en Algérie avec le titre du plus haut magistrat, a qui on déroulerait le tapis rouge. Le fait qu'il soit reste longtemps éloigne de l'Algérie constituait pour lui un handicap majeur mais pour les vautours du MDN un avantage certain. Néanmoins une fois au palais de la présidence, Boudiaf se fit relativement vite a sa nouvelle vie, et commenca a découvrir les secrets d'un état en plein délabrement et sur tous les plans. Mais le pire de tout, c'est qu'il se trouva au seuil d'une guerre civile masquée par de faux rapports de sécurité (Il légalisa toutes les mesures securitaires décidées contre les sympathisants du FIS qui risquaient de mettre le devenir de l'Algerie dans le doute le plus absolu selon ces memes rapports). Il était complètement guide par les decideurs du MDN dont il approuvait toutes les décisions sans commentaires, du moins au début.

    Peu a peu Boudiaf commenca a prendre certaines libertés et a essayer de s'entourer de ses proches et placer ses amis fidèles a tous les niveaux. Le plus gros morceau restait tout de même l'armee dans laquelle il ne trouva que peu d'écho. Boudiaf se vit annuler plusieurs décrets ou nominations qu'il fit en faveur de certains officiers qu'il voulait autour de lui, et les prises de bec avec les hauts fonctionnaires du MDN furent fréquentes, car le MDN donnait très souvent des contre-ordres; et la marge de manoeuvre du président devenait de plus en plus étroite. Sous écoute permanente et surveille de très près: les contacts de Boudiaf etaient aussitôt identifies et neutralises "si nécessaire" par les tirailleurs du général Toufik.
    Ce n'est que tardivement que Boudiaf comprit que seule une assise populaire, légale et solide pouvait lui donner suffisamment de force mais surtout le pouvoir legal d'entreprendre tous les changements qu'il voyait nécessaires a la sortie de l'Algérie de sa crise. Mais bien entendu, ces changements n'étaient pas au goût des forces ténébreuses au sein du pouvoir. Ces mêmes forces qui  écrivirent les différents scénarios de la politique Algérienne au travers du temps,  avaient d'autres projets.
    Boudiaf fut mis en garde par de rares fidèles au pouvoir et son chef de cabinet était harcelé par les appels téléphoniques d'une part et par les envoyés du MDN d'autres part, qui venaient lui demander de calmer Si Mohamed, car celui-ci prenait trop souvent, des decisions sans revenir prealablement aux dirigents du MDN.

    Fort d'un caractère têtu, Boudiaf  surprit tout le monde en décidant de rejuger le général Belloucif ; il venait ainsi de lancer au barons d'Alger un défit des plus audacieux et ce apres des consultations secrètes avec Kasdi Merbah. Il faut dire a ce titre que les deux hommes se connaissaient bien et etaient du meme bord politique, et c'est la raison pour laquelle Kasdi Merbah  promit son soutien a cet homme qu'il respectait autant qu'il respectait Si Abdelhafid Boussouf. L'appui de Kasdi Merbah etait de taille, surtout qu'il etait (sans nul doute) l'un des rares hommes les mieux informes de la realite Algerienne; il connaissait a ce titre, les vrais ennemis au pouvoir, et pour les combattre il avait besoin d'un president comme Boudiaf pour le soutenir. Merbah fut loin dans ses contacts, meme aupres de Toufik, (cet ancien sous-lieutenant qui travaillait a la Securite de l'armee (SA) quand Merbah etait chef de la SM); il avait reussi a lui arracher une promesse d'aide (une impartialite des services face aux changements que le president voulait entreprendre) pour sortir le pays de la crise. Jouer double jeu pour Toufik etait une nécessite: son poste a l'époque était très prise par des jaloux redoutablement dangereux, et s'assurer des faits et gestes de Boudiaf lui donnait une longueur d'avance.

    Au moment ou l'affaire Belloucif était sur le point d'être rejugee, le général Toufik lanca en pâture a la presse nationale l'affaire Hadj Betou (déjà connu par les services de sécurité pour ses trafics avec les pays du sud depuis bien longtemps) pour faire diversion, mais Hadj Betou n'était en fait qu'un maillon d'une chaîne qui remontait jusqu'au general Larbi Belkheir .
    La réouverture de l'affaire Belloucif avec ses différentes extensions allait amener a la barre: Chadli Bendjedid, Larbi Belkheir et bien d'autres âmes de l'ombre qui étaient encore plus coupables que Belloucif. Si juger Belloucif pour un détournement dont le montant était banal en apparence (par rapport au détournements des autres), cela allait entraîner aussi le jugement de Chadli et surtout de Larbi Belkheir pour haute trahison vu la vraie nature des faits lies a cette affaire. En realite tout avait commence par un projet de couverture radar de tout le territoire Algérien présente par Larbi Belkheir pour le compte du gouvernement Français. Le projet avait été refuse par Mustapha Belloucif alors secrétaire général du MDN et aussi par bon nombre d'officiers superieurs, a cause de son coût prohibitif (le montant total de l'époque dépassait les 4 milliards de francs nouveaux), ce contrat était surtout lourd de conséquences pour le développement du pays et allait aussi mettre tout le système de défense aérienne sous tutelle Française, c'etait la raison pour laquelle Beloucif avait refuse de l'adopter malgré les grandes pressions exercees par Larbi Belkheir et Chadli pour la signature de ce projet (Comble du destin, le general corps d'armee Mohamed Lamari  signa un contrat similaire en 1995, avec le gouvernement Francais biensur, sauf que cette fois-ci la facture etait plus lourde).

    Suite a son refus, Belloucif fut officiellement limoge par Chadli pour corruption et mauvaise gestion. Les preuves de son inculpation furent offert a Larbi Belkheir par ses amis Francais (détails du compte bancaire parisien de Belloucif, des vidéos comprometantes le montrant avec des agents féminins des services Français d'origine libanaise et autres détails sur le fonctionnement d'une fameuse clinique a Neuilly de laquelle il tirait de grands bénéfices). Face a cette politique de la compromission et du deshonneur Belloucif ne pouvait rien faire pour se defendre et devait encaisser sans pouvoir riposter. En realite Belloucif a ete descendu par les services Français. Paris ne voulait surtout pas de ce procès qui allait mettre a nue les relations qu'entretenait Larbi Belkheir avec les autorites Francaises pendant son exercice de la fonction de chef de cabinet du president Chadli (Jacques Attali: intime du président Français de l'époque François Mitterand etait le contact direct de Belkheir et son guide en matiere de politique Francaise en Algerie) et Boudiaf dans sa grande naïveté n'était pas au courant des tenants et aboutissants de cette affaire qu'il tenait tellement a déterrer et a rendre publique dans ses moindres détails.

    Des fautes, Boudiaf en avait commis, mais bien des fois, il n'avait guerre le choix. "L'Algérie avant tout" était son principe et son symbole, mais ce n'était certainement pas celui des décideurs en Algérie. La rue Algérienne demandait des comptes et réclamait encore justice pour les victimes d'octobre 88; Boudiaf le savait et c'est cette justice qui était finalement le luxe le plus difficile a obtenir. Mais Boudiaf ne désarmait pas; il chargea des proches qui partageaient ses idées d'une mission "impossible": metttre un plan pour nettoyer le pouvoir de toutes les personnes corrompus et juger les coupables publiquement, et ce fut encore une fois grace a l'aide de Kasdi Merbah qui avait presente a Boudiaf un dossier faramineux de plus de trois cents pages sur les activites de certains elements au pouvoir que cela allait pouvoir se realiser. Merbah avait meme recommande certains officiers du service pour entreprendre cette grande operation de nettoyage. Boudiaf avait pu ainsi choisir comme chef de mission un officier supérieur des services de la DRS, (un proche de Merbah, ami personnel du général Saidi Fodil et un révolutionnaire de la premiere heure), cette personne etait en l'occurrence le colonel Mourad, célèbre dans le milieu de la DRS pour le traitement des affaires les plus sensibles du service.

    Le colonel Mourad présenta au président un rapport préliminaire donnant un aperçu de l'étendu des dégâts de la corruption et de l'influence de la mafia "politico-financiere" en Algérie et un complement d'informations au dossier de Merbah en plus d'un plan d'action detaille auquel devait s'ajouter les preuves detenues par Merbah (amassees au cours de ses dix huit annees de service). Boudiaf avait ainsi des noms et savait pertinemment que le salut de l'Algérie ne pouvait venir qu'en montrant du doigt les vrais responsables du mal Algérien afin de rétablir cette confiance  perdue entre le peuple et ses gouverneurs. Mais cela se devait d'être fait dans les règles, c'est a dire par les moyens que lui offrait la loi et la constitution, il ne voulait surtout pas recourir aux méthodes basses.
    Sachant que les personnes mises en cause possédaient des comptes bien garnis a l'etranger surtout en Suisse et en France particulièrement ou l'argent partait dans des circuits de blanchiment et se transformait en biens immobiliers essentiellement. Le montant approximatif de cet argent était faramineux (environ 65 milliards de dollars s'etaient évapores en 12 ans, avec les prèts bancaires ajoutes).

    Le colonel Mourad fut charge par Boudiaf de faire des investigations sur ces detournements et voir la possibilité de récupérer au moins une partie de cette argent. Le président Boudiaf ne s'etait pas empêche de contacter directement le premier ministre Français de l'époque "Monsieur Pierre BÉRÉGOVOY", et de lui demander personnellement son appui pour mettre la lumière sur les agissements de certains responsables Algériens en France. Il obtint des assurances de monsieur Pierre BÉRÉGOVOY renomme pour son sens de l'honneur dans le milieu politique Français.
    Quelques jours plus tard, apres que Khaled Nezar eu accepte difficilement de signer leurs ordres de mission, le colonel Mourad et trois de ses collaborateurs se rendirent a Paris. Ils furent reçus par leurs homologues a Matignon, et le but du voyage était d'avoir des détails sur les comptes bancaires de certains hauts fonctionnaires Algériens comme: Larbi Belkheir, Nourdine Benkourtbi, Mohamed Atailia, Cherif Ouadani, Khaled Nezar, Moustapha Belloucif et bien d'autres. Il va sans dire que des deux cotes de la Méditerranée des hommes bien places avaient tire toutes les sonnettes d'alarme.

    A Alger, Larbi Belkheir et d'autres mis en cause par les démarches de Boudiaf deciderent d'opter pour la solution radicale lorsqu'ils apprirent le declenchement de cette operation de purification.
    Le voyage du colonel Mourad et de ses collaborateurs était biensur un échec, le refus de la justice française d'accorder une levée sur la confidentialité des comptes bancaires des mis en causes était sans appel. Une semaine apres le retour du colonel Mourad a Alger, il fut retrouve mort a Bachdjarah avec trois balles dans le cou. C'etait biensur les terroristes qui l'avait abattu, (version officielle); des trois autres militaires qui l'avaient accompagne a Paris (deux capitaines et un lieutenant) aucun ne survecut: ils furent tous abattus par des terroristes dans la quinzaine qui suivit. Il eurent quand même droit aux honneurs militaires.
    Boudiaf était hors de lui lorsqu'il apprit la mort du colonel Mourad, il  finit par comprendre a qui il avait affaire; ce qui le décida a laisser tomber ce poste maudit et a rentrer chez lui au Maroc sans dire a personne. Ce fut la premiere fois qu'un president Algerien abandonne son poste au milieu de la nuit.

    Quelques semaines avant le meurtre du président, le secrétariat du ministre de la défense nationale etait en ébullition, et les contacts entre les différents chefs s'etaient intensifies. Nezar et Toufik ne se quittaient plus et la signature par Nezar de l'ordre de mission du colonel Mourad en partance pour Paris avait tout accélére. Boudiaf avait donne trop de coups dans la fourmilière de la mafia Algérienne et beaucoup de tètes allaient tomber si les mesures qu'il avait pris seraient mises en exécution.
    Au début du mois de juin 92, lors d'une réunion nocturne des généraux Khaled Nezar, Toufik et Larbi Belkheir a sidi Fredj (centre familial militaire), l'option de la liquidation physique du president se posa comme la seule solution au problème Boudiaf, surtout que ce dernier venait juste de revenir du Maroc apres l'abandon de son poste de président qu'il ne réintègra qu'après le voyage de plusieurs responsables (dont le général M.Touati)  pour le persuader de continuer a servir son pays.

    Une semaine avant le meurtre du president Boudiaf, tous les dossiers qu'il avait constitue furent derobes durant la nuit, de son bureau a la presidence. Il savait a ce moment que les gens qu'il tentait d'ecarter allaient tout faire pour echapper encore une fois a la justice. Le jour meme ou Boudiaf etait a Annaba pour sa visite "finale", Larbi Belkheir accompagne de son jeune frere Abdelkader força l'entree pour se rendre au bureau du president, emportant a la sortie avec lui une autre quantite de documents.

    L'heure etait grave et le temps pressait; il fallait tout faire pour arrêter Boudiaf qui tentait de prendre de court  le camp adverse. C'est avec la collaboration du general Smain Lamari (colonel a l'epoque): sous directeur de la DRS et chef de la sécurité intérieure que Toufik mit les premières ébauches de la liquidation du président. Le scénario islamiste ne fut pas retenu pour des raisons de confidentialité; en effet l'utilisation d'agents islamistes n'aurait pas pu garantir une discrétion absolue de l'opération et le résultat aurait ete d'autant moins incertain face a l'efficacite des éléments du SSP (service de la securite presidentielle) et du GIS (groupe d'intervention speciale). La seule manière qui pouvait donner un résultat fiable c'etait celle d'une opération montee de l'intérieur: un tireur isole qui agirait de son propre chef (pour une raison ou une autre), ils  pourraient dire a la limite que l'assassin etait un déséquilibré mental et  ainsi classer l'affaire  avec un minimum de risque pris et un maximum de chance de succès.

    Ce fut le scénario de Smain Lamari qui prit forme peu a peu apres la bénédiction de Toufik, Nezar et Belkheir. L'escadron de la mort sous tutelle de Smain (cellule fantôme crée par Belkheir et Toufik, dirigee par Smain et composee d'elements du service operationnel tries sur le volet) eut la tache facile pour liquider tous les témoins et les éléments gênants du réseau Boudiaf. Même si la liste etait longue Smain prit un malin plaisir a liquider ses adversaires et les gens qui en savaient long, sans qu'aucun ne soit epargne.

    Le plan détaillé de l'assassinat de Boudiaf ne fut connu qu'après son exécution et ce par les quelques membres des services de sécurité, qui avaient côtoye Boumaarafi durant les premiers jours qui suivirent le drame. Et Boumarafi etait pendant ce temps, inquiet et surtout soucieux de transmettre son horrible secret a qui de droit.
    Le choix par Smain Lamari du sous-lieutenant Boumaarafi n'etait pas par hasard, il avait déjà remarque la froideur de cet élément et sa discrétion lors de précédentes opérations. Le colonel Smain, a l'époque: chef de l'opérationnel etait a ce titre  apte a juger qui etait le plus capable. Ce fut a Antar (Le centre opérationnel fétiche de Smain) que le colonel Smain donna a Boumarrafi les premières directives de l'opération sans citer la cible, l'incitant a rejoindre l'escadron de la mort pour purifier la patrie des traîtres qui voulaient détruire et vendre tout le pays. Il y va sans dire que les promesses de promotion et de soin  eurent un écho chez Boumaarafi. Avoir quelqu'un qui protège son dos est très important dans l'armee si on veut aller loin dans la hiérarchie, c'etait ce dont Boumaarafi avait besoin. Apres une série de rencontres, Boumaarafi était enfin prêt pour le jour "J". Il avoua apres son acte qu'après avoir pris connaissance de l'identité de l'homme qu'il devait abattre il ne pouvait plus sortir vivant du bureau de Smain s'il refusait la mission.

    La veille de l'opération un problème de dernière minute allait presque tout gâcher; le commandant Hamou (chef du GIS) n'avait pas designe le sous-lieutenant Boumaarafi pour la mission de Annaba. Le commandant du GIS ne supportait pas le sous-lieutenant Boumarafi qu'il tenait en partie responsable de la mort de son ami et ex-commandant du GIS en l'occurrence le commandant Abderrahmane (Lors d'une opération anti-terroriste au Telemley: le commandant Abdelrahmane et le sous-lieutenant Tarek, tout deux du GIS avaient ete tue sur place alors qu'ils essayaient de pénétrer une habitation. Boumarafi était sensé les couvrir, mais ils furent surpris par une pluie de rafale de klachinkove et même les gilets pare-balles qu'ils portaient ne leurs furent  d'aucun secours).
    Le colonel Smain mis au courant des partants pour Annaba appella Hamou pour lui ordonner d'émettre un ordre de mission individuel a Boumaarafi pour qu'il puisse faire partie de la mission. Hamou émit des réserves quant a l'efficacité de cet élément mais il finit par céder devant la persistance de son chef.

    L'équipe du GIS qui devait assister le SSP s'etait rendu sur les lieux par route un jour avant la visite du président pour affiner les mesures de sécurité. Le jour d'arrivée du président a Annaba, les éléments du GIS étaient en complète intégration avec ceux du SSP, c'est a dire qu'ils n'avaient aucune restriction de périmètre de sécurité. La raison etait très simple d'un point de vue professionnel: les éléments des deux corps étaient très entraînes et ceux du GIS particulierement, ils se connaissaient très bien et changeaient de mutation entre les deux corps au gré des chefs. Donc la finale de tout cela cetait qu'aucun element des deux corps n'aurait pu douter de l'intégrité d'un autre élément dans l'équipe de protection .

    Lorsque le président arriva a la maison des jeunes qu'il devait inaugurer, certains des éléments du GIS étaient derrière le rideau de la salle et une partie en dehors: couvrant la sécurité extérieure de l'arrière de la salle qui donnait sur une cite non loin de la maison des jeunes. Boumaraafi etait vêtu de la tenue d'intervention nouvellement reçue par les éléments du GIS (une tenue impressionnante de couleur bleue marine; des témoins confondront plus tard Boumaarafi au éléments d'intervention de la police a cause de cette tenue); avant l'arrivee du président, il se dressait dans l'arrière cour mais rentrait et resortait de la salle ou il faisait plus agréable en cette matinée de la fin du mois de juin.

    Tout se passait comme prévu et le président donnait un discours important visant a sensibiliser la population de l'est Algérien et a promouvoir son mouvement dont le symbole était "l'Algérie avant tout", toute la scene était biensur télédiffusee en direct sur tout le territoire. Derrière le rideau, les éléments de la protection rapprochée du président et des éléments du GIS discutaient a voix basse tandis que le chef du SSP: le commandant Hadjres etait entrain de discuter, tout en prenant une cigarette, avec le Commandant Hamou, le capitaine Zaidi sous-directeur du SSP, le capitaine Sadek responsable de la formation au SSP et le lieutenant Torki chef de mission de l'équipe du GIS. A l'entree de la porte arrière se tenait le lieutenant Yacine adjoint chef de mission du GIS et dans l'arrière cour devait se trouver le sous-lieutenant Boumaarafi assurant la sécurité.



     

    Mohamed Boudiaf 2



    A un moment ou toute l'attention du publique etait portée sur le discours du vieux révolutionnaire, une première  petite explosion  retentit dans la salle, precede d'un bruit de roulement. Boumaarafi venait de dégoupiller sa grenade et de la faire rouler sous le rideau; il surgit au meme moment  tirant une première rafale qui fit diversion dans le milieu du système de protection. .Les éléments du SSP et du GIS avaient cru a une attaque extérieure en voyant Boumaarafi tirer, mais celui-ci pointa son pistole mitrailleur (Berretta de calibre 9mm, parabellum: une arme très redoutable) a bout portant vers la tète du président Boudiaf, tirant une longue rafale. Tout le monde etait pris de panique et les éléments du SSP commencerent a tirer vers le rideau causant même des blesses parmi l'équipe elle même. La seule image que tout le monde avait retenu fut la fuite de Boumaarafi vers la porte arrière ou se trouvait le lieutenant Yacine sans même que ce dernier comprenne ce qui se passait. Le peuple Algérien venait de suivre en direct la liquidation de son président; on avait de la  peine a croire que cela se passait en Algérie. Une fois dans l'arrière cour Boumaarafi enjamba en toute hâte un mur de presque deux mètre de haut; seuls quelques policiers au loin et quelques passant avaient pu voir cette scène. Il se dirigea ensuite vers l'immeuble le plus proche et au res-de-chaussee il frappa au premier appartement qu'il trouva; une jeune femme lui ouvrit la porte sans doute impressionnee par la tenue et l'arme de Boumaarafi croyant a une décente de police. La seule chose que Boumaarafi  demanda fut d'appeler la police et de lui demander de venir en disant que le tueur du président voulait se rendre. La police contactee s'etait rendue assez vite a l'adresse indiquee. Les chefs du GIS et du SSP furent prévenus par le chef de la sûreté de la willaya, de l'arrestation de Boumaarafi qui s'etait rendu sans résistance. Au meme moment et dans une confusion totale, le président etait conduit dans une ambulance mal équipee et sans médecin vers un hôpital qu'on arrivait même pas a trouver. Le président etait très gravement touche et la mort fut presque instantanée: une décérébration aigue fut causée par les nombreuses balles qui avaient touche son cerveau.


     

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    A Alger le colonel Smain suivait biensur le deroulement de l'opération en direct sur la télévision et des les premiers instants de l'attentat il appella le GLAM (Groupe de Liaison Aérienne Ministériel) pou lui préparer d'urgence un appareil , puis il prit contact avec Mohammed Ouadeh (chef de la police nationale) et lui  demanda de le rejoindre ainsi qu'une équipe de Antar.


     

    Mohamed Boudiaf 4Mohamed Boudiaf 4


    L'equipe de la protection presidentielle (SSP et GIS) etait deprimee et inquiete mais des que la mort du president fut confirmee, tout le monde se trouva sous le choc; ils n'arrivaient plus a comprendre comment ni pourquoi cela s'etait-il passe. Réunie dans cette même salle, toute l'équipe vit arriver quelques heures plus tard le colonel Smain, Mohamed Ouadeh et quelques visages familiers; Smain s'entretint avec les chefs du GIS et du SSP pendant quelques instants, ensuite il  revint vers les elements de l'équipe pour leurs demander de leurs nouvelles. Il essaya de les rassurer avec ces mots: ''ne vous en faites pas; c'est un acte isole; ce n'est pas de votre faute, vous ne pouviez de toute façon rien faire devant ce fou et perdre un président est même arrive aux Américains''. Ils leurs donna ensuite  l'ordre de rentrer sur Alger. Puis Smain accompagne de Hadjres, Hamou et Ouadeh se rendirent a la sûreté de la wilaya ou Boumaarafi etait detenu; ce dernier avait-il a peine vu le colonel Smain Lamari qu'il sauta de sa chaise et  cria: "tu est venu espèce de salaud; tu es content comme ca (Djite ya ouahad achemata, rak farhan hakda)", l'atmosphère etait lourde et Smain  donna des instructions au éléments qui l'accompagnaient pour qu'il le transfert vers l'avion. le président fut entre temps rapatrie vers l'hôpital Ain Nadja (HCA) a Alger ou le médecin commandant Brixi: chef du service médecine légale  donna la version officielle de l'origine du décès.

     

    Mohamed Boudiaf 6
    L'Hopital Militaire HCA


    Presque en même temps le colonel Smain accompagnait Boumaarafi au service des urgences du HCA ou le médecin colonel Koutchoukali: chef du service psychiatrique examina Boumaarafi et lui administra une injection de calmant. Boumaarafi ne se laissait pas faire, il criait de toutes ses forces:"vous voulez me tuer, vous voulez me faire taire" et insultait Smain de tous les noms possibles. Une fois Boumaarafi presque endormi il fut conduit a la prison du quartier général pour sa première nuit en prison.

    La commission nationale d'enquête fut installée le 04/07/92 en toute hâte par le HCE, elle était composée de personnalites tries sur le volet par les generaux concernes. Elle etait composee de MM.Belhocine Mabrouk, Ahmed Bouchaib, M'hamed Ferhat, Youcef Fathallah, Kamel Rezag Bara et Allel Thaaliby.
    A l'issue de la première réunion de cette commission, Ahmed Bouchaib (ami intime de Boudiaf et ex-membre des vingt-deux en 1954) fut nomme: président et Kamel Rezag Bara: rapporteur.
    La commission en elle même avait peu de pouvoir mais par souci de transparence "fictive" et d'impartialité, elle avait fini (apres plusieurs rencontres avec les différents acteurs de l'assassinat du président Boudiaf) par présenter son rapport au HCE. Le rapport en lui même était très maigre et ne présentait ni une enquête judiciaire, ni un avis d'experts (vu l'inaptitude de ses membres) sur le meurtre du président. Le seul objectif de cette commission était de designer officiellement les boucs-emissaires a qui les vrais coupables voulaient faire endosser le crime. Le temps était un facteur déterminant qui jouait en défaveur des vrais commanditaires de l'assassinat; et la désignation de cette commission allait aider a apaiser les esprits choques par cette liquidation en direct.

    Des les premières heures de l'installation de cette commission, des pressions étaient exercees par Larbi Belkheir et Smain lamari pour designer Rezag Bara comme rapporteur. Ce dernier avait longtemps fait partie des agents les plus fidèles au service de la"DRS". C'est ainsi que le travail de la commission fut téléguide depuis le début, la poussant a mettre le point sur certains détails et non sur d'autres. Comme par exemple: la fausse lettre trouve chez Boumaarafi; son lien avec le courant islamiste; la responsabilité des éléments du GIS que Toufik venait tout juste de verser au SSP pour renfort (Il faut souligner le fait qu'a l'époque, les éléments d'élite de la protection presidentielle avaient été affectes a la protection exclusive des généraux putschistes). Mais la commission avait sciemment omis de mettre en cause Toufik, Smain Lamari ainsi que Larbi Belkheir, alors qu'ils étaient théoriquement les premiers responsables de ce qui venait d'arriver au président.

    A l'intérieur de la commission d'enquête il y'avait bien des distorsions et des différends profonds pour la nomination des vrais coupables. Les differents membres avaient tous cede aux pressions et aux intimidations des generaux, sauf Youssef Fathallah qui refusa jusqu'à la dernière minute de signer le rapport final, dans lequel il voulait inclure la responsabilité des dirigeants des corps de sécurité et a demander leurs démissions comme concequence logique au drame. Kamel Rezag Bara, biensur, ne manqua pas de rapporter les plus petits détails a ses chefs de la DRS. Il joua ainsi un rôle tres important dans le meurtre de youssef Fathallah (dans son bureau de la place Emir Abdelkader) un ans et demi plus tard, lorsque ce dernier commenca a écrire son propre rapport sur l'affaire Boudiaf.

