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LES PRATICIENS DE SANTE', DONNEZ VOTRE AVIS. - Page 82

  • Le colonel Bencherif accuse le wali de Béjaïa J’accuse

    source: le soir dz

    Ahmed Bencherif
    Membre du Conseil national de la Révolution algérienne
    L’enquête que je mène depuis fort longtemps me permet actuellement d’affirmer que l’ex-wali de Djelfa, Hamou Ahmed Touhami, surnommé du temps où il était wali de Béchar «Hamou 10 %» est un corrompu. Ces 10 %, faisant allusion à sa quote-part, étaient exigés de chaque entrepreneur détenteur d’un marché public représentant une commission de 10 % qui lui était remise en mains propres, une fois le marché obtenu.
    Cette pratique a fonctionné tout au long de son passage à Béchar où il a sévi pour se servir et non servir l’intérêt collectif. Pour ce wali en question, la trahison de sa mission est flagrante. L’ex-wali a trahi la wilaya de Djelfa qui lui a offert son hospitalité et sa confiance. Il en a abusé en piétinant ses traditions et son mode de vie, en profitant de son poste uniquement pour s’enrichir rapidement, défiant les lois de la République et celles de Dieu. Si les milliers de milliards, dont a bénéficié, durant son «règne» la wilaya pour son développement pour les différents programmes, n’avaient été entachés de corruption, cela aurait donné de bons ouvrages et de meilleurs résultats quant à l’avenir économique de la wilaya. La corruption a créé une faille terrible dont la population se souviendra. Le wali et ses sbires partageaient les dividendes de cette corruption. Il l’a même «légalisée» pendant son règne à Djelfa où le maître mot était la part du «Maâlem». Selon certaines indiscrétions qui me sont parvenues, ce wali, devenu plus gourmand, ne se contentait plus de 10 % et réclamait sans rougir plus à ses proies. Ces entrepreneurs rackettés par ce gangster n’avaient d’autre choix que de répercuter ce manque à gagner sur la qualité des travaux et les prestations effectués en les entachant d’irrégularités et de malfaçons. Ce semeur de trouble a cultivé l’esprit de la fraude et s’est habitué à intimider les gens. Actuellement, le nouveau wali, fraîchement arrivé, a hérité d’une gestion qu’il tente de redresser malgré certaines poches de résistance de l’ancien clan, tentant par tous les moyens de le déstabiliser. Les citoyens de la wilaya de Djelfa affluent nombreux à mon domicile, à l’occasion de la célébration de l’Aïd el Adha, ils m’ont supplié de dénoncer publiquement, et au plus haut niveau, cet état de fait. Il risque de faire autant de mal à Béjaïa, ville de Yemma Gouraya, ville d’Histoire et d’intelligence. Sa promotion (alors qu’il devrait aller à la retraite) en tant que wali de Béjaïa n’aurait pas eu lieu si son dossier avait été divulgué au moment opportun. Mais les méfaits qu’il a commis pendant toute sa carrière le rattraperont un jour, là où il se trouve. Ce corrompu a bafoué les principes fondamentaux et moraux de la société et Djelfa se souviendra des stigmates qu’il a laissés lors de son passage dans cette wilaya martyre. Afin de contribuer à lever le voile sur les agissements de cet ex-wali, j’exige à titre d’exemple l’ouverture d’une enquête sérieuse sur les dossiers suivants :
    1- Le dossier de l’APC de Aïn Chouhada classé sur simple décision du wali et non transmis à la justice depuis 2005 ;
    2- le dossier de l’APC de Aïn el Bel classé sur simple délibération et non transmis à la justice pour y statuer sur simple recommandation du wali ;
    3- les autorisations «provisoires» signées par le wali pour exploiter des carrières sur des sites naturels et culturels protégés en commettant des pillages et des catastrophes sur le patrimoine ;
    4- le dossier du foncier urbain et agricole où il y a eu beaucoup de dilapidations et de malversations ;
    5- le dossier du choix de terrain fait par le wali de construire un hôpital sur un terrain rocheux et boisé (surcoût de plusieurs dizaines de milliards) ce qui a conduit à la destruction du patrimoine naturel ce qui a conduit l’ex-DLEP, M. Lakhal, à démissionner. Des milliards ont été dépensés pour niveler ce terrain, alors que les terrains plats existent à Djelfa à profusion. J’en resterai là, pour le moment, car la liste des irrégularités est encore longue, sans compter le mal qu’il a fait à certains cadres qui se sont mis sur son chemin pour défendre les valeurs de la République algérienne. Je reste à l’entière disposition de l’autorité pour faire la lumière sur ce dossier car il était de mon devoir de moudjahid de dénoncer cet état de fait, même tardivement, à cause de certains recoupements longs à établir. Ce wali doit rendre des comptes devant la justice. Elle seule établira sa culpabilité ou sa non-culpabilité en toute impartialité.
    Vive l’Algérie !!!

  • Contrechamp

     

     

    L’Égypte ou l’hypothèque militaire de la démocratie

    Par : Mustapha Hammouche

    Après une sanglante répression des manifestants suivie de la démission du gouvernement, l’armée égyptienne s’est résolue à négocier avec des représentants de forces politiques. C’est le résultat de ce qui, pendant trois jours, fut véritablement une seconde insurrection.
    La place Tahrir et d’autres villes d’Égypte ont réagi à une entreprise de restauration de l’ancien système sans Moubarak.
    En voulant imposer le fait accompli d’une constitution préalablement balisée par le gouvernement en place et qui met notamment le budget de l’armée hors du contrôle parlementaire, l’armée a tenté un putsch par anticipation contre le régime d’après-Moubarak, privant d’avance le Parlement de tout droit de regard sur le fonctionnement de l’institution militaire.
    Si l’assemblée nationale devrait, à moins d’un report de dernière minute, être élue ce 28 novembre, le CSFA s’est bien gardé de programmer une date pour l’élection présidentielle. Les Égyptiens sont progressivement passés du doute à la conviction quant à l’arrière-pensée restauratrice du maréchal Tantatoui et de son conseil. Ils découvrent surtout que “dégager” Moubarak ne suffisait pas à “dégager” le régime et qu’un régime peut s’accommoder de changement de “ses” civils, si ce changement n’entame pas la primauté de la décision militaire sur les prérogatives des institutions. L’armée égyptienne semble avoir été tentée de constitutionnaliser, par précaution, cette prééminence et de gagner du temps en retardant la mise en œuvre de la revendication de changement démocratique.
    L’expérience égyptienne repose ainsi la problématique de l’évolution politique à partir d’un régime dictatorial de ce type et qui caractérise la plupart des États non monarchiques du monde dit arabe. Si un souverain de droit divin est dispensé de l’appui politique de son armée, le maître d’une “république” dictatoriale ne tient son pouvoir que de son rapport — politique — à l’armée qui, elle-même, tient sa puissance de sa capacité à soumettre la société en l’encadrant policièrement et en la réprimant militairement à l’occasion. Tant que c’est possible, cette fonction est déléguée à la police civile, mais le rempart ultime de la dictature reste l’armée.
    Étrangement, elle tire sa légitimité — politique — de la menace extérieure, en entretenant la confusion entre la contestation de son rôle politique et l’atteinte à la mission de défense nationale, une confusion qui est à l’origine de l’invention de “l’ennemi intérieur”. Ce pouvoir de contrôle physique de la société en fait l’allié nécessaire du despote qui craint ou refuse la règle démocratique du choix populaire. Comme le temps n’est plus à l’empire franc de militaires en uniforme, des institutions “républicaines” leur servent de vitrine civile. Et le rapport entre les deux faces d’un même régime dépend des circonstances politiques concrètes. En cas de besoin, il peut aller jusqu’au sacrifice de la façade civile et son remplacement, le tout étant de changer d’apparence sans changer de nature.
    C’est ce côté “transformiste” des dictatures de la région qui rend les processus de rupture démocratique si laborieux, si sanglants et si incertains.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

  • no moment

    Dilem du 23 Novembre 2011

  • La Banque mondiale organise un atelier sur l’emploi

     

     

    Les failles de la politique de l’emploi réfutées par les responsables du secteur

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    Le spécialiste du monde du travail, Mohamed Saïb Musette, prévient quant aux risques de précarisation des emplois, d’autant que les postes non permanents dominent le salariat.


     

    C’est sans doute le chantier le plus délicat de l’Algérie d’aujourd’hui tant les tensions sociales sont fréquentes. Lors d’un atelier sur l’employabilité, organisé hier à Alger par la Banque mondiale, le chercheur et spécialiste du monde du travail, Mohamed Saib Musette, a mis en garde contre les effets pervers des mutations que connaît actuellement le marché du travail en Algérie. Il regrette que les enquêtes sur les salaires soient abandonnées, tout comme celle sur l’économie informelle qui permettrait d’y voir un peu plus clair.
    Autre motif d’inquiétude : l’informel dans le secteur privé hors agriculture  représente une part de 37% ; un chiffre que conteste le responsable de la Confédération nationale du patronat (CNPA). L’expert insiste sur les risques de précarisation des emplois en Algérie, d’autant que les postes non permanents dominent le salariat. «Il y a un léger avantage, d’à peine 0,3%, qui nécessite néanmoins de tirer la sonnette d’alarme», précise M. S. Musette.

    Du côté des représentants du ministère du Travail, le «tout va bien» est plutôt de rigueur. Ils récusent l’idée selon laquelle les augmentations salariales auraient été décidées par le gouvernement de crainte de subir le même sort que certains pays arabes. De même que le redoublement d’efforts en matière de politique de l’emploi et d’insertion des jeunes ne serait dicté que par la seule volonté de favoriser l’émergence d’entreprises. «Ce n’est pas une politique ex nihilo, nous nous sommes basés sur les expériences passées», souligne ainsi Fodil Zaidi, responsable de l’emploi au département du Travail. Ces efforts font, d’après lui, suite à une réflexion menée en 2007 sur la politique de l’emploi et sur le niveau des salaires en Algérie.


    Manque de vision


    Mohamed Tahar Chaâlal, directeur de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM), a affirmé, de son côté, que le réseau de son agence peut se targuer d’avoir, en plus des 48 agences de wilayas, quelque 167 agences locales. Il souligne aussi l’efficacité des organismes privés qui ont enregistré, depuis 2010, près de 200 000 demandes d’emploi. De plus en plus de demandeurs d’emploi se dirigent désormais vers l’Anem. Leur chiffre est ainsi passé de 99 000 en 2001 à 1,9 million en 2010. Au total, l’ANEM a aidé, en 2010, près de 181 000 chômeurs à trouver un travail.

    Le directeur de l’Ansej a présenté un bilan tout aussi flatteur, soulignant la création de 91 978 emplois grâce à son dispositif. Près de 230 000 micro-entreprises ont ainsi pu voir le jour grâce aux dispositifs de l’Ansej et de la CNAC. Le représentant de l’Ansej ne s’étalera pas, en revanche, sur la question du remboursement des prêts ni sur la pérennité des entreprises créées.
    Les représentants du département du Travail, surtout, ne veulent pas entendre parler des failles, réelles ou supposées, de la politique nationale de l’emploi. Divers représentants d’organismes de l’emploi ont ainsi décoché des flèches à l’auteur de l’étude, réalisée pour le compte de la Banque mondiale, sur l’emploi. Ledit rapport est extrêmement critique, soulignant, entre autres aspects, les contraintes de l’insertion des jeunes, le manque de vision dans la lutte contre l’informel et l’instabilité des postes de travail des Algériens.

    Amel Blidi
  • gaspillage,esque'on écoute le peuple!!! walou

    Pour permettre le passage du tramway à Constantine

     

    Une trémie de 25 milliards de centimes sera démolie

    Par : Driss B.

     

    Pour les besoins du projet des centaines d’arbres ont été abattus dans toute la ville et des biens publics, des jardins  et des parkings ont été supprimés.