    Un probleme se posa quant a l'instruction de cette affaire, et le juge d'instruction de Annaba  declara l'incompetence de la juridiction civile face a ce dossier qui etait normalement du ressort militaire. Mais le directeur central de la justice militaire de l'epoque Mohamed Elallem (apres avoir recu des ordres du general Khaled Nezar)  declara a la presse que cette affaire etait du ressort de la juridiction civile. Presque un mois apres le meurtre du president, la chambre d'accusation du tribunal de Annaba  decida que le tribunal de Annaba etait territorialement competent, cette decision etait basee sur l'article 40 du code penale.
    En fait les generaux qui avait planifie cet assassinat s'etaient vite appercus qu'il fallait a tout prix laisser la justice civile s'occuper de cette affaire par souci de transparence vis a vis du peuple qui sentait le complot d'une part, et des instances internationales d'autres part; mais plus important encore: des voix s'etaient levees et la rue accusait deja le general Larbi Belkheir qu'elle  designait comme le premier responsable du meurtre, ce qui l'avait pousse "alors ministre de l'interieur" a declarer a la presse nationale: "ni le ministre de l'interieur, ni son ministere ne peuvaient etre mis en cause dans les evenements tragiques de Annaba qui couterent la vie au president ". Une vraie course contre la montre s'etait engagee face aux Algeriens qui denoncaient le complot de la sphere politico-financiere contre un des symboles de la revolution mais plus simplement contre l'espoir d'un peuple en deperdition.

    Le procureur general du parquet de Annaba: Mohamed Tighramt, charge officiellement d'instruire ce dossier ordonna la poursuite de l'enquete par les officiers de la police judiciere de la gendarmerie nationale et la reconstitution des fait fut fixee pour la premiere semaine du mois d'aout 92. Les equipes du SSP et du GIS (munis comme d'habitude de leurs armes) se rendirent le samedi matin de la premiere semaine d'aout a Annaba, Boumaarafi fut conduit par avion quelques jours plutot. La reconstitution se deroula en presence des officiers de la gendarmerie nationale ainsi que plusieures autres personnalites en plus du juge d'instruction , mais la surprise vint a la fin de la reconstitution qui avait dure plus de cinq heures, lorsque le juge annonca l'arrestation des membres du SSP et du GIS. La surprise etait de taille et les membres des services de securite refuserent de rendre leurs armes aux gendarmes. A un moment donne un membre du GIS braqua son pistole mitrailleur Berretta contre les gendarmes qui essayerent de desarmer le commandant Hamou: chef du GIS, furieux apres ce qu'il venait d'entendre de la part du juge. Le commandant Hadjeres demanda a passer un coup de fil a la direction (DRS); de sa communication avec le general Toufik il n'eut que des insultes et un ordre de se plier a la loi; un language nouveau que le commandant du SSP n'avait jamais entendu de sa vie. Devant l'insistance des commandants Hadjeres et Hamou les elements officiers et sous officiers qui les accompagnaient rendirent leurs armes aux gendarmes et se constituerent prisonniers. Il furent conduits menotes aux mains vers le poste de gendarmerie ou ils passerent plus d'une semaine. Les officiers  furent places dans une meme grande cellule avec rien d'autre que le slip sur le corps. Apres l'altercation des membres de la DRS avec les gendarmes,  ces derniers se vengerent  surtout qu'ils avaient recu le support du chef de la gendarmerie ( le general Benabbes Gheziel) qui avait ete ecarte du sommet des decisions.

    Au total, deux officiers superieurs (le commandant Hadjeres: chef du SSP et le commandant Hamou: chef du GIS), trois officiers subalternes (le capitaine Zaidi: Adjoint chef du SSP, le lieutenant Torki: Chef de groupe et le lieutenant Yacine: adjoint chef de groupe) et dix huit autres sous-officiers en plus du prevenu principal: Boumaarafi allaient etre inculpes pour assassinat et plusieure autres chefs d'inculpations passibles de la peine capitale.
    Dans les coulisses du ministere de la defense nationale et apres les menaces de Larbi Belkheir, les generaux Khaled Nezar, Toufik (Mohamed Mediene), et le colonel Smain Lamari avaient pris une decision lourde de consequences et qui allait troubler toute la classe militaire surtout les services de securite: les membres des services qui etaient en mission a Annaba allaient etre sacriffies. Quand les familles des officiers rencontrerent le general Toufik, ce dernier n'avait trouve que des reponses evasives aux nombreuses questions qui lui avaient ete pose; "cela fait partie du travail, mais de toute facon ils continueront a recevoir normalement leurs soldes ". La declaration la plus incroyable vint du colonel Smain qui dit cyniquement a des officiers inquiets pour le sort de leurs collegues, "c'est eux ou vos chefs; que choisissez vous?".
    L'instruction de l'affaire  traina a Annaba et pour noyer l'instruction du dossier  les generaux deciderent de le transferer a Alger. Le juge charge de l'instruction  Annaba prit tres mal la decision et  demissionna de son poste, il fut oblige de revenir sur sa decision sous peine de represailles. Mohamed Tighramt n'avait pas  le choix, craignant pour sa vie, il n'hesita nullement a publier un dementi concernant sa demission qui avait deja ete annonce par la presse et la television.

    A Alger ce fut le procureur general du tribunal d'Alger: Abdelmalek Sayeh un ancien agent des services (agent exclusivement dirige par Smain Lamari qui l'avait recrute des annees auparavant quand Sayeh etait a l'ecole des juges) et ex juge de la court de la surete de l'etat de Medea. Mohamed Saada: un juge de seconde classe mais connu pour son honnetete, fut charge d'assister Sayeh afin d'etouffer le manque de rigueur de Sayeh. Sayeh Abdelmalek et Kamel Rezag Bara avaient pratiquement sauve l'avenir de leurs officiers manipulateurs (Toufik et Smain), et ils furent largement recompenses pour cela.
    Les prevenus (officiers et sous-officiers arretes a Annaba) furent transferes avec leurs dossiers par Avion sur Alger, quand ils  arriverent a l'aeroport militaire de Boufarik ( Sous une escorte impressionnante de gendarmes) ils furent decendus de l'hercule qui les transportait mains et pieds enchaines, les employes de l'aeroport eurent de la  peine a croire l'etat dans lequel se trouvaient les detenus. Avec Boumaarafi, les detenus furent transferes a la fameuse prison civile de Serkadji "Barberousse". Sauf que Boumaarafi fut place en isolement et sous surveillance video permanente. Le destin fit  que le commandant Hamou retrouva Abdelkader Hachani dans la prison de Serkadji, un des leaders du FIS qu'il avait arrete quelques temps auparavant.

    En tout, cinq officiers dont deux au grade suprerieur et dix huits sous-officiers dont certains avec plus de vingt ans d'experience furent sacrifies pour les besions du senario de transparence que les vrais commanditaires avaient ecrit. Les parents des officiers  engagerent des avocats pour soutenir les inculpes suite au silence des chefs qui ne voulaient plus les recevoir et du climat de trahision qui regnait. Lorsque Kasdi Merbah  apprit que les sous-officiers ne pouvaient pas se payer des avocats, il  chargea son propre avocat (et celui de son parti "MAJD") pour les defendre, ce qui n'etait pas une bonne nouvelle pour Toufik . Outre la mise a l'ombre des elements responsables de la securite du president, Toufik decida la mise sous scelles de la video qui fut enregistree avec Boumaarafi; les conditions d'enregistrement avaient ete tres tendu et Boumaarafi ne voulait absolument pas cooperer et ne cessait de faire des commentaires quant au conditions de sa detention et de ses craintes d'etre assassiner pour qu'il se taise. Ce ne fut qu'apres avoir recu de force, une injection de calmant qu'il se rendit a la salle d'enregistrement. La séance  fut une vraie catastrophe, les reponses de Boumaarafi aux questions que lui posait un officier derriere la camera etaient sans aucun sens, la majorite de ses dires etaient des insultes envers les commanditaires et des commentaires sur l'etat du pays. A la question:" avez vous des relations avec les islamistes du FIS?" il repondit: "ce n'est pas des barbus avec des djelabas qui oseront faire ce que j'ai fait".

    L'instruction de l'affaire Boudiaf fut tres mal faite et l'agent Sayeh Abdelmalek (actuellement recompense pour sa loyaute par un poste de consul en tunsie) fit tout pour noyer les indices qui remontaient jusqu'aux generaux commanditaires du meurtre. Jamais un agent des services n'eut un tel pouvoir et autant d'avantages; en plus des gardes du corps fournis par le service operationnel de ANTAR et un challet au club des pins, ce fut l'un des rares civils a avoir eu droit a une voiture blindee coutant les yeux de la tete au contribuable. Quand le parent d'un des officiers inculpes essaya d'intervenir et ss plaigna des depassements de Sayeh (aupres de son ami le ministre de la justice de l'epoque: Mahi Bahi) il recut des garanties personnelles pour que le dossier soit tranfere a un autre juge.Le ministre Mahi Bahi tint sa promesse et convoqua Sayeh, mais lors de l'entrevue entre les deux hommes, ce fut Mahi Bahi qui le plus ecouta les insultes de Sayeh apres que le ministre de la justice lui eu avoue son intention de le desaisir du dossier qui devait selon le ministre etre entre les mains de plusieures juges et non d'un seul.Sayeh Abdelmalek ne perdit pas  de temps et se rendit directement a Ghermoul ( Siege de la direction du contre espionnage: DCE) au bureau du colonel Smain lamari. Un seul coup de telephone de la part de Smain regla le probleme. Le meme jour au journal de vingt heures, la demission du ministre de la justice  fut annoncee, a la surprise du ministre lui meme.

    Une question posee par la commission d'enquete a Boumaarafi restait sans reponse: "pourquoi n'etes vous pas reste sur les lieux du crime apres votre acte, et pourquoi vous etes vous rendu dix minute apres au service de police''? Ce n'est pas Boumaarafi qui apporta la reponse a cette question, mais un de ses collegue du GIS " le sergent chef Kamel Aidoun". Ce sergent chef etait un des premiers elements du GIS et avait fait partie de l'equipe qui avait assure la securite du president a Annaba. Il  deserta de sa caserne du GIS a la fin de l'anne 1993, et ses raisons etaient plus que  justifiees; Smain Lamari voulait a tout prix sa peau comme il avait eu celle d'un autre sous-officier quelques mois auparavant, pour la simple raison que Kamal Aidoun avait faillit a sa mission a Annaba. Sa mission etait claire et les ordres qu'il avait recu une semaine avant le drame venaient directement de Smain Lamari qui lui avait dit: "suite a des soupcons qui entourent la loyaute de Boumaarafi, tu as carte blanche pour le liquider a la moindre faute".

    Sans trop savoir pourquoi  Kamel Aidoun s'etait trouve mal a l'aise apres avoir eu ces instructions et ce n'est qu'apres l'assassinat de Boudiaf qu'il  comprit; mais  le plus grave pour lui etait qu' il n'avait pas obeit a Smain. Pour plus de securite un autre sous-officier avait ete charge de la meme mission mais cet element "Algerois d'origine" avait mis son frere dans la confidence quelques jours apres le meurtre du president en lui disant: "je comprend maintenant pourquoi le vieux loup (qualificatif de Smain au sein du service) m'a demande de descendre Boumaarafi a Annaba''. Ce sous-officier  fut arrete par le commandant du centre ANTAR (a l'epoque: le commandant Farid) et torture pour un lien fictif avec un groupe terroriste, et son frere un peu plus tard  connut le meme sort mais la secret etait deja divulgue.

    C'etait pourquoi Kamel Aidoun avait deserte apres avoir confirme a des proches qu'il avait recu les memes ordres, mais ne pouvait tuer un collegue. L'echappee de Kamel fut de courte duree et Smain  mobilisa toutes les forces operationnelles pour retrouver ce specialiste des explosifs qui avait tourne la veste. Kamel fut abattu par des elements de l'intervention de la police nationale et son arme (Berretta 92F) fut reversee au GIS chargeur plein.
    Boumaarafi avait raison de se mefier de Smain, et c'est la raison pour laquelle il s'etait rendu a la police plutot qu'a ses collegues.

    Le bilan de l'operation Boudiaf fut lourd en vies humaines: plus d'une vingtaine de personnes au total furent liquides suite aux ordres de Smain ou Toufik pour proteger le grand secret, sans oublier l'assassinat de Kasdi Merbah qui avait decide de rendre publique les raisons de l'assassinat de Boudiaf. Meme Zeroual (alors ministre de la defense) n'avait pas reussi a le calmer et a le persuader de rendre les dossiers qu'il avait en sa possession et ce deux semaines avant sa liquidation. Le chef du bureau securite a l'ambassade d'Algerie en Suisse (le commandant Samir) recupera les dossiers en question rendus a la DRS par un parent du defunt Merbah.
    Il va sans dire que le massacre de Serkadji (qui avait coute la vie a pres de deux cents personnes) en fevrier 1995 etait directement lie a la volonte d'etouffer l'une des derniere preuve de l'implication flagrante de Nezar, Belkheir, Toufik et Smain dans le meurtre d'un des symboles de la revolution.

    Condamne en Juin 1995 a la peine capitale Lembarek Boumaarafi est actuellement incarcere a la prison militaire de Blida. L'execution de sa peine  est suspendue pour le moment.

     

    Mohamed Boudiaf 7

    Nous presentons nos condoleances aux familles de toutes les victimes de cette affaire qui reste une des plus noire que le service ait jamais connu. Pendant ce temps les vrais commanditaires du meurtre de Boudiaf (Khaled Nezar, Larbi Belkheir, Mohamed Mediene, et Smain Lamari et Mohamed Lamari par la suite) continuent d'assassiner tout un peuple.

     

  • Le peuple contre les généraux

     

    Les émeutes s’étendent à l’Ouest de l’Algérie
    Le peuple contre les généraux

    L'incendie gagne l'ouest du pays. Les comités de villages essaient d’identifier les éléments louches qui tentent de profiter de la situation pour nuire à l’image de ceux qui manifestent pour la démocratie et la liberté d’expression. Le pouvoir veut faire d'eux des pillards et des vandales vendus à l'étranger. Le divorce entre le peuple et le pouvoir est consommé.
    Les Algériens sont déterminés et prêts à tous les sacrifices. Le président pérore.

    Par Amale Samie

     

     

    La révolte se propage et touche d’autres régions du pays. Y compris à l'ouest, Relizane est en ébullition et Chlef a connu ses premières émeutes le 20 juin.
    Tout l'est de l'Algérie brûle. Le président Bouteflika, impavide, feint de croire que ce sont là de regrettables événements qu'il faut vite oublier et il s'arroge sans broncher le titre de sauveur: “Je suis là, je reste selon la volonté du peuple algérien qui m'a élu''. Les Algériens savent à quoi s'en tenir à ce sujet et tout cela apparaît dérisoire.
    Seulement, s'il a osé envoyer ses ministres au casse-pipe, mandatés pour marquer la présence de l'Etat en Kabylie, il préfèrera une tournée dans le grand sud où les militaires ont acheté quelques notables pour grossir les rangs clairsemés des partisans du chef de l'Etat. Personne n'est dupe. Et là, il s'est livré à une manœuvre machiavélique qui ne peut déboucher que sur la division des Algériens. S'adressant aux Touaregs, il a loué leur sens patriotique et leur patience ajoutant à peu près: “Je ne peux pas imaginer que vous pourriez brûler votre daïra ou votre bureau de poste". Tout sauf des vandales comme les Kabyles, en somme. C'est la manière présidentielle de respecter le peuple algérien.

    Défi

    Pendant ce temps, le Premier ministre Ali Benflis, dépassé, interdisait, le 17 juin, toute marche future à Alger. Ce à quoi la coordination des villages a répondu: “On a fini de marcher avec une autorisation, interdite ou pas, toute marche décidée par les représentants du mouvement aura lieu". Une manifestante, présente à la marche des femmes du 19 juin, interdite et transformée en sit-in, n'a pas mâché ses mots: “On ne demande pas d'autorisation à un gouvernement pourri qu'on a toujours vomi". Le peuple a répondu, par le biais de la Coordination des villages, qu'une marche aurait lieu le 5 juillet, le jour de la Fête de l'indépendance.

    • Les généraux algériens Mohamed Lamari, Guenaiziya, Rahal et Bouchareb.


    Les marcheurs d'Alger qui avaient été arrêtés le jeudi 14 juin, ont été pour la plupart libérés le surlendemain, mais la Coordination en Kabylie recherche toujours plus de cent vingt-deux manifestants, “portés disparus". Hors d’Alger, on se demande déjà si les gendarmes sont vraiment des gendarmes, tellement ils sont brutaux. Ils tuent. Plus de 20 morts, cette semaine. Ils recherchent un affrontement direct et massif pour casser définitivement la Kabylie diabolisée, accusée de séparatisme et de complicité avec le néocolonialisme.

    Cynisme

    La Coordination des villages, réunie le 18 juin, à Tizi Ouzou, a noté dans un communiqué que “le pouvoir, fidèle à sa logique criminelle, a démontré encore une fois […], par la répression et sa manipulation machiavélique, sa véritable nature féroce, perverse et cynique face à la démarche de notre mouvement d’essence pacifique”. Mais plus grave encore, le communiqué a ajouté que de nombreuses victimes avaient été “sauvagement assassinées”. Il est vrai que maintenant les forces anti-émeutes, les policiers en civil et d'autres éléments suspects qui infiltrent certaines manifestations sont dotés de couteaux et de barres de fer. Le pouvoir alterne pourrissement et répression. Des citoyens manquent à l'appel, Bejaïa est coupée du monde car le central téléphonique est parti en fumée, les services de l'Etat ne communiquent plus entre eux.
    Des journaux ont écrit qu'il y a déjà une pénurie de bombes lacrymogènes. L'ouverture des routes nationales entre l'est de l'Algérie et la capitale dépend chaque jour du bon vouloir des jeunes protestataires de Kabylie, des Aurès, de Guelma, Annaba, et Souk Ahras, ville frontière. Bouteflika assure qu'il ira jusqu'au bout de son mandat alors que de l'avis de la majorité des observateurs, le départ du président pourrait tempérer la révolte mais ne suffirait pas à résoudre le problème. Pourtant la deuxième révolution du peuple algérien reste fragile à certains égards. La contestation par l'insoumission, l'élection de représentants directs indépendants, la destruction des administrations et des autres symboles de l'Etat apparaissent comme légitimes à tous les Algériens dans ce combat qui n'exige rien de moins que la démocratie.
    Mais le pillage, les déprédations gratuites ne sont ni organisés ni commandités par les populations des villes résistantes, par leurs représentants et leurs porte-parole. Ces événements posent une terrible question. Se peut-il que des apprentis sorciers soient en train de comploter contre le peuple ? Les révoltés, la société civile, la presse combattante et les partis démocratiques sont formels : les “dirigeants" ont acheté des casseurs, des policiers en civil, voire des islamistes et des repris de justice. Au pillage fugace a succédé le pillage planifié et exécuté par les forces de l'ordre.

    Symboles

    Le pouvoir est prêt à tout depuis que l'Algérie ne le reconnaît plus et le qualifie d'assassin, quels coups tordus se manigancent dans les bunkers? Les généraux tentent aussi de dresser des Algériens contre d'autres Algériens, Arabes contre Imazighen, Algérois contre Kabyles. Touaregs contre gens du nord, commerçants contre protestataires.
    Même les gardes communaux ont été accusés par les gendarmes de fournir des informations aux émeutiers. Ils ont été parfois sommés de rentrer chez eux, et il a fallu l'arrivée de l'armée pour les “persuader" d'évacuer les lieux.
    Les provocations se multiplient et les gendarmes organisent des mises à sac dans les villes de Kabylie et d'ailleurs, ils cassent, au vu et au su de tout le monde. Ils attaquent les crèches, les hôpitaux, les magasins, ils tabassent sauvagement les passants qui leur tombent sous la main, ils abreuvent les citoyens d'obscénités, ils organisent des expéditions punitives jusqu'à l'intérieur des maisons qu'ils arrosent de grenades lacrymogènes. Ils vont chercher les jeunes là où ils se replient pour les provoquer. Et ils s'avancent en hurlant “Oui, nous sommes des assassins, vous êtes Oulad França, mort à Tamazight".
    Cherche-t-on à provoquer un soulèvement général pour le noyer dans le sang? L'armée va entamer un mouvement vers la Kabylie. La question de l'identité réelle des “casseurs" se pose avec acuité. À Annaba et à Khenchela, à l'extrême-est du pays, on a noté la “distribution de billets de banque à des "manifestants", des tatouages identiques sur les bras de certains “meneurs" ont été remarqués, on a même évoqué le cas de “cinq individus cagoulés et torse nu à la tête des manifestants de Guelma". Repris de justices, nervis des partis au pouvoir, Rassemblement national démocratique et FLN en tête, sans compter les islamistes agréés et infiltrés?
    Pour les émeutes de Tébessa, Batna et de Khenchela, les Algériens disent que les généraux auraient été ulcérés que leur région d'origine ait aussi scandé le même slogan féroce que les autres Algériens: “Pouvoir assassin". À la suite de quoi des émeutes plus que suspectes ont été allumées, ici ou là. Parfois, des manifestants découvraient avec stupeur que parmi des émeutiers inconnus il y avait des “indics" notoires.

    Accusations

    Mais le chaudron bout, et on verra même l'Etat patauger à plusieurs reprises, il y a sur le terrain des désaccords tactiques entre gendarmerie, police et compagnies nationales de sécurité. Deux querelles au moins ont dégénéré en batailles rangées sous l'œil narquois des manifestants qui montaient à l'assaut des brigades. Inexpérimentés, les organes de la représentation civile, nés spontanément, sont soumis à des forces contraires. Les partis d'opposition, FFS et RCD (ex-gouvernemental) en tête, ont été eux-mêmes surpris par l'ampleur des événements, ils cherchent à se rapprocher de leur base en menant le combat sur le champ politique contre la dictature. Mais la révolte populaire court trop vite. Même si un relais doit être trouvé. Les partis démocratiques, Parti du Travail de Louisa Hanoune, MDS, ex-communistes et d'autres partis gèrent aussi une partie de la révolution. Hocine Aït Ahmed s'active à l'ONU, aux USA, à Genève et devant l'Union européenne, il réclame une commission d'enquête internationale, il lance une alerte générale au génocide. Il a même invité Kofi Annan à venir à Alger.
    Deuxième péril: les révoltés ne connaissent pas les astuces de la gestion des marches. Leur inexpérience avait ouvert un boulevard aux pires provocations, le 14 juin, à Alger. D'où la répression féroce à la suite d'isolement de plusieurs tronçons de manifestants qui ne communiquaient plus avec les coordinateurs.
    L’est de l’Algérie est en rébellion ouverte contre l’État. Les jeunes ont installé l’insurrection perpétuelle. Ils apprennent la révolution en démystifiant la puissance des généraux.
    Mais la jeunesse algérienne, qui n'a pas peur de présenter sa poitrine aux balles, a déjà gagné.


  • video a la demande

     

    ecoute'et retenez ce n'est pas charlatant c'est un ancien commandant en exile , il sera si a voulu etre general ou major ,les autrorite' francaise ne donne aucune credibilite' a ce genre d'individus comme ils dise,  mais nous si , etant donner les immence profit que tire cette derniere avec les commis gouvernant franco-algerien

     

     

     

     

     

     

  • AUX ORIGINES DE LA TRAGEDIE ALGERIENNE (1958-2000)