    Après moult tergiversations, la commission de wilaya chargée d’étudier le secteur des travaux publics qui s’était réunie, la semaine passée, a choisi de supprimer la trémie du boulevard Che-Guevara à proximité de la mosquée Émir-Abdelkader, et ce, pour permettre le passage du tramway. Difficile décision quand on sait que cette trémie mise en service en 2006 a coûté la bagatelle de 25 milliards de centimes et n’aura donc servi que cinq ans, mais pour en arriver là, la société italienne Pizzarotti, chargée de la réalisation du tramway de Constantine, pouvait-elle éviter un tel scénario?  
    A priori, les architectes et ingénieurs de la société italienne ont proposé deux solutions. L’une consistait à faire remblayer la trémie, l’autre plus complexe à réaliser visait à revoir sa conception en procédant à une extension en forme de Y. Selon un ingénieur travaillant à Pizzarotti, cette idée a été rejetée pour trois raisons à savoir, le coût, le retard sur les délais et l’impact qu’elle aurait sur la structure de la mosquée Émir-Abdelkader déjà fragilisée à cause de la nature du terrain. En outre, la société italienne aurait elle-même tranché pour la première option du fait que cela lui éviterait de transmettre un quelconque avenant au contrat qui pourrait en plus du retard engendré, lui coûter de l’argent.
    Notre source ajoute que même si cette extension de la trémie a été adoptée, le ministère des Travaux publics s’opposerait de toute façon à valider un tel projet pour éviter une rallonge financière.
    Quoiqu’il en soit, et vu le manque d’espaces en zone urbaine, Pizzarotti se trouve confrontée à la grogne des citoyens car entreprendre des travaux sans faire de “casse” relève du miracle comme nous explique cet ingénieur qui nous précise que depuis le lancement des travaux, la société italienne doit, en plus des difficultés géologiques, faire le moins de dégâts possibles en ce qui concerne l’environnement et les biens publics.
    Il est à rappeler que pour les besoins du projet des centaines d’arbres ont été abattus dans toute la ville et que des biens publics, des jardins et des parkings ont été supprimés. Mais pour revenir à la trémie, les travaux de son remblayage  débuteront en principe le mois prochain pour une durée de quelques semaines, la société a déjà finalisé l’étude pour placer les voies mécaniques. Techniquement ce chantier représente la deuxième difficulté pour la société en zone urbaine, après le stade Benabdelmalek. Ce dernier connaît, lui, un retard considérable même si le plus gros a été fait (charpente métallique et pose du béton) et qu’il ne reste que les finitions, une affaire de quelques mois, nous informe un autre ingénieur. Quant à la suite du chantier en zone urbaine, le lancement de la construction des infrastructures (notamment les plates-formes) va s’échelonner sur plusieurs phases, et ce, pour éviter au maximum de perturber la circulation routière, sachant que cet axe est l’un des plus empruntés de la ville.  Par ailleurs, concernant les retards enregistrés au niveau de plusieurs points du chantier, notre interlocuteur nous explique que les réseaux souterrains d’assainissement, de gaz et d’électricité sont pour beaucoup dans la perturbation des travaux. “Lorsque nous construisons des murs de soutènement en bordure des voies, murs qui renforcent le passage du tramway, nous tombons sur des kilomètres de câbles et de canalisations, comme cela est arrivé au tracé de Zouaghi, il nous faut alors attendre des semaines pour que les services concernés (Sonelgaz, Seaco et Algérie Télécom) interviennent”, explique-t-il. Les travaux en zone suburbaine ont toutefois connu un taux d’avancement appréciable, en dépit de la fragilité des sols, les opérations de terrassement et de réalisation des plates-formes et de pose des rails sont en voie d’achèvement, cette constance est cependant conditionnée par l’exécution des ouvrages d’art (le viaduc à proximité de l‘université et du tunnel à Zouaghi) encore non terminés. Enfin, notre ingénieur même s’il travaille à l’administration et qu’il a le libre accès sur plusieurs dossiers, était incapable de nous fournir avec précision le taux global de l’avancement du projet. “Tout dépend de la cadence des travaux, ce qui est sûr c’est que la mise en service du tramway sera dans une année ou plus !” conclut-il. Le projet du tramway de Constantine, évalué à près de 330 millions d’euros, a été lancé en octobre 2008 et devait être livré 47 mois après cette date.
    DRISS  B.

  • no moment

    Dilem du 22 Novembre 2011

  • DOK en mode vibreur

     

     

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    On pourrait croire au débat constructif quand le ministre de l’Intérieur discute avec les sénateurs sur le choix du mode de scrutin, proportionnel ou majoritaire, à liste ouverte ou fermée. Mais ce serait comme si l’on ne connaissait pas l’obsession du régime à truquer les élections avec tous les modes possibles et imaginables, du correcteur orthographique à la perceuse électrique en passant par l’imposition des mains, la fouille au corps électoral ou le gang bang, viol collectif des urnes. De fait, parler de mode de scrutin en oubliant la fraude organisée est comme demander à un aveugle s’il préfère des lunettes Giorgio Armani ou Dolce Gabbana.

    Un luxe que l’Algérien ne peut se permettre tant que ses dirigeants lui confisquent encore sa voix et son avis. D’ailleurs, DOK a tenu, dans la foulée, à rappeler que le mode de scrutin majoritaire avait fait gagner le FIS en 1991 avec seulement 3 millions de voix, mais 150 sièges aux législatives. Là aussi, il a oublié de rappeler que des partis démocrates demandaient un scrutin à la proportionnelle qui aurait accouché d’une Assemblée hybride, mais sans majorité nette. Sur un point seulement, celui-ci, unilatéralement décidé sans concertation, l’Algérie n’aurait peut-être pas basculé dans sa sombre séquence historique et DOK n’aurait jamais existé.

    Maintenant qu’il est là, grâce à la dérive terroriste et au repêchage des vieux recalés de l’ancien système, il aurait tout intérêt à réactiver les commissions d’enquête sur la fraude électorale au lieu d’ergoter sur le sexe des anges et de l’urne. Parce que, en tant que ministre de l’Intérieur, il va bientôt entrer dans l’histoire par la petite porte en étant le responsable de la prochaine fraude électorale. Son nom, comme celui de ses prédécesseurs, sera apposé à la longue liste des dirigeants algériens qui ne croient ni à la démocratie,
    ni au consentement, ni au XXIe siècle.

    Chawki Amari
  • la censure à beaux jours devant -elle

    Nouveau panorama

     

    zoom | © D. R.

    Depuis les années 1980, l’édition en Algérie a connu des changements aussi bien au niveau morphologique que dans les  modes d’organisation intervenus dans le secteur du livre.

    On est passé, ainsi, d’un système principalement structuré autour d’entreprises publiques assurant une fonction éditoriale et de diffusion prépondérante (Enal, Enag, Enap, OPU, etc.) à un ensemble hétérogène dominé par une édition de statut privé (plus d’une centaine depuis les années 2000). Là-dessus s’est greffé un réseau important d’importateurs de livres édités en Europe (principalement la France) et au Moyen-Orient (principalement l’Egypte et le Liban). L’envergure de ces entreprises varie selon les lieux d’édition (une majorité installée à Alger, une vingtaine disséminée dans les autres villes) et le fait qu’elles sont adossées à une imprimerie (Casbah Editions, Editions du Tell, Dar El Gharb, Dar El Houda, etc.) ou non et à un réseau de diffusion propre ou partagé (Chihab, Casbah, etc.).

    Nous noterons également une certaine spécialisation, ou du moins des dominantes qui font qu’autour de quelques grandes maisons d’édition généralistes (Anep, Enag, Alpha, Casbah, Chihab, etc.), on voit se constituer des éditions dédiées pour une grande part à la littérature de jeunesse, au beau livre ou à la réédition patrimoniale (Apic, Média-Plus, Inas, Dar El Hikma, Dalimen, Hibr, Koukou, Socrate, Dar El Adib, Editions Houma, etc.). Grâce à la dynamique d’un festival dédié à la bande dessinée, et à la forte audience des caricaturistes algériens (Dilem, Hic, Gyps, Tougui, etc.), ce secteur reprend vie depuis trois à quatre ans et se prévaut d’une politique éditoriale prometteuse, la création de revues (Bendir, Laabstore, etc.) et l’émergence d’une jeune école de dessinateurs de mangas qui ont déjà leur réseau de webzines, de sites miroirs et d’albums.

    Dans cette configuration, on peut souligner, néanmoins, la part assez modeste de la littérature générale dans les catalogues des éditeurs. Ici, il sera question essentiellement de la production de langue française avec certains développements touchant à la production de langue arabe. L’édition littéraire en tamazigh, en pleine expansion ces dernières années, reste toutefois encore très marginale. En général, très peu d’éditeurs accordent une place significative à la littérature à l’instar des Editions Barzakh (Grand  prix 2010 de la fondation Prince Claus pour la culture et le développement), Alpha Editions, Lazhari Labter Editions, Casbah, Chihab…

    Cependant, presque tous éditent régulièrement ou ponctuellement des œuvres littéraires qui appartiennent à l’éventail des productions (des genres canoniques, dominés par le roman, à la littérature de jeunesse). Pourtant, si cette multiplication de structures éditoriales a permis un élargissement quantitatif réel, il faut rappeler néanmoins que dans le domaine de l’édition littéraire proprement dite, plus d’un tiers des œuvres est publié à compte d’auteur.  

    Cette forme de publication, qui a pris naissance dans l’espace éditorial algérien depuis la fin des années 1980, s’est accentuée lors de la dernière décennie avec la création de dizaines de maisons d’édition qui ont pu exister sur le marché du livre en minimisant les risques économiques par la publication à compte d’auteurs. Ce mode éditorial coïncide avec la venue  à l’écriture (ou du moins à l’acte d’édition) de générations ayant accompli l’essentiel de leur activité professionnelle (professions libérales, retraités, etc.). Beaucoup de femmes, en particulier, ont pu accéder à l’expression littéraire publique après s’être consacrées à leur activité professionnelle et familiale, comme le montre Christine Detrez («L'écriture comme résistance quotidienne : être écrivaine en Algérie et au Maroc aujourd’hui», Sociétés contemporaines, 2010/2, n° 78, 2010).

    Nous remarquerons que du point de vue quantitatif, le marché du livre littéraire en Algérie est composé pour une part, de la diffusion d’œuvres littéraires qu’offrent des importateurs de livres (dans cet ensemble la littérature classique est dominante) et, pour une autre part,  de la production de l’édition locale. Ce marché se caractérise ensuite par son hétérogénéité au plan de la diffusion, une majorité d’éditeurs ne diffusant leur production qu’auprès d’un nombre limité de libraires implantés, pour la plupart, dans les grands centres urbains.

    Les quelques foires du livre occasionnelles et surtout le Salon international du livre d’Alger (SILA) sont souvent des manifestations relais pour assurer la visibilité de la production éditoriale et élargir la diffusion du livre. Une des nouvelles tendances, en développement depuis la fin des années 1990, est l’émergence de la co-édition (Editions Barzakh/Editions de l’Aube ou Actes Sud par exemple) ou de la réédition en Algérie d’ouvrages édités en France : Marsa Editions, Casbah Editions et surtout Sédia, filiale de Hachette, qui a pu proposer la réédition, en un délai très court, d’ouvrages d’auteurs algériens en vue, comme Assia Djebar, Yasmina Khadra, Anouar Benmalek, Nina Bouraoui, Nourredine Saâdi, ou Salim Bachi. Cela forme des passerelles entre les espaces de production.

    La dichotomie, autrefois pénalisante et lourde de malentendus, entre écrivains édités en France et écrivains édités en Algérie, tend à se résorber par ces diverses passerelles (co-édition, édition alternée ici et là-bas ou réédition). Soulignons, chez Marsa Editions, la publication, depuis 1996, de 146 numéros d’Algérie-Littérature Action, espace exceptionnel de publication et d’information pour les jeunes (et moins jeunes) écrivains vivants en Algérie. Cette collection d’ouvrages de créations comprend une vingtaine de romans, une dizaine d’œuvres théâtrales, cinq recueils de poésie et quatre recueils de nouvelles.

    Le ministère de la Culture a aidé à la création de bibliothèques destinées aux enfants, en apportant son soutien à l’édition de 800 titres. Le secteur de la littérature de l'enfance et de la jeunesse mériterait à lui seul une étude exhaustive pour évaluer son envergure et faire la part du produit culturel et celle de la marchandisation, souvent de qualité médiocre. Par ailleurs, les diverses contributions publiques à l’édition ont été relativement importantes et la tendance ne semble pas s’affaiblir jusqu’ici : aide accordée aux éditeurs en 2008 et 2009 pour plus d’un millier de titres par an et, entre 2010 et 2011, un peu plus de 1500 titres bénéficiant de la manne publique.

    On peut relever également une réelle dynamique de structuration des institutions dédiées à la lecture, autant par la mise en place d’un réseau de bibliothèques, dont la multiplication a été particulièrement significative entre 2005 et 2010, que par une politique de soutien à l’édition générale et celle pour enfants. Plusieurs manifestations internationales importantes ont permis de démultiplier ces actions. Signalons aussi, l’impulsion de la traduction, notamment de l’arabe au français en 2003 (opération des plus spectaculaires mais qui a donné lieu à beaucoup de réalisations calamiteuses et fautives) et du français à l’arabe en 2007. Les principaux handicaps résident néanmoins dans la faible densité du réseau des libraires (ceux qui s’occupent de littérature générale) et dans le caractère conjoncturel des actions en faveur de la promotion du livre et de la lecture. A cet effet, il sera utile d’évaluer les retombées concrètes de la décision du ministère de l’Education d’instaurer des activités de lecture encadrées à partir de la rentrée 2011.

    Après une décennie qui a connu une certaine stagnation de la production littéraire, la fin des années 1990 et les années suivantes ont vu une reprise assez significative de l’édition littéraire dominée par l’initiative privée : multiplication par cinq des éditeurs entre 1995 et 2010, plus de 165 éditeurs déclarés (au moins juridiquement) au Registre de commerce en 2010. Même si, pour l’essentiel, cette édition est davantage tournée vers la production scolaire et parascolaire (deux tiers du marché du livre en Algérie concernent le livre scolaire), elle a permis une diversification éditoriale assez marquée pour la production littéraire dans les deux langues, arabe et français.

    Soulignons que par rapport au critère quantitatif de production, la disproportion en littérature entre les romans en français et en arabe est inversement proportionnelle à la distribution linguistique. Tayeb Ould Aroussi, directeur de la Bibliothèque de l’Institut du monde arabe, signalait que les romans algériens en français étaient  passés de 46 en 1980 à 434 en 2008 et, en arabe pour la même période, de 19 à 115 (A. Tabadji, L’Expression, 23 décembre 2008). Dans ce paysage éditorial, le roman domine ainsi que les récits autobiographiques et historiques. Certes, en dehors de certains événements exceptionnels, l’édition littéraire en Algérie, comme d’ailleurs dans le reste du Maghreb, est assez marginalisée, non tant à cause de son volume de production qu’à celle de la faiblesse du système de valorisation (critique journalistique, émissions télévisées et radiophoniques, rencontres littéraires, animations dans le circuit scolaire et universitaire, etc.).

    Il n’en demeure pas moins que la production offre une variété de tonalités et de thématiques et se caractérise par des écritures assez dissemblables, même si l’option réaliste reste assez dominante dans l’ensemble. Ainsi, la production poétique est relativement présente dans l’édition, mais se révèle assez rarement de très bonne qualité. Elle compose une grande partie des éditions à compte d’auteur et ne bénéficie guère d’une réception critique rigoureuse. Nous remarquons surtout que l’édition littéraire s’est lentement mise en place selon des circonstances et des manifestations conjoncturelles (commémorations culturelles ou historiques, etc.).

    Elle laisse apparaître également, pour les éditions les moins établies, de fortes carences dans l’accompagnement éditorial : travail de correction de la langue et qualité de mise en forme en général. Le succès littéraire ou les tendances globales des choix des lecteurs telles que nous les restituent les enquêtes et les sondages sont, pour l’ensemble, conformes aux stéréotypes les plus persistants de l’image projetée du corpus de la littérature algérienne de langue française ou de celui des œuvres de la littérature française «classiques», de la littérature sérielle et de grande consommation. Quelques prix littéraires sont bien délivrés ici et là, sans que puisse être véritablement établie la part de la consécration critique, celle de l’exercice institutionnel et celle du marché proprement dit. Le Prix Mohamed Dib, s’il résiste à l’épreuve du temps, semble être l’un des plus conformes à l’exigence critique.      
     

    Lettre sur le commerce des livres (1763)

    «J'en appelle aux Bénédictins, aux érudits, aux théologiens, aux gens de loi, aux antiquaires, à tous ceux qui travaillent à de longs ouvrages et à de volumineuses collections ; et si nous voyons aujourd'hui tant d'ineptes rédacteurs de grands livres à des petits [sous-entendu : travaillant à des petits livres] tant de feuillistes, tant d'abréviateurs, tant d'esprits médiocres occupés, tant d'habiles gens oisifs, c'est autant l'effet de l'indigence du libraire privé par les contrefaçons et une multitude d'autres abus de ses rentrées journalières, et réduit à l'impossibilité d'entreprendre un ouvrage important et d'une vente longue et difficile, que de la paresse et de l'esprit superficiel du siècle.»

                                               Denis Diderot
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    Hadj Miliani (Professeur à la Faculté des Arts et des Lettres de l’université Abdelhamid Benbadis (Mostaganem). Responsable projet de recherche PNR, Champs culturels et mondialisation au CRASC.)
  • toxicomanie est partout en algerie

     

    La toxicomanie au coeur d'une rencontre régionale : La réalité fait peur…aux chiffres

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    Malgré une légère baisse des produits hallucinogènes saisis, par rapport à l’année dernière, le fléau demeure redoutable.

    La 9ème journée régionale d’étude sur le rôle du pharmacien dans la lutte et la prévention contre la toxicomanie, organisée par le bureau local du syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO), accompagné par la sûreté de wilaya et la direction de la santé de Constantine, s’est tenue hier au palais de la culture Malek Haddad. Il y avait foule à cette manifestation, rehaussée par la participation de représentants des wilayas de Batna, Guelma, Sétif, Oum El Bouaghi et Jijel, ce dont s’est félicité Abdelkrim Bouhrid, président du SNAPO, conscient par ailleurs des retombées positives d’une telle rencontre. «L’identification du rôle du pharmacien d’officine et la gestion des psychotropes est indispensable pour réduire les dangers de la drogue», a-t-il déclaré. «Nous avons programmé une campagne de sensibilisation pour la lutte contre la toxicomanie, notamment au niveau des officines de la wilaya par la distribution d’affichettes portant des consignes de prise en charge avec orientation des malades», a-t-il assuré.

    Il faut espérer, ajoute-t-il, que cette campagne fera bouger les choses et inciter les autorités de tutelle, la société civile et le mouvement associatif à s’impliquer davantage. Ceux-ci seraient, selon lui, trop en retrait par rapport à l’ampleur du phénomène et des tâches à accomplir pour s’opposer sérieusement à ce fléau. D’autre part, le commandant Mustapha Benaïni, le chef de la sûreté nationale de la wilaya, a avancé que le taux de consommation de drogue a considérablement augmenté durant ces dernières années. «Nos services ont eu à saisir 5, 478 52 kg de kif traité, 3 633 comprimés de psychotropes et 760 kg de résine de cannabis au cours des dix derniers mois de l’année en cours, avec toutefois une légère baisse par rapport à 2010 avec 7, 194 kg de kif traité et 3 510 comprimés de psychotropes», a-t-il fait savoir. La frange sociale la plus touchée par le fléau, est, selon lui, celle des jeunes. «Nous avons inscrit 1434 cas de détention dont 2 706 adultes et 62 mineurs», précise-t-il.


    L’écoute est essentielle


    Ce qui représente, de ce point de vue, un sacré challenge, estime Samir Hamidi, chargé de la communication et de l’action sociale à la direction de la sûreté nationale. «Les structures d’accueil, d’écoute et de prise en charge des toxicomanes font cruellement défaut en Algérie, ce qui influe négativement sur les missions du centre national de désintoxication de Blida, une structure largement dépassée par l’importance de la demande, et de ce fait ne pouvant répondre correctement à ses missions», relève-t-il. Ceci dit, poursuit-il, il faut parer au plus pressé, et dans ce cadre la prévention est essentielle pour faire avancer les choses. D’où la mise en œuvre, à la faveur de cette journée, d’un SAMU scolaire et de deux psychobus.
    L’un des deux a pour mission de porter la bonne parole au niveau de quatre établissements scolaires de Constantine, où seront animés des ateliers visant à sensibiliser nos potaches sur les dangers des stupéfiants sous toutes leurs formes et déterminer leur niveau de connaissance du phénomène.

    Les deux psychobus ont été positionnés respectivement à hauteur de la place du 1er Novembre, au cœur du Vieux Rocher, et au niveau de la cité Daksi où, selon notre interlocuteur,  tout est mis en œuvre pour écouter et orienter en toute discrétion les jeunes qui se présenteront devant des éducateurs spécialisés et des psychologues. Au bout du compte, souligne-t-il, une fois leur degré de dépendance analysé, les jeunes qui auront fait cette démarche seront orientés vers le centre intermédiaire de soins aux toxicomanes, sis au niveau de l’agglomération d’El Khroub.
    Un établissement où la prise en charge des toxicomanes est assurée par une équipe pluridisciplinaire composée de 5 psychologues cliniciens, un neurologue, un médecin généraliste et une assistante sociale. Malheureusement et dans la plupart des cas, seule une minorité des toxicomanes va jusqu’au bout de la démarche, déplore le représentant de la sûreté nationale.
     

    Ahmed Boussaïd et Ratiba B.
  • Ilyès Benyoucef est rentré hier en France

    Expulsé le 2 novembre dernier

     

    Par :

    Le lycéen algérien, Ilyès Benyoucef est finalement retourné ce samedi en France. La mobilisation de ses camarades relayée par le réseau éducation sans frontière (RESF) a finalement payé. A la demande expresse du ministre de l’intérieur, Claude Guéant, la préfecture accorde un titre de séjour « à titre exceptionnel et humanitaire».  L’affaire avait fait, à juste titre, un boucan qui a vraisemblablement résonné jusqu’au ministère de l’intérieur.  Le 10 novembre, au lendemain d’une manifestation de 700 lycéens réclamant son retour, Claude Guéant ordonne au préfet de Saône et Loire d’inviter Ilyès Benyoucef à « déposer une demande de visa long séjour », a fait savoir le réseau éducation sans frontière qui s’est emparé de l’affaire pour faire valoir les droits d’Ilyès.

    Après une expulsion manu militari à l’aube de sa majorité provoquant l’émoi général au sein du lycée qu’il fréquentait, c’est la stupeur qui s’empare de Montceau Les Mines, la ville où vivait Ilyès. Alors qu’une procédure de demande de titre de séjour a été déposée par Ilyès à l’approche de sa majorité comme c’est d’usage. Sa demande déboutée, Ilyès fût arrêté au domicile de ses parents, en l’absence de ses derniers, pour être emmené au commissariat. Le comble de l’aberration, les policiers laissent un mot aux parents pour leur indiquant qu’il détenait Ilyès. Ensuite, emballement de la procédure, direction l’aéroport de Lyon pour être embarqué dans un avion à destination d’Alger. Ilyès a été expulsé le 2 novembre. Bien que ses parents, originaires de Batna dont le père est chirurgien-dentiste, et ses deux frères résident en France de manière régulière en possession de titres de séjour en règle, Ilyès, des bancs du lycée se retrouve du jour au lendemain chassé du territoire. Pour hâter la procédure d’expulsion, la préfecture se défausse en expliquant avoir perdu le recours gracieux déposée par le jeune Ilyès. Dénouée d’humanité, les méthodes de la préfecture répondent ainsi à une politique du chiffre faisant fi de certains cas qui demande parfois une diligence particulière. L’histoire avait suscité l’émoi dans la ville d’Ilyès à Monceau Les Mines en Bourgogne. Scolarisé depuis janvier 2011 au Lycée Pierrat de Monceau Les Mines, Elève modèle et bons sous tous rapports, personne ne s’attendait à son expulsion, tant le jeune lycéen y était parfaitement intégré. Si bien qu’il avait bénéficié d’un soutien sans faille de toute sa ville. « Tous se sont dressés, manifestant à 6 ou 700 tous les trois jours, faisant signer des milliers de pétitions, sollicitant les interventions d’élus, faisant paraître des articles dans la presse locale et nationale, provoquant l’intervention de syndicats d’enseignants et de la FCPE auprès des ministères. Bref, Ilyès revient parce que la société, et d’abord ses proches, ses enseignants et ses camarades, n’acceptent pas les façons de voyou, le kidnapping et l’expulsion minute, du ministre Guéant. », Souligne le réseau éducation sans frontière (RESF)

    Bien que la fin de l’aventure fût heureuse, il n’en demeure pas moins que les méthodes brutales du ministère de Claude Guéant restent intolérables. Selon RESF « En pleine campagne de promotion de son candidat, M. Guéant multiplie les déclarations et les provocations à l’encontre des diplômés à qui il interdit d’acquérir une expérience professionnelle en France, fait saccager les campements de Roms, fait chasser de la rue les déboutés du droit d’asile à Beauvais, refuse de régulariser les lycéens. Il faut que tout le monde sache qu’il est aussi possible de le faire reculer, et publiquement, dès lors que les jeunes et la population ne laissent pas faire et que le mouvement menace de durer et de s’étendre(…) Et d’ajouter : « Le retour d’Ilyès est un formidable encouragement pour tous ceux qui sont décidés à ne pas laisser les émules de Le Pen saccager la société ».

    Une correspondance particulière de Lyon, Mounir CHERIFFA

  • no moment.

     

    Dilem Lundi, 21 Novembre 2011 , Édition N°5849 Facebook Imprimer Réagir

    Dilem du 21 Novembre 2011

  • 24 morts en Egypte : L’armée ébranlée

     

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    le 22.11.11 | 01h00 Réagissez

     

    Depuis samedi, les Egyptiens occupent la place Tahrir, au Caire, pour obtenir le départ des militaires du pouvoir, à leur tête le maréchal Hussein Tantaoui qui occupe les fonctions de chef de l’Etat depuis le départ de Hosni Moubarak.