    • LA CONSOLIDATION DU GROUPE DES « DESERTEURS » DE L'ARMEE FRANÇAISE _______________________ 9. La décennie rouge : tâche noire dans l'histoire de l'Algérie. Le règne de la médiocrité et de la violence (1989 - 2000) Les événements d'Octobre 88 ont servi de déclic non pas pour instaurer un système démocratique comme on l'a laissé entendre, mais pour sauver le régime et détourner le pouvoir au profit de leurs auteurs, tous proches de certains milieux français. En d'autres termes, les deux clans Belkheir et Hamrouche, instigateurs des événements d'octobre, ont choisi le « changement » comme moyen indispensable à la survie du régime et pour consolider leurs positions respectives. Les deux clans bénéficient, d'une certaine manière, de l'appui de la France qui ne met jamais ses œufs dans le même panier. François Mitterand, alors Président de la République, applaudit à l'effondrement du système du parti FLN et pense que l'heure est à « l'établissement de la démocratie » en s'exprimant sur les événements lors du Conseil des ministres du 12 octobre 1988151, c'est-àdire un jour après le retour au calme en Algérie. Une telle prise de position rapide reflète en fait l'implication de la France et de Mitterand dans le processus de « démocratisation » en Algérie dans le but de démolir le FLN. Partisans de « l'Algérie française » et de la guerre à outrance contre le FLN et contre le peuple algérien entre 1954 et 1962, certains dirigeants français dont Mitterand et certains appareils dans l'administration française retombent dans leurs fantasmes pour régler leurs comptes avec l'Histoire et avec le mouvement national algérien. Pour mieux comprendre la décennie rouge qui consacre en Algérie l'avènement du « parti de la France », nous allons la diviser en deux périodes de longueur inégale, mais d'importance équivalente. 151 Cf. Hubert Coudurier, Le Monde selon Chirac, p. 193 (Paris: Calman-Lévy, 1988). 9.1. Période 1989 – 1991 : le lancement de la démocratie de façade La désignation de Kasdi Merbah comme Premier Ministre en novembre 1988 pour une période plutôt éphémère (novembre 1988 septembre 1989) a été mise à profit par le clan Hamrouche pour se placer dans une situation plus favorable dans la course au pouvoir, pensant damer le pion au clan Belkheir. Certes, les deux chefs de clans ont besoin de la confiance du Président Chadli au cours de cette période pour mener à bien leur plan respectif. Mais Hamrouche, impatient, met les bouchées doubles. Il est très présent dans la préparation du VIème Congrès du FLN (novembre 1988) et de l'élection présidentielle (décembre 1988). Il anime avec zèle le groupe chargé d'adapter la Constitution française à l'Algérie, adoptée en février 1989. En même temps, son groupe animé par Ghazi Hidouci lui prépare en secret son programme de gouvernement dont il aura besoin en septembre 1989. Belkheir est aussi très actif avant, pendant et après le Congrès du FLN. Il s'implique dans l'organisation et la manipulation des résultats de l'élection présidentielle. En 1989, bien que concurrents, Belkheir et Hamrouche restent cependant d'accord sur deux points en particulier, mais pour des raisons différentes : • Gêner Kasdi Merbah et le harceler dans son action gouvernementale pour le faire échouer dans sa mission. Leur plan réussit. • Encourager au maximum la création de partis politiques pour atomiser la société civile et rester maîtres du jeu. La réalisation de ces deux objectifs devrait permettre aux deux clans d'avancer un peu plus, selon leurs calculs, pour s'emparer du pouvoir chacun pour son propre compte, convaincus tous deux que l'atomisation de la vie politique n'autorisera aucun parti politique de disposer de la majorité absolue dans la future l'Assemblée Nationale dans le cadre du système démocratique de façade qu'ils veulent instaurer152. 152 Les rapports des services de sécurité au chef de l'Etat, ainsi que les fuites provoquées au sujet d'un sondage d'opinion opéré par ces mêmes services, affirmaient que, lors des Il convient de rappeler que « les réformes politiques », engagées après les événements d'octobre 1988 et élaborées dans l'antichambre du pouvoir par des personnages fertiles en fourberies et en ruses, ont été octroyées sans consultation ni au sein du FLN dont les deux clans se réclament, ni ailleurs. Ces « réformes » ne constituent en fait qu'une mystification destinée à perpétuer l'exercice du pouvoir en place. On confond démocratie et multipartisme. On assiste ainsi, sous l'impulsion de la Présidence de la République, à une floraison de partis avec des programmes vagues, pratiquement identiques, à l'exception du FFS, (qui existe depuis 1964 mais qui n'a jamais été reconnu auparavant) du FIS et du parti communiste, dont les choix idéologiques et politiques respectifs sont clairs. Car ce qui est essentiel dans une démocratie, c'est d'accepter le principe fondamental de l'alternance du pouvoir en respectant le verdict populaire exprimé lors d'élections transparentes et honnêtes, puisque c'est le peuple qui constitue la source de la souveraineté. Or cela n'est pas admis en Algérie et ce refus vide la démocratie de son contenu. Ainsi, le multipartisme débridé et encouragé par le pouvoir ne vise en définitive qu'à l'émiettement de la société et à l'atomisation des forces politiques vives, dans le but inavoué de perpétuer un régime dépassé et discrédité153. C'est dans ce contexte de crise politique que Hamrouche est désigné comme Premier Ministre en septembre 1989. 9.1.1. Le clan Hamrouche La désignation de Hamrouche comme chef de gouvernement consacre l'élimination définitive de la course au pouvoir de son acolyte Hedi Khediri qui faisait courir des rumeurs entre 1987 et 1988 sur sa nomination imminente comme Premier Ministre. élections législatives prévues en 1991, le parti qui sera vainqueur (soit le FIS ou le FLN) dans ce rendez-vous électoral ne dépassera pas 25% des voix exprimées. 153 Ce multipartisme et cette atomisation de la société, mais non la démocratie, figurent d'ailleurs en bonne place dans le programme d'action des généraux putschistes, élaboré en 1991, et mis en œuvre dès le coup d'État de janvier 1992. Pour plus de détails sur ce programme, cf. Mémoires du général Khaled Nezzar, op. cit., pp. 217-230. Hamrouche s'appuie sur ce que l'on pourrait appeler l'aile « civile » de hizb França. Son action de au cours de son mandat de 21 mois s'articulera autour de trois volets : • Poursuivre « les réformes économiques ». • Gérer le dossier brûlant de la dette. • Conquérir le FLN et en faire un instrument pour renforcer son pouvoir. 9.1.1.1. Poursuite des « réformes économiques » On a beaucoup parlé des réformes entre 1989 et 1991, notamment des réformes économiques tant galvaudées par les media aux ordres d'un gouvernement du sérail qui se fait appeler pour la circonstance « gouvernement des réformes » et pour lequel elles ne constituent en fait qu'un fonds de commerce politique. Nous avons déjà évoqué dans le chapitre précédent le contexte dans lequel les réformes économiques ont été conçues et mises en oeuvre au cours de la première phase 1981-1985. Celles-ci ont été soutenues dans une seconde étape par d'autres mesures organisationnelles et juridiques arrêtées en 1986 et 1987. C'est dans le cadre d'une démarche globale et cohérente que ces réformes avaient été lancées en 1981 dans le but d'améliorer à terme les conditions de fonctionnement de l'économie, de renforcer l'efficacité des agents économiques et de réunir les conditions de maximisation de la production et du surplus ré-investissable. Le mandat de Merbah (novembre 1988 - septembre 1989) a été mis à profit par le clan Hamrouche pour préparer son programme de gouvernement et passer à l'offensive en vue de consolider sa position dans la course vers les cimes du pouvoir. a) Application des « réformes » Présenté à l'Assemblée Nationale Populaire (APN) en septembre 1989, le programme du gouvernement du sérail, dit des « réformes », s'articule autour des idées maîtresses suivantes : 1. Mettre un terme aux mécanismes administratifs qui constituent un frein au « développement des stratégies d'investissements et de production ». 2. Mettre fin au système d'organisation centralisé qui ne permet pas de réagir à la crise économique subie par l'Algérie. 3. Récupérer la rente confisquée par les spéculateurs et les « trabendistes » et l'affecter aux fins productives. 4. Faire que le Trésor n'intervienne plus pour financer les investissements des entreprises, les relations entre celles-ci et les banques devenant des relations commerciales. 5. Créer des offices chargés d'organiser la régulation des marchés de produits importés. 6. Appliquer la nouvelle loi relative aux prix (adoptée par l'Assemblée Nationale sous le gouvernement Merbah), lutter contre l'inflation en recourant à une politique monétariste et préserver le pouvoir d'achat de la population. En fait, le gouvernement Hamrouche s'est beaucoup éloigné du contenu de la réforme et de son programme adopté par l'APN, si bien que les actions qu'il a lancées dans de nombreux domaines ont eu des résultats négatifs. b) Résultats de la politique des « réformes » Quels sont les résultats de cette politique des « réformes » mises en œuvre entre 1989 et 1991 ? Nul ne peut nier la mauvaise application des « réformes » annoncées, comme en témoignent les faits suivants : 1. Pas de mise en place des mécanismes économiques devant remplacer les mécanismes administratifs. Il en résulte que les entreprises sont restées tiraillées entre l'ancien et le nouveau système. Pas d'autonomie effective des entreprises. Pas d'activités des fonds de participation154. 154 Créés par décret, les fonds de participation participent au capital d'entreprises publiques des différents secteurs par le biais des actions que leur transfère l'Etat. Ils exercent à ce titre leur droit de surveillance des activités de l'entreprise par l'intermédiaire de leurs représentants au sein du conseil d'administration de cette dernière. Les fonds de participation sont dotés d'un conseil d'administration dont les membres sont nommés par le 2. Continuation de l'ingérence administrative dans le fonctionnement des sociétés d'Etat. Dans ce cadre, la confusion des procédures d'approvisionnement et de financement extérieur des sociétés d'Etat est telle que les crédits à l'importation décidés par le gouvernement en décembre 1989 pour l'année 1990 ne sont même pas mis en place 8 mois plus tard. 3. Licenciement massif des cadres. Censés être les promoteurs des réformes et de l'autonomie des entreprises publiques, les cadres en sont devenus les premières victimes. 4. Aggravation de la situation économique et financière des entreprises publiques est due notamment à la non concrétisation des engagements pris par le gouvernement pour l'amélioration de leur situation financière. La décision annoncée par le gouvernement de transformer les crédits à court terme des entreprises publiques en crédits à moyen et long termes en 6 mois n'a jamais été mise en œuvre. 5. Marginalisation de l'agriculture. L'étouffement de l'agriculture est une autre caractéristique de l'application dogmatique des « réformes ». Pas de facteurs de production pour les agriculteurs. Pas de financement à cause de l'application aveugle du principe de commercialité, à cause des taux d'intérêt trop élevés et à cause de la politique monétariste restrictive. 6. En matière de commerce extérieur, légalisation du « trabendisme ». Au lieu de « récupérer la rente » confisquée par les spéculateurs et les « trabendistes » et de l'affecter aux fins productives, comme il l'a annoncé en septembre 1989 devant l'APN, le gouvernement préfère légaliser l'économie de comptoir privilégiant l'importation et la consommation au détriment des investissements productifs dans une perspective électoraliste. gouvernement. En fait, les fonds de participation ne constituent qu'un écran entre l'Etat, dont le capital est inaliénable, et l'entreprise, soumise aux lois du marché et donc candidate à la dissolution et à la liquidation. Ces fonds de participation ne constituent en fait qu'une mystification opérée par le clan Hamrouche pour déplacer la tutelle des entreprises d'état de leurs ministères respectifs vers le ministère des finances et le Premier Ministre. 7. Politique monétariste rigide. L'application stricte et brutale des mesures monétaristes arrêtées par le gouvernement a causé beaucoup de dégâts à l'économie nationale, d'où : • pas de relance de l'économie, contrairement à ce qui a été annoncé ; • baisse de la production et du taux de croissance économique ; • ralentissement, voire arrêt, d'unités de production publiques et privées ; • pénuries des matériaux de construction et ses conséquences fâcheuses sur le rythme de la construction ; • accroissement du chômage ; • augmentation rapide du taux d'inflation. 8. Aggravation des tensions sociales. Les grèves se multiplient à un rythme sans précédent, et s'étendent à l'ensemble des activités économiques et sociales, y compris l'administration. En effet, c'est la première fois depuis l'indépendance qu'une grève est déclenchée au siège du ministère des Affaires étrangères. Au total, la mauvaise application ou la non application des « réformes » s'est traduite par l'extension du mécontentement populaire, la démoralisation des cadres et la perte de crédibilité du « gouvernement des réformes ». Cette perte de crédibilité est aggravée par la manière dont le dossier de la dette extérieure a été géré. 9.1.1.2. Gestion de la dette extérieure La dette extérieure, considérée comme sujet tabou au cours des annés 1970, très redoutée par les citoyens est perçue comme le principal responsable de la crise économique. Les Algériens ont l'impression que les pouvoirs publics leur cachent la vérité à ce sujet. Le peuple algérien ne savait pourtant pas que l'Algérie a subi la thérapeutique du Fonds Monétaire International (FMI) en 1990 et 1991. En effet, le gouvernement Hamrouche a appliqué le programme du FMI sans le FMI, mais dans le cadre d'un accord signé avec la Banque Mondiale. Voici quelques mesures prises par le gouvernement algérien en 1990 après des négociations avec la Banque Mondiale pour l'obtention d'un prêt important et qui correspondent au programme d'ajustement structurel préconisé par le FMI. En ignorant, voire en dénigrant, les réformes économiques entreprises entre 1981 et 1884, puis en s'attribuant la paternité de ces réformes depuis 1989, le clan Hamrouche pense tirer seul les bénéfices d'une relance économique qu'il considère avec légèreté à sa portée. Les faits ont montré que non seulement le détournement à son profit de la politique des réformes n'a pas produit les effets escomptés et annoncés avec un grand tapage, mais également, que la mise en œuvre des « réformes » s'est éloignée sur le terrain des objectifs fixés. Là aussi, on se rend compte que l'écart entre le discours et le parcours est énorme. Sur cette question centrale, le clan Hamrouche est resté fidèle à l'ancien système qu'il prétend vouloir changer. Rien, en fait, n'a changé quant au fond, aux méthodes et à la démarche. L'Histoire retiendra la médiocrité de ce gouvernement et sa méconnaissance de la complexité des faits économiques et sociaux de l'Algérie ainsi que de la non prise en compte du phénomène de la mondialisation de l'économie. Sur le plan international, ce gouvernement s'est contenté de s'aligner sur les visées françaises en Algérie, en ignorant les dimensions et les véritables enjeux de la globalisation. L'absence d'une volonté politique de construction du Maghreb tendant à organiser l'intégration économique régionale et l'absence d'une politique dynamique de diversification des échanges extérieurs de l'Algérie avec le monde arabe et d'autres pays du Tiers Monde, pour réduire les retombées négatives de la globalisation suffisent pour illustrer les limites de cette politique partisane de la francophonie, politique qui considère que seules des relations privilégiées avec la France sont en mesure d'aider l'Algérie à sortir de sa crise économique et donc politique. La perte de crédibilité de ce gouvernement sur le plan interne ne l'a pas empêché de se tourner vers le FLN pour le conquérir et l'utiliser à des fins politiciennes pour rester au pouvoir, voire le consolider dans le cadre des élections législatives alors programmées pour le 27 juin 1991, et pour se positionner pour l'élection présidentielle à venir. 9.1.1.3. Tentative de domestication du FLN Il est clair que le FLN couvait une crise interne depuis fort long-temps. C'est pourquoi, l'évaluation objective de la portée de l'instrumentalisation du FLN par le gouvernement entre 1989 et 1991 mérite que soit rappelé le contexte de la crise où a été mené le FLN. a) Crise de légitimité du FLN Le FLN a toujours disposé d'un projet social viable inspiré par la philosophie de Novembre 1954, des idéaux et des valeurs nationales, de la plate-forme de la Soummam (1956) à la Charte Nationale (1976) en passant par la Charte de Tripoli (1962) et par la Charte d'Alger (1964). Le problème du FLN n'a jamais été un problème de doctrine, mais bien plutôt un problème d'application intimement lié au choix des hommes et aux méthodes de travail. La principale déviation réside dans l'écart entre le discours et le parcours, entre les textes fondamentaux adoptés et leur mise en œuvre. Disposant au départ d'un pouvoir hégémonique acquis par la légitimité historique et en considération des impératifs de reconstruction nationale, l'une des grandes erreurs du FLN fut de n'avoir éprouvé à aucun moment le besoin de se ressourcer à la légitimité populaire constamment renouvelée et seule garante de sa crédibilité et du succès de son action. Le fait d'agir par une sorte de procuration en dehors de toute légitimation populaire constamment vérifiée par des voies démocratiques a été à l'origine de la crise de légitimité. La priorité accordée depuis 1965 par le pouvoir à la construction de l'Etat a relégué au second plan la mise en place d'un véritable parti enraciné dans les masses. Officiellement parti au pouvoir, le FLN est devenu un parti du pouvoir. Il a en fait servi d'alibi, de légitimation, d'instrument au pouvoir de l'Etat et de simple appareil servant de courroie de transmission d'une politique conçue et mise en œuvre par les autorités du pays. Si la base militante a toujours été dans son écrasante majorité saine, le FLN s'est vidé au cours de ses crises successives d'un grand nombre de ses éléments sincères et patriotes pour laisser la place à l'infiltration au sein de l'appareil d'éléments opportunistes attirés par les privilèges de la responsabilité. L'absence de démocratie dans le fonctionnement interne du parti et d'un dialogue véritable et fécond entre la base militante et les instances de l'appareil, le rejet de toute critique constructive, la non prise en charge des préoccupations de la base, le choix non démocratique des responsables à tous les niveaux ainsi que celui des candidats aux élections communales, régionales (de wilaya) et législatives, tout cela a contribué à la sclérose du parti et à la rupture avec la base donnant naissance à une crise de confiance. C'est dans ce contexte que le clan Hamrouche a essayé de domestiquer le parti sous le couvert de « la rénovation du FLN ». b) « Rénovation » du FLN Certes, l'adaptation du FLN aux nouvelles conditions politiques s'impose, notamment à la suite de l'adoption de la Constitution de février 1989 qui ouvre formellement le champ politique à la compétition et à la démocratie. Or, pour réussir, toute tentative d'adaptation ou de rénovation du FLN devrait répondre à certains critères et aux exigences de l'avenir. Cela n'a pas été le cas. La « rénovation » du parti a été plutôt une opération politicienne détournée pour utiliser l'appareil du FLN comme couverture à la politique gouvernementale. Par cette opération, on a voulu non seulement éloigner de la scène politique un certain nombre de dirigeants patriotes et intègres non acquis, mais encore mettre en oeuvre une politique économique et sociale en contradiction avec les idéaux et les principes du FLN. La « rénovation » du parti a porté sur une sorte d'opposition qu'on a voulu créer entre les générations de militants, les jeunes et les moins jeunes, les anciens et les nouveaux. Cette démarche erronée utilisée par le clan Hamrouche comporte des clivages factices et dangereux pour la cohésion du parti et son efficacité. Elle constitue un facteur de division et de confusion supplémentaire ouvrant la voie aux opportunistes. Une démarche saine consisterait plutôt à créer une symbiose entre les générations de militants, la seule ligne de démarcation devant se situer au niveau du degré d'engagement et de fidélité non à l'égard des hommes, mais des principes, des orientations et de la doctrine du FLN ainsi qu'au niveau de la sincérité, de la compétence, de l'expérience et de l'intégrité de chacun. Si le problème est d'attirer la jeunesse vers le parti, il faut alors offrir une politique dans laquelle la jeunesse se retrouve, non pas par des slogans fractionnels mais par des actions concrètes qui reflètent les aspirations fondamentales du peuple algérien. En même temps, on annonce tapageusement dans les médias que le FLN est l'initiateur des « réformes » politiques et économiques lancées par la Présidence et par le gouvernement Hamrouche. Or c'est faux. Les réformes politiques n'ont pas été initiées par le FLN et n'ont même pas été discutées par le FLN, comme nous l'avons examiné dans le chapitre précédent. La base militante ainsi que la direction politique, c'est à dire le comité central, en ont pris connaissance en même temps que les citoyens par voie de presse. Les réformes politiques ont été élaborées en dehors de toute consultation préalable du FLN à quelque échelon que ce soit. Quant au dossier des « réformes économiques », il a été présenté par le gouvernement au comité central du FLN pour approbation lors de sa session du 1er mars 1990. Compte tenu du fait qu'il s'agit d'un document partiel qui ne peut être considéré comme un programme d'action et après de longs débats, le comité central a décidé de le considérer comme un document d'information. Pas plus. Par contre, le comité central a discuté et adopté d'autres mesures concrètes destinées à améliorer la situation économique et sociale que le gouvernement n'a pas respectées dans la mise en œuvre. La tentative de domestication du FLN, par voie de « rénovation », a finalement échoué même si le gouvernement continuait à disposer du soutien des opportunistes au sein du comité central. Aux partisans du clan Hamrouche qui invitaient alors des responsables de quitter le FLN et de créer d'autres partis, j'ai dit en son temps que « ceux qui croient aux principes et aux choix fondamentaux du FLN et qui militent pour leur concrétisation ne sauraient le quitter. Par contre, ce sont ceux qui ont dévié et dont les actions économiques et sociales se sont considérablement éloignés des textes fondamentaux du FLN qui devraient le quitter et créer leur propre parti. Il ne faut ni inverser les valeurs ni les rôles. Il est temps de sortir du 'trabendisme' politique »155. Au cours de cette période de transition caractérisée par la reconnaissance du multipartisme, de la liberté d'expression et de la compétition politique, la politique du gouvernement devrait être celle du FLN dont il se réclame et non l'inverse. Le temps est révolu où l'on utilisait l'appareil du FLN en faisant tout en son nom tout en ignorant ou dédaignant ses idéaux et ses principes. Le gouvernement a utilisé tous les moyens imaginables pour gagner les élections communales et de wilaya en juin 1990, notamment en envoyant en campagne électorale des ministres ainsi que des membres du comité central du FLN pour soutenir les candidats FLN dans les premières élections multipartites de l'Algérie depuis 1962. Mais la défaite du FLN aux élections communales et régionales de juin 1990 a montré, si besoin est, les limites de ce gouvernement156. C'est à ce moment-là que l'offensive du clan Belkheir s'intensifie pour éliminer Hamrouche et placer ses pions. 9.1.2. Le clan Belkheir 9.1.2.1. Rappel sommaire de la consécration de Belkheir Il convient de revenir un peu en arrière pour mieux situer le contexte de la succession de Hamrouche qui consacre la suprématie du clan Belkheir, qui représente en quelque sorte l'aile militaire du « parti français », et qui ne dispose plus alors de concurrent au sommet des institutions du pays. 155 Cf. Interview donnée par Abdelhamid Brahimi au quotidien El Moudjahid du 22 octobre 1990. 156 Sollicité pour faire campagne pour les candidats du FLN aux élections communales, j'ai décliné l'offre parce que je ne me reconnaissais plus dans les nouvelles orientations du FLN. C'est la raison pour laquelle j'avais démissioné du comité central en octobre 1990, tout en restant militant du FLN, auquel je reste attaché à ce jour par principe. En effet, Larbi Belkheir, appuyé par quelques officiers supérieurs anciens éléments de l'armée française qui constituent un clan bien soudé, n'a pas attendu 1989 pour consolider ses positions. En fait, son travail de sape et de minage a commencé dès 1980 lorsqu'il a été nommé secrétaire général de la Présidence de la République. Après avoir consolidé la confiance que le Président Chadli a placée en lui au cours de son premier mandat, Belkheir est passé à la vitesse supérieure pour renforcer son camp au sein des institutions de l'Etat, notamment à partir de janvier 1984. Ses actions s'étendent pratiquement à tous les domaines tant internes qu'externes. a) Sur le plan interne Sur le plan interne, Belkheir cultivant l'image du collaborateur « fidèle, docile et discipliné » du Président de la République, est associé par ce dernier à toutes les décisions importantes de l'Etat. Il est devenu incontournable pour la nomination aux emplois supérieurs de l'Etat, y compris celle des membres du gouvernement. D'autre part, comme le chef de l'Etat est aussi secrétaire général du parti FLN, Belkheir joue, entre autres, (concuremment avec les services de sécurité) un rôle décisif dans le choix des membres du comité central, soumis à l'approbation du Congrès du FLN, notamment lors du Vème Congrès (décembre 1983) et du VIème Congrès (novembre 1988) et intervient même dans le fonctionnement de l'appareil du FLN. Comme le chef de l'Etat est aussi ministre de la Défense, Belkheir est chargé du suivi du fonctionnement de l'armée et des services de sécurité civils et militaires. Son poids s'est considérablement accru après l'élimination du général major Mostefa Beloucif. Par ailleurs, en sa qualité de secrétaire général de la Présidence, puis de directeur du cabinet présidentiel, Belkheir joue un rôle très actif dans la nomination des walis, des chefs de daïra, des directeurs généraux de banques et d'entreprises publiques et des ambassadeurs (dans les pays considérés stratégiques) et en profite pour y placer des éléments qui sont fidèles à son clan en damant le pion aux ministres concernés. En 1984, il crée un corps d'inspection à la Présidence dont la direction est confiée à Ahmed Oundjela, un ancien magistrat proche de lui. Ce département d'inspection générale se superpose à la Cour des comptes créée en 1980 et placée sous la tutelle de la Présidence. Ces deux institutions deviennent vite un instrument redoutable de règlement de comptes pour éliminer des responsables dans tous les domaines (ministres, membres du comité central du FLN, walis, directeurs généraux de banques et de sociétés d'Etat, ambassadeurs, etc.) et les remplacer par des éléments acquis à sa cause. b) Sur le plan externe Sur le plan externe, Belkheir, investi de la confiance totale du chef de l'Etat, réussit à avoir la prééminence des relations extérieures notamment avec la France, l'Arabie Séoudite et le Maroc aux dépens du ministre des Affaires étrangères. Le Premier Ministre ainsi que tous les ministres concernés par des dossiers de coopération avec ces trois pays le savent. Ses relations officielles et officieuses avec la France sont spécifiques et très denses. Au fil des années, il devient le passage obligé pour les relations politiques, diplomatiques, économiques, militaires, sécuritaires et souterraines157 avec la France. Ses relations avec les différents milieux français sont très fréquentes, d'après les informations dont je dispose. Ses interlocuteurs privilégiés se trouvent au Palais de l'Elysée (Présidence de la République française) et à la place Beauveau (ministère de l'Intérieur) où il entretient des relations suivies. De nombreux faits et indices suggèrent que les relations multiformes de Belkheir avec les différents centres de décision français sont asymétriques et jouent en faveur des intérêts français en Algérie. En effet, il semble que de nombreux moyens sont utilisés du côté français pour infléchir l'action de l'Algérie dans différents domaines. Cela va du chatouillement de l'amour-propre et de l'orgueil des dirigeants algériens à la manipulation des faits pour orienter les décideurs algériens dans le sens souhaité par les milieux français non seulement dans le domaine extérieur, mais également dans le domaine intérieur. 157 Par « relations souterraines », nous entendons des relations avec certains services spéciaux français, connus pour leur mentalité colonialiste et leur comportement anti-algérien. L'extension du rôle de Belkheir dans les rouages de l'Etat et les succès enregistrés au profit de son clan au fil des années aiguisent son ambition. C'est ainsi qu'après les événements d'octobre 1988, il passe à l'offensive. 9.1.2.2. L'offensive du clan Belkheir L'action offensive de ce clan a été quelque peu perturbée, mais pas jugulée, par la nomination du gouvernement Hamrouche en septembre 1989. Dans l'intervalle, ce clan s'est attelé à procéder à des changements au sein de l'armée. En effet, l'élimination du généralmajor Mostefa Beloucif en novembre 1986 a inauguré une nouvelle phase caractérisée par la domination progressive de l'ANP, au plus haut niveau, par des « déserteurs » de l'armée française, rompant le fragile équilibre entre ces derniers et les généraux nationalistes, anciens maquisards. La nomination du général Khaled Nezzar comme chef d'état-major en 1989, en remplacement du général-major Abdallah Belhouchet, a accéléré ce processus. a) Les changements au sommet de la hiérarchie miltaire L'année 1989 marque un tournant dans le rôle de l'ANP dans le domaine politique. Dès 1962, l'emprise de l'armée sur le pouvoir politique est confirmé dans les faits. C'est l'ALN, devenue ANP, qui a installé Ben Bella aux commandes du jeune Etat en 1962. C'est aussi elle qui l'a destitué en 1965. Entre 1965 et 1978, Boumediène dominait seul la scène politique en représentant à la fois l'armée, l'Etat et le FLN. Durant cette période, l'armée n'était pas impliquée, en tant qu'institution, dans la gestion des affaires politiques du pays. Les missions de l'ANP, définies par la Charte Nationale, consistaient à : • « défendre l'intégrité du territoire et l'intangibilité de ses frontières ; • défendre la Révolution socialiste ; • contribuer au développement du pays et à l'édification d'une société nouvelle »158. 