    Ces manifestations se sont transformées en affrontements avec les forces de la police au Caire et dans plusieurs villes, faisant 24 morts, selon l’AFP citant un bilan officiel, de ces trois jours de protestation, rendu public hier. Appréciée durant la protestation populaire qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak, l’armée est aujourd’hui discréditée et n’inspire pas confiance. Elle est accusée par les manifestants d’entraver le processus devant mener à un changement démocratique et de vouloir se maintenir au pouvoir, et de surcroît, de poursuivre la politique de répression de l’ère Moubarak. Les militants, parmi eux les Frères musulmans, la force la plus importante du pays, refusent que les principes de la nouvelle Constitution soient rédigés par le gouvernement actuel, dirigé par l’armée, une tâche qui, selon eux, doit incomber au Parlement dont l’élection débute le 28 novembre.

    Une déclaration constitutionnelle est présentée par le gouvernement, qui exemptait en particulier le budget de l’armée de tout contrôle parlementaire. Ce qui a nourri davantage les soupçons des politiques et des manifestants aspirant au changement. A leurs yeux, les militaires veulent perpétuer l’ancien système sans Hosni Moubarak. Pourtant, l’armée s’est engagée à rendre le pouvoir aux civils après l’élection d’un nouveau Président. La date de la présidentielle qui doit suivre les législatives n’est toutefois pas encore connue, ce qui suscite aussi de nombreuses craintes de voir les militaires s’accrocher au pouvoir.  

     

    Démission du ministre de la Culture


    De son côté, le ministre égyptien de la Culture, Emad Abou Ghazi, a présenté sa démission pour protester contre la réaction du gouvernement face aux violences entre manifestants et forces de l’ordre, a rapporté hier l’AFP, citant l’agence officielle égyptienne Mena. «J’ai présenté ma démission pour protester contre la manière avec laquelle le gouvernement a traité les derniers événements sur la place Tahrir» au Caire, a-t-il dit après les affrontements meurtriers entre les forces de l’ordre et des manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire. Le ministre a précisé qu’il ne reviendrait pas sur sa démission, présentée dimanche soir en Conseil des ministres.      

     
    La communauté internationale appelle à la retenue


    De leur côté, les Etats-Unis ont appelé «chacun à la retenue» a affirmé hier un porte-parole du Pentagone. «Nous partageons bien sûr l’inquiétude de tout le monde à propos de ces violences et nous appelons chacun à la retenue», a déclaré à la presse le capitaine de vaisseau, John Kirby. Le porte-parole a également confié que le Pentagone est «satisfait de la volonté du Conseil suprême des forces armées (CSFA) d’organiser les élections». A son tour, la France est «vivement préoccupée» par la situation en Egypte, a indiqué le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. «La France est vivement préoccupée par les affrontements de ces derniers jours. Elle condamne les violences qui ont conduit à la mort de plus de 20 manifestants», a déclaré Bernard Valéro. «Elle appelle à l’esprit de responsabilité de tous dans ces jours critiques», a ajouté le porte-parole du Quai d’Orsay, réitérant «son soutien à la poursuite de la transition démocratique en Egypte, qui doit aboutir en 2012 au transfert du pouvoir à des autorités civiles législatives et exécutives élues».

    Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, s’est déclaré pour sa part préoccupé par les violences au Caire, tout en estimant qu’il fallait «rester optimiste sur le Printemps arabe, en dépit des nombreux conflits et difficultés tout au long de la route». Pour W. Hague, «il y a, certes, ces problèmes en Egypte, mais des élections vont avoir lieu et bien sûr». Il a jugé «important» que l’actuel pouvoir militaire au Caire «supervise les prochaines élections» et qu’ensuite «il y ait la transition la plus rapide possible vers un pouvoir démocratique et civil». «Le pouvoir militaire en Egypte a beaucoup de choses à faire», a ajouté le ministre, notamment «mettre fin à l’état d’urgence et à la détention des manifestants». Mais il lui faut aussi «faire preuve d’audace en matière de réformes économiques» et «combattre l’extrémisme et le sectarisme», a-t-il fait valoir. «Il a toutes ces choses à faire, mais je ne pense pas que cela passe par la remise du pouvoir à une autorité non constituée», a-t-il souligné.

    Amnay idir
  • bensallah dans l'embarras les choses serieuses commencent!!!

    ABDELKADER BENSALAH MIS DANS L’EMBARRAS
    Deux projets de loi anticonstitutionnels devant le Sénat !

    Le Conseil de la nation est appelé à examiner deux des nouvelles lois sur les réformes politiques, successivement celle portant sur les cas d’incompatibilité des mandats parlementaires et celle traitant des quotas des femmes dans les assemblées élues. Une simple formalité ? Pas cette fois-ci. Et pour cause.
    Kamel Amarni - Alger (Le Soir) -L’une et l’autre s’avèrent anticonstitutionnelles ! Une source très bien informée nous révèle, en effet, que le gouvernement tente de rattraper le coup avant que cela ne soit trop tard. «Abdelkader Bensalah est vraiment dans une position peu enviable, lui qui hérite d’un autre cadeau empoisonné que lui a légué Abdelaziz Ziari», nous confie notre source. Il s’agit de l’avant-projet de loi sur la représentativité des femmes dans les assemblées élues. «Complètement modifié au niveau de l’Assemblée, le texte voté par les députés n’a plus rien à voir avec celui présenté par le gouvernement. Sur pression de Abdelaziz Belkhadem, la commission juridique a trituré le texte sans pour autant procéder aux simulations d’usage en pareilles circonstances. A savoir examiner l’applicabilité des dispositions modifiées. Or, la commission juridique revoie le taux de la représentativité féminine, initialement fixé à 30% par le gouvernement sans tenir compte des mécanismes de la mise en application en réel, ni de la Constitution.» S’agissant de la première tare, l’applicabilité impossible de ces dispositions, l’on cite par exemple le cas d’une législative et des quotas réservés aux femmes sur les listes électorales pour la communauté algérienne à l’étranger. Le nombre total des sièges de la communauté est de huit, dont quatre rien que pour la communauté établie en France. Pour le reste des circonscriptions (reste de l’Europe, Amérique du Nord et Asie, Maghreb arabe et le reste du monde arabe), il est prévu un siège chacune. «Comment dès lors faire appliquer la parité pour un seul siège comme prévu par la commission juridique de l’APN ?» ironise notre source. Au niveau national, la même commission juridique prévoit des taux respectifs de 40% pour Alger, de 35% pour Oran, Sétif et Tizi Ouzou, 30% pour trente wilayas et 20 % pour quatorze autres wilayas. Pour ces quatorze dernières wilayas, le cas relève également de l’insolite. Pour la simple raison qu’il s’agit des wilayas dont le nombre de sièges à se disputer est de quatre et moins. Or, 20% de 4, c’est 0.8 ! «C’est mathématiquement juste, mais humainement irréalisable ! Nos députés sont dans l’irréel. Et c’est inadmissible lorsqu’on sait que le président de l’APN a, à sa disposition, une armée de conseillers», fera remarquer notre source. Des conseillers qui auraient également pu aisément lever l’autre entorse, constitutionnelle celle-là, faite en procédant à la répartition des quotas à des taux différents entre les wilayas. «De quel droit accorde-t-on aux femmes d’Alger 40% et celles du Sud par exemple 20% seulement ?» Une répartition en tout cas qui tombe en parfaite violation de l’article 29 de la Constitution algérienne qui stipule ce qui suit : «Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale.» C’est dire que, même si le Sénat adopte la loi telle que modifiée par l’APN, elle sera invalidée par le Conseil constitutionnel ! «Des tractations sont en cours d’ailleurs pour que les membres du Conseil de la nation puissent, comme ils en émettent le vœu, procéder à un vote article par article. Cela passe par une réunion des membres des bureaux des deux chambres du Parlement», nous confie encore notre source. Les cas d’incompatibilité ? C’est tranché depuis 1989 ! L’Assemblée populaire nationale et le gouvernement se partagent par ailleurs la responsabilité d’avoir fait adopter un autre texte de loi en violation de la Constitution : la loi sur les cas d’incompatibilité des mandats parlementaires. Telle qu’approuvée par les députés jusque-là, cette loi dispense deux catégories professionnelles, les professeurs d’université et les professeurs de médecine de la contrainte de ne pas cumuler exercice du mandat et celui de leur profession. C’était exactement ce que prévoyait l’article 8 de la loi 89-14 portant statut du député adopté en été 1989, déjà. Mais qui sera invalidé par le Conseil constitutionnel par arrêté n° 2-83 du 30 août 1989, faisant référence aux dispositions du même article 29 de la Constitution cité plus haut ! Le même projet de loi est présenté aujourd’hui, mardi, au niveau du Sénat par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz. Sans la moindre chance de voir le jour, un jour...
    K. A.

  • La plainte contre l’ex-inspecteur général du ministère de la Justice relancée

    LE MAGISTRAT ABDALLAH HABOUL OBTIENT GAIN DE CAUSE

    La chambre d’accusation près la cour d’Alger a décidé, hier, de relancer la plainte pour «offense et insulte» introduite par le magistrat Abdallah Haboul contre Ali Badaoui, l’ex-inspecteur général du ministère de la Justice.
    Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Le doyen des juges d’instruction du tribunal de Bir Mourad Raïs devra rouvrir l’affaire Haboul - Badaoui après s’être déclaré «incompétent» sous prétexte de «non-paiement du plaignant». La décision a été prise, hier, par la chambre d’accusation près la cour d’Alger après avoir examiné le dossier durant plusieurs heures. Une victoire pour le magistrat Abdallah Haboul et ses avocats, Abdelhamid Rehioui et Mohamed Ras El Aïn, l’ex-secrétaire général du Syndicat national des magistrats. Dimanche, lors des plaidoiries, les deux avocats s’étaient attelés à démontrer la situation de blocage induite par le refus du doyen des juges d’instruction de Bir Mourad Raïs de fixer le montant de la caution. Une situation, ont-ils précisé, «contraire aux dispositions des articles 73 et 75 du code pénal». Dans son arrêt, la chambre d’accusation de la cour d’Alger a exigé du magistrat instructeur de fixer le montant de la caution et d’ouvrir une information judiciaire. Dans le cadre de cette procédure, il devra convoquer et entendre le plaignant, le mis en cause ainsi que tous les membres de la commission de discipline du Conseil supérieur de la magistrature présents en 2005 lorsque Ali Badaoui a qualifié Abdallah Haboul de «magistrat indigne». Ancien membre de la section syndicale SNM dans la wilaya de Constantine, Abdallah Haboul avait été muté en 2004 en qualité de procureur de la République dans la wilaya d’El-Bordj. Après quelques mois d’exercice, il a fait l’objet d’une suspension pour retard à une audience et absence à deux cours d’informatique. Il sera ensuite déféré devant la commission de discipline du Conseil supérieur de la magistrature où il a été pris à partie par l’ex-inspecteur général du ministère de la Justice. Notons que suite à cette affaire, le magistrat avait introduit deux plaintes administratives auprès de la tutelle. Des procédures qui sont restées sans suite. Il décide alors de saisir la justice, mais la première plainte pour offense et insulte déposée devant le tribunal de Bir Mourad Raïs disparaît mystérieusement. La seconde procédure, introduite en 2008, sera finalement «ralentie» par le doyen des juges d’instruction qui a refusé de fixer la caution à payer par le plaignant. Rappelons que Ali Badaoui a été relevé de ses fonctions en mars 2011 suite à un vaste mouvement de protestation organisé par des magistrats.
    T. H.

  • les 50 tonnes archives remis au clan d'oudja c'est une blague!!!!!

    DAHO OULD KABLIA

    «L'Algérie a récupéré 50 tonnes d'archives»

    Par
     
    «L'Algérie a récupéré 50 tonnes d'archives»

    «L'Algérie aurait pu s'offrir un Etat démocratique si le Gpra avait continué la gestion de la transition post-indépendance.»

    Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a déclaré, hier, dans les colonnes du journal arabophone Ennahar, que l'Algérie a récupéré 50 tonnes d'archives à partir de la Tunisie.
    Selon lui, ces archives sont dans les tiroirs du ministère de la Défense et elles seront ouvertes le moment venu. S'exprimant au nom du Malg (ministère de l'Armement et des Liaisons générales), M.Ould Kablia a indiqué que ce département «a fourni à l'Algérie indépendante entre 16 à 19 walis et 21 ministres».
    L'invité d'Ennahar a soutenu que «le Malg assumait des responsabilités hautement importantes lors de la Révolution de Novembre 1954 dans l'acquisition des armes et leur fabrication ainsi que dans la transmission des renseignements», relevant que le succès militaire et les coups portés à l'ennemi par les services du Malg ont connu une montée en cadence prodigieuse.
    Dans le même contexte, il a fait savoir que le Malg connaissait les véritables relais de la Révolution algérienne dont l'existence même les chefs suprêmes du Front de libération nationale (FLN) ignoraient complètement. Pour l' invité du quotidien arabophone Ennahar, le Malg constituait la première école des services secrets de la Révolution, qui avait formé et instruit des stratèges et spécialistes dans divers domaines sensibles, à commencer par le renseignement, l'armement, le suivi et l'analyse des stratégies mises en place par l'entreprise coloniale pour détruire les mécanismes de base de la Révolution.
    «Le Malg était la première cellule de la Révolution chargée de contrecarrer les agissements des services de contre-espionnage français et de les étudier pour connaître ses points forts et ses faiblesses», a témoigné l'ex-responsable du ministère de l'Armement et des Liaisons générales, ajoutant que c'est également le Malg qui s'occupait de l'achat et l'acheminement des armes de l'extérieur pour les introduire à l'intérieur du pays où les troupes du FLN menaient une guerre contre la France. «On a beaucoup parlé sur les armes introduites en Algérie via des réseaux étrangers, mais on a oublié de dire que Abdelhafid Boussouf était le seul et l'unique, qui avait enrôlé et recruté des étrangers dans les rangs de la Révolution», a précisé Daho Ould Kabilia.
    Par ailleurs, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a indiqué que c'était durant l'année 1957 qu'il avait pris contact en France avec des membres de la Révolution.
    «Je suis rentré au pays durant l'année 1957, soit après la grève des 8 jours, pour devenir instructeur à Mascara où ma famille avait élu domicile», a-t-il précisé. Abordant l'itinéraire de sa famille, Daho Ould Kablia a fait savoir que son père est sorti de l'armée française en 1924, avant de rejoindre durant les années 1930 l'Ecole des officiers de la gendarmerie se trouvant au Maroc. Une école qui, a-t-il expliqué, était sous la tutelle du trio France, Espagne et Italie.
    Né au Maroc avec ses trois frères dont la chahida Zoubida assassinée par un commando français, à Mascara lors d'une embuscade en 1958, Daho Ould Kablia s'est inscrit dans les rangs du Malg, dirigé par Boussouf. Ce dernier demeure à ses yeux l'un des architectes du Malg qui, au lendemain de l'Indépendance, a fourni la majorité des cadres de l'Algérie.
    Sur un autre chapitre, l'invité du quotidien arabophone Ennahar a affirmé que l'Algérie a récupéré 50 tonnes de documents et archives de la Révolution à partir de Trablesse (Tunisie), qui sont aujourd'hui au ministère de la Défense nationale. Ces archives seront ouvertes et mises à la disposition des spécialistes de l'Histoire au moment opportun. S'agissant des archives de la Révolution se trouvant en France, Daho Ould Kablia a soutenu qu'il est du devoir de l'Algérie de les récupérer; elles sont entre les mains de la France.
    Ces archives que certains, a-t-il expliqué, pensent qu'elles peuvent nuire et permettre d'accuser des hauts responsables de l'Etat de trahison durant la Révolution, se trompent.
    «On peut qualifier certains événements qui se sont déroulés durant la Révolution de négatifs, mais il y en a eu beaucoup de positifs», a-t-il argué, avant de renchérir qu'il y a toujours eu dans les guerre des erreurs.
    Et en évoquant le Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra), le président de l'Association des anciens du Malg a, en effet, regretté la fin de mission de cette institution qui aurait dû continuer son activité après l'Indépendance.
    «Si le Gpra avait continué la gestion et l'orientation des affaires du pays, l'Algérie aurait pu s'offrir un Etat démocratique où la justice sociale et le développement auraient été atteints, il y a bien longtemps», a tenu à préciser enfin Daho Ould Kablia.

  • Il s’est immolé à Ouargla : L'avocat au chômage Abdellah Kebaïli succombe à ses brûlures


    | Hassan Madi

     

    Abdellah Kebaïli, 25 ans, avocat au chômage qui s'est immolé le 14 novembre dernier au sein même de la Direction de l'emploi de la wilaya de Ouargla (plus de 800 kms au sud d’Alger), a succombé à ses blessures, lundi 21 novembre à 10 heures au Centre des brûlés de l’avenue pasteur (Alger Centre). Diplômé de droit, titulaire d'un CAPA, l'avocat n'a pas réussi à trouver un emploi en dépit de ses multiples démarches auprès de l'administration.


    L’information a été confirmée par Madani El Madani, membre et militant de la section de la ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) à Ouargla, joint au téléphone par DNA.

    « Abdellah Kebaïli a succombé à ses blessures ce matin au Centres des brûlés d’Alger. N’étant pas transféré à temps, le jeune avocat a rendu l’âme à cause d’une prise en charge tardive. Il a fallu l’insistance de sa famille et des militants de LADDH pour que Abdellah soit transféré pa avion à Alger, après qu’il a eu des complications et fait une hypotension », explique Madani El Madani.

    La dépouille du jeune avocat  se trouve encore à la morgue du centre des brûlés où il été hospitalisé.

    Avocat de formation, le jeune Abdellah a tenté de se donner la mort  par immolation dans le bureau du premier responsable de la direction de l'emploi de la wilaya après que toutes les portes se soient  fermées devant lui.

    Le 14 novembre dernier, le jeune demandeur d'emploi est passé à l'acte fatidique en mettant le feu à ses vêtements après s'être aspergé d'essence.

    « Le cas de ce jeune avocat, licence en droit et CAPA en poche, confirme la bureaucratie et les passe-droits de l’administration locale qui pousse les jeunes au suicide », déplore M. Madani.

    Abdellah Kebaïli avait participé à de nombreuses actions de protestation organisées par les chômeurs de Ouargla, une ville du sud d’Algérie pourtant immensément riche grâce aux sociétés pétrolières qui activent dans la région.

    Un vent de colère a soufflé sur Ouargla à l’annonce de l’immolation du défunt. Des centaines jeunes se sont rassemblés devant le siège de la direction l’emploi pour dénoncer le mépris et l’indifférence des responsables locaux.

    Chaque semaine, des tentatives de suicide par immolation sont signalées aux quatre coins d’Algérie. Depuis janvier 2011, au moins cinq personnes sont mortes des suites de leurs brûlures.

  • Nouvelles révélations : 2,6 millions de dollars largués par avion pour libérer les marins du Blida

    | Farid Alilat et Mourad Khatir


     

     

    Les marins du navire MV Blida, arraisonné le 1 janvier 2011 par des pirates somaliens, ont été libérés après versement d’une rançon de 2,6 millions de dollars. Contrairement aux dénégations des officiels algériens et de l’armateur, les pirates ont bel et bien obtenu le paiement d’une rançon avant de libérer leurs otages le 3 novembre dernier. L’argent, largué en deux colis, a été compté par les membres de l’équipe du vraquier.


    DNA a pu obtenir des témoignages de certains marins qui ont assisté à la remise de l’argent. Pour protéger ces témoins, nous avons décidé de ne pas divulguer leurs identités afin de leur éviter d’éventuelles représailles.

    Samedi 1 janvier 2011. Un groupe de pirates somaliens arraisonnent le vraquier MV Blida, avec à son bord 27 membres d'équipage dont 17 Algériens, à 150 miles au sud-est du port de Salalah (Oman).

    Flibustiers sans foi ni loi, les Somaliens en fait de l’arraisonnement des navires qui croisent aux larges de la Somalie un business lucratif. Mieux, une économie qui leur a rapporté 238 millions de dollars en 2010.

    Mahmoud le Soudanais

    Avec les marins du MV Blida, ils ne feront pas exception.

    Il faudra attendre deux mois pour que les premières négociations démarrent sur le sort des otages. Au cœur des pourparlers, l’argent. Rien que l’argent.

    L’intermédiaire des ravisseurs, Ali, démarche auprès d’un certain Mahmoud, de nationalité soudanaise, lequel négociera au nom de l’armateur. A partir d’Athènes, en Grèce.

    Ce dernier explique que le montant de la rançon sera d’un million de dollars. Pas plus !

    Les pirates s’énervent. Ils s’énervent d’autant plus que leur interlocuteur exige des documents, des formulaires à remplir, des fax à envoyer.

    Bref, tout ce qui a don de mettre en colère les ravisseurs, des voyous de haute mer peu enclins aux procédures bureaucratiques.

    Les premières discussions sont rompues au mois d’août

    Passablement énervés du déroulement des négociations, les pirates chargent leur porte-parole, Mohamoud Haji Ismail, d’envoyer un message très clair : 7 millions de dollars contre la vie des otages.

    « Si le propriétaire du navire ne veut pas payer de rançon, on s’en fiche. On reste sur notre position. Nous avons une négociation avec les affréteurs mais on n’est pas satisfait de rythme de cette négociation. Notre dernier message est que nous passeront les otages au couteau s’ils n’acceptent pas de payer la rançon exigée », prévient Haji Ismail, dans une déclaration au site Somalia Report.

    Devant le refus de l’armateur d’avancer une telle somme d’argent et face à l’intransigeance des autorités algériennes concernant le paiement d’une rançon, les négociations butent. Elles buteront encore plus dans la mesure où les pirates changeront à maintes reprises d’intermédiaires.

    Menaces et privations

    Pour mettre la pression sur l’armateur et sur le gouvernement algérien, les ravisseurs menacent donc d’exécuter les otages et leurs font subir de multiples tortures physiques et morales.

    Menaces de mort, privations de nourritures et de soins, conditions d’hygiènes dégradantes, coups et maltraitances physiques, tout était bon pour accentuer le chantage autour de la vie des marins.

    Bien que ces derniers aient toujours été détenus à bord de leur navire, leurs ravisseurs leurs faisaient souvent changer de place. Ce qui contribue à accentuer davantage cette pression autour des négociateurs.

    Mais par de là les menaces et les privations, les discussions ne se sont jamais rompues.

    Des médicaments, du gasoil, de la nourriture et 21 000 dollars

    Dans le courant du mois d’octobre, Mahmoud arrive à conclure une première vraie transaction avec les pirates : il leur fait livrer des médicaments, du gasoil et de la nourriture pour les otages ainsi qu’une somme de 21 000 dollars.

    Le précieux paquet est largué par hélicoptère au dessus du navire MB Blida. Le dénouement est donc proche.

    C’est ainsi que mardi 11 octobre, les ravisseurs consentent à libérer deux otages, un Algérien et un Ukrainien. Cinq jours plus tard, Azzedine Toudji regagne Alger. Il reste encore 25 membres de l’équipage : 16 Algériens, cinq Ukrainiens, deux Philippins, un jordanien et un Indonésien.

    Pour obtenir leur libération, il faut payer. Combien et comment ?

    Après dix mois de captivité, les négociateurs mandatés par les pirates et l’armateur tombent d’accord sur la somme à verser : 2,6 millions de dollars. La cargaison sera livrée par avion.

    Nous sommes mercredi 2 novembre. Un hélicoptère s’approche  du MVBlida, fait trois rotation autour du navire, prend plusieurs clichés avant que le commandant ne lui accorde l’autorisation de largage.

    L’appareil lâche alors deux colis contenant 1,3 million de dollars chacun, rangés par liasses de 10 000 dollars. Les pirates récupèrent le butin.

    Pour s’assurer que la somme négociée est bel et bien livrée, ils chargent deux membres de l’équipage du vraquier, le commandant de bord ainsi que le chef mécanicien, tous deux de nationalité ukrainienne, de compter l’argent contenu dans les deux colis.

    L’opération durera une bonne demi-heure.

    Le compte est bon, les pirates quittent le MV Blida par petits groupes avec 2,6 millions de dollars entassés dans leur embarcation. Leurs otages sont désormais libres.

    Pas de rançon disent les officiels

    Jeudi 3 novembre, le gouvernement algérien annonce que l’ensemble de l’équipe du MV Blida a été libéré. Acheminés à Alger à bord d’un avion spécial, les 16 marins algériens atterrissent dimanche 13 novembre à l’aéroport militaire de Boufarik.

    Leur retour se fera sous bonne escorte, le ministère des Affaires étrangères ayant décidé d’écarter les journalistes de la presse privée en n'autorisant que la télévison et l’agence d’Etat à approcher les ex-otages.

    Après une semaine à l’hôpital Ain Naâdja, ils sont autorisés à regagner leurs familles.

    Depuis la capture jusqu’à la libération des otages, les officiels algériens se sont employés à nier le principe même de paiement d’une rançon. Nacereddine Mansouri, directeur général d’International Bulk Carriers (IBC), armateur du navire MV Blida, en fera de même.


    Lire l'article original : Nouvelles révélations : 2,6 millions de dollars largués par avion pour libérer les marins du Blida | DNA - Dernières nouvelles d'Algérie

  • Un président, 12 ministres, 10 milliards : Tlemcen, nouveau petit royaume d'Algérie

     Farid Alilat

    Un président de la République originaire de Tlemcen, près de la moitié de ses ministres issus de la même région, une flopée de conseillers, de hauts responsables civils et militaires nommés en raison de leurs origines tlemceniennes et enfin la ville de Tlemcen qui bénéficie de 10 milliards de dollars en projets, le cœur du pouvoir algérien se situe désormais à l’Ouest.