158 National Charter, édition Minisrty of Culture and Information, 1981, p. 90. Traduction de l'auteur. Mais la présence des militaires dans les rouages de l'Etat s'est faite dans un cadre institutionnel. La politique intérieure et extérieure étaient du domaine du Président Boumediène, seul. Entre 1979 et 1988, la mainmise de l'armée et des services de sécurité sur l'Etat et sur le FLN s'est faite avec la bénédiction du Président Chadli de manière également institutionnelle. Le rôle des militaires et des services de sécurité dans le fonctionnement des appareils de l'Etat et du FLN s'est considérablement accru au cours de cette période. L'adoption de la nouvelle Constitution le 23 février 1989 a été suivie le 4 mars 1989 par le retrait des militaires du comité central et de la direction du FLN. Ce retrait a été justifié officiellement par le respect de l'armée du multipartisme et du processus de démocratisation. Mais les événements montreront que ce retrait n'a été ni neutre ni innocent. Il consacrait en fait une coupure avec la période antérieure où l'armée respectait et défendait les choix politiques et idéologiques du pays. Désormais, les généraux « déserteurs » de l'armée française, mentalement colonisés, allaient s'orienter vers une politique caractérisée par l'islamophobie et par leur haine de l'arabophonie en se situant aux antipodes des constantes nationales et des composantes de la personnalité algérienne affirmées par toutes les Constitutions de l'Algérie depuis 1963. Pour avoir les mains libres, ces généraux, représentant un courant politique minoritaire, ont conforté leurs positions au sein de l'armée entre 1988 et 1990 en persuadant le Président Chadli à procéder à certaines nominations et mises à la retraite dont les victimes étaient des généraux qui n'appartenaient pas à leur mouvance ou à accepter la démission de certains généraux nationalistes. C'est ainsi qu'en 1988 il a été procédé aux changements suivants : • le général Medjdoub Lakhal Ayat, mis à la retraite ; • le général Mohamed Alleg, mis à la retraite ; • le général Ali Bouhadja, mis à la retraite ; • le général El Hachemi Hadjeres, mis à la retraite et affecté au secrétariat du FLN ; • le général Hocine Ben Maalem, affecté à la Présidence de la République ; • le général Larbi Si Lahcène, mis à la retraite et nommé ambassadeur ; • le général Zine El Abidine Hachichi, mis à la retraite et nommé ambassadeur. Ce mouvement, qui n'a affecté que les anciens maquisards, a été suivi en 1989 par le départ des généraux nationalistes suivants : • le général-major Abdallah Belhouchet, chef d'état-major, mis à la retraite ; • le général Kamel Abderrahim, sous-chef d'état-major, démissionne à la suite de la nomination du général Khaled Nezzar au poste de chef d'état-major dont il ne partage pas la conception de défense nationale et de fonctionnement de l'armée. Sa démission est acceptée. Il fait prévaloir ses droits à la retraite ; • le général Liamine Zeroual, sous-chef d'état-major démissionne après un désaccord avec le général Khaled Nezzar sur la réorganisation de l'armée. Il est mis à la retraite et est nommé ambassadeur ; • le général Abdelmadjid Chérif, mis à la retraite à la suite d'une réflexion faite sur le général Khaled Nezzar en présence du colonel Hartani, alors directeur de l'hôpital de Aïn Naadja, à Alger. En 1990, le général Mohamed Ataïlia a démissionné à la suite des instructions obstructionnistes données par le général Khaled Nezzar (qui venait d'être nommé ministre de la Défense) aux chefs des Régions militaires pour l'empêcher de mener correctement sa mission d'inspecteur général des armées159. Parallèlement, il a été procédé à la nomination des « déserteurs » de l'armée française aux postes suivants : • le général Khaled Nezzar, nommé chef d'état-major en 1989, puis ministre de la Défense en 1990 ; • le général Abdelmalek Guenaizia, nommé chef d'état-major en 1990, en remplacement du général Khaled Nezzar ; 159 Cf. L'interview donnée par le général Atailia au quotidien londonnien en langue arabe Al Hayat du 25 mars 2000. • le général Mohamed Touati, (proche du parti RCD), nommé conseiller du ministre de la Défense en 1990, poste qu'il occupe encore en 2000 ; • le général Abbes Ghazaiel, nommé commandant de la Gendarmerie nationale en 1988 ; • le colonel Mohamed Mediene160, nommé responsable de la Sécurité militaire en 1989, fonction qu'il occupe encore en 2000 ; • le général Mohamed Lamari a connu une ascension fulgurante à partir de 1989, date de mise à la retraite des généraux nationalistes cités plus haut. Il a été très actif dans la répression des émeutes d'octobre 1988. En 1992, il a créé et dirigé les troupes spéciales chargées de lutter contre les islamistes armés. Il est connu pour sa répression implacable du mouvement islamiste. En 1993 il est nommé chef d'état-major, poste qu'il occupe jusqu'à ce jour (au moment où ces lignes sont rédigées). Ces remaniements au sommet de la hiérarchie militaire, dont Larbi Belkheir et Khaled Nezzar étaient les inspirateurs, constituaient une étape décisive vers le coup d'Etat et avaient été suivis par d'autres changements dont nous parlerons plus bas. A travers ces changements, les généraux de hizb França, représentant un courant très minoritaire, visaient à dominer sans partage l'armée et à l'utiliser comme instrument d'une politique répressive et policière, loin des constantes nationales et de l'intérêt général du pays. Mais le succès politique imprévu du Front Islamique du Salut (FIS) sur le terrain en 1990 et 1991 a excité l'ardeur du clan de ces généraux, culturellement aliénés, à accélérer les choses et à passer à l'offensive. Partisan de la manière forte, le clan Belkheir accuse le gouvernement Hamrouche de laxisme et de mollesse face à la montée du « péril islamique ». Quelques exemples permettent d'illustrer la na 160 Bien que le général Mohammed Mediene n'ait pas fait l'armée française, il fait partie du clan des « déserteurs » par affinité politique et déracinement culturel, et en est un membre acharné et très actif. ture de cette offensive pour s'emparer du pouvoir, en faisant tout pour empêcher le FIS d'accéder au pouvoir démocratiquement. b) Elections communales Au lendemain des élections municipales de juin 1990, les généraux « déserteurs » de l'armée française ont été surpris par la victoire du FIS qui a remporté 55% des communes du pays. C'est à ce moment-là qu'une réunion regroupant les généraux Khaled Nezzar, chef d'état-major, Mostepha Cheloufi, secrétaire général du ministère de la Défense, Abbas Gheziel, commandant de la Gendarmerie nationale, et Mohamed Mediene alias Toufik, responsable de la Sécurité militaire, a eu lieu autour de Belkheir, au siège de la Présidence de la République, mais à l'insu du chef de l'Etat. Leurs discussions sur le succès inattendu du FIS et sur l'avenir immédiat du pays ont abouti à l'adoption d'un plan d'action destiné à empêcher le FIS d'arriver au pouvoir par la voie des urnes. Ils ont convenu d'essayer de convaincre le Président Chadli si-non d'annuler purement et simplement l'organisation des élections législatives prévues pour le premier trimestre 1991, du moins en différer la date pour gagner du temps. Enfin, ils ont conclu que si les élections législatives ont lieu malgré tout, ils préféreraient « transformer l'Algérie en un lac de sang que d'accepter une Assemblée Nationale dominée par le FIS »161. C'est ainsi que la préparation d'un coup d'Etat a commencé. Ils ont, en effet, réussi à faire différer trois fois la date de ces élections, malgré l'engagement public du chef de l'Etat sur des dates précises. Mais ils n'ont pu faire reporter la date du 26 décembre 1991, date à laquelle les élections législatives ont finalement eu lieu. La suite est connue. c) Mesures destinées à gêner le fonctionnement des municipalités dirigées par le FIS Belkheir et ses acolytes ont réussi à convaincre le gouvernement Hamrouche de prendre des mesures d'ordre administratif et régle 161 Ces informations m'ont été communiquées le lendemain de cette fameuse réunion par un cadre supérieur dont je ne peux dévoiler le nom et les fonctions pour des raisons de sécurité. mentaire destinées à gêner les activités des élus du FIS au niveau des municipalités. Dans ce cadre, des mesures réglementaires ont été arrêtées tendant à réduire les prérogatives des maires élus du FIS au profit des secrétaires généraux des mairies, leurs subordonnés, et au profit des chefs de daïra, tuteurs des mairies de leur circonscription administrative. Les élus du FIS se sont ainsi trouvés pris en sandwich entre de simples agents administratifs de la mairie et le chef de daïra, chargé de la tutelle des mairies. D'autre part, pour geler carrément l'action du FIS au niveau local, d'autres mesures ont été prises telles que celle tendant à réduire considérablement le budget ou à bloquer purement et simplement les crédits alloués aux municipalités contrôlées par le FIS. d) Multiplication des provocations du FIS Parmi les multiples provocations entreprises par Belkheir et les généraux du clan pour intimider les islamistes et les humilier en vue d'affaiblir politiquement le FIS, citons quelques exemples significatifs. D'abord, une vague de répression s'est abattue sur les dirigeants et les militants du FIS, notamment à l'occasion de la grève décidée par ce parti en juin 1991. Les autorités militaires ont envoyé, avant l'aube, des troupes à la place des Martyrs, à Alger, en tirant sur de paisibles manifestants qui y ont organisé un sit-in pacifique la veille. De nombreux manifestants ont été tués et d'autres grièvement blessés. Le syndicat créé par des islamistes, proches du FIS, a été dissous. Des milliers de responsables et de militants du FIS ont été licenciés pour fait de grève et un grand nombre d'entre eux ont été arrêtés par voie administrative. Cette vague de répression a été couronnée par l'arrestation en juin 1991 de Abassi Madani et de Ali Belhadj, respectivement président et vice-président du FIS, à la suite d'un voyage secret qu'aurait entrepris Belkheir à Paris. D'autre part, une grande publicité dans les médias a été donnée à une circulaire du ministère de la Défense imposant des restrictions sévères au personnel civil employés dans différents organismes placés sous la tutelle de ce ministère, y compris les hôpitaux, en interdisant aux hommes le port de la barbe et aux femmes le port du foulard, sous peine de licenciement. Enfin, une série de perquisitions ont été entreprises dans des mosquées par l'armée162. On a même vu des soldats fouler aux pieds le Coran, lors de telles perquisitions. De telles pratiques haineuses et détestables sont complètement étrangères aux mœurs des Algériens. Du jamais vu. e) Démission du gouvernement Hamrouche C'est dans ce climat de terreur, de violence et de violations de la Constitution, des lois, des droits de l'homme et des libertés fondamentales que Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense, et Belkheir ont réussi à obtenir du Président Chadli la proclamation de l'état d'urgence. Ils ont pu également arracher du chef de l'Etat la décision de démettre le gouvernement Hamrouche, lui repro-chant manque de fermeté et laxisme. La démission de ce dernier est annoncée le 4 juin 1991, alors que le Président Chadli venait de confirmer publiquement son soutien à Hamrouche le 2 juin. Ils ont aussi pu obtenir la décision de reporter pour la troisième fois les élections législatives prévues pour le 27 juin 1991. La désignation de Ghozali comme Premier Ministre consacre la victoire de Belkheir, de Nezzar et du clan hizb França et constitue une étape décisive vers la prise du pouvoir, tout le pouvoir, qui se concrétise avec le coup d'Etat de janvier 1992. 9.2. Le coup d'Etat de janvier 1992 : coup d'envoi d'une longue période de violence Lorsque le FIS a remporté 188 sièges sur 220 au premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991, tandis qu'il reste bien placé pour le second tour, l'armée a pris le pouvoir en déposant le Président Chadli Bendjedid et en annulant purement et simplement les élections. Les généraux de hizb França ont justifié leur coup d'Etat par les arguments suivants : 162 Source : Entretien que j'ai eu avec l'imam de la mosquée en question. 1) Le FIS veut s'emparer du pouvoir par la force (sic). 2) Si le FIS arrivait au pouvoir, il ne respecterait ni la Constitution, ni les lois et ruinerait le pays politiquement et économiquement. 3) La nécessité d'assurer l'ordre et de rétablir l'autorité de l'Etat. 4) La nécessité d'organiser le décollage économique et de lutter contre le chômage. Que s'est il passé en fait après le coup d'Etat ? Force est de constater que les généraux putschistes qui ne disposaient ni de la légitimité historique, ni de la légitimité populaire, ni de la légalité constitutionnelle, avaient pris le pouvoir par la force, en recourant à la répression et à la terreur, dans l'impunité et au mépris de la Constitution, des lois nationales et des conventions internationales, notamment celles relatives aux droits de l'homme, signées d'ailleurs par l'Algérie. L'insécurité s'était largement répandue au fil des années à l'ensemble du pays où l'autorité de l'Etat s'était évanouie. La situation politique, économique et sociale s'était lamentablement détériorée au cours de la décennie 1990, comme nous allons le voir plus bas dans le détail. A l'intérieur, les généraux putschistes comptent sur deux choses pour réussir : d'une part, sur la force pour mater les gens qui pen-sent différemment d'eux en luttant par les armes contre les idées et les convictions politiques des citoyens et, d'autre part, sur la promesse de vente de 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud faite par Ghozali (qu'ils ont gardé comme Premier Ministre après le coup d'État) pour éponger la dette extérieure et lancer un grand programme de travaux publics destiné à résorber le chômage. Ils pensaient pouvoir de cette manière renverser le soutien populaire en leur faveur en deux ans (délai qu'ils se sont fixés euxmêmes et qui correspond à la fin du mandat du Président Chadli) et acquérir ainsi la légitimité, pour justifier leur maintien au pouvoir. A l'extérieur, la junte compte sur l'appui politique, diplomatique, financier et militaire de la France. Voyons maintenant de plus près ces trois points. 9.2.1. L'implication de la France dans la crise algérienne Il convient tout d'abord de rappeler que Mitterand, alors Président de la République, était ministre de l'Intérieur en novembre 1954, lorsqu'il a déclaré que la seule négociation possible avec le FLN était « la guerre par tous les moyens », et que Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur entre 1993 et 1995, connu pour son soutien massif aux putschistes algériens, était impliqué dans notre guerre de libération comme parachutiste dans l'armée française. Edouard Balladur, alors Premier Ministre, confie à Pasqua et non au ministre des Affaires étrangères « le dossier de l'Algérie », considérant la crise algérienne comme une affaire intérieure française. Pasqua recrute à cet effet, comme conseiller spécial pour l'Algérie, Jean-Claude Marchiani, ancien parachutiste qui a lutté contre la libération de l'Algérie. Il est assisté dans cette tâche par des pieds noirs, dont certains étaient membres de l'OAS (organisation armée secrète), connue pour ses crimes contre des Algériens innocents et pour ses activités destructrices à la veille de l'indépendance de l'Algérie. Ce groupe de responsables français qui a une forte présence dans l'administration française, notamment dans les services de sécurité, profite de la crise algérienne pour prendre leur revanche et d'entreprendre, par l'entremise de généraux algériens, anciens éléments de l'armée française, la sale besogne qu'ils ne pouvaient achever eux-mêmes durant notre guerre de libération nationale163. Quelques exemples permettent d'illustrer l'implication de la France dans la crise algérienne. • Nous avons la preuve d'une conversation téléphonique, la veille du coup d'Etat de janvier 1992, entre le Président Mitterand et le général Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense, durant laquelle le Président français suggère à Nezzar de garantir au Président Chadli la vie sauve, en lui témoignant sa « compassion » et en lui promettant de l'aide164. 163 A titre d'exemple, cf. Benoist Rey, Les égorgeurs. Guerre d'Algérie, chronique d'un appelé, 1959-1960 (Paris: Monde librairie-Los Solidarios, 1999). Ce livre, plusieurs fois censuré et interdit de paraître en France, donne une idée sur des crimes abominables commis par des militaires français en Algérie au cours de la guerre de libération.. 164 C'est le capitaine Haroun, ancien officier de la sécurité militaire, qui a révélé le contenu de cette conversation téléphonique, dans son témoignage devant la Commission des droits de l'homme du Parlement britannique (House of Common) le 22 janvier 1998 à Londres. • Depuis le coup d'État, la France qui prêche la démocratie en Afrique depuis le sommet franco-africain de La Beaule a fourni au régime militaire algérien un soutien, certes discret mais sans faille dans les domaines politique, diplomatique, militaire et économique. Le rééchelonnement de la dette extérieure n'a obtenu l'aval du FMI en 1994 qu'avec le soutien de la France qui s'est chargée de vaincre les réticences et les résistances des Etats-Unis et de la Grande Bretagne en particulier. • Entre 1992 et 2000, les médias français soutiennent franchement le régime dictatorial algérien. D'ailleurs, seuls les « éradicateurs » algériens et leurs représentants français, champions de la désinformation, sont invités à s'exprimer sur la crise algérienne en leur permettant de s'adresser à l'opinion publique française, européenne et internationale, sans donner la moindre occasion aux réconciliateurs d'exprimer leurs points de vue même s'ils représentent l'écrasante majorité du peuple algérien. • La France s'est prononcée publiquement contre la constitution d'une commission d'investigation internationale pour enquêter sur les massacres collectifs commis par des unités spéciales de répression et par des milices créées par le régime à Médéa, Rais, Ben Talha, Beni Messous, Relizane, etc. en 1997 et 1998, et sur les violations des droits de l'homme : torture, enlèvements, exécutions extrajudiciaires, etc. D'autre part, la France a fait du lobbying à Genève pour éviter toute résolution condamnant les violations des droits de l'homme par le gouvernement algérien durant les travaux de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, lors de sa session de mars-avril 1998 et de celle de juillet 1998165. Aujourd'hui chacun peut s'apercevoir que l'Algérie a perdu le prestige qu'elle a acquis durant 132 ans de résistance, dont près de 60 ans de guerre contre le colonialisme français (entre 1830 et 1881, puis entre 1954 et 1962). 165 Source : Joe Stork, Director of Advocacy-Middle East, Human Rights Watch, Washington D.C., qui a assisté aux travaux de la dite Commission des Nations Unies à Genève. Il est évident que la France est en train de reconquérir l'Algérie par d'autres moyens que ceux du colonialisme du siècle dernier. La France assure massivement son assistance militaire et la vente d'armes et d'équipements sophistiqués au régime militaire algérien pour renforcer le clan éradicateur et anti-démocrate en Algérie. Elle essaie, par l'entremise des généraux éradicateurs, d'alimenter une politique franchement hostile à la civilisation arabomusulmane dans laquelle se reconnaît le peuple algérien dans sa quasi totalité pour ramener l'Algérie au club de la francophonie166. La francophonie est devenue une idéologie pour reconquérir culturellement et économiquement les colonies perdues. Or l'Histoire nous enseigne que le colonialisme français s'était caractérisé en Algérie par une répression militaire, politique, économique et culturelle aveugle durant 132 ans. Cette répression multiforme était sanglante, farouche et inhumaine et fut suivie par une guerre sauvage contre le peuple algérien entre 1954 et 1962. Au lieu de payer des réparations à l'Algérie pour les innombrables crimes commis (des millions d'Algériens tués au cours du XIXème siècle et un million et demi de martyrs pour la seule période 1954-1962), les expropriations d'Algériens, ainsi que les di-verses destructions matérielles au cours de 132 ans d'occupation, certains milieux français font prévaloir cette période de sinistre mémoire et leurs préjugés pour s'octroyer des droits et la tutelle sur l'Algérie. Si des Français osent le faire au grand jour depuis 1992 c'est qu'ils bénéficient de la complicité d'Algériens, qui ne sont autres que les anciens éléments de l'armée française, qui contrôlent sans partage l'armée algérienne notamment depuis le coup d'Etat de janvier 1992, et ce, pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie. La seule différence entre ces quelques généraux algériens et Mobutu, c'est que la Belgique a réussi à faire promouvoir Mobutu du grade de sergent-chef, grade qu'il avait à l'indépendance du Congo, au grade de général en deux ans, pour devenir chef d'étatmajor au terme de la troisième année et chef d'Etat au bout de la 166 Il convient de noter, dans ce cadre, que pour la première fois depuis l'indépendance (1962), le ministre des affaires étrangères algérien assiste à la réunion ministérielle de suivi de la conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France, tenue à Paris le 7 décembre 1999. quatrième année pour régner en dictateur et pour ruiner son pays. Pour la France, la promotion de sous-officiers et de souslieutenants algériens ayant opéré dans les rangs de l'armée française avant l'indépendance, au grade de général dans l'armée algérienne, a pris près de 30 ans. En effet, depuis 1989 et pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie, l'ANP est dirigée au plus haut niveau par des anciens éléments de l'armée française. En 1990, le ministre de la Défense, le chef d'état-major et le secrétaire général du ministère de la Défense sont des « déserteurs » de l'armée française, soutenus par d'autres généraux de la mouvance française dans des postes clés tels que le responsable de la sécurité militaire et son adjoint, le sous-chef d'état-major chargé des forces terrestres ainsi que le conseiller du ministre de la Défense. Ces deux derniers ont « déserté » l'armée française en 1961, à quelques mois seulement du cessez-le-feu. C'est pourquoi le régime militaire algérien, discrètement soutenu par certains milieux français, s'oppose à la démocratie, à la transparence, à la souveraineté du peuple et à l'application de la Constitution (qui définit clairement le rôle de l'armée) pour sa sur-vie et pour la pérennité des intérêts culturels et économiques français en Algérie. La plupart des Algériens ont l'impression que ce qui passe en Algérie depuis le coup d'Etat de 1992 est la continuation de la guerre de libération nationale. Chacun sait en Algérie que les généraux éradicateurs constituent le prolongement de la France en Algérie. Politiquement et culturellement, le rêve de la France est de ramener à jamais l'Algérie sous sa domination sous le couvert de son adhésion au club de la francophonie. Autrement dit, la France essaie de renforcer ses relations politiques, économiques et militaires à son profit avec l'Algérie pour les rendre irréversibles, sous le couvert de la culture française. La levée de boucliers en France, et dans les milieux éradicateurs algériens, assortie d'attaques en règle contre la langue arabe des mois durant, et ce bien avant l'entrée en vigueur de la loi relative à la généralisation de l'utilisation de la langue arabe fixée au 5 juillet 1998, est à cet égard significative. L'assassinat du chanteur kabyle Lounes Matoub, concocté par quelques généraux, dont Mohamed Touati, Mohamed Mediene et Smail Lamari et attribué aux islamistes, intervient à ce moment précis pour provoquer, canaliser et orienter la colère de la Kabylie contre la loi sur la langue arabe167. La manœuvre cynique ainsi opérée par les milieux éradicateurs ainsi que les attaques indécentes orchestrées par le biais des médias contre le général Mohamed Betchine, ministre conseiller à la Présidence de la République a été telle qu'elle a obligé le Président Zeroual et son gouvernement à renvoyer l'application de la loi sur l'arabisation aux calendes grecques et à se séparer de son ministre conseiller. Les Algériens sont intoxiqués depuis le coup d'Etat de 1992 (qui a précisément gelé la loi sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe alors en vigueur) par une propagande haineuse entretenue par certains milieux français, relayée en Algérie par les médias contrôlés par les généraux éradicateurs déracinés et mentalement colonisés. Ces derniers adoptent la violence et la répression comme une politique destinée à détourner l'Histoire de son cours naturel en essayant de discréditer l'Islam et en traitant la langue arabe d'« ennemi » public. L'amalgame et l'irresponsabilité de ces milieux les poussent jusqu'à traiter les défenseurs de la langue arabe de « terroristes »168. Ces éradicateurs échoueront bien sûr tôt ou tard comme a échoué le colonialisme français dont ils constituent aujourd'hui le prolongement en Algérie. Mais entre-temps, que d'injustice, que de sang, que de crimes, que de larmes. Sur le plan économique, la France considère l'Algérie comme un marché captif. Dans ce cadre, l'Algérie subit des pertes substantielles à travers des opérations répétitives et juteuses. Ceci est dû à l'existence de réseaux d'intérêts français dans la hiérarchie militaire, dans l'administration algérienne et auprès de certains opérateurs économiques publics algériens qui agissent dans l'opacité. Citons deux exemples seulement à titre d'illustration : 167 Pour l'implication de ces généraux d'orientation française dans l'assassinat de Lounes Matoub, cf. Les révélations faites par « le mouvement algérien des officiers libres » sur Internet, www.anp.org. Cf. aussi le quotidien français Libération du 26 janvier 2000. 168 Cf. les quotidiens El Watan, Le Matin et Liberté dans leurs différentes livraisons de juin et juillet 1998. • Importation des médicaments L'Algérie couvre la quasi-totalité de ses besoins pharmaceutiques par l'importation de France de médicaments, souvent périmés, à des prix beaucoup plus élevés que ceux du marché mondial. Il y a toujours eu, de manière récurrente, des scandales étouffés dans ce domaine entre 1970 et 2000. La perte subie par l'Algérie est double : le surcoût non justifié des produits importés et le nonremplacement des quantités fort importantes des médicaments périmés qui sont systématiquement détruits. Dans ce contexte, les milieux officiels algériens affirment, en août 1996, que le ministre de la Santé vient d'annuler un contrat avec une firme française parce que les prix des médicaments importés dépassent de 65% non pas les prix internationaux mais les prix habituellement pratiqués par la même entreprise française et que cette situation dure depuis 1994169. • Importation de céréales L'importation massive de céréales de France depuis le coup d'Etat de 1992 se traduit par un surcoût supérieur à 30%. Ce surcoût est le résultat de la conjugaison d'un prix plus élevé que le cours mondial des céréales et des conditions financières élevées des crédits commerciaux consentis à cet effet. Lorsque l'on sait que les importations algériennes en provenance de la France atteignent 34% de ses importations totales au cours des années 1990 contre 17% au cours de la décennie 1980 et que si l'on inclut les importations informelles, les importations de France dépassent aujourd'hui 50% des importations totales algériennes, on se rend mieux compte des dommages commerciaux et financiers causés à l'Algérie au moment où l'Algérie a tant besoin des devises. On comprend ainsi mieux pourquoi certains milieux à Alger, et à Paris, sont contre la démocratie et contre la transparence en Algérie. 169 L'information a été donnée par la télévision algérienne le 6 août 1996 dans le journal télévisé à 20 heures locales. Mais aucune suite n'a été donnée à ces dépassements, comme hier et comme demain tant que le même régime est en place. D'autre part, certains dirigeants français répètent de temps à autre entre 1993 et 1997 que le rôle de la France en Algérie se limite à « l'aide économique » qu'elle apporte au pouvoir actuel pour surmonter les difficultés aiguës auxquelles il fait face et affirment que cette « aide est destinée au peuple algérien » (sic). Ces déclarations inspirent deux brefs commentaires : • « L'aide économique » dont parlent ces dirigeants n'est pas une « aide » destinée à l'Algérie, mais une aide à l'économie française. Chacun sait, en effet, que les crédits français à l'Algérie sont des crédits liés pour acheter uniquement des produits français. Et à quels prix. • La meilleure aide que la France pourrait apporter au peuple algérien est de ne pas intervenir, par généraux éradicateurs interposés, dans ses affaires internes pour laisser la démocratie s'exercer en Algérie et pour lui permettre de choisir librement et honnêtement les dirigeants en qui il a confiance. L'Algérie n'a besoin ni de tutelle, ni de courtiers. Le meilleur service que la France pourrait rendre à l'Algérie est qu'elle accepte que les relations économiques bilatérales soient équilibrées et transparentes et que soient pris en compte les intérêts des deux pays dans le cadre de la compétition internationale. Il ne saurait y avoir de stabilité en Algérie et dans toute la région sans retour à la souveraineté populaire et son respect. Mais le res-sentiment de certains milieux français à l'égard de l'Algérie trouble leur rationalité comme le fer perturbe la boussole. La fidélité des généraux éradicateurs à l'ancienne puissance coloniale est telle que, depuis 1992, ils ont eu recours aux mêmes méthodes que l'armée coloniale utilisait contre le peuple algérien du-rant la guerre de libération. 9.2.2. Retour aux méthodes coloniales 9.2.2.1. Similitude de l'approche du régime algérien depuis 1992 et de celle des autorités coloniales françaises Dans leur lutte contre la mouvance islamique, les généraux d'orientation française et leurs représentants dans les gouvernements Ghozali, Abdeslam, Malek, etc. et dans la presse utilisent les mêmes méthodes, voire les mêmes concepts et les mêmes mots que l'armée coloniale durant la guerre de libération entre 1954 et 1962 : action psychologique à travers la désinformation et l'intoxication, politique de la terre brûlée, quadrillage, ratissages, utilisation du napalm lors des attaques aériennes des maquis, des forêts incendiées, constitution de groupes d'autodéfense, création des brigades de la mort, assassinats de personnalités politiques, ouverture de camps d'internement dans le grand Sud algérien, torture, exécutions sommaires, enlèvements nocturnes, massacres collectifs d'Algériens innocents, exode de populations rurales pauvres vers des lieux considérés plus sûrs, etc. Les adversaires politiques de l'ordre établi sont traités de terroristes et d'éléments subversifs et sont privés des droits de l'homme les plus élémentaires. L'aveuglement dans le mimétisme du pouvoir colonial a poussé certains responsables éradicateurs comme Salim Saadi, alors ministre de l'Intérieur, à déclarer, en mars 1994, la « guerre implacable » aux islamistes, rappelant étrangement la déclaration que François Mitterand, alors ministre de l'Intérieur, a faite en novembre 1954 en affirmant que la seule négociation avec le FLN c'est « la guerre par tous les moyens ». La seule différence entre ces deux déclarations à 40 ans d'intervalle, c'est que Mitterand défendait « l'Algérie française » et que Salim Saadi milite pour la francisation de l'Algérie arabo-musulmane. Ceci montre bien que la nature de la lutte qui oppose le régime éradicateur algérien non pas aux islamistes seulement, mais aussi à la majorité écrasante du peuple algérien, est d'essence civilisationnelle. L'appareil de l'Etat et des services de sécurité sont encadrés et dominés par des éléments de hizb França très minoritaires dans l'Algérie d'aujourd'hui comme l'étaient hier les représentants du colonialisme français avant l'indépendance. 9.2.2.2. Primauté de l'économique pour occulter des problèmes politiques aigus En 1992, le Haut Comité d'Etat considère, comme l'a fait la France en 1954, que le problème n'est pas politique mais essentiellement économique. Les Français disaient hier que les « Français Musulmans » ont besoin de pain et non de politique et niaient la soif de liberté et d'indépendance des Algériens. Les généraux éradicateurs d'obédience française affirment depuis 1992 que c'est le chômage qui est la cause du gonflement des rangs du FIS et nient la soif de démocratie et de justice sociale des Algériens. Pour mettre en échec le FLN et l'ALN, le général De Gaulle annonce en 1958 le « Plan de Constantine » comportant un programme d'investissements destiné à lutter contre le chômage. En 1992, le programme économique de la junte consiste à réaliser le rêve de Ghozali, alors Premier Ministre, de vendre 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud pour 6 à 7 milliards de dollars. Ces sommes permettraient de réduire la dette extérieure du pays et de lancer un vaste programme de construction d'un million de logements pour lutter contre le chômage, résorber la crise de logement et saper ainsi à la base le soutien des jeunes au FIS. Les généraux éradicateurs pensaient pouvoir renverser le soutien populaire en leur faveur et disposer ainsi de la légitimité pour justifier leur maintien au pouvoir. Les résultats sont éloquents : les généraux éradicateurs sont toujours au pouvoir (même si l'Algérie a eu entre 1992 et 2000 quatre chefs d'Etat et six Premiers Ministres), en fourvoyant le pays dans l'impasse avec l'accroissement sans précédent du chômage et le pourrissement grave de la crise politique. 9.2.2.3. Les menaces proviennent de l'extérieur Entre 1954 et 1962, la France accusait « l'extérieur » et notamment l'Egypte d'aider les « rebelles et les terroristes » algériens. Depuis 1992, les généraux éradicateurs et leurs gouvernements successifs accusent « l'extérieur » et notamment l'Iran et le Soudan d'aider les « terroristes » islamiques. Et comme pour accréditer ses accusations, le régime algérien a rompu ses relations diplomatiques avec ces deux pays. 9.2.2.4. Institutionnalisation de la violence En 1956, le Parlement français vote les pouvoirs spéciaux pour permettre au gouvernement Guy Mollet de renforcer la répression contre le peuple algérien. En 1992, le Haut Comité d'Etat déclare l'état d'urgence, d'ailleurs toujours en vigueur en décembre 1999. Les mesures de répression sont aggravées par le décret du 30 septembre 1992, copie aggravée du décret du 14 août 1941 pris par le gouvernement de Vichy170. Comme la violation de la Constitution et des lois en vigueur ne lui paraît pas suffisante pour « maîtriser » la situation sur le terrain, le régime algérien a excellé dans la violation des droits fondamentaux de l'homme : arrestations massives et arbitraires d'innocents parmi lesquels des élus municipaux, de nouveaux élus à l'Assemblée Nationale (élus au premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991), des professeurs, des ingénieurs, des médecins, des avocats, des commerçants et des étudiants envoyés sans jugement dans des camps d'internement ou jetés dans des prisons dans des conditions de détention inhumaines. 9.2.2.5. La mouvance nationaliste et islamique sont « contre l'intelligence » Une vaste campagne est organisée depuis le coup d'Etat de 1992 par le régime algérien et par la presse française tendant à présenter les généraux de hizb França comme le parti des intellectuels et le FIS et les nationalistes comme le parti de l'obscurantisme et l'ennemi de l'intelligence. Le peuple algérien ne croit pas dans sa majorité à de telles assertions mensongères, comme il a rejeté des allégations du même type exprimées par le pouvoir colonial à l'égard du FLN et de l'ALN entre 1954 et 1962. Car, tout le monde sait que des intellectuels (médecins, avocats, professeurs, étudiants, etc.) sont injustement arrêtés, internés des années durant sans jugement, torturés, voire exécutés par des services de sécurité depuis 1992, comme l'ont été leurs aînés par l'armée française pendant la guerre de libération. La répression culturelle (contre la langue arabe pendant la période coloniale et contre la langue arabe et les langues étrangères autres que le français par hizb França) et le ridicule ont été poussés par l'administration algérienne au point où l'équivalence des PhD (doctorat) obtenus aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, fussentils de Harvard, MIT, Oxford ou Cambridge, ne sont pas automatiquement reconnus comme les diplômes français. Des enseignants 170 Cf. J. Vergès, Lettre ouverte à des amis algériens devenus tortionnaires, p. 27 (Paris: Albin Michel, 1993). d'universités attendent jusqu'à 8 ans et davantage pour voir leur PhD reconnu par les autorités universitaires et administratives algériennes. 9.2.2.6. « Après nous le déluge » En 1960-61, le général De Gaulle, relayé par la presse française, répétait que si l'Algérie choisit l'indépendance, ce sera le chaos. Depuis 1992, les généraux éradicateurs et leurs représentants dans les médias algériens et français soutiennent que si les islamistes arrivent au pouvoir, même démocratiquement, ce sera la guerre civile, ce sera l'Afghanistan. Etrange similitude dans l'art de l'amalgame et de la confusion. Le rappel de ces quelques vérités illustre bien le caractère sousjacent de la crise civilisationnelle qui sous-tend la crise politique. L'appareil administratif répressif et le système éducatif tronqué hérités de la période coloniale ont compliqué la situation conflictuelle en Algérie entre une minorité mentalement colonisée, amarrée à la France et qui détient le pouvoir par la force d'une part et, la majorité écrasante du peuple qui aspire à des changements profonds du système d'une manière démocratique d'autre part. 9.2.3. Le programme économique de la junte La primauté accordée à l'économique sur le politique par les généraux éradicateurs (qui n'ont aucun programme) justifie le maintien de Ghozali comme Premier Ministre après le coup d'Etat de janvier 1992 qu'ils considèrent capable de concevoir et mettre en œuvre un programme économique à la hauteur de la gravité des événements et avec lequel ils ont d'ailleurs beaucoup d'affinités politiques et culturelles. Le maigre programme économique de la junte consiste à mettre en œuvre la promesse de Ghozali, faite en été 1991, de vendre 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud pour 6 à 7 milliards de dollars. Il s'agit de lancer, avec ces recettes providentielles, un vaste programme de construction d'un million de logements en quelques années pour lutter contre le chômage et résorber la crise de logement. Il s'agit aussi de réduire la dette extérieure de l'Algérie devenue un véritable boulet inhibant toute tentative de redressement économique. Les généraux éradicateurs espèrent ainsi surmonter la crise économique et améliorer la situation économique et sociale du pays. De tels résultats positifs leur permettraient d'obtenir l'adhésion populaire et justifier leur maintien au pouvoir. Quels sont en fait les tenants et aboutissants de la vente partielle de Hassi Messaoud ? 9.2.3.1. La vente de Hassi Messaoud Les données techniques à la disposition de Sonatrach, élaborées par des firmes étrangères et notamment par la firme américaine De Gloyer and Mac Naughton, montrent que les réserves pétrolières récupérables de Hassi Messaoud représentent 66% des réserves de l'Algérie et estimées alors à 478 millions de tonnes. La vente de 25% de ces quantités correspond à près de 120 millions de tonnes soit autour de 960 millions de barils. Céder ces quantités à 6 ou 7 milliards de dollars comme cela a été annoncé équivaut à vendre notre pétrole aux firmes multinationales à 6 ou 7 dollars le baril au lieu du prix du marché qui fluctuait alors entre 18 et 20 dollars le baril. Cela signifie qu'une telle opération, si elle s'était réalisée, aurait privé l'Algérie de 12 à 13 milliards de dollars. Ce qui aurait représenté un transfert net de richesses considérables d'un pays pauvre vers des pays riches. Si l'on se place maintenant dans l'optique des déclarations de Ghozali qui estime que les réserves récupérables de Hassi Messaoud non pas à 478 millions de tonnes mais à 5 milliards de tonnes (ce que nous contestons), la vente de 25% de Hassi Messaoud serait alors de 1,25 milliard de tonnes, soit 19 milliards de barils. Le cadeau fait aux entreprises transnationales se situerait dans ce cas entre 120 et 140 milliards de dollars au prix du marché. De plus, l'idée de faire appel aux firmes multinationales pour exploiter à bon marché les gisements existants est en soi contestable. Ce qu'il aurait fallu encourager par contre, ce serait l'association de ces firmes étrangères dans l'exploration et la découverte de nouveaux gi sements pour augmenter nos réserves pétrolières en prenant des mesures incitatives appropriées. Par ailleurs, Ghozali affirme en 1991 que la vente de 25% de Hassi Messaoud va pouvoir assurer des recettes additionnelles de l'ordre de 140 milliards de dollars en quelques années seulement grâce à l'augmentation des exportations induites. Le temps a montré que ceci est une vue de l'esprit. Nous avons déjà démontré l'inanité de telles déclarations fantaisistes et sensationnelles171. En fait, de telles déclarations spectaculaires et sans fondement visent à anesthésier l'opinion publique nationale pour la détourner des par-tis politiques dont la popularité s'accroît de plus en plus au fur et à mesure que l'on se rapproche des élections législatives fixées au 26 décembre 1991, remportées d'ailleurs par le FIS et hâtivement annulées. Ces déclarations visent également à présenter Ghozali comme l'oiseau rare pour conforter les généraux éradicateurs qui l'ont fait nommer Premier Ministre. Ces déclarations visent enfin à rassurer les puissances étrangères et notamment la France en ouvrant à leurs firmes l'accès de gisements existants à très bon compte, d'une part, et en présentant l'Algérie comme un pays riche et un marché potentiel important, leur offrir des débouchés. Ils verraient ainsi leurs exportations vers l'Algérie s'accroître de manière substantielle, d'autre part. En fondant sa « politique économique » sur la seule vente de 25% de Hassi Messaoud, le gouvernement Ghozali soutient que seule l'accélération des exportations pétrolières sortirait l'Algérie de sa crise économique et financière et de sa situation d'endettement extérieur grave. En réduisant son programme économique à la seule vente du pétrole, le gouvernement occulte de ce fait les problèmes fondamentaux tels que la nécessité de développement de l'agriculture, l'organisation de l'intégration économique nationale, la relance du secteur de la construction et du bâtiment et des travaux publics, l'assainissement de l'économie, la création d'emplois, la réforme 171 Nous avons critiqué avec détail la proposition de vente de 25% de Hassi Messaoud faite par Ghozali en son temps ; cf. Interview accordée par A.Brahimi au Jeune Indépendant, no.42 du 20-26 août 1991.Cf. aussi notre ouvrage Stratégies de développement pour l'Algérie, op. cit., pp. 348-352. fiscale, la réforme financière, la lutte contre la paupérisation rampante, etc. qui constituent autant de domaines urgents et cruciaux. Mais, malheureusement, ce n'est ni l'intérêt général, ni le développement réel de l'Algérie qui intéressent le gouvernement Ghozali et les généraux éradicateurs qui l'ont nommé. Il est clair que la vente de 25% de Hassi Messaoud s'inscrit plutôt dans la logique du « nouvel ordre mondial » déployé depuis la guerre contre l'Irak et caractérisé par le contrôle par les Etats Unis des réserves pétrolières gigantesques des pays du Golfe. Dans ce contexte, la France trouve le moment opportun pour contrôler à nouveau des gisements pétroliers algériens autrefois découverts par elle et nationalisés par l'Algérie en 1971 et en 1980. En somme, la France veut avoir son « Golfe » à elle. En effet, l'Algérie, outre sa position géopolitique stratégique, est devenue vulnérable par le poids très élevé de sa dette extérieure et constitue une cible « facile » pour les intérêts français. Dans ce cadre, le prêt de 100 millions de dollars consenti à la Sonatrach par la Banque mondiale avec un cofinancement à hauteur de 7,7 millions de dollars accordés par Total, société pétrolière française est très significatif. En effet, l'accord signé au début du mois d'août 1991 entre l'Algérie et le Banque mondiale sur ce prêt prévoit la « privatisation » des activités pétrolières ainsi que des conditions draconiennes de contrôle des activités de Sonatrach par la Banque mondiale. Ces conditions sont non seulement exorbitantes et disproportionnées par rapport au faible niveau du prêt et à la très forte capacité de remboursement de la Sontrach (dont les recettes extérieures tournent alors autour de 12 milliards de dollars par an), mais dérogent aux pratiques traditionnelles de la Banque mondiale. Le retour de l'entreprise française Total à Hassi Messaoud, dont les intérêts ont été nationalisés en 1980, semble avoir été bien organisé et bien enrobé. La vente de 25% de Hassi Messaoud, présentée comme une décision nationale salvatrice, a été en fait conçue par l'étranger et ne correspond nullement aux intérêts de l'Algérie. La mise en œuvre de cette politique de dénationalisation des hydrocarbures et de leur « privatisation » ainsi que l'habillage juri dique, financier et technique qui l'a accompagné ont donc été inspirés par l'extérieur, même si les acteurs visibles et moins visibles sont des Algériens dont certains font partie du gouvernement Ghozali. 9.2.3.2. Relance de l'économie La relance économique est basée sur la privatisation déguisée des hydrocarbures. En effet, cette politique de privatisation des hydrocarbures, inaugurée par Ghozali en 1991, comme cela a été rappelée plus haut, est revenue en surface en 1995 et 1996, aboutissant à l'adoption par le gouvernement d'une nouvelle législation réglementant le secteur pétrolier et gazier. En conséquence, des contrats de « partenariat » ont été signés par Sonatrach avec 36 firmes pétrolières internationales. Les périmètres d'exploration et d'exploitation confiés à ces firmes étrangères n'excluent plus les gisements pétroliers existants comme auparavant. En effet, l'exploitation par des opérateurs étrangers de gisements déjà découverts correspond à une perte sèche pour l'Algérie et à une braderie de ressources stratégiques épuisables et non renouvelables. Cette nouvelle politique de privatisation déguisée172 et de liquidation des hydrocarbures est présentée par le gouvernement algérien comme un succès politique et financier international, parce que ces contrats impliquent des investissements de l'ordre de 10 milliards de dollars sur une période de 20 ans. S'agissant des contrats, leur impact sur l'emploi et sur la balance des paiements ne peut être que négligeable. D'une part, ces investissements ne représentent ni un transfert de capital à travers la Banque d'Algérie (la Banque centrale du pays), ni une injection de devises étrangères dans l'économie algérienne. Ces investissements représentent plutôt la valeur des équipements importés et utilisés par les compagnies étrangères dans les différents gisements désignés à cet effet et servent également au 172 Les choses s'accélèrent en janvier 2000, puisque la privatisation de la Sonatrach, des banques et des compagnies d'assurances figure dans le programme du nouveau gouvernement et fait l'objet de commentaires divers de la presse algérienne. La privatisation de tels secteurs stratégiques et juteux ne se justifie nullement et correspond à une liquidation gratuite d'une bonne partie de la richesse nationale. paiement de différents services importés et des experts étrangers recrutés pour la circonstance. D'autre part, l'impact sur l'emploi est négligeable, compte tenu du niveau élevé de qualification du personnel requis, constitué essentiellement d'experts étrangers dont les salaires sont transférés à l'étranger. Le recours à la main d'œuvre algérienne non qualifiée sera forcément occasionnel et limité. Ainsi, les effets financiers des investissements pétroliers profitent davantage à l'étranger qu'à l'économie algérienne. Le gouvernement algérien et la presse aux ordres font l'éloge de ces contrats pétroliers et gaziers qui, disent-ils, vont contribuer à l'accroissement des exportations des hydrocarbures de l'Algérie et vont procurer au pays entre 14 et 15 milliards de dollars par an à partir de 2003. S'agissant de l' accroissement des exportations, l'Algérie, tenue par les accords de l'OPEP dont elle est membre, ne peut augmenter son quota à sa guise. Si elle le fait, d'autres pays suivront et les prix de pétrole chuteront automatiquement. La baisse du prix de pétrole ne peut pas être compensée par l'augmentation des quantités exportées, comme cela a été démontré sur le terrain au cours des 15 dernières années. S'agissant du niveau des recettes d'exportation des hydrocarbures estimé entre 14 et 15 milliards de dollars en 2003, présenté par le gouvernement en 1996 et 1997 comme un véritable boom financier, ne représente en définitive que le niveau déjà réalisé par l'Algérie entre 1979 et 1984, lorsque les revenus extérieurs procurés par les hydrocarbures variaient entre 13 et 14 milliards de dollars par an et ce, lorsque le dollar, unité de compte des transactions pétrolières, était beaucoup plus fort qu'aujourd'hui et que la population de l'Algérie ne dépassait guère 20 millions d'habitants. Ce que le gouvernement présente comme un succès financier sans précédent n'est en définitive qu'un retour au niveau des recettes d'exportation enregistré au cours de la première moitié de la décennie 1980, avec cette différence que la population algérienne se sera accrue de 12 millions en passant de 20 millions d'habitants au début des années 1980 à 32 millions en 2003. Avec le niveau des recettes d'exportation escomptées il sera impossible de satisfaire les besoins additionnels dans les domaines alimentaire, de l'emploi, des logements etc. Toute la politique du régime algérien est fondée sur la falsification, la désinformation et la manipulation des faits et des chiffres. Les importantes concessions faites aux firmes pétrolières étrangères au détriment de l'intérêt national sont ainsi présentées comme un succès politique et financier de l'Algérie au moment où la situation économique et sociale du pays se détériore lamentablement173. 9.2.3.3. Détérioration de la situation économique La situation économique de l'Algérie s'est gravement détériorée depuis le coup d'Etat de 1992 comme en témoignent les paramètres suivants. • La production intérieure brute (PIB) par tête d'habitant est tombée dramatiquement de 2500 dollars par an en 1990 à 1376 dollars en 1997 pour atteindre 1661 dollars en 1998174. • La marginalisation continue de l'agriculture se traduit par l'augmentation des importations des produits agroalimentaires au point où celles-ci coûte au pays près de trois milliards de dollars en 1998. • En 1997-98, le secteur industriel public et privé hors hydrocarbures fonctionne à moins de 20% de sa capacité installée. • Le taux d'investissement (rapport entre l'investissement et la PIB) hors hydrocarbures observé depuis le coup d'Etat de 1992 n'a jamais été si bas au cours des trente dernières années. Une importante part des ressources financières disponibles est utilisée pour accroître les importations de biens de consommation, d'équipements militaires et d'armement. Les dépenses militaires ont considérablement augmenté au cours de la décennie rouge. Ces dépenses se sont accrues de 45% en 1994 et de 144% en 1995 pour atteindre 2 milliards de dollars en 173 En 1996, lors des négociations de ces contrats entre Sonarach et les firmes pétrolières transnationales, « l'Algérie aux abois est en effet prête à accorder des concessions, ce qui constitue un retour en arrière comparé aux pratiques des pays du Golfe », comme le souligne Hubert Coudurier dans son ouvrage Le Monde selon Chirac, op. cit., p. 232. 174 Cf. The Economist Intelligence Unit, London, December 1999. 1996175. En 1998, ces dépenses ont augmenté de 100%. Tout cela au détriment des investissements productifs. Les dépenses militaires augmentent très rapidement pour répandre la terreur, tandis que la pauvreté s'étend à travers le pays résultant de l'aggravation de la situation économique. • L'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics s'est ralentie considérablement au point que la crise de logement est devenue explosive. • Le chômage, en augmentation constante, a dépassé le cap de 40% depuis 1997 et atteint 50%, voire davantage dans beau-coup de régions du pays. Le chômage frappe particulièrement les jeunes. En effet, les jeunes, âgés entre 16 et 29 ans, représentent 83% des chômeurs. Le nombre des chômeurs est passé de 1 300 000 en 1992 à plus de 3 500 000 en 1998. Comme les opportunités de création d'emplois sont rares, en raison de la tendance vers la baisse des taux d'investissement, le chômage va s'aggraver encore davantage pour atteindre des niveaux dramatiques au cours des prochaines années, puisqu'il augmentera à un rythme de 260 000 en moyenne par an. • L'inflation, résultant de l'augmentation conjuguée des prix des produits importés (causée par la dévaluation du dinar) et des coûts de production, a dépassé 40% en 1994 et autour de 32% en 1995, niveaux jamais vus depuis l'indépendance. La situation est beaucoup plus grave en réalité quand on réalise que le pouvoir d'achat des citoyens a dramatiquement baissé par rapport aux décennies 1970 et 1980 lorsque le consommateur algérien consacrait 40% de son budget aux produits alimentaires. Le niveau général des prix des produits de consommation essentiels a augmenté à un taux annuel moyen supérieur à 90% au milieu des années 1990 (200% pour le café, 120% pour le pain, 110% pour le lait, 90% pour le sucre, etc.). A tel point que le salaire d'un cadre moyen n'est plus en mesure d'assurer la couverture des besoins essentiels du ménage, pour 175 Sources : The International Institute of Strategic Studies, Stokholm, Sweeden, 1996 ; The International Institute of Strategic Studies, London, UK, 1997. ne rien dire des titulaires de bas revenus et des chômeurs rongés par le dénuement et la pauvreté. • La dette extérieure est passée de 26 milliards de dollars en 1992 à 34 milliards en 1998 et dépasse 40 milliards de dollars, si l'on inclut la dette militaire qui est soigneusement dissimulée des statistiques officielles. La dette extérieure constitue un lourd fardeau qui va, dans le contexte économique actuel, aggraver la récession et inhiber les efforts de relance économique dans les années à venir. • Le contrôle des importations (dont la valeur varie entre 10 et 11 milliards de dollars par an) par une poignée d'hommes qui se sont substitués aux monopoles détenus auparavant par l'Etat et la généralisation de la corruption (estimée à 2 milliards de dollars par an) ont créé une nouvelle classe parasitaire de prédateurs qui détourne à son profit des fortunes colossales. Ceci est d'autant plus grave que le commerce extérieur représente en Algérie 65,7% de la PIB (production intérieure brute) en 1999 et 68,4% en 2000176. La privatisation de l'Etat et l'économie de marché dévoyée qui l'accompagne se sont traduites par une forte concentration de la richesse entre les mains d'une minorité ainsi que par la paupérisation, la pauvreté et l'exclusion sociale qui caractérisent désormais la société algérienne. Les promesses théâtrales de Ghozali ainsi que les promesses de relance de l'économie faites par le Président Liamine Zeroual pas-sent mais la misère matérielle et intellectuelle reste et s'aggrave au fil des années. Toute la politique du régime militaire d'orientation française est fondée sur la falsification, la désinformation et la manipulation des faits, non seulement dans les domaines politique et économique comme on vient de le voir, mais aussi et surtout dans le domaine sécuritaire qu'il privilégie en répandant la terreur. 9.2.4. La politique de la terreur Les généraux éradicateurs s'appuient sur quelques partis politiques marginaux, des pseudo-démocrates qui ont d'ailleurs été tous éliminés lors des premières élections législatives pluralistes du pays tenues le 26 décembre 1991 et qui ont, aussitôt après la proclamation des résultats, appelé à leur annulation. Leur élimination par les urnes est tout à fait naturelle et sans surprise puisqu'ils sont coupés des masses. Pour se maintenir au pouvoir, les généraux éradicateurs comptent principalement sur l'utilisation de la force et sur la division des partis politiques représentatifs (en les infiltrant et en les manipulant par le biais des services de sécurité). 176 Source : The Economist Intelligence Unit, London, December 1999. Au lendemain du coup d'Etat, la junte a engagé sa politique sécuritaire basée sur la répression tous azimuts. Des dizaines de milliers d'Algériens innocents, militants ou sympathisants du FIS, ont été arrêtés et envoyés soit en prison soit dans des camps d'internement au Sahara. La torture, les enlèvements à domicile ou au lieu de travail, les exécutions extrajudiciaires sont devenus depuis lors des pratiques quotidiennes. Dès la première semaine du coup d'Etat, des milliers d'officiers de l'armée, jeunes et moins jeunes, ont été mis à la retraite anticipée, parce que suspectés d'avoir des sympathies avec la mouvance islamique ou simplement parce qu'ils font la prière. Des unités spéciales chargées de la répression, telles que les « Ninja » ou les « escadrons de la mort », ont été mises sur pied. Leur nombre dépasse 60 000 hommes. Ils subissent un entraînement spécial, y compris le lavage de cerveau, et s'adonnent à la drogue. Les officiers encadreurs de ces unités spéciales auraient subi un stage en France. L'échelle de la répression s'étend vite au-delà des militants du FIS et touche pratiquement tous ceux qui osent dénoncer ou contrecarrer politiquement et pacifiquement la politique répressive du régime ou ceux qui ne pensent pas comme eux. Les assassinats de personnalités politiques ont été inaugurés très tôt à partir de 1992. Mohamed Boudiaf, proclamé chef d'Etat par des généraux en mal de nationalisme, a été exécuté sur leur ordre six mois seulement après parce qu'il a osé tenter de trouver une solution politique à la crise et osé s'attaquer au dossier de la corruption177. Kasdi Merbah subit le même sort parce qu'il a préconisé la réconciliation nationale et un dialogue entre le pouvoir et les partis représentatifs, y compris le FIS. De Boudiaf et Merbah à Abdelkader Hachani, assassiné en novembre 1999, en passant par le général Saidi Fodil (dont l'assassinat a été maquillé en accident de voiture), Boubekeur Belkaid, ancien ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Merbah et Abdelhak Benhamouda, alors secrétaire général de l'UGTA, les assassinats politiques reflètent la dégradation continue de la situation sécuritaire. « En Algérie, les crimes politiques ont tous conservés leur part d'ombre »178 et démontrent que la violence est une politique délibérée du pouvoir. La violence est, en effet, alimentée par la junte. Aux unités spéciales de répression fortes de 60 000 hommes créées en 1992, le pouvoir décide dès 1993-94 de former des milices. En même temps, les services de Sécurité militaire passent à l'offensive en créant ou en infiltrant et en manipulant les « groupes islamiques armés » (GIA)179. Redha Malek, alors Premier Ministre, et son ministre de l'Intérieur Salim Saadi demandent publiquement en 1993 la création de milices pour « terroriser les islamistes ». « Il est temps que la peur change de camp » déclare Redha Malek, ne faisant que paraphraser le ministre français de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua qui avait invité quelque temps auparavant les autorités algériennes à « terroriser les islamistes ». 1) Depuis septembre 1993, les GIA, soutenus par les services de la Sécurité militaire, ont commencé à s'attaquer aux étrangers, aux journalistes et aux intellectuels. Cela a été fait pour diaboliser les islamistes et pour gagner le soutien de l'opinion publique en France et en Occident en vue de renforcer le pouvoir de la junte. Les Algériens disposent de preuves suffisantes dans ce domaine comme l'enlèvement des diplomates français puis leur libération, l'assassinat des Français lors de l'attaque du centre français de Ain Allah, situé à une centaine de mètres du quartier général de la sécurité militaire ou comme l'enlèvement et l'assassinat des sept moines de Tibehrine, très estimés d'ailleurs par la population et respectés par les islamistes de Médéa180, l'assassinat d'intellectuels comme le Professeur Boucebsi, Dr Boukhabza, etc., ou de journalistes tels que Tahar Djaout, Abada, Harirache et tant d'autres, ont été décidés par les services de sécurité et attribués aux islamistes. 177 Des informations détaillées sur les généraux, dont notamment Smail Lamari, qui ont commandité l'assassinat de Mohammed Boudiaf et de Merbah ont été fournies par le « mouvement algérien des officiers libres » dans leur site sur Internet déjà cité. 178 Cf. le quotidien français Le Monde du 25 novembre 1999. 179 Dr. Ahmed Djedai, alors premier secrétaire du FFS, n' a pas tort d'appeler les GIA les groupes islamiques de l'armée. Une fois l'objectif des éradicateurs atteint en moins de deux ans avec la mobilisation des médias en France contre la mouvance islamique, les assassinats des intellectuels et des journalistes ont subitement cessé comme par enchantement. 2) Dès 1994, au lieu de s'attaquer à des objectifs militaires et aux cercles responsables de l'annulation des élections législatives gagnées par le FIS auquel ils sont supposés appartenir, les GIA ont ciblé dès le départ l'AIS, et la base sociale du FIS. 3) En 1994 et 1995, des compagnies entières de soldats ont déserté leurs casernes avec armes et bagages pour rejoindre des islamistes dans les montagnes de Tablat, Larba ou dans la région de Ain Oussara. Tous les déserteurs ont été exécutés par les GIA. Par contre, lorsque de jeunes soldats désertent leurs unités pour rejoindre les maquis islamistes où les GIA ne sont pas implantés, comme cela est arrivé dans la région de Ain Defla au mois d'avril 1995, c'est à l'armée que revient la charge de les poursuivre avec de gros moyens (infanterie, artillerie et aviation combinées en même temps) en utilisant toutes sortes d'armement, y compris le napalm importé, dont l'usage est internationalement interdit. A la suite de ces attaques, l'armée annonce avoir tué plus de « 2000 terroristes ». On annonce cela au moment où le pouvoir affirme officiellement que le nombre des « terroristes » n'excède pas 2000 sur l'ensemble du territoire. Ce qui signifie que les deux mille victimes des raids de l'armée dans la région de Ain Defla en une seule journée sont en fait des civils. Ces innocents paysans qui habitent les montagnes ont été tués parce qu'ils sont suspectés d'aider des islamistes armés et des déserteurs que l'armée n'arrive ni à localiser ni à fortiori à atteindre. 180 Voir le témoignage de Ali Benhjar, émir de la « Rabita Al Islamia Li Da'wa wa Al Jihad », qui opère dans la région de Médéa, document dactylographié daté de juillet 1997 ; cf. aussi le quotidien Le Monde du 7&8 juin 1998. 4) Cheikh Mohamed Saïd et Abderrezak Redjam, deux leaders du FIS, ont rejoint les GIA en compagnie de nombreux militants en mai 1994 sans savoir que les GIA sont infiltrés et manipulés par les services de sécurité. Tous sans exception ont été sauvagement égorgés par les GIA. 5) Le cas de Antar Zouabri est frappant. Chef des GIA depuis 1996, il est décrit par la presse aux ordres comme un héros insaisissable. Maintes fois, sa mort a été annoncée officiellement par l'armée, mais chaque fois contredite sur le terrain. L'hebdomadaire français Paris-Match écrit, dans sa livraison du 9 octobre 1997, que les services secrets britanniques du Scotland Yard, ont été surpris de découvrir que les conversations téléphoniques entre « le siège » des GIA en Algérie et l'Egyptien soi-disant « cheikh » Hamza, leur représentant à Londres et responsable de la publication des GIA, Al-Ansar, émanaient en fait d'une caserne de l'armée algérienne. D'ailleurs, le quotidien El Watan, proche de la Sécurité militaire, mentionne dans son numéro du 27 avril 1998 que l'armée a entre-pris à l'ouest de l'Algérie une opération militaire d'envergure contre des groupes islamistes, opposés au GIA de Zouabri. 6) Les différents attentats organisés en France, notamment dans le métro de Paris et attribués au GIA, ont été planifiés par les services secrets algériens. Dans ce cadre, une personnalité française m'a affirmé que le Président Chirac a envoyé un message au Président Zeroual, après l'élection présidentielle algérienne de novembre 1995. Ce message souligne, entre autres, que le Président français ne permettra plus jamais aux services secrets algériens d'organiser des attentats en France. Comme par hasard, depuis cet avertissement français, il n'y a plus eu aucun attentat « islamiste » en France. Le GIA s'est immédiatement évaporé du paysage français par miracle. 7) La France et de nombreux pays occidentaux savent que les GIA sont infiltrés et hautement manipulés par la Sécurité militaire algérienne. En effet, depuis février 1995, de nombreux médias français tels que Radio France Internationale, les quotidiens Le Monde, Le Figaro, Libération, les hebdomadaires comme L'Express, le Point et bien d'autres organes ont mentionné plus d'une fois l'infiltration des GIA par les services secrets algériens. Le Monde du 5 mars 1998, par exemple, signale que tous les services secrets occidentaux sont convaincus que le GIA est infiltré par les services secrets militaires algériens pour discréditer les islamistes et maintenir un climat de terreur pour éviter toute révolte. Au total, que les crimes à grande échelle ou les massacres de familles entières soient l'œuvre des escadrons de la mort ou des milices ou des GIA manipulés, il est clair que la politique de terreur pratiquée entre janvier 1992 et avril 2000 (au moment où ces lignes sont rédigées) constitue pour le régime algérien une politique délibérée et réfléchie pour survivre et se maintenir au pouvoir par la force et la violence, en s'opposant à la libéralisation politique, au processus démocratique et à la volonté populaire. Cette répression physique est soutenue par une répression politique et culturelle puisque l'on assiste depuis le coup d'Etat de 1992 à une attaque systématique, par le biais des média contrôlés par la Sécurité militaire, contre les symboles de l'Algérie de toujours à savoir : l'Islam, la langue arabe, l'unité nationale, la solidarité, la justice sociale, etc. Le régime algérien, soutenu politiquement, diplomatiquement, financièrement et militairement par la France, s'attaque à ces symboles par le fer et le sang. Tout simplement parce que la majorité des Algériens a voté en faveur des islamistes en 1990 et en 1991. On a l'impression que la répression qui s'abat sur le peuple algérien depuis 1992 ainsi que le battage médiatique qui le sous-tend visent à faire regretter aux Algériens leur indépendance et à punir le peuple algérien pour le choix qu'il a souverainement exprimé lors des élections législatives de décembre 1991, hâtivement annulées. Tout cela fait partie de la campagne internationale de diabolisation de l'Islam, redevenu le nouvel « ennemi total » de l'Occident181. Le pouvoir algérien, en mal de légitimité, utilise la violence anti-islamique pour obtenir la reconnaissance internationale et devenir fréquentable. Conscient de son impopularité, (c'est le moins que l'on puisse dire) à l'intérieur et de son isolement relatif à l'extérieur, le pouvoir a essayé de se donner une légitimité en renouant avec le processus électoral en novembre 1995, mais pas avec la démocratie dont le peuple algérien est assoiffé. 181 Formule consacrée remise au goût du jour par Samuel Huntington, ‘The Clash of Civilizations' in Foreign Affairs, vol. 72, No3, Summer 1993. 9.2.5. De période de transition en période de transition : l'introuvable stabilité La première période de transition annoncée par le Haut Comité d'Etat (janvier 1992-décembre 1993 qui correspond à la fin du mandat du Président Chadli Bendjedid) a été un échec. En effet, le pouvoir pensait mettre à profit cette période pour résorber la crise politique et renverser la tendance en sa faveur. Force est de constater que les objectifs de stabilité politique et de relance économique fixés n'ont pas été atteints et que la crise multidimensionnelle s'est davantage aggravée. La deuxième période de transition (janvier 1994 - novembre 1995), caractérisée par la « nomination » de Zeroual comme chef d'Etat aboutit à l'impasse. Au cours de cette période ni la politique sécuritaire musclée qui a montré ses limites, ni les négociations minées entre le pouvoir et les deux leaders du FIS, Abassi Madani er Ali Benhadj, n'ont permis le retour à la normale. Le jeu politique est complètement fermé. Le contrat national signé à Sant' Egidio en janvier 1995 par six partis politiques représentatifs et le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme constitue incontestablement une contribution positive pour sortir l'Algérie de la crise et de la tragédie dans laquelle elle a été menée. Mais le pouvoir a raté une occasion en or pour mettre fin à l'effusion de sang et ouvrir une nouvelle période chargée de grands espoirs en rejetant le contrat national « globalement et dans le détail ». La paix est déclarée indésirable par le régime. La crise algérienne devient plus aiguë avec l'augmentation du nombre des victimes de la violence et l'extension de la paupérisation des populations. Cependant, le pouvoir finit par réaliser en 1995 son isolement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Pour survivre et gagner du temps le régime, conscient de son manque de légitimité, décide de revenir au processus électoral interrompu en janvier 1992. De gros moyens ont été mobilisés pour d'une part améliorer son image politique à l'extérieur en poursuivant sa politique de la violence pour terroriser le peuple algérien et, d'autre part en promettant la relance économique dans un proche avenir182. C'est pourquoi le régime inaugure une nouvelle période de transition par le retour à la démocratie de façade. C'est dans ce cadre que l'élection présidentielle de novembre 1995 et les élections législatives et locales, organisées respectivement en juin et octobre 1997, visent essentiellement l'amélioration de la crédibilité du régime à l'extérieur, notamment auprès des pays occidentaux. En novembre 1996, des amendements de la Constitution sont adoptés. Ces amendements vident le Parlement de ses prérogatives. Les élections législatives de 1997 sont caractérisés par une fraude massive. Les statistiques officielles prétendent que le taux de participation a été de 65,5% au niveau national alors qu'il n'atteint même pas en réalité 50%, et qu'il a été de 43% à Alger alors qu'il ne dépasse guère 17% de source crédible. Le Rassemblement National Démocratique (RND), le parti présidentiel, créé trois mois seulement avant les élections est présenté comme le vainqueur en disposant de la majorité relative à l'Assemblée Nationale. Le Sénat, prévu par la nouvelle Constitution de 1996, comprend 144 membres dont 48, représentant le tiers bloquant, sont nommés par le Président Zeroual et 96, représentant les deux autres tiers, sont choisis parmi les élus locaux. Là aussi, la fraude a joué à fonds puisque le RND gagne 80 des 96 sièges. Tant et si bien que le Président Zeroual contrôle le Sénat avec une majorité de 128 soit 90% de ses membres. Alors que le chef d'Etat a besoin de 25% seulement des sénateurs pour bloquer n'importe quelle loi adoptée par l'Assemblée Nationale, au terme de la Constitution amendée en 1996. La fraude au niveau du taux de participation et au niveau des quotas des partis politiques illustre bien la fermeture du champ politique ainsi que l'état d'esprit des gouvernants. Les élections présidentielles de 1995 et les élections législatives et locales de 1997 n'ont apporté aucun changement. Le général Zeroual, chef d'Etat nommé en 1994, est devenu le Président Zeroual après les élections. Abdelkader Ben Salah, président du Parlement désigné, devient le président de l'Assemblée Nationale. Ahmed Aït Ouyahia, Premier Ministre avant les élections nationales est confirmé dans ses fonctions après les élections. 