    Au moins deux câbles de l’ambassade américaine à Alger, mis en ligne par le site wikileaks, évoquent cette tribalisation du pouvoir au profit d’une caste de responsables issus d’une seule région d’Algérie : Tlemcen.

    Depuis qu’Abdelaziz Bouteflika, aujourd'hui âgé de 74 ans, est devenu président en 1999, le centre de gravité au sein du pouvoir s’est progressivement déplacé vers l’Ouest, écrit un mémo US en date du 12 septembre 2008.

    « Bouteflika est lui-même originaire de l’ouest, 12 des 34 ministres viennent de Tlemcen ou de wilayas limitrophes, et une majorité de conseillers de Bouteflika proviennent de Tlemcen ou de sa ville natale –officielle- Nedroma », rapporte ce câble.

    Bien qu’officiellement né à Tlemcen le 2 mars 1937, le président algérien a vu le jour dans la ville d’Oujda, au Maroc, où ses parents tenaient commerces.

    Le curseur glissé vers l'Ouest

    Lors d’une rencontre avec des diplomates américains, Fatma Oussedik, sociologue au Centre de Recherche en économie appliquée au développement (CREAD), analyse ce glissement du pouvoir algérien de l’Est vers l’Ouest.

    Au cours des 15 dernières années, dit-elle, il y a eut une volonté délibérée de déplacer les centre des décisions, à telle enseigne que les Algériens considèrent le « gang de Tlemcen » comme étant le véritable détenteur du pouvoir.

    Oussedik explique que « dans les années 1980 et 1990, les centres d’influences se concentraient autour du triangle BTS-un groupe de civils et de militaires originaires de Batna, Tebessa, Souk Ahras.

    A la fin des années 1990, poursuit-elle, des clans rivaux issus de l’ouest ont cherché à arracher le contrôle du pays des mains du BTS.

    « Depuis son élection en 1999, Bouteflika a progressivement remplacé les responsables militaires et civils du BTS avec des personnes loyales issues de la région de Tlemcen », note encore cette universitaire.

    Sur les 7 chefs d'Etat deux sont issus de l'Ouest

    De 1962, date de l’indépendance, à 1999, l’Algérie aura connu sept chefs d’Etat : Ben Bella, Boumediene, Bendjedid, Boudiaf, Kafi, Zeroual et Bouteflika.

    Hormis ce dernier ainsi que Ben Bella, renversé par un coup d’Etat le 19 juin 1965, tous sont issus du centre ou de l’est.

    Si les 5 chefs d’Etat –autoproclamés, élus ou désignés-, et une grande partie de la hiérarchie militaire proviennent de ce qu’on désigne communément en Algérie « clan de l’est » ou les « BTS », les différentes composantes du pouvoir veillaient à assurer une sorte d’équilibre entre les différentes régions d’Algérie, prolongeant ainsi une vieille tradition instaurée au début de la guerre de libération en 1954.

    A l’époque, le pays était divisé en 6 wilayas représentatives de la société algérienne. Même les Algériens installés en France avaient droit à une représentation offciele, à travers la Fédération de France du FLN.

    Bien qu’il ne soit pas gravé dans le marbre de la constitution, ce système s’est perpétué au cours des quatre décennies qui sont suivies l’indépendance, garantissant ainsi un équilibre entre différentes régions du pays.

    Equilibre rompu

    De fait, ce dosage conférait au pouvoir algérien une sorte d’homogénéité entre les différents clans qui le composent.

    C’est donc cet équilibre qui a été rompu depuis l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika.

    Subrepticement mais méthodiquement, celui-ci s’est employé avec une très grande habilité, à travers une série de nominations, de dégommages et de mises à l’écart, à promouvoir des personnalités, issues des régions de l’ouest, à de hautes fonctions au sein de tous les appareils de l’Etat.

    Ministères, diplomatie, armée, grande et petite administration, aucune institution n’a échappé au reformatage du disque dur du pouvoir opéré par le chef de l'Etat.

    C’est que pour asseoir son emprise, le président Bouteflika, fin stratège, habile manipuler, fin connaisseur des arcanes du système, s’est appuyé sur des cercles concentriques qui s’articulent autour de sa personne.

    Au coeur du réacteur

    Au fil des années, ces cercles se sont élargis progressivement au point où ils se sont coagulés autour des Bouteflika pour former un noyau dur.

    Au cœur du réacteur, il y a la famille Bouteflika. La mère, décédée en juillet 2009, était le socle autour duquel se soudait la fratrie. Il y a ensuite les frères et les sœurs.

    Autour du président, tous jouent un rôle primordial. Said est conseiller, Mustapha (décédé en juillet 2010), était le médecin personnel alors que l’une des sœurs fait office de cuisinière. Les autres frères, Abdelghani et Abderahim, sont les moins exposés au public.

    Reprofilage du système

    Au-delà de ce pré-carré, il y a les ministres. Ceux qui détiennent ou détenaient les gros ministères : intérieur, justice, affaires étrangères, énergie, santé, solidarité, transport, économie et finances...

    Zerhouni, Temmar, Khelil, Belaiz, Benachnou, Belkhadem, Louh, Ould Abbès, Tou, Medelci, Ould Kablia...Tous sont originaires, ou ayant grandis, dans des régions de l’ouest d’Algérie.

    Tous doivent leurs nominations et/ou leurs maintiens à leurs origines tribales ou à leur capacité à faire allégeance au chef de l'Etat ou à son entourage.

    Le cercle des fidèles et des serviteurs s’élargira plus tard aux ambassadeurs et aux diplomates, aux divers chefs de la hiérarchie militaires, aux walis, aux sous-préfets.

    Au terme d’une présidence qui aura duré 12 ans- et qui dure encore-, Bouteflika aura donc réussi à reprofiler le pouvoir au profit de sa personne, de sa fratrie, ou des hommes issus de sa région. Une sorte de royaume dans la république.

    Tlemcen, capitale d'Algérie

    Pour les diplomates américains, le point culminant de l’emprise des hommes de l’ouest est la désignation en 2011 de Tlemcen « capitale de la culture islamique », initiative pilotée par la ministre de la Culture Khalida Toumi, originaire de Kabylie mais totalement inféodée au clan présidentiel.

    Pourquoi Tlemcen ?

    Le sociologue Daho Djerbal affirme aux Américains que les mérites relatifs de l’héritage islamique de Tlemcen ne justifient pas son choix comme capitale islamique. « Constantine, considère-t-il, est le centre de l’Islam en Algérie. Elle est le berceau des oulémas et fut un temps capitale du Maghreb et rivale de Rome. »

    « L’héritage islamique de Tlemcen est modeste, ajoute-t-il. Son statut de capitale d’un petit royaume entre le 12e et le 15e siècles lui confère davantage un crédit historique qu’islamique. »

    La désignation de Tlemcen comme capitale de la culture islamique aurait pu être anecdotique si cette région n’avait pas bénéficiée d’un traitement particulier de la part du pouvoir central.

    10 milliards pour Tlemcen

    Plus que toute autre wilaya d’Algérie qui en compte 48, Tlemcen aura bénéficié d’une enveloppe de 10 milliards de dollars en projets d’infrastructures au cours des douze dernières années.

    En comparaison, cette enveloppe équivaut presque le montant du projet de la grande autoroute qui devrait relier l’ouest à l’est d’Algérie.

    Tlemcen, une ville plus que choyée

    Au cours d’une visite effectuée par des diplomates américains à Tlemcen en 2008, visite dont le compte rendu est largement rapporté dans un câble datée du 9 décembre 2008, un official algérien leurs révèle que le wali supervise des projets dont les dépenses culminent à 10 milliards de dollars.

    Aéroport, téléphérique, routes, hôtels, bâtiments administratifs campus, logements, c’est une nouvelle ville, moderne, qui émerge à Tlemcen et autour de sa périphérie.

    Si les pouvoirs publics ont généreusement arrosé Tlemcen, il semble que cette manne providentielle n’a pas contribué à faire de cette ville un pôle économique.

    « A l'ombre de ces grands projets publics, le climat socio-économique à Tlemcen semble stagner et souffre du même manque de dynamisme constaté ailleurs dans le pays », note le document de l’ambassade américaine.

    Peu importe. L’essentiel est de faire de Tlemcen et des ses hommes le cœur du pouvoir en Algérie.


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  • les bus d'ouyahia du cous ne sont pas fictifs

    Ahmed Ouyahia attaque Ferhat Mehenni

    Par |
    Ferhat Mehenni

    Le Premier ministre algérien et secrétaire général du Rassemblement national démocratique Ahmed Ouyahia s’en est pris, samedi, de M’sila, au chef de file du MAK et fondateur du Gouvernement provisoire kabyle en exil, Ferhat Mehenni.

    Ahmed Ouyahia  s'exprimant dans un meeting, animé samedi à M'sila au nom de son parti, le RND, a vertement taclé Ferhat Mehenni et le MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) en critiquant sa démarche auprès de l'ONU en sa huitième session de son instance permanente sur les questions autochtones dans le cadre des peuples autochtones du 18 au 29 mai 2009.  Ahmed Ouyahia s’en est pris à l’Autonomie de la Kabylie prônée depuis le Printemps noir de 2001 par le S.G du MAK : "Il n'existe aucune minorité en Algérie étant donné que tous les Algériens sont des Amazighs", a-t-il cru bon de déclarer. Le Premier ministre algérien avait déjà qualifié la proclamation à Paris en juin 2010 d'un gouvernement provisoire kabyle (G.P.K)  de "tintamarre".

    Ferhat Mehenni n'était pas resté insensible à ces propos narquois tenus par le Premier ministre algérien. Dans sa déclaration datée du 3 juin 2010, Ferhat Mehenni fait le parallèle entre les propos d’Ahmed Ouyahia qualifiant de "tintamarre" la création du GPK et ceux tenus par Ali Ammar sur les événements d’octobre 88 : "Du "chahut de gamins" d’octobre 1988 au «tintamarre" du GPK de juin 2010, en passant par le "voyou" de 2001, le pouvoir algérien excelle dans le déni de la réalité y compris au prix de centaines de vies innocentes. Réduire la gravité d’une situation à "ce n’est que" pour la dédramatiser, on l'aura compris, est de l’irresponsabilité." estimant que ces formules expriment "l’inconséquence de leurs auteurs, ces formules assassines sont d’abord l’expression de l’incompétence que l’on cherche à dissimuler derrière l’arrogance, la morgue et le mépris." Dans le même document, Ferhat Mehenni tient à rappeler l’acte déclecheur des évenements du Printemps noir "En 2001, Yazid Zerhouni avait traité de « voyou » le lycéen kabyle, Guermah Massinissa qui venait d’être abattu à bout portant par un gendarme. Cet acte  déclencha la révolte du Printemps Noir en Kabylie où, quelques jours plus tard, il y avait déjà des dizaines de morts parmi les manifestants venus défendre la mémoire de la victime. Ils furent abattus par d’autres gendarmes un peu partout en Kabylie."

    Dans un entretien publié sur son site Siwel, Ferhat Mehenni s’exprimant sur les limites géographique d’une "Kabylie autonome", considère que "c’est un détail" mais  précise tout de même que c’est le pouvoir algérien qui les a fixées : "Le pouvoir voulait organiser en Kabylie, qui était alors en insurrection citoyenne, une session spéciale pour ses lycéens. Il avait donné toutes les circonscriptions où ces épreuves allaient avoir lieu. Malgré lui, il nous avait donné lui-même les limites géographiques de la Kabylie. Mais globalement, disons que les limites géographiques de la Kabylie sont celles de la wlaya III, ajustées aux réalités sociolinguistiques kabyles. Plus précisément, la Kabylie démarre de Ziama Mansouria à l’Est, sur la côte méditerranéenne, jusqu’à Boumerdes à l’Ouest (200 km) et s’étend en profondeur, vers le Sud, jusqu’à Bordj Bou Arréridj (200 km)." Rappelons que le MAK a condamné, vendredi dernier, le rapt du cardiologue, Nacer Djellal, à Ath-Aïssi, à 15 kilomètres au sud de Tizi-Ouzou, et la série de kidnappings en Kabylie. Il a souligné "l'indifférence criminelle" des services de sécurité, accusant le pouvoir algérien par sa passivité à ce phénomène, de terroriser la kabylie :  "La complicité, ou plus exactement la responsabilité, du pouvoir algérien qui actionne ses groupes armés (repentis ou non) et ses voyous pour terroriser la Kabylie puisqu’il avait échoué à la normaliser par la corruption et la manipulation".

  • Djamel Ferhi : "Il est plus aisé de s’insurger en Suisse que dans un pays comme l’Algérie"

     

    alors en "y"va  en suisse ,on s'insurge et on revient.... sur air couscous.

    Par |

    Djamel Ferhi

    "Le bunker ou le requérant d’asile en Suisse" de Djamel Ferhi raconte, dans une forme narrative originale, la vie quotidienne de jeunes immigrés de toute nationalité, demandeurs d’asile en Suisse, parqués dans les camps, des « bunkers » à la périphérie des villes helvétiques.

    Le bunker ou le requérant d’asile en Suisse, roman de Djamel Ferhi (Ed. Chihab, 2010)

    Journal d’un réfugié algérien en terre helvétique

    Ce témoignage d’un requérant d’asile en Suisse  décrit la réalité de la vie quotidienne des bunkers dans lesquels le narrateur, Nazim Gaya, est assigné à résidence. Il  raconte sans fioritures les heurts, les solidarités, les larcins, les amours avec les filles du pays et tout cela, avec gravité, humour dans des univers cosmopolites, multiethniques, dans lesquels les langues, les traditions, les religions, les clans communautaires et les rêves se côtoient, s’affrontent, se neutralisent devant la survie des pensionnaires de l’asile. Des emails sont injectés dans le journal (presque intime) du demandeur d’asile ; des texto sur une relation virtuelle entre le narrateur et une femme, M. Marchand . Ceux-ci renseignent sur le passé de "Nazim Gaya" qui ne décline son identité que dans la brièveté de ces emails comme pour opposer le passé qu’ils évoquent au présent des bunkers. 

    Le bunker, qui est la référence spatiale du récit, trouve son origine dans les fortifications souterraines militaires construites durant les deux guerres mondiales notamment par les Allemands et sont censés résister aux bombardements de l’artillerie lourde. Ils sont généralement situés hors des agglomérations et tenus au secret. Ce terme à lui seul, imagé, traduit l’identité carcérale de ses résidents étrangers au pays d’accueil ou d’écueils qui, pour s’en protéger, les y parque, à la périphérie de petites villes froides, frontalières, sous surveillance, avec un règlement strict, comme dans une prison sans barreau. « Asile », « chalet », « roulottes », employés tout au long du récit, en constituent un champ lexical qui accentue la charge sémantique contenue dans « bunker » et ces termes ne sont pas sans évoquer les expulsions médiatisées des « Roms » du territoire français et la destruction de leurs « camps ».

    Le narrateur, précisons-le, a quitté l’Algérie, non comme un « harrag » mais dans la plus complète légalité. Il a connu, via internet, une femme, mariée divorcée, vivant avec sa fille, Clémentine. Elle lui rend visite en Algérie et l’invite à son tour en Suisse. C’est m. marchand des emails. Il arrive en Suisse où elle l’accueille pour un séjour régulier de 15 jours. Mais, il disparaît de sa vie et ne refait surface que quelques années plus tard dans un email qu’elle reçoit. Il a vécu successivement dans trois bunkers : De Vallorbe à Kreuzelingen, Aarau et Obermumf d’où il rejoint l’aéroport de Zurich pour le retour en Algérie. C’est à Aarau qu’il passe le plus long séjour, qu’il écrit, qu’il pénètre l’inhumanité et l’humanité des résidents, des Russes qui l’adoptent « Victor et Alexei étaient contents que je leur parle de Tchekov, Pouchkine, Gogol, Dostoïevski, Tolstoï et bien d’autres encore et Jean était fier que je lui cite Joseph Conrad et Chopin. Victor, Alexeï et Jean m’adoptèrent. Chaque fois qu’ils se réunissaient, ils m’appelaient pour parler littérature, musique etc. », mais aussi des Polonais, des Palestiniens, des Somaliens, rivés à la télé et les trublions de Tunisiens et Algériens comme lui.

    Il se lie d’amitié avec ses compatriotes, personnages attachants, déjà rompus à l’art de la débrouille par des larcins en tous genres, persuadés qu’ils n’obtiendront pas le droit d’asile en terre helvétique. Alors ils se défoncent à cent à l’heure : vol de portefeuilles, de portables revendus, trafic de drogues dans les bars confinés de petites villes à la périphérie du bunker, la nuit. Ils ne rejoignent l’asile qu’au petit matin. Le narrateur, un moment révolté par l’opulence douteuse de Nounou et Rachid qui lui remettent une partie du butin, finit par s’y ranger, non par cupidité, mais par solidarité dans la précarité la plus totale. Il en devient même le spectateur complice non sans scrupules : « Dans le dortoir du bunker, Rachid tira un portefeuille, de couleur marron foncé, gros comme ça. Il l’ouvrit et en tira tous les billets de banques et la monnaie qu’il recelait et il le remit dans sa poche. Il me dit qu’il jettera le portefeuille, dehors, plus tard. Il se mit à compter l’argent. Il y en avait pour plus de 300 francs. Il me tendit 150 francs en disant : voilà ta part. Je regardai sa main tenant “ma part” d’argent. C’était une véritable fortune. Deux semaines de paie d’un seul coup. Mon cœur me disait de les prendre ? Je dis ça car j’ai un cœur légèrement corrompu sur les bords. Mais une chose est sûre, ma tête s’y refusa…C’est donc ainsi qu’on s’en sort. Avec ce genre d’à-côtés. Cela veut-il dire qu’on ne s’en sort pas avec 77 francs? »

    Nounou et Rachid ont la nostalgie du pays mais ils ne veulent pas y retourner. Ils sont devenus des oiseaux de la nuit qui ont appris à voler malgré leurs ailes brisées. Ils prennent conscience des dangers que vit leur pays, l’Algérie mais ils n’en font pas dans le discours. Le drame est en eux. Grâce à ce requérant d’asile pas comme les autres, lettré, écrivain, anciennement journaliste dans son pays, Nounou et Rachid vont connaître les délices d’ un autre univers. Ils deviennent en quelque sorte des requérants d’amour auprès de jeunes filles des pin-up où ils sont rois, experts des vols à la tire.

    A Aarau, le narrateur vit une relation d’amour charnelle avec Emilie « une anglaise venue vivre en Suisse depuis cinq ans et que j’ai connu début octobre par Internet quand j’étais chez Michèle à Vevey. » Elle compatit à sa situation de réfugié mais, en dépit d’instants de bonheur qu’elle lui procure, il ne cède pas à la tentation d’une relation durable. Il rejoint le bunker sous l’admiration des « siens » pour ses conquêtes amoureuses. Nounou et Rachid vont vivre sur ses pas, des conquêtes féminines équivoques d’ Eve, Noémie et Hélène. Ce qui fera dire à Rachid « 35 ans. Si j’étais resté au pays, je serais demeuré puceau jusqu’au mariage. » Ces conquêtes des filles du pays d’accueil rassurent et donnent l’illusion ou le pouvoir d’une autre conquête : celle du territoire. Nounou et Rachid exorcisent leurs fantasmes sexuels et se libèrent des interdits de leur éducation, de leur personnalité timorée alors même qu’elle est oppressée au quotidien du bunker. Ils se découvrent des dons insoupçonnés, ils sont capables de communiquer avec les filles malgré le handicap de la langue. Ce qu’ils n’ont pas pu faire en Algérie. Leur vraie politique est celle-là. Tout lecteur pourra relever une nette opposition entre le microcosme du bunker, avec son règlement, ses déprimes, ses silences, ses gardiens, ses méfiances et les quelques lueurs des jours de paie misérable d’un côté ; et, de l’autre, l’éclat, les rires, les tournées de bière, avec les filles, leur liberté d’esprit et de corps bien que la plupart soit paumée (l’une d’elle travaille dans un mouroir). A l’absence de vie au bunker, les requérants d’amour se contentent d’illusions de bonheur de ces filles de compagnie. La quête de l’amour, sur fond de mal vie et de tensions psychologiques est une « thérapie » inconsciente. Ce paradoxe rappelle le roman de l’écrivain haïtien, Dany Laferrière ( prix Médicis 2009) Le goût des jeunes filles dans lequel il oppose la joie de vivre des jeunes filles, leur excentricité tapageuse à la noirceur de la dictature du régime de Duvalier. Dans un de ses emails, adressés à m.marchand, « Nazim Gaya » emploie « thérapiser » avec ironie: « Non en effet je ne crois pas que nous soyons en mesure de nous thérapiser :… Mais je ne crois pas non plus que les thérapies soient réservées aux seuls rescapés de guerre. Il y a nombre de simples rescapés de la vie à qui ça fait du bien. »

    Dans ces emails dialogiques, qui s’interfèrent au récit, il y a comme une douce ironie des deux correspondants via hotmail. M. marchand est la destinatrice élue des écrits passés et présents ( du bunker) de son requérant de l’intellect. M. Marchand devient une voix vers la fin du récit. Il semble que sa présence-absence par ses messages sur la littérature, la création littéraire et les doutes qu’elle nourrit, soit plus prenante qu’Emilie et toutes les autres à Aarau.
    L’insertion d’emails dans le corps narratif du texte est sans doute une technique originale, même si leur distribution est par moments inégale et pas toujours cadrée à l’évolution du récit. Mais ce n’est là qu’un détail. La charpente esthétique du roman entre le récit fluide, prenant, authentique et l’insertion de ce moyen de communication universel – l’email – est d’une architecture taillée aux rigueurs et aux urgences des réfugiés du bunker.
    C’est le roman de la rentrée à découvrir, à lire absolument.

    L’entretien avec l'auteur

    L’auteur du Bunker ou le requérant d’asile en Suisse explique, dans cet entretien, la raison pour laquelle son roman est une suite ininterrompue d’emails écrits de ses camps à une amie suisse qu’il a connue en Algérie…  

    Le bunker ou le requérant au droit d’asile est-il un témoignage recueilli et romancé ou est-ce une histoire vécue par l’auteur?
    Djamel Ferhi : L’histoire est authentique. Je l’ai vécue. Je dois vous dire deux choses. Tout d’abord, Nazim Gaya avait en tête de partir dans ce pays pour la durée de son visa. C’est-à-dire 15 jours. Ensuite, il n’avait pas l’intention, au départ, de demander l’asile. Il est parti rendre une visite à une amie connue sur internet qui, auparavant, lui avait rendu visite à Alger. Comme le contact lui a semblé plus que positif, elle a tenu à l’inviter, à son tour, à lui rendre visite chez elle. Ce qu’il a failli ne pas faire. Peut-être par peur de l’avion. Oui, c’est la première fois qu’il allait prendre les airs.

    Le narrateur est un journaliste algérien qui quitte le pays légalement (contrairement aux harragas). Il arrive en terre helvétique où il demande l’asile. Il est ainsi soumis à séjourner dans des « asiles » dont les pensionnaires sont de nationalité cosmopolite. Pourquoi y reconstitue-t-il sa communauté d’origine ?
    Nazim Gaya n’avait que le choix de « reconstituer » sa communauté d’origine pour plusieurs raisons bien que s’il avait été maintenu à Kreuzelingen aux abords du lac de Constance aux frontières de l’Allemagne, il serait resté ami avec les Russes avec lesquels il partageait bien des points communs. Quand on part en exil, surtout forcé, et là je crois que le départ pour le service national en fait partie, on a tendance à se rapprocher de ceux avec lesquels on partage la même culture, les mêmes vue et points de vue, la même langue voire la même religion même si ce dernier point n’est pas le fort de Nazim Gaya. Nazim aurait bien aimé se rapprocher des Noirs Africains, ce qu’il a fait avec une Togolaise à Kreuzelingen, dans le bunker mais ceux-ci faisaient bande à part et étaient occupés avec leur marché de drogue. Ils ne voulaient pas être gênés et ils ne faisaient pas confiance aux « blancs » d’Afrique du Nord. Je rappelle que Nazim s’est lié d’amitié avec Jean le Polonais et Victor et Alexeï, les Russes. Il était même devenu très lié avec Victor comme il était très lié avec Vladimir à Kreuzelingen.

    Il séjourne dans trois « centres » dont le plus important est celui de la ville d’Aarau. C’est le « bunker » du titre. Pourquoi cette expression qui rappelle la période fasciste de l’Allemagne ?
    Le « bunker » comme son nom l’indique se trouve à Aarau, en Argovie. Il est construit dans la forte tradition des bunkers sous un minuscule monticule. Il est tout de béton fait et creusé sous terre. Je pense qu’il est là pour abriter les civils de quelque bombardement… Evidemment, c’est Nazim Gaya qui lui a donné ce nom de « bunker ». Je ne peux rien dire de plus.

    Ces « asiles », situés hors des agglomérations, soumettent les requérants d’asile à un règlement strict N’y a-t-il pas une forme d’aliénation qui accentue l’angoisse et nourrit en eux le sentiment d’être victimes du racisme ?
    Là, on arrive à un point nodal. Pourtant soyons sincères, les réfugiés n’ont-ils pas fui leurs pays d’origine justement à cause des nombreux écueils qu’ils y ont rencontrés parmi « les leurs ? » Cela dit, l’accueil est limite, limite. Je peux vous donner un exemple. Nazim Gaya s’est intéressé tôt à la langue allemande qu’il voulait parfaire après son départ de Kreuzelingen pour Aarau, toute deux villes alémaniques. C’est signe qu’il veut s’intégrer car personne alors ne savait que Nazim Gaya avait l’intention de rentrer aussitôt que possible à Alger… Bien, il a reçu une fin de non recevoir. Oui, je confirme : l’accueil dans les pays d’asile est froid même par les journées chaudes d’été et on n’y fait rien pour briser la glace ou balayer les barrières.