182 Concernant la relance de l'économie, on a vu plus haut l'echec des promesses faites par le Président Zeroual à ce propos. Le seul changement enregistré sur le terrain est l'aggravation de la situation dans tous les domaines, y compris celui de l'économie pour lequel des promesses et des engagements ont été pris publiquement par le Président de la République et par son chef de gouvernement. Cette troisième période de transition s'achève comme les précédentes. La crise politique s'aggrave. La situation économique et sociale devient catastrophique. Les promesses gouvernementales de paix et de relance économique passent, mais la misère reste. La quatrième période de transition démarre avec l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la Présidence de la République. La réconciliation nationale et le retour à la paix constituent le thème central de Bouteflika lors de la campagne électorale des présidentielles. Son discours politique entre les mois de mai et septembre 1999 a diagnostiqué sans complaisance la crise multidimensionnelle en identifiant les carences et les blocages du système et a provoqué un espoir immense. Toutefois, ce discours politique n'a pas été suivi, un an après son arrivée au pouvoir, de mesures concrètes sur le terrain pour améliorer la situation. Mais force est de constater que la recrudescence de la violence, alimentée par un clan au pouvoir, la formation tardive du gouvernement (8 mois après l'arrivée de Bouteflika au pouvoir) et l'échec précoce de la loi sur la concorde civile dénotent la prééminence des éradicateurs au sein du pouvoir. L'espoir suscité par le discours politique de Bouteflika a commencé à s'éroder rapidement. Comment peut-on, dans un tel contexte, réaliser les promesses de re-lance économique à « forte croissance », reprises à son compte par le nouveau Premier Ministre, nommé en décembre 1999. En 2000, le pouvoir pense résoudre la crise par la seule relance de l'économie en escamotant les autres aspects, notamment l'aspect politique, exactement comme l'a fait le Haut Comité d'Etat en 1992. Sans tirer les enseignements de cette longue période d'affrontement, de discorde, de passions violentes, d'atomisation de la société et d'échecs de toutes sortes. Nous voilà revenus, en avril 2000 à la case départ. C'est le cercle vicieux. Rappelons encore une fois de plus qu'entre janvier 1992 et avril 2000, l'Algérie a eu quatre chefs d'Etat, sept Premiers Ministres et des centaines de ministres dont certains sont remerciés juste quelques mois après leur nomination, tandis que les généraux Mohamed Lamari, Mohamed Me-diene (très lié à Larbi Belkheir et Khaled Nezzar), Mohamed Touati et Smaïl Lamari responsables du coup d'Etat de 1992, de la répression et de la détérioration de la situation dans tous les domaines sont toujours en fonction. Le prix est vraiment très élevé. En huit ans, l'Algérie est devenue méconnaissable. Elle a été ramenée 40 ans en arrière. D'ailleurs, le Président Bouteflika est fragilisé en moins d'un an d'exercice. Est-il libre de ses mouvements ? On constate que jus-qu'au mois d'avril 2000 (au moment où ses lignes sont rédigées) qu'il n'a pu engager sur le terrain aucune des réformes annoncées par lui pour redresser la situation dramatique du pays décrite par lui-même sans complaisance aux mois d'août et de septembre 1999, à l'exception de la création d'une commission nationale chargée de la réforme judiciaire. Quatre séries de faits témoignent de la fragilisation de Bouteflika : le mouvement des généraux intervenu en février 2000, les réactions à la privatisation (notamment celles de la Sonatrach, des banques et des terres agricoles), les protestations publiques véhémentes de l'UGTA et de certaines personnalités politiques contre la personne de Bouteflika et contre sa politique de concorde civile et enfin l'escalade de la violence. 1) Il est clair que le mouvement touchant le corps des généraux, annoncé le 24 février 2000 par la Présidence de la République, porte l'emprunte des généraux Mohamed Lamari et Mohamed Mediene alias Toufik. La mise à la retraite de plusieurs généraux anciens de l'ALN tels que Tayeb Derradji, Rabah Boughaba, Chaabane Ghodbane et Makhloufi Dib, entre autres, constitue l'aboutissement d'un long processus « d'épuration » de l'ANP des officiers supérieurs nationalistes entamé depuis 1989. L'équilibre, au sommet de l'ANP, entre maquisards et anciens éléments de l'armée française déjà altéré depuis la disparition de Boumediène et fragilisé depuis une dizaine d'années est définitivement rompu aujourd'hui. Ironie du sort, c'est le Président Bouteflika, fidèle à Boumediène et ancien officier de l'ALN (comme il aime le rappeler luimême), qui signe le décret mettant fin aux fonctions des derniers généraux de l'ANP, anciens maquisards. L'armée est désormais verrouillée et contrôlée par un clan minoritaire sur tous les plans. 2) La décision présidentielle d'accélérer le processus de privatisation ainsi que l'annonce de la privatisation de la Sonatrach à hauteur de 75%, de celle des banques et des terres agricoles ont été abondamment commentées par la presse. Certains articles du quotidien El Watan (proche du général Mohamed Mediene, alias Toufik) porte des critiques sévères sur le Président Bouteflika dans ses livraisons des 26, 27 et 28 février 2000 et signale les réserves des « décideurs » (c'est-à-dire les généraux éradicateurs) sur la manière dont la privatisation est abordée par les hommes du Président de la République en faisant état de divergences, dans ce domaine, entre Ahmed Benbitour, Premier Ministre et les trois ministres, fidèles à Bouteflika, chargés de la Participation et de la Coordination des réformes, de l'énergie et des mines, et des finances. Le FLN, membre important de la coalition, rejette la privatisation de la Sonatrach et des terres agricoles. L'UGTA menace, par la voix de son secrétaire général, de recourir à une démonstration de force pour dénoncer la politique économique du gouvernement. « Les politiques annoncées d'accélération des réformes et de réorganisation de l'économie nationale » ne sont pas conformes au « contenu et à la finalité du projet national de sortie de crise tel que compris et soutenu par l'UGTA », écrit Révolution et Travail, l'organe de l'UGTA183. Une dizaine de jours plus tard, le secrétaire général de l'UGTA menace le gouvernement en affirmant publiquement que « celui qui parle de privatisation sans passer par nous, nous le massacrerons »184. 3) Au cours des mois de mars et avril 2000, la presse dite « indépendante », proche de la sécurité militaire, souligne l'échec de la politique de concorde civile de Bouteflika et s'élève avec véhémence contre le projet d'amnistie générale qui serait en préparation au niveau de la Présidence de la République. Cette presse sert également de caisse de résonance aux pressions publiques exercées par l'UGTA et certaines associations et personnalités politiques, telles que Hachemi Cherif et Abdelhak Brerhi, qui s'opposent à la politique de concorde civile. Par ailleurs, le fait que Ghozali, ténor de hizb França et ancien Premier Ministre de Belkheir et de Nezzar185, multiplie des déclarations fracassantes contre la personne de Bouteflika et non contre son programme, sans souffler mot sur les dérives du régime militaire, montre bien que cette offensive contre le chef de l'Etat est orchestrée par les généraux éradicateurs. 183 Cf. le quotidien algérien Le Matin du 15 avril 2000. 184 Cf. le quotidien La Tribune du 26 avril 2000 qui reconnaît que le numéro 1 de l’UGTA « a développé, durant plus d’une heure, un discours d’une rare violence […et] en est arrivé jusqu’à déraper verbalement ». 4) L'escalade de la violence, au cours des derniers mois de l'année 1999 et des quatre premiers mois de l'année 2000, est due au clan hizb França au sommet de la hiérarchie militaire. Citons uniquement trois exemples significatifs pour illustrer le message politique déstabilisateur adressé au Président Bouteflika par les généraux de hizb França : Il est tout de même curieux que le massacre de 29 citoyens innocents, attribué aux islamistes, ait été commis en août 1999 à Béni Ounif, près de Béchar, dans une région où il y a la plus forte concentration militaire dans le pays et où aucune activité des islamistes armés n'a été signalée depuis le début des violences en 1992. Par ailleurs, au mois d’avril 2000 les autorités, par presse interposée, font état d'une « incursion du GIA au sud de Oujda », au Maroc. Les soi-disant islamistes s'étaient retirés en Algérie, nous dit-on, après avoir « pillé plusieurs habitations » et « semé la panique parmi les habitants de Jbel Osfour »186. Il est clair que ces crimes ont été organisés, à plusieurs mois d'intervalle, dans le but de faire torpiller toute tentative de rapprochement avec le Maroc. Les généraux de hizb França sont, en effet, connus pour leur hostilité au rétablissement des relations humaines et économiques avec le Maroc ainsi que pour leur opposition à tout projet de construction du Maghreb. A qui profitent donc ces crimes ? La réponse à cette question nous éclaire sur les commanditaires de tels actes abominables, sachant par ailleurs, que parmi les « lignes rouges » tracées au Président Bouteflika par les généraux de hizb França, le Maroc figure en bonne place. 185 En effet, ce sont les généraux Belkheir et Nezzar, « déserteurs » de l'armée française qui ont convaincu le Président Chadli de nommer Ghozali comme Premier Ministre, pour succéder à Hamrouche en juin 1991. Ce sont eux qui l'ont également maintenu à ce poste sous Boudiaf, après le coup d'Etat de janvier 1992. 186 Cf. La Tribune du 23 avril 2000. On nous signale, en outre, que le vendredi 21 avril 2000 le ministre de l'Agriculture Saïd Barkat avait échappé à un attentat, alors qu'il était en visite de travail à Magtaa Lazrag dans la commune de Hammam Melouane (wilaya de Blida). Une bombe a explosé à 15h30, soit quelques minutes après le départ du ministre à l'endroit précis où il se trouvait avec la délégation qui l'accompagnait187. Cette tentative criminelle a été également attribuée aux islamistes. Qui pourrait organiser un tel attentat bien calculé, pour faire davantage peur que de mal, lorsque l'on connaît les mesures draconiennes de sécurité prises lors des déplacements des délégations ministérielles ? Cela relève de la guerre psychologique dont seuls les services de sécurité détiennent les secrets. Le 23 avril 2000, on nous apprend que sept douaniers ont été assassinés non loin de Hassi Messaoud, région pétrolière de haute sécurité où les Algériens ne peuvent circuler sans laisser-passer délivré par les autorités. Cette région est, en effet, déclarée « zone d'exclusion » depuis 1994. La presse aux ordres a accusé les islamistes du Groupe Salfiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) de Hassane Hattab, basé dans la région de Tizi Ouzou, soit près de 900 km du lieu de l'assassinat des douaniers188. Le lieu et la date du crime ne semblent pas fortuits. L'assassinat des douaniers dans la « zone d’exclusion » ne constitue-t-il pas un message codé de hizb França au président-directeur général de la Sonatrach et au ministre de l'énergie, tous deux considérés comme des hommes de Bouteflika ? En tout cas, ce crime ignoble coïncide avec trois faits concomitants : • Certains médias français expriment publiquement leur déception et leur amertume en affirmant que « les autorités algériennes privilégient les firmes américaines dans l'exploitation des champs pétroliers »189. 187 Cf. La Tribune du 22 avril 2000. 188 Cf. El Watan du 23 avril 2000. • Le rachat par Sonatrach de 40% des parts de la société américaine Arco à Rhourde el Baguel en avril 2000 « a fait couler beaucoup d'encre (en France) dès lors que la compagnie française Elf – absorbée elle aussi par Total – s'est intéressée à l'acquisition de la part d'Arco »190. En effet, le gisement de Rhourde el Baguel a été convoité par Elf depuis 1998. • L'assassinat des douaniers a eu lieu une semaine après la signature d'un contrat de prospection et de développement de gisements pétroliers entre la compagnie américaine Amerada Hess Corp. et Sonatrach191, dans une région convoitée par la compagnie pétrolière française. Ces trois faits illustrent le sentiment de frustration et de déception de certains milieux français et de leur prolongement en Algérie, les généraux de hizb França. Ces quatre séries de faits montrent que le processus de déstabilisation du Président Bouteflika par les généraux éradicateurs a bel et bien été amorcé. Ce sont les mêmes méthodes qui ont été utilisées par ces mêmes généraux pour déstabiliser le Président Zeroual, lorsque les premières attaques ont été lancées contre lui et contre son proche collaborateur, le général Mohamed Betchine, par la presse aux ordres en novembre et décembre 1996. Il a résisté jusqu'à septembre 1998 lorsqu'il a annoncé sa « démission ». Que Bouteflika termine ou pas son mandat actuel, les gens pensent déjà au successeur. Le compte à rebours pour une cinquième période de transition a déjà commencé192. 189 Cf. La Tribune du 19 avril 2000. 190 Ibid. 191 Cf. le quotidien français Libération du 24 avril 2000. 192 Le quotidien français Libération signale, dans sa livraison du 15 avril 2000, que Chérif Belkacem, ancien ministre de Boumediène, vient d'appeler à une « nouvelle période transitoire qui devra être menée par un collège représentatif des institutions et de la société civile ». Finalement peut-on savoir, huit ans et demi après le coup d'Etat de 1992, quel modèle de société les généraux éradicateurs veulent instaurer en Algérie ? Souhaitent-ils instaurer le libéralisme ? Assurément non. Non point pour des raisons idéologiques, mais parce que le libéralisme préconise la liberté économique, la compétition et des risques. Or, le jeu de la libre entreprise et la transparence du marché mettront en péril les privilèges économiques, les gains faciles et les combines des groupes d'intérêt liés au clan des éradicateurs. Pourtant, ceux-ci sont soutenus politiquement par les libéraux comme le PRA et d'autres partis fabriqués par le pouvoir. Veulent-ils établir le communisme ? Certainement pas. Mais le soutien de certains communistes, comme le MDS, parti de El Hachemi Chérif, leur est précieux pour lutter contre la mouvance islamique et contre le mouvement nationaliste authentique. Veulent-ils instaurer le socialisme? Sûrement pas. Pour la simple raison qu'ils sont contre l'option socialiste, même s'ils sont soutenus politiquement par les socialistes du FLN et d'autres partis marginaux. Leur refus du socialisme se manifeste, entre autres, par leur hostilité au FFS, le plus vieux parti socialiste d'Algérie, un parti pourtant crédible et représentatif. Il est d'ailleurs candidat à la déstabilisation par les services de sécurité, notamment depuis 1999. Veulent-ils établir un système démocratique ? Evidemment non. Parce que les éradicateurs ne représentent qu'un courant très minoritaire coupé des masses s'appuyant sur des partis marginaux autoproclamés démocrates. C'est pourquoi, ils n'admettent ni la compétition politique honnête ni les libertés, en particulier la liberté d'expression. Ils s'opposent, par la force et la fraude, à la transparence et à la souveraineté du peuple. Ils disent non à tout. Ils disent non toujours. Leurs propos et leurs actes sont fondés sur la perversion, la dépravation et la corruption. Leurs actes consistent à éliminer des gens honnêtes et intègres, et à contrecarrer tout projet constructif et toute proposition positive en faveur de la paix, de la réconciliation nationale et de l'intérêt général. Ils ne sont ni libéraux, ni communistes, ni socialistes, ni démocrates. Ils ne veulent surtout pas entendre parler d'alternance basée sur des règles démocratiques. Leur système est pervers et est composé d'un mélange de tendances politiques contradictoires, dont le seul facteur commun repose sur le rejet de la civilisation arabomusulmane et sur leur alignement sur hizb França. En un mot, ils ont le pouvoir et tiennent à le garder à tout prix. C'est pourquoi, depuis le coup d'Etat de 1992, Mohamed Lamari et Mohamed Me-diene se sont attelés à changer systématiquement la physionomie de l'armée, à l'occasion des promotions périodiques des officiers, en favorisant la tendance hizb França au fil des années193. Ils pen-sent ainsi avoir verrouillé l'armée pour consolider leur pouvoir, celui d'un clan minoritaire et pour éviter tout changement, au mépris de la légitimité populaire et de la volonté de la majorité écrasante des Algériens. Le peuple algérien, quant à lui, aspire ardemment à la démocratie, à la liberté, à la paix, à la justice sociale et à la dignité. La question centrale qui se pose avec acuité, depuis quelques années, se rapporte à la nature même du régime. Le régime militaire actuel n'a ni points de repères idéologiques clairs, ni valeurs morales et spirituelles, ni programme politique, ni stratégie économique, ni vision à long terme. C'est l'impasse totale. D'ailleurs, le débat sur cette question cruciale est relancé en mars 2000 par la polémique entre Ali Kafi, (ancien chef de la wilaya II durant la guerre de libération et chef d'Etat entre 1992 et 1993) et Khaled Nezzar, (« déserteur » de l'armée française, ancien ministre de la Défense et membre du haut comité d'Etat entre 1992 et 1993), ainsi que le déballage public qui s'en est suivi, ont montré le vrai visage du régime. Les diverses sorties médiatiques du général à la retraite Khaled Nezzar, au cours des mois de mars et d'avril 2000 pour défendre les « déserteurs » de l'armée française mis en cause par Ali Kafi, consistent à nourrir la haine contre ceux qui pensent différemment de lui et de son clan minoritaire, et à justifier la violence et la répression qu'il souhaite voir s'intensifier194. Il agit en parrain du cercle fermé des « déserteurs » de l'armée française et se présente ainsi comme le porte parole de l'ANP, au moment où il n'a aucune fonction officielle. Il s'élève violemment contre les propos tenus par le général Mohamed Ataïlia195 qui préconise l'arrêt de l'effusion du sang en recommandant l'amnistie générale et la réconciliation nationale pour sortir l'Algérie de la tragédie où elle a été menée. Le leitmotiv du général à la retraite Nezzar est la violence, encore de la violence, toujours de la violence. Non seulement son agitation médiatique et ses discours triomphalistes ne font guère avancer le débat, mais illustrent bien l'inanité effarante de la démarche inaugurée par le coup d'Etat de janvier 1992 et fondée sur la violence et la répression. Le peuple algérien, fatigué de ses sorties médiatiques et des conséquences dramatiques de la guerre qui est menée en Algérie depuis plus de 8 ans par les « déserteurs » de l'armée française et par hizb França, n'aspire qu'à la paix et au changement par la voie démocratique. 193 Le lieutenant Messaoud Alili, qui s'est refugié en Espagne à bord de son hélicoptère en février 1998, m'a affirmé au cours d'un entretien, que l'état-major de l'armée organise les promotions des officiers, essentiellement sur des critères subjectifs et d'affiliation à leur mouvance. Tant et si bien que leurs sbires représentaient 80% du corps des pilotes en 1998, contre 20% en 1992. 194 En mars 2000, Khaled Nezzar traite publiquement Ali Kafi d'intégriste et d'agent des services égyptiens. Il l'a fait, en bon élève dans les mêmes termes que ses aînés, les dirigeants français, qui traitaient certains dirigeants de la Révolution algérienne d'agents égyptiens durant la guerre de libération. Le commandement de l'armée ne peut continuer à s'interposer et à imposer au peuple algérien majeur un régime dictatorial enrobé d'une démocratie de façade. L'armée et les services de sécurité devraient s'abstenir d'intervenir dans la vie politique en revenant au rôle qui leur a été défini par la Constitution. Au début de ce XXIème siècle et 38 ans après l'indépendance, d'aucuns s'interrogent si l'Algérie ne se portait pas mieux sous le statut colonial que sous le régime néocolonial des généraux de hizb França. Le fait qu'une telle question soit envisagée montre le degré de gravité et de déliquescence atteint aujourd'hui par la société algérienne. Je pense, pour ma part, que le peuple algérien refuse dans son écrasante majorité tant le colonialisme que le néocoloniasme. C'est pourquoi, il est grand temps de remettre au peuple sa souveraineté et la liberté de choisir ses représentants et ses dirigeants dans la transparence et la légalité. Seule la réconciliation nationale permet à l'Algérie de sortir de cette sinistre tragédie. Je considère pour ma part, que seule la réconciliation nationale est en mesure de sortir l'Algérie de la crise multidimensionnelle et de l'impasse actuelle grâce à un dialogue global entre le pouvoir et les partis politiques, autonomes et réellement représentatifs, sans exclusion. Le but de ce dialogue est de préparer le retour à la souveraineté populaire dans la transparence et dans la démocratie sans fraude, ni falsification des faits et des réalités. Le retour à la démocratie pas-sera nécessairement par une période de transition caractérisée en particulier par : • La fin de l'effusion de sang. • La levée de l'état d'urgence. • La libération de tous les détenus politiques. • Le désarmement des milices. • L'annulation de tous les textes législatifs et réglementaires répressifs arrêtés depuis janvier 1992. • La fin des pratiques répressives (arrestations arbitraires, enlèvement, torture, liquidations physiques extrajudiciaires). • Le respect des libertés, notamment la liberté d'expression, y compris l'accès des représentants des partis politiques aux médias lourds dont le fonctionnement est assuré par les impôts des citoyens. 195 Cf. L'interview donnée par le général Mohamed Atailia au quotidien londonnien en langue arabe « Al Hayat » dans sa livraison du 25 mars 2000. Seules des mesures d'apaisement de ce type, selon un plan déterminé avec un échéancier précis, sont en mesure de créer des conditions favorables au rétablissement de la paix et à la réconciliation nationale, nécessaires à la reconstruction du pays dans la solidarité et la justice sociale et garantes de la cohésion nationale et de la stabilité. Sans la réconciliation nationale et sans la paix il ne saurait y avoir de démocratie, ni de relance économique, ni de stabilité, ni d'investissements étrangers (en dehors des hydrocarbures où les investissements n'ont aucun impact sur l'emploi et sur la balance des paiements). Il est temps de régler politiquement la tragédie de l'Algérie qui s'est aggravée depuis 1992, de revenir au processus démocratique, et de respecter la souveraineté populaire afin de permettre l'émergence de responsables patriotes, compétents et soucieux de l'intérêt général pour gérer les affaires publiques dans la transparence. La paix et la stabilité de l'Algérie seront alors, mais alors seulement, assurées. Conclusion A une longue période de stabilité et de paix sociale où l'Algérie eut trois chefs d'Etat en 29 ans (1962 - 1991), a succédé une période d'instabilité, de turbulences et de répression au cours de laquelle il y a eu quatre chefs d'Etat, six Premiers Ministres et des centaines de ministres, près de 200 000 morts, des milliers de disparus, 600 000 déplacés de leur lieu de résidence196 et un million de victimes de la violence197 en huit ans (janvier 1992 - janvier 2000). Ces chiffres suggèrent qu'il y ait eu un changement à partir de 1992. En fait, la nature du régime est la même. Les différences enregistrées d'une période à l'autre sont des différences de degrés et non de nature. Parce que toutes ces périodes ont une multitude de facteurs en commun que nous avons évoqué dans les différents chapitres de cet ouvrage. La différence majeure entre ces périodes examinées tout au long de ce livre réside dans le fait que l'instabilité gouvernementale observée depuis 1992 contraste avec la remarquable stabilité des quatre ou cinq généraux (membres influents du clan des « déserteurs » de l'armée française) qui disposent du pouvoir réel depuis le coup d'Etat et l'annulation des élections législatives et occupent toujours les mêmes fonctions à ce jour. Le principe de la prééminence du militaire sur le politique, puisé dans notre guerre de libération, est remis en honneur pour la circonstance par les « déserteurs ». Mais, depuis 1992 nous avons affaire à un régime minoritaire et discrédité qui s'impose par la force contre la volonté du peuple. Il en est résulté d'ailleurs des conséquences dramatiques pour l'Algérie sur tous les plans. 196 Chiffre avancé par Abdellatif Benachenehou, ministre des finances et rapporté par la presse écrite algérienne le 29 mars 2000. 197 Ce chiffre a été cité par le Président Bouteflika lors sa conférence donnée à Crans Montana, en Suisse, quelques semaines après son accession au pouvoir. Le noyau dur du régime militaire n'a jamais eu le courage de s'emparer directement du pouvoir, ni d'imposer le modèle politique qu'il privilégie, à supposer qu'ils en aient un. Ce groupe restreint qui détient le pouvoir réel a préféré avoir recours à d'autres intermédiaires, connus pour leur nationalisme, pour les placer à la tête de l'Etat. Ils ont commencé par choisir Mohammed Boudiaf en janvier 1992, puis Ali Kafi six mois après, ensuite Liamine Zeroual en janvier 1994 avant d'être candidat à l'élection présidentielle de novembre 1995, mais sans achever son mandat pour être remplacé par Abdelaziz Bouteflika en 1999. Les faits montrent que ce clan, constitué d'un nombre restreint de généraux, se cache toujours derrière un chef d'Etat ou un projet présidentiel, tout en s'appuyant sur quelques partis marginaux fabriqués par le régime et autoproclamés démocrates, pour poursuivre sa politique éradicatrice en faisant prévaloir sa stratégie sécuritaire et répressive, fondée sur la confrontation et l'exclusion des courants politiques représentatifs. Cette politique de confrontation, fondée sur la division, la discorde, la haine, la guerre fratricide ainsi que sur l'atomisation de la société et le verrouillage de l'espace politique, en vue de se maintenir au pouvoir et sauver le régime, a été à l'origine de bien des dérives. Toutes les fausses solutions servies par le pouvoir entre 1994 et 1999 qui vont du simulacre de dialogue organisé dans le cadre de la conférence nationale par la Présidence de la République (1994) au projet de concorde civile (1999) en passant par les pseudonégociations entre la Présidence et les dirigeants du FIS, Abassi Madani et Ali Belhadj (1995) constituent l'expression du refus du changement et de l'alternance du pouvoir par la voie démocratique. Comme en témoigne le rejet spontané et brutal par le régime du contrat national signé par six partis politiques et la ligue algérienne de défense des droits de l'homme en janvier 1995, comprenant des propositions concrètes pour un règlement global de la crise. L'appropriation de l'Etat par ce clan qui foule aux pieds la Constitution et la souveraineté populaire a contribué à ruiner le pays dans tous les domaines. En effet, la politique répressive inauguré par le coup d'Etat de 1992 et les velléités de domestication de la société ont eu des conséquences politiques, économiques et sociales désastreuses. L'incompétence, la mauvaise gestion, la corruption, l'impunité, les dysfonctionnements de l'économie, de l'administration et de la justice, ont contribué à discréditer davantage le régime, à aggraver la crise de confiance et à accélérer la dégénérescence du système. Le pays est méconnaissable en ce début de millénaire. L'Algérie a été ramenée 40 ans en arrière. L'anéantissement de la classe moyenne, autrefois garante de la cohésion et de la paix sociales, l'extension de la pauvreté et l'exclusion sociale constituent une bombe sociale à retardement redoutable. L'aggravation de la situation économique, avec la chute des investissements productifs hors hydrocarbures, le ralentissement des activités économiques, la baisse dramatique du revenu par tête d'habitant, l'augmentation du chômage, l'inflation galopante, la paupérisation rampante, la généralisation de la corruption, le contrôle des importations par quelques barons, la dilapidation des richesses et de la rente pétrolière ont conduit l'Algérie au bord de l'abîme à la fin de la décennie 1990. La politique de terreur inaugurée par le coup d'Etat de 1992 avec tous les dépassements qu'elle comporte ainsi que l'éternelle « nécessité de rétablissement de l'autorité de l'Etat » ont servi en fait d'alibis au refus de la démocratie. Ainsi, l'approche sécuritaire, le discours politique qui la soustend et les pratiques policières qui ont tourné le dos à la volonté populaire, aux libertés, à la justice sociale et à la réconciliation nationale ont lamentablement échoué. Ni la falsification des faits, ni les déformations monstrueuses, ni la désinformation, ni les manipulations, ni les manœuvres dilatoires, ni le monologue, ni l'autosatisfaction des décideurs ne sortiront l'Algérie de la situation catastrophique où elle est plongée de-puis 1992. Les questions relatives à la légitimation, à la rationalisation et à la modernisation de l'Etat, à la réconciliation nationale et au rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés restent toujours posées et exigent sans plus tarder des réponses claires sous formes de réformes, de programmes d'action et de mesures concrètes pour sortir l'Algérie de cette terrible tragédie et la mettre sur les rails du développement économique et social. Sinon, la détérioration continue de la situation économique et sociale et l'aggravation du mécontentement populaire pourraient conduire à l'explosion populaire aux conséquences imprévisibles. Au cours des 8 dernières années, l'Algérie a perdu trop de victimes, trop de temps et trop d'argent et se trouve dans l'impasse. Il est temps que la raison et la sagesse prévalent sur la violence, la haine et la discorde. Seule la voie du dialogue, de la réconciliation nationale et le retour à la souveraineté populaire dans la transparence peuvent sortir l'Algérie de la tragédie catastrophique actuelle. Engagée dans une voie pacifique et démocratique, l'Algérie peut alors, mais alors seulement, être reconstruite dans la paix, la tranquillité, la fraternité, la solidarité et la justice sociale. C'est cette voie qui garantira la stabilité en Algérie, dans le Maghreb et dans le bassin méditerranéen. D'autre part, la globalisation ou la mondialisation de l'économie ne devrait pas servir de prétexte aux groupes occultes et aux barons de l'importation liés au régime pour imposer à l'Algérie le libéralisme sauvage, au mépris des intérêts du pays et des couches populaires. Il est temps de repenser totalement la politique algérienne poursuivie jusqu'ici à l'égard de la construction du Maghreb198. Car, seule l'intégration maghrébine peut permettre à l'Algérie et à ses partenaires maghrébins de faire face aux défis de la globalisation et les mettre sur la voie de la croissance économique durable et du développement. Fondée sur une approche structurelle, la construction du Maghreb devrait s'organiser autour d'objectifs communs d'investissements, de production et d'échanges en vue d'accroître les flux réels et financiers intra-maghrébins. L'établissement d'un espace économique maghrébin implique également la mise en œuvre d'une politique régionale commune de développement des ressources humaines pour renforcer la solidarité agissante entre les pays membres et rendre le processus d'intégration maghrébine irréversible échappant aux aléas et aux contingences politiques. Les défis et les enjeux sont de nos jours tels que les actions limitées au seul espace national ne sauraient être suffisantes dans un monde comme le nôtre, agité et chargé de contraintes extérieures considérables. 198 Cf. Abdelhamid Brahimi, Le Maghreb à la croisée des chemins à l'ombre des transformations mondiales (Genève: Hoggar et Londres: Centre for Maghreb Studies, 1996) En effet, le monde est aujourd'hui caractérisé par la constitution de regroupements régionaux et par l'existence ou la création de vastes espaces économiques. Dans ce contexte, la construction du Maghreb devient un impératif. Par ailleurs, pour être durable et solide, l'intégration maghrébine doit nécessairement s'accompagner de la démocratisation de la vie politique, économique, sociale et culturelle des pays maghrébins. Ainsi, dans sa marche vers l'unité et le progrès, le Maghreb carrefour des civilisations, peut jouer un rôle positif dans l'établissement de passerelles véritables entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, et constituer un facteur appréciable de stabilité dans le Monde arabe, dans le bassin méditerranéen et en Afrique. Abréviations ALN : Armée de Libération Nationale ANP : Armée Nationale Populaire APC : Assemblée Populaire Communale APW : Assemblée Populaire de Wilaya BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le Déve loppement CDF : Commandement Des Frontières CIG : Comité Interministériel de la Guerre CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne EMG : Etat Major Général FFS : Front des Forces Socialistes FIS : Front Islamique du Salut FLN : Front de Libération Nationale FMI : Fonds Monétaire International GIA : Groupes Islamiques Armés GNL : Gaz Naturel Liquéfié GPRA : Gouvernement Provisoire de la République Algérienne MALG : Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales MNA : Mouvement National Algérien MTLD : Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocrati ques OAS : Organisation Armée Secrète PCA : Parti Communiste Algérien PRS : Parti Révolutionnaire Socialiste SAS : Sections d’Action Spéciale UDMA : Union Démocratique du Manifeste Algérien UGTA : Union Générale des Travailleurs Algériens

  • Réponse du Dr Abdelhamid Brahimi dit abdelhamid la scienceà Khaled Nezzar

     

     

     

    Est-ce que Mr Khaled Nezzar est frappé d’amnésie ou est-il de mauvaise foi ?

    Mr Kaled Nezzar m’accuse de tous les maux et prétend que j’ai ruiné l’Algérie au cours des années 1980 en tant que ministre du Plan puis en tant que Premier Ministre.
    Son intervention au forum de « Chourouk el Youmi » est pleine d’insultes, de mensonges et d’amalgame en inversant les rôles et en falsifiant la réalité.
    Mon propos, aujourd’hui, ne consiste pas à le suivre dans son style trop bas et vulgaire. En effet, je me refuse de l’attaquer sur le plan personnel en évoquant des faits et actes au-dessous de la ceinture. Il s’agit pour moi de me situer plutôt sur le plan politique. Car, c’est sur ce plan que se situe mon interview accordée à la télévision al-Jazeera, dans son programme «Ziarah Khassah», à laquelle Mr Khaled Nezzar a réagi au cours de ce forum.
    Cette interview, diffusée par al-Jazeera, se présente comme une contribution modeste pour permettre aux Algériens de disposer d’éléments objectifs pour lever le voile sur la confusion et l’amalgame entretenus par la mouvance « Hizb França » depuis les événements tragiques d’octobre 1988. Notre approche part d’un triple constat :

    1. la volonté politique de cette mouvance d’imposer le modèle occidental au peuple algérien, notamment en renforçant l’influence française multiforme en Algérie ;
    2. les tentatives de mettre en oeuvre une politique économique libérale au détriment des intérêts supérieurs de l’Algérie ;
    3. l’hostilité à l’égard de l’Islam,  du monde arabe et à l’égard de la construction du Maghreb. Dans ce cadre trois exemples concernant Mr Nezzar suffisent :

    1- L’hostilité à l’égard de l’Islam est masquée par des déclarations stéréotyppées telles que « je suis musulman, je fais la prière, je pratique le jeûne etc. ». Rappelons que l’Islam est un tout et ne saurait se limiter à certains de ses aspects en reniant le reste. L’Islam offre précisément un ensemle de principes et un système de valeurs qui permettent de dégager, en dehors de la violence et du verbiage creux, des solutions adaptées dans la voie du savoir, du progrès, du développement, de la solidarité et de la paix. Ce que « Hizb França » rejette précisément.
    2- S’agissant du Maghreb, il suffit de rappeler la déclaration de Mr Nezzar à « El Watan » en 2002, lorsqu’il a été interrrogé sur l’ancien Président Chadli, il a affirmé que « je ne pardonnerai jamais au Président Chadli d’avoir signé le traité portant création de « l’Union du Maghreb Arabe » en 1989. »
    3- Concernant le monde arabe, il ne suffit pas de dire qu’il a été en Egypte après l’agression d’Israel, parce qu’en fait il a été envoyé par le Président Boumediene, qui avait alors publiquement déclaré la guerre à Israel.
    Par ailleurs, en mars 2002, Mr Nezzar traite publiquement l’ancien Président Ali Kafi d’intégriste et d’agent des services égyptiens. Il l’a fait en bon éléve dans les mêmes termes que ses aînés, les dirigeants français qui traitaient certains dirigeants de la Révolution algérienne d’agents égyptiens durant la guerre de libération.

    A cet égard, cette mouvance pratique la politique polititienne fondée sur la désinformation, la déformation des faits, la provocation et le mépris. A cela s’ajoutent l’hostilité, la suspicion et la méfiance à l’égard des intellectuels honnêtes et intégres .
    Notre approche consiste donc à contribuer précisémént à entreprendre un travail de clarification pour permettre notamment aux jeunes Algériens de prendre conscience des vraies dimensions de la crise dramatique qui secoue notre pays.
    C’est pourquoi, avant de répondre aux insultes de Mr Nezzar, il importe de donner une idée globale sur les résultats des  politiques de développement mises en oeuvre au cours des décennies 1970, 1980 et 1990.

    Rappelons à cet égard quelques faits essentiels enregistrés au cours des trois décennies 1970 (sous le Président Boumediene), 1980 et 1990 (lorsque les ex-officiers de l’armée française ont accédé au sommet de l’Etat algérien).

    I – La stratégie de développement mise en oeuvre au cours de la décennie 1970 a été fondée sur la priorité absolue du secteur industriel.

    1. Le secteur industriel, considéré comme le moteur du développement, a bénéficié de 60% de l’ensemle des investissements en Algérie entre 1967 et 1978. Pourtant, la plupart des sociétés nationales industrielles étaient asphyxieés et frappées de paralysie en 1978.
    2. Au lieu de dégager des bénéfices pour contribuer au développement comme devrait être leur rôle, ces sociétés nationales faisaient appel pour la plupart à des ressources budgétaires de l’Etat pour combler leur déficit chaque année.
    3. Sur le plan du commerce extérieur, non seulement les sociétés nationales étaient incapables d’exporter leurs produits hors hydraucarbures, comme elles étaient censées le faire, mais au contraire elles importaient les produits qu’elles étaient supposées produire pour répondre aux besoins de consommation interne.
    4. La dette intérieure et extérieure (c’est-à-dire en dinars et en devises) de ces socétés nationales avaient atteint 179 milliards de dinars en 1978, soit près de 40 milliards de dollars, représentant le double de la production intérieure brute de la même année.
    5. En 1978, les sociétés nationales industrielles tournaient en moyenne à 40% de leur capacité installée. Ce taux d’utilisation est montée à 80% entre 1980 et 1985 pour descendre dramatiquement par la suite au-dessous de 20% entre 1996 et 1999.
    6. Ces sociétés nationales étaient connues pour le recours excessif à l’assistance technique étrangère. En effet, entre 1973 et 1978, il a été signé 4.912 contrats d’assistance technique  (bureaux d’études et sociétés d’engineering) dans le secteur industriel pour un montant de 79,4 milliards de dinars, soit 18 milliards de dollars représentant 90% de l’ensemble de l’assistance technique étrangère en Algérie.

     

    Ainsi, au lieu d’être le moteur du développement, le secteur industriel était devenu plutôt une charge pour l’Algérie.
    Il convient de rappeler, par ailleurs, que cette approche s’est accompagnée par la négligence des secteurs de l’agriculture, des travaux publics avec l’aggravtion de la crise du logement ainsi que des secteurs sociaux. Concernant le seul secteur de l’agriculture, cela a abouti à l’importation massive des produits alimentaires essentiels tels que, par exemple, la pomme de terre et la tomate ainsi que la viande rouge, le poulet et les oeufs.

    II – Résultats des politiques de développement :l’évolution des principaux paramétres socio-économiques (1970 – 2000)

    1. Evolution de la Production Intérieure Brute (P.I.B.)

    La P.I.B. est passée de 86,7 milliards de dinars, soit 19,3 milliards de dollars en 1978 à 248,4 milliards de dinars, soit 55,2 milliards de dollars en 1985. La P.I.B. a presque triplé en 6 ans. La PIB a atteint 261,8 milliards de dinars, soit 55,8 milliards de dollars en 1989 pour chuter à 41 milliards de dollars en 1998.
    La PIB par tête d’habitant est passée de 360 dollars en 1970 à 850 dollars en 1975. Elle a atteint 2 560 dollars en 1985 et 2 270 dollars en 1989. Ensuite, la PIB par tête d’habitant a baissé à 1 200 dollars en 1995 et à 1 376 dollars en 1998, soit 54% de son niveau en 1985.

    1. Le chômage

    Entre 1979 et 1988, 1.030.000 emplois ont été créés. Le chômage est passé de 1.141.276 en 1988 avec un taux de 20% à plus de 3.000.000 en 1998 avec un taux de de 34%. Le nombre de chômeurs a presque triplé en 10 ans, période au cours de laquelle les ex-officiers de l’armée française ont accédé au pouvoir.

    1. La balance commerciale

    La bance commerciale des biens et services de l’Algérie a été déficitaire de 53,24 milliards de dinars, soit 12 milliards de dollars entre 1967 et 1978.
    Par contre, la balance commerciale des biens et services a été excédentaire entre 1979 et 1988 en dégageant un  excédent de 73,35 milliards de dinars, soit 16,3 milliards de dollars au cours de cette période.

    1. La dette extérieure

    La dette extérieure de l’Algérie était de 19,4 milliards de dollars en 1979, représentant 100% de la Production Intéreure Brute (PIB). Grace à des mesures d’assainissement économiques prises par le gouvernement, cette dette a été réduite à 12,7 milliards de dollars en 1984 soit 25% de la PIB, pour remonter à 21 millirds de dollars en 1989, soit 37,6% de la PIB. La dette extérieure est ensuite passée à 26 milliards de dollars en 1991 et à 40 milliards de dollars en 1998, si l’on inclut la dette militaire.

     

    5) L’habitat
    Entre 1967 et 1978, seulement 379 000 logements ont réalisés, soit 31 000 logements en moyenne par an.
    Par contre, 434 000 logements ont réalisés entre 1980 et 1984, soit près de 87 000 logements par an en moyenne avec plus de 117 000 logements pour la seule année 1983. Autrement dit, en 5 ans il a été réalisé plus qu’en 12 ans. Tout le monde sait que l’activité du secteur du bâtiment et de la construction a considérablement baissé au cours de la décennie 1990, avec l’arrivée au pouvoir des ex-officiers de l’armée française, puisque l’on enregistre la réalisation de 40 000 logements seulement par an, rendant la crise du logement explosive.

    6) Crise sociale  
    La crise sociale s’est aggravée depuis 1990 par le dysfonctionnement de l’économie et a non seulement pénalisé les titulaires de bas revenus, mais a fini par laminer la classe moyenne.
    D’autre part, l’aggravation des tensions sociales alimentée en  particulier par l’iflation (qui a atteint 45% en 1994, niveau jamais atteint depuis l’indépendance), le chômage, la répartition inégale des revenus et des richesses, a exaspéré les tensions sociales .
    La classe moyenne, fort importante jusqu’en 1986 et garante de la cohésion et de la paix sociales a commencé à s’éroder depuis 1992 pour s’évanouir à partir de 1995-1996.
    D’ailleurs, des sources officielles algériennes reconnaissent que la pauvreté absolue frappe plus de 14 millions d’Algériens en 1999 et s’est aggravée depuis.

    1. Crise morale

    La corruption, les détournements de fonds publics, les gains illicites, la bureaucratie (elle-meme génératrice de la corruption), des priviléges et des faveurs défiant la loi et la justice, l’accumulation des richesses par une minorité, non par l’effort mais par toutes sortes de combines et de procédés illicites ainsi que l’impunité ont contribué à affaiblir la cohésion sociale et à accroitre l’hostilité à l’égard des autorités qu’ils tiennent pour responsables de l’aggravation de leurs conditions économiques et sociales. L’ensemble de ces facteurs expliquent la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés.
    S’agissant de la corrution, Mr Nezzar déclare que celle-ci estimée par mes soins à 26 milliards de dollars en 1990 n’est pas du tout fondée et va jusqu’à nier l’existence de la corruption en Algérie. Pourtant, aujourd’hui, tout le monde reconnait l’ampleur de ce cancer. D’ailleurs, en 1996, le ministre de l’industrie avait estimée publiquement la corruption à 2 milliards de dollars par an. Il a été aussitot relevé de ses fonctions.
    Par ailleurs, la presse algérienne va jusqu’à avancer le chiffre de 36 milliards de dollars en 1999 et évoque même l’éventualité d’une amnistie fiscale alors en préparation à la Présidence de la République pour le blachissement en Algérie des fonds ainsi détournés.

    1. Crise politique

    La crise politique a certes ses origines dans la nature même du régime. Mais, cette crise politique a été aggravée par le coup d’état de janvier 1992 avec l’annulation des élections législatives, l’établissement de l’état d’urgence, le renforcement des mesures de répression (définies par le décret du 30 septembre 1992, copie aggravée du décret français du 14 août 1941 pris par le gouvernement de Vichy) ainsi que la violation de la Constitution et des droits de l’homme : arrestations arbitraires massives, enlévements, exécutions extra-judiciares, torture, etc.

     

    III – Des attaques personnelles haineuses fondées sur des mensonges

    Les faits, rappelés ci-dessus, montrent à l’évidence que la situation économique et sociale au cours de la décennie 1980, contrairament à ce que prétend Mr Nezzar, est loin d’être pire que celle des décennies 1970 et 1990 après l’accession au pouvoir des ex-officiers de l’armée française.
    S’agissant des événements d’octobre 1988, il existe suffisamment de preuves qui témoignent de l’implication de certains déserteurs de l’armée française, alors au sommet de l’Etat, notamment Larbi Belkheir et Khaled Nezzar, dans l’organisation et la supervision de ces émeutes. Ils ont organisé ces émeutes pour ensuite suggérer au Chef de l’Etat de profonds changements dans les hautes fonctions de l’Etat et du parti unique FLN ainsi que dans les orientations de la politique intérieure et extérieure de l’Algérie. Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. J’ai fait état de ces preuves, dans le détail, dans mon ouvrage « Aux origines de la tragédie algérienne, 1958 – 2000) », paru en français et en arabe, comme j’ai rappelé cela dans l’interview accordée à Al-djazair News à leur demande le 4 octobre 2009.

    Concernant les mensonges de Mr Nezzar sur mon rôle dans l’ALN, il suffit de rappeler les faits suivants.
    C’est à Constantine, où j’exerçais comme maître d’internat au lycée franco-musulman, que j’ai adhéré en 1955, à l’âge de 19 ans, au FLN sous la direction du frère si Mostafa Boughaba , encore en vie. En 1956, je rejoins l’ALN dans la wilaya 2 où j’ai côtoyé le frère dirigeant Lakhdar Bentobbal et où j’avais fait la connaissace des dirigeants historiques défunts comme Zighoud Youcef, Salah Boubnider (connu sous le nom de Sawt el Arab) et de Ali Kafi, toujours en vie. En 1957, j’étais aux frontières algéro-tunisiennes en compagnie du frère Yazid Benyezzar pour procéder à l’acheminement de l’armement et des munitions vers la wilya 2. De là, j’ai été envoyé par le frère colonel Ouamrane à l’Ecole Militaire de Syrie à Homs et non pas à Alep comme le prétend Mr Nezzar. Nous étions uniquement 5 Algériens à avoir fréquenté cette Ecole Militaire qui formait des officiers d’active sur la base du programme de Saint Cyr. J’y étais en compagnie des frères (par ordre alphabétique) Hocine Benmallem, Abderrezzak Bouhara, Kamal Ouarsti et Larbi Si Lahcène. En 1959, après notre sortie de l’Ecole Militaire, nous avons rencontré au Caire le frère Krim Belkacem, alors ministre de la Guerre. Il nous a demandé de rejoindre l’Ecole des cadres, située dans la région du Kef en Tunisie, comme instructeurs. Le frère Bouhara et moi-même avions insisté pour rejoindre les unités de combat et de rentrer à l’intérieur. Il nous a répondu qu’il était d’accord, mais que nous devions d’abord aller à l’Ecole des cadre pour une période de 3 à 4 mois. Nous avons accepté ce deal. Au cours de l’été 1959, j’ai rencontré aux frontières le frère Ali Kafi qui venait de l’intérieur pour se rendre à Tunis pour participer à la réunion historique des 10 colonels qui avait duré plus de 3 mois, en préparation de la réunion du Conseil de la Révolution qui s’est tenue par la suite à Tripoli. Il m’a demandé de l’accompagner à Tunis pour l’assister dans la traduction des documents rédigés en français. J’ai accepté. Cela m’a permis d’apprendre beaucoup de choses inédites et ceci a contribué à m’éclairer sur les aspects cachés de la crise que couvait la Révolution et à améliorer ainsi ma formation politique. Après la réunion des colonels, je reviens aux frontières, où je tentais avec le frère Yazid Benyezzar de franchir les lignes électrifiées Challe et Morice. Après plusieurs tentatives, le frère Yazid est tombé au champ d’honneur, alors que je n’étais pas loin de lui. Je poursuivais mes tentatives de rentrer à l’intérieur en compagnie du frère Mohammed Atailia, jusqu’au jour où au cours d’une tournée de reconnaissance en plein jour, nous avons été repérés et attaqués par l’aviation et l’artillerie françaises. Le frère Atailia réussit à abbattre un avion de reconnaissance avec son fusil Mass 49 . Les combats deviennent plus violents et c’est ainsi que le frère Atailia a été gravement blessé au bras, un autre djoundi est tombé au champ d’honneur, un autre a eu la jambe coupée, deux autres djounouds furent légèrement blessés. Nous avons réussis à les évacuer à dos de mulet jusqu’au PC de la Zône Nord où le frère Abderrahmane Bensalem mit à notre disposition une Land Rover pour l’hopital à Ghardimaou puis à Béja.

    En janvier 1960, le frère Boumediene, fraîchement nommé chef d’état major général me convoque à Ghardimaou et m’interdit de tenter désormais de traverser les lignes électrifiées, m’informe de sa stratégie et me propose de l’assister dans la formation de nouveaux bataillons avec le concours de 3 autres ex-officiers de l’armée française :le capitaine Zerguini, le capitaine Boutella et le lieutenant Slimane Hoffman. A la fin de cette mission, le colonel Boumediene me confie le commandement de la 7ème CLZN et désigne Khaled Nezzar à la tête de la 3ème CLZN. J’étais ainsi sur la ligne du front et je crois avoir dignement rempli mon devoir dans les différentes attaques que nous menions contre les troupes coloniales françaises jusqu’à l’indépendance « oul Hamdou li Allah ». Et Khaled Nezzar le sait bien, puisque nos unités respectives intervenaient dans la même zône.
    Les attaques personnelles haineuses et indignes de Khaled Nezzar sont sans fondement et ce ne sont pas les témoins patriotes et sincères qui manquent pour confirmer ce que je dis.

    Force est de constater que depuis 1992, la violence est devenue une politique délibérée du régime semant la haine, la discorde et la terreur parmi les fils d’un même peuple, peuple épris de dignité, de liberté et de justice sociale. C’est dans cette optique que se situe l’intervention médiatique de Mr Nezzar selon laquelle il se présente comme le porte-parole et le défenseur des ex-officiers de l’armée française.

    En conclusion, ni les scoops, ni les mensonges , ni la désinformation, ni l’amalgame, ni les discours brumeux, ni le monologue ne sauraient sortir l’Algérie de la situation dramatique actuelle.
    Bien au contraire, comme en témoignent les faits quotidiens, la misère, le chômage, le désespoir rongent les jeunes Algériens (les jeunes âgés de moins de 29 ans représentent plus de 73% de la population algérienne). C’est ce qui explique les tentatives d’évasion des jeunes vers l’extérieur par route ou par mer, appelés « harraga ».

    L’Algérie est devenue semblable à une marmite en pleine ébullition, prête à exploser, comme en témoignent les émeutes fréquentes dans les quatre coins du pays, du Nord au Sud et d’Est en Ouest.
    Seul un dialogue national global et sincère et le retour à la souveraineté populaire dans la transparence et dans la démocratie sans fraude, ni falsification des faits et des réalités, sont en mesure de sortir l’Algérie de la crise multidimensionnelle actuelle.
    Il est temps que la raison et la sagesse prévalent sur la violence, l’arrogance, la haine et la discorde.

    Abdelhamid Brahimi

    Le 26 octobre 2009

  • ALGÉRIE-FRANCE: LA FIN D'UNE ÉPOQUE les maux de toute l'agerie vient de france ,prennez vos generaux et votre racailles de gouvernants

    Depuis 1962,le monde a beaucoup changé. L'Europe après 1968 est passée à une autre étape de son histoire. Elle est passée d'une démocratie nationale à une démocratie multiculturelle et multiethnique. Les Algériens bénéficiant des accords d'Évian ont pu accéder au marché de travail français. De L'autre côté, en Algérie,on voyait s'installer des coopérants de toutes les nationalités, notamment des français, en nombre restreint sans commune mesure avec la masse d'algériens qui émigraient en France. Malgré cela, le mouvement de circulation entre les deux pays étaient là. Le désir de dépasser la tragédie du passé semblait très fort. On se souvient du voyage de Giscard D'Estaing en Algérie 1973. Un voyage qui ne fut accompagné d'aucun changement substantiel dans les relations économiques:La France ne répondant pas aux demandes de l'Algérie quant à un soutien solide pour son développement économique. Cela dit, malgré la réaction d'une extrême droite s'opposant à l'émigration, la popularité de l'Algérie au sein de la gauche était grande, d'autant plus que la majorité des Français avait un complexe de culpabilité par rapport aux événements de la guerre d'Algérie. Dans l'ensemble, les relations entre les deux pays étaient positives. Un état qui atteint son summum avec la visite de Chadli en France et Mitterrand en Algérie (année 80). Les relations semblaient sur le point de passer à une étape supérieure:une circulation intense entre les deux pays aussi bien des Algériens vers la France que des Français vers l'Algérie et éventuellement leur installation. Mais coup de tonnerre. Les événements des années 90,en Algérie allaient mettre fin à cette évolution:125 étrangers furent tués en Algérie dans les années 90, parmi lesquels des Français dont les moines de thibirine. Les attentats à Paris, par des Algériens accentuèrent la régression. Ces événements mettent fin à un projet:le dépassement, comme ce fut le cas entre l'allemagne et la France, du passé tragique entre la France et l'Algérie. Un nouvel état d'esprit français face au passé colonial commençait à émerger en France. Le sentiment de culpabilité des dirigeants français s'estompait progressivement: il fut ouvertement exprimé par le président Sarkozy qui affirma que les Français d'aujourd'hui ne se sentaient pas responsables des erreurs de leurs ancêtres.l es français changent de ton par rapport à l'Algérie, et affichent ouvertement leur irritabilité face aux revendications de type islamique des associations musulmanes et de certains individus(voile islamique). Les Musulmans de France n'ont pas compris que toute l'histoire de la France s'est construite sur la base de la laicité et que la religion n'avait pas de place dans l'espace public. Une affirmation dont les tenants de l'idéologie moderniste se firent un devoir de mettre en évidence, en accusant les Algériens de refuser de s'intégrer. La montée des mouvements islamiques dans le monde enflamma les banlieues et l'on vit défiler en permanence des personnalités ou intellectuels musulmans( Tarik, Ramada, Malek Chebel...)sur les plateaux de télévisions françaises. L'effet boomerang eût lieu:1)- Un rejet mental des musulmans étant donné la réticence des Français à l'expression de la religion sur la place publique. Les valeurs communes autour desquelles se meuvent les individus sont des valeurs de modernité. La religion est tolérée mais elle ne doit pas s'exprimer dans l'espace public. Elle le fût par des personnalités musulmanes, mais elle s'est retournée contre elles et contre tous les musulmans, plus précisément les Algériens, qui en raison des événements en Algérie, perdent toute la crédibilité et la sympathie ayant découlé de la guerre d'algérie. 2)- La France moderne est multiculturelle, comme d'ailleurs toutes les démocraties occidentales. C'est le nouveau visage du libéralisme. La conception de la vie en société se fait sur une base territoriale. On vit dans le même espace donc, on s'accepte. Les étrangers disposent des mêmes droits que les citoyens de souche. Entre les gens, existent un rapport a-religieux. C'est la nouvelle philosophie des démocraties libérales. Une vision hautement civilisée du monde nouveau:un pays qui ne s'y conforme pas tombe dans la marginalisation, l'oubli et le désintêret, plus encore, il est perçu comme un pays pratiquant l'ostracisme:c'est le cas de l'Algérie. Deux sources de cet ostracisme:La construction de la société sur une base communautaire d'essence musulmane et religieuse, excluant ouvertement ou tacitement les non-musulmans.La société est divisée en croyants et Kafirs(mécréants).2)-Le pouvoir est d'essence islamique et intolérant:il pourchasse les pratiquants des autres religions et surtout, une chose qui étonne les occidentaux qui, eux, au contraire acceptent les musulmans et leur financent même leurs mosqués, l'impossibilité pour les Chrétiens de construire des églises. Deuxième effet boomerang:ils ne nous acceptent pas, ils ne sont pas tolérants donc nous n'avons aucune raison d'être ouverts avec eux, d'autant plus que la construction de l'Europe permet, le cas échéant, de se pourvoir en main-d'oeuvre dans les nouveaux pays, proches culturellement. Deux conclusions ressortent de cette évolution:1)-Les Musulmans de France ont pêché par orgueil jusqu'à pousser le gouvernement français, irrité au plus haut point, à prendre des mesures de fermeture des frontières.2)-L'Algérie n'a pas évolué vers une démocratisation qui aurait permis le dépassement de la conception communautaro-islamique et la mise en place d'une société multiculturelle, à l'européene, à l'américaine, à la japonaise, à la canadienne,etc...dans laquelle toute personne, quelle que soit son origine, même française, aurait pu vivre. Le rejet des Algériens en France, la fin des accords priviligiés d'Évian est l'échec de l'Algérie sur le plan de la démocratisation. Le responsable algérien qui dit que, dans l'article que ''les Français oublient que l'Algérie est un pays particulier du fait de l'histoire entre les deux peuples et de l'importance de la dimension humaine entre les deux nations''émet un slogan dépassé par la réalité.1-) Il ne comprend pas que le passé colonial n'est plus un paramètre pour le gouvernement français dans sa définition des relations avec l'Algérie.2)- La ''dimension humaine'' n'est vrai que dans la mesure ou elle a lieu de l'Algérie vers la France. Cette phrase deviendra une réalité à double sens entre les deux pays le jour ou l'Algérie deviendra une démocratie. ARISTOTE

  • Caricature de la famille royale, Le quotidien Le Monde interdit au Maroc

    image Les autorités marocaines ont bloqué jeudi la distribution du quotidien français Le Monde qui a publié, dans son édition datée du jeudi 22 octobre, une caricature jugée irrespectueuse de la famille royale, a-t-on appris de source autorisée. Le Monde daté du vendredi 23 octobre sera également interdit à la vente au Maroc pour des raisons similaires, a-t-on ajouté de même source. Dans son numéro du 22 octobre, Le Monde a publié à la "Une" un dessin du caricaturiste Plantu montrant une main sortant de l'étoile à cinq branches du drapeau marocain et tenant un crayon dessinant un personnage coiffé d'une couronne, tirant la langue et avec ce qui ressemble à un nez de clown. "Procès au Maroc contre le caricaturiste Khalid Gueddar qui a osé dessiner la famille royale marocaine", dit la légende accompagnant cette caricature. "Nous n'accepterons jamais, au motif de la liberté d'expression, une atteinte systématique aux symboles nationaux", a déclaré à l'AFP un haut responsable marocain sous couvert de l'anonymat. La distribution au Maroc du Monde daté du 23 octobre sera bloquée "dans la même logique", a également annoncé cette source, car contenant une caricature dessinée par le Marocain Khaled Gueddar. Cette caricature a été publiée par le quotidien Akhbar Al Youm dans son édition datée des 26-27 septembre et fait actuellement l'objet d'un procès au Maroc, intenté par le ministère de l'Intérieur et un membre de la famille royale. Ce dessin de Khaled Gueddar fait allusion au mariage (le 25 septembre) du prince Moulay Ismaïl, cousin du roi Mohammed VI, avec Anissa Lehmkuhl, une ressortissante allemande de confession musulmane. Cette caricature, "en relation avec la célébration par la famille royale d'un événement à caractère strictement privé", a été jugée irrespectueuse par les autorités marocaines et le prince Moulay Ismaïl. Taoufik Bouachrine et Khaled Gueddar, respectivement directeur et caricaturiste d'Akhbar Al Youm, sont depuis poursuivis pour "non respect dû a un membre de la famille royale". Leur procès, commencé le 12 octobre devant un tribunal de Casablanca, reprendra vendredi. Début octobre, le ministère de l'Intérieur a posé des scellés au siège du journal, interdisant aux journalistes l'accès à leurs bureaux. Le 14 octobre, le tribunal administratif de Casablanca a rejeté la demande présentée par la défense du quotidien d'annuler la décision du ministère de l'Intérieur d'empêcher l'accès aux locaux du journal. Le 26 octobre, le même tribunal se prononcera sur une deuxième plainte, déposée par les avocats d'Akhbar Al Yaoum contre le ministère de l'Intérieur pour abus de pouvoir. Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) a qualifié d'"illégale" la fermeture par les autorités des bureaux du quotidien. source AFP avec http://www.letemps.ma/

  • Inédit dans le monde arabe : Des bloggueurs ont fait trembler le régime de Moubarak

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    Du Caire, Hassane Zerrouky

    En pleine grève des ouvriers du textile de la cité industrielle de Mahala dans la vallée du Nil à 120 km du Caire, un appel à la grève générale, pour le 6 avril, contre la hausse des prix et la pénurie de pain subventionné, était lancé via Internet sur le réseau Facebook. « N’allez pas au travail, n’allez pas à l’université, n’ouvrez pas vos commerces, n’ouvrez pas vos pharmacies ... Nous voulons des salaires dignes, nous voulons du travail, de l’éducation pour nos enfants, des transports humains, des hôpitaux ... » indiquait l’appel des bloggueurs qui s’est dénommé « groupe du 6 avril ». Il demandait également aux égyptiens d’ « afficher le drapeau égyptien partout », de « s’habiller en noir », de « distribuer le slogan », et il ajoutait : « surtout ne pas oublier d’offrir une fleur à chaque policier ».

    Toujours est-il que l’appel a été relayé de bouche à oreille. L’idée de grève générale s’est répandue comme une traînée de poudre. L’écho a été tel que le pouvoir a réagi de manière très vive. Sur les chaînes publiques de la télé égyptienne, un communiqué du ministère de l’Intérieur égyptien, diffusé en boucle tout le long de la journée du 7 avril, avertissait que l’Etat serait intransigeant avec les fauteurs de troubles. La police anti-émeute s’est déployée et a quadrillé la capitale. Les parents ont pris peur et n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école.

    La grève générale n’a finalement pas eu lieu, mais ce dimanche 6 avril, Le Caire vivait au ralenti. La veille , des bloggueurs avaient été arrêtés dont Esraa Abdelfattah, jeune étudiante, créatrice du blog et initiatrice d’un mouvement inédit dans les annales égyptiennes et des pays de la région qui, de l’avis de nombreux égyptiens, a fait trembler le régime.

    Aujourd’hui, Esraa Abdelfatah et sa « complice », Nadia Moubarak (rien à voir avec le chef de l’Etat égyptien) ainsi qu’une vingtaine de bloggueurs, arrêtés dans un café du centre du Caire, sont en prison, en attente de jugement. De sa cellule, elle a écrit une lettre, publiée par le journal de gauche, El Badil, dans laquelle elle explique ce qui l’a incitée à lancer un tel appel.

    Quoi qu’il en soit, ce mouvement des jeunes bloggueurs, qui a pris de court l’opposition classique y compris les Frères musulmans, ne s’est pas éteint. En quelques jours, plus de 80 000 personnes l’ont rejoint sur Facebook. Mardi dernier, il est passé à une autre étape. Il a lancé un nouvel appel pour la journée du 4 mai, tout un symbole, puisqu’il s’agit de la date de naissance du président Hosni Moubarak. En plus de la libération d’Esraa Abdelfattah, il demande aux égyptiens de s’habiller en noir et de mettre des drapeaux noirs sur leurs balcons en signe de protestation contre la vie chère et pour le respect des libertés et des droits de l’homme. Quant à Esrra Abdelfatah et Nadia Moubarak, selon les deux journaux de gauche – El Badil et El Destour – elles ont été séparées de leurs camarades et transférées dans un lieu tenu secret. « Le ministère de l’intérieur a caché Esraa » accuse en « une » El Destour ». « Diparition d’Esraa » renchérit de son côté El Badil. Le reste de la presse égyptienne, dont l’officieux El Ahram, se sont également fait l’écho de l’emprisonnement de la jeune bloggueuse.

    L’affaire fait grand bruit au point d’éclipser médiatiquement les manifestations (elles ont eu lieu mercredi) des Frères musulmans protestant contre la condamnation à de lourdes peines de 25 de leurs membres dont le numéro trois de la confrérie, Kheirat el Chater, condamné à 5 ans de prison.

    Et de l’avis des journalistes et observateurs égyptiens que j’ai rencontrés, le pouvoir égyptien semble désarmé face à un mouvement né sur Internet, échappant aux formes classiques d’organisation, qui affirme sur son réseau Facebook ne pas être un parti politique, refusant de surcroît toute récupération politique d’où qu’elle vienne et qui mène un combat pacifique et civilisé sur les seuls thèmes de la vie chère, de l’augmentation des salaires, des libertés démocratiques et des droits de l’homme.

    H.Z on le fera nous aussi one two three viva l'algerie as dos tris viva la suisse

  • "Loi" sur la criminalisation du colonialisme : les dessous d'un canular

    La proposition de loi incriminant le colonialisme français n'était donc qu'un bluff politique. Le gouvernement n’a réservé aucune réponse à ce projet, alors que le délai réglementaire (deux mois après l’envoi de la mouture finale par le bureau de l’APN) a expiré. A l'Assemblée, on reconnaît que le pouvoir n'a jamais eu de réelle volonté politique de promulguer pareille loi. Seules les âmes candides qui continuent de prêter au président Bouteflika quelque scrupule politique en sont à croire qu’il agit par souci de défendre la mémoire. Il y a bien longtemps de la mémoire ne relève plus, pour Bouteflika, du différend historique mais du cabotinage conjugal, cette pratique un peu malsaine qui consiste à rappeler au conjoint un antécédent fâcheux chaque fois qu’on éprouve le besoin de lui extorquer une nouvelle déclaration d’amour. La méthode est classique : Bouteflika fait provoquer, en sous-main, un début d’incendie par des pyromanes qualifiés et se donne ensuite le loisir d’intervenir en pompier, prestation qu’il monnayera alors au plus haut prix. Selon les réponses qu’il reçoit de la France, le président algérien peut ainsi passer de la plus grande « indignation » envers le préjudice colonial à la plus béate des indulgences. Pour s’en convaincre il suffit de se rappeler qu’avant de brandir le spectre d’une « loi algérienne criminalisant la colonisation" – signée, soulignons-le, par 125 députés appartenant à la majorité présidentielle - Bouteflika avait publiquement renoncé, et deux fois plutôt qu’une, à exiger de la France repentance de ses péchés coloniaux. La plus récente fut même énoncée, comble de l’ironie ou du cynisme, de la bouche du président de l’assemblée populaire nationale, celle-là même dont on redoute qu’elle adopte une loi criminalisant la colonisation ! C’était en mai 2009, à la veille de la visite d'Etat que devait effectuer en juin à Paris le président algérien et à laquelle ce dernier tenait beaucoup. Abdelaziz Ziari, un fidèle de Bouteflika, avait alors affirmé au cours d’un point de presse dans la capitale française, que la question de la repentance « n’était pas à l’ordre du jour » et « n’a jamais, depuis l’indépendance, constitué un obstacle aux relations algéro-françaises ». Bouteflika voulait ainsi « proposer un cadeau » aux Français pour les amadouer. Or, pour revenir à cette "loi" criminalisant le colonialisme, rien ne se serait produit s’il n’y avait eu, au printemps dernier, cette décision française que Bouteflika considère comme un camouflet : le report, voire l’annulation de cette visite d'Etat qu’il devait effectuer en juin à Paris et que l’Elysée a jugé embarrassante car trop « proche » du scrutin bokassien du 9 avril à l’issue duquel le chef de l’Etat algérien avait été réélu avec plus de 90 % des suffrages, réélection alors qualifiée en France de « pharaonique ». L’Elysée (si on en croit le Parisien), redoutant que cette encombrante victoire ne soit évoquée par l’opposition et par les médias, avait décidé de la repousser à la fin de l’année, ce qui a fortement froissé Bouteflika, furieux d’être assimilé à un vulgaire dictateur infréquentable. La France avait, jusque-là, soigneusement dissimulé cette image du président algérien dans les vapeurs de la connivence diplomatique et politique. Mais la politique comme la diplomatie ou les complicités ne pouvaient plus rien contre l’arithmétique : comment, en effet, continuer à protéger un président qui a triomphé à hauteur de 91% quand on a taxé à longueur d’année, Robert Mugabe d’être le parangon de la dictature africaine, lui l’élu à « seulement » 85 % ? Le Français ordinaire ne comprendrait pas… Or, c’est le Français ordinaire qui va voter en 2012 ! Toujours est-il que, depuis, les représailles algériennes se sont multipliées à l’encontre de la France : difficultés aux entreprises françaises exerçant en Algérie, refus de recevoir des ministres de Sarkozy et ... l’annonce de cette « loi algérienne criminalisant la colonisation". Bouteflika entendait entretenir la pression jusqu’à être reçu par l’Elysée et briser ainsi sa soudaine « infréquentabilité » A ces représailles a répondu une surenchère parisienne (débat sur l’identité nationale, liste des pays à risque, propos de Kouchner…). Bouteflika a-t-il obtenu des "concessions" de l'Elysée ? On le saura bientôt. Mais la vérité est qu'il n’a jamais vraiment voulu cette loi. L.M.