    Pourtant le narrateur et ses amis s’y « adaptent ». Les plus tenaces vivent de larcins, de vols et sont solidaires. Le narrateur, lui, vit même d’étranges histoires d’amour. Est-ce une manière de peindre à rebours l’Algérien harrag décrit par ailleurs sous une certaine morale ?
    On fait bien de mettre ce mot entre guillemets car rares sont ceux qui s’adaptent vraiment. La plupart font plusieurs demandes d’asile dans plusieurs pays d’Europe et vadrouillent ainsi de pays en pays, sans espoir de stabilité. Du reste, il n’y a pas de loi justement au bunker ni de discipline. Pour le reste, l’amour est essentiel pour Nazim Gaya même s’il est sans lendemain.

    Alors que la plupart des requérants tiennent à leur culture, tradition de leur pays d’origine, le narrateur lui s’en insurge malgré les pressions de la vie collective au bunker. Comment l’expliquez-vous ?
    Je ne m’explique rien, mais je peux vous assurer qu’il est plus doux et aisé de s’insurger en terre helvétique que dans un pays comme l’Algérie où, bientôt, il nous sera, peut-être, interdit jusqu’à de penser. J’ajouterai que Nazim Gaya a toujours été un anti conformiste même sur sa terre natale. Il est comme ça.

    Il semble plus révolté par la situation politique de son pays que par sa propre situation de « réfugié ». Qu’en pensez-vous ?
    Comme réfugié ou comme étranger dans un pays censé être accueillant Nazim Gaya s’intègre vite avec ceux qui veulent bien de lui. Et c’est vrai qu’il est révolté par ce qui se passe dans son pays, mais entre nous : qui est satisfait de sa situation ou de son pays ? Les Algériens rêvent de la France ; les Français veulent s’installer aux Etats-Unis et les Américains veulent aller sur Mars. Nul n’est satisfait de sa situation ou de son gouvernement. Il faut dire que chez nous ça dépasse certains seuils de tolérance.

    Le narrateur décide de revenir au pays et il s’y était même préparé. Cela ne semble pas ambigu ?
    Insatisfait pour insatisfait éternel où qu’il soit, ou qu’il se trouve, Nazim Gaya préfère le soleil chaud de son pays. L’ambiguïté est en nous. On la trimbale de pays en pays sans rémission de pouvoir s’en débarrasser un jour.

    Dans le bunker, le narrateur écrit, il est le seul à le faire. Veut-il laisser trace de ses séjours aux bunkers ?
    Ecrire, Nazim Gaya écrit depuis 1978. Le nombre d’ouvrages qu’il a brûlé est effarant histoire de ne pas embêter le monde avec ses états d’âmes le plus souvent saugrenus. A l’origine, ce livre ne devait jamais être écrit même si la femme de George et mère d’Anne avait fait promettre à Nazim d’écrire sur leur vie à l’asile et de citer son cas. Ce qu’il a fait succinctement.

    Le récit est ponctué d’emails dans leur forme d’internet. Des mails entre Nazim Gaya (le narrateur) et m. marchand. Leur échange porte sur ce qu’écrit le narrateur, leur amour tantôt passionnel, tantôt distancé. Il est question aussi d’Algérie et de sujets politiques. Quelle est la relation entre le récit proprement dit et ces emails ?
    En effet, le récit est ponctué d’emails. Ce qu’on doit savoir c’est que tout le livre est une suite d’emails. Je m’explique : quand Nazim quitte Michèle, il lui dit : je quitte bientôt cette terre. Il pensait à la terre helvétique. Elle a compris « Terre » avec une lettre majuscule. Elle a cru qu’il allait attenter à sa vie. Il ne lui donne signe de vie que plus de cinq ans après quand il lui envoie un bref salut qu’elle reçoit de façon mitigée. Elle ne sait comment réagir devant ce brusque retour dans sa vie de l’amant disparu qu’elle n’a pas pu oublier. C’est pourquoi, elle ne lui répond qu’au bout d’un mois. Elle veut savoir ce qu’il fait, ce qu’il devient, ce qui a pu bien lui arriver depuis le moment où il l’a quittée et le jour où il réapparaît dans sa vie. Commencent alors les emails qui constituent ce livre. Entendre par-là que tout le livre est une suite ininterrompue d’emails.

    Comment vous est venue l’idée d’injecter dans le récit ces mails ?
    En fait, pour être sincère, j’en ai lu des livres, mais je n’en ai jamais lu qui soient intercalés d’emails. Je pense que je voulais écrire quelque chose d’original, toujours pour être sincère. Cela dit, je répète que tout le livre n’est qu’une succession d’emails.

    Il y a très peu de témoignages poignants comme le vôtre sur ce phénomène alors que foisonnent des fictions qui s’inspirent de ces réalités. Quel est votre avis ?
    Je pense que l’exil et les exodes massifs que connaissent les pays à risques sont le mal du siècle. C’est bon d’en parler, de rabâcher, de ressasser et d’étudier le sujet de fond en comble. Ce qui est dommage, par exemple, c’est qu’on ne se penche pas sur l’étude approfondie des raisons et des phénomènes des « harragas », chez nous. On se contente de faire barrage aux harragas, qui préfèrent mourir en mer plutôt que sur la terre ingrate qui les a vu naître, et de leur intenter des procès pour les enfermer. C’est dingue, je trouve. Pour le reste, mon avis est qu’il faut rester modeste. Le dernier mot reviendra aux lecteurs…

    Le récit est écrit avec un  "je". Cela renforce-t-il la véracité du témoignage ?
    J’ai toujours écrit avec ce « je » qui ne me quitte pas. C’était un jeu entre moi et mes lecteurs potentiels de l’époque où je scribouillais pour mes amis et les membres de ma famille. C’est aussi qu’à mon avis cela donne l’impression pour l’auteur que le lecteur s’implique plus. Même si le « il » permet une certaine distanciation, pour ma part, je préfère sentir que je m’implique dans mes histoires. Ce « je » est peut-être pour moi, une façon de m’affirmer. Comment savoir ?

    Note et entretien réalisés par R.M

  • Contrechamp

    La rumeur, une spécificité du système politique

    Par : Mustapha Hammouche

    La veille de son limogeage, l’ancien président-directeur général, Nordine Cherouati, fustigeait les colporteurs de ragots qui fabulaient sur son supposé remplacement. Puis la rumeur devenait information : Abdelhamid Zerguine est officiellement nommé à la tête de la compagnie nationale des hydrocarbures.
    Le tapage médiatique reprenait, aux yeux du patron déchu, un bruit diffusé par des milieux dont Cherouati “dérangeait” les intérêts. Si l’on comprend bien, ces intérêts ont eu gain de cause et la tête du P-DG redresseur de tort. Maintenant qu’il n’est plus là pour tenir le siège de notre citadelle pétrolière et financière assaillie, son patriotisme devrait l’obliger à dévoiler la nature de ces intérêts et l’identité des milieux qui les servent.
    Mais non, bien sûr, il n’y aura pas de suite. Nos responsables n’agissent qu’à partir de positions officielles. Ce sont toujours les autres, ceux qui sont tenus, ou qui se tiennent, loin des institutions qui sont susceptibles de malveillance antinationale. Et s’ils se mettent à anticiper sur le destin des dirigeants en place, ils déclenchent les diatribes les plus enflammées. La réaction ne se limite au “démenti de la rumeur” ; elle y décèle le complot et le dénonce, bien entendu, sans jamais aller jusqu’à en franchement désigner les auteurs.
    Pourtant, contrairement au statut infamant dont elle souffre, la vérité est tout autre : dans le contexte algérien, la source d’information la plus crédible est la rumeur. Et ce sont les animateurs du système, ceux-là mêmes qui font que la décision et, donc, l’information évitent d’emprunter le cheminement institutionnel, qui s’en offusquent à la première occasion, reléguant la responsabilité de la rumeur à l’intermédiaire et au consommateur final. Or, le fonctionnement occulte de l’État est à la base de la fiabilité et du succès de la rumeur. Elle est à l’information ce que le marché noir est à la contrebande et à la pénurie : le produit ne change pas ; c’est le circuit qui change.
    En usant de rétention et de désinformation, avec la connivence mécanique des médias, le pouvoir a décrédibilisé sa voix et les supports de sa voix, qu’ils soient de nature institutionnelle ou sociale. Les médias officiels et la presse en ont perdu leur crédibilité ; le démenti des autorités et des dirigeants et leur harcèlement judiciaire complète l’œuvre de déconsidération de la fonction informative. Par dissimulation ou par rétention, ils ne se confient qu’à leurs proches. L’information en devient affaire d’initiés, non de procédures, d’institutions et de professionnels. Leurs proches s’en ouvrent à qui ils veulent, histoire de prouver leur proximité de la source.
    Parfois, c’est l’État qui, fuyant la responsabilité de ses actes, agit par “source proche” interposée. Pour ne pas signer leurs actes, des responsables laissent “fuir” l’information au lieu de la proclamer. Ainsi en est-il de la visite de l’islamiste El-Ghannouchi, dont nous ne devons pas savoir qui l’a invité : il est là, en hôte officiel, mais on ignore l’institution qui en a eu l’initiative et le sens de cette visite.
    La rumeur ce n’est pas l’invention de colporteurs de ragots, c’est le fonctionnement d’État qui est à la source du prestige de la rumeur et de sa… crédibilité et de son utilité.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

  • il y'a partout des emplois fictifs ,la présidence, la gendarmerie, surtout la fonction publique, meme les controleurs sont fictifs,ils font rien!! parseque l'algerie est virtuelle.

     

    Des emplois fictifs à la Cnas

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    Agissant sur informations, la brigade économique et financière de la police judiciaire de Biskra a réussi, après une enquête qui a duré plus d’un mois, a éventer une affaire de trafic d’influence et de création d’emplois fictifs impliquant 3 cadres de la CNAS et un commissaire aux comptes habitant la commune de Barika, dans la wilaya de Batna, à 60 km au nord-ouest de Biskra. Selon le chargé de la communication de la sûreté de wilaya, ces 4 personnes sont poursuivies pour avoir mis au point une escroquerie qui leur a rapporté des millions de dinars et qui a consisté à créer de toutes pièces de faux employés et des assurés sociaux imaginaires afin de s’en mettre plein les poches. Le magistrat instructeur près du tribunal  de Biskra devrait, dans les prochains jours, prendre une décision quant aux suites à donner à cette affaire défrayant la chronique locale.                                                                                  

    Hafedh Moussaoui
  • Deputés et sénateurs : Qu’ont-ils fait pour la région ?

     

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    Dans les moments difficiles, ces élus du peuple ont brillé par leur absence.

    Savez-vous que la wilaya de Batna compte 17 députés et sénateurs sensés vous représenter au niveau des chambres parlementaires ? Savez-vous que ces VIP, gracieusement payés par le trésor public, ont la mission d’être à l’écoute du peuple afin de défendre ses intérêts face au gouvernement ? Avez-vous senti votre voix portée par ces gens ?
    Ces personnalités (12 députés et 5 sénateurs), dont le mandat s’achève, pour la plupart, sont très peu connus par le public à Batna. C’est l’avis de l’artiste Chawki Bouzid : «Je ne les connais pas. On ne sent pas leur présence dans la société. Au niveau des intellectuels ou chez gens les simples, personne ne les connais, c’est grave. Leurs activités sont méconnus, on ne connaît pas leurs bureaux, ni leurs prérogatives», regrette-t-il.

    Nous avons interrogé plusieurs personnes à ce sujet. Certains ont préféré s’exprimer sous l’anonymat de peur de représailles. N’est-ce pas paradoxal de voir un citoyen craignant l’homme qu’il a lui-même mandaté ?! D’autres par contre, se sont livrés à El Watan, et de manière générale, les avis ne donnent pas de bonnes notes aux élus. NezhaLaïb, militante associative, estime que «toutes ces personnes n’ont fait que lever et baisser leurs mains. Rien n’a été fait pour Batna qui s’est sérieusement dégradée ces dernières année». De son côté, le président local de la confédération algérienne du patronat (CAP), Boubaker Guettala, est plus pondéré dans son jugement estimant  qu’il est difficile d’évaluer le rendement des députés et sénateurs.  «On aurait aimé que ces gens nous aident mais malheureusement, ils n’ont rien fait, si ce n’est Cherif Nezzar qui joue le rôle d’intermédiaire entre la CAP Batna et le ministre des finances, concernant les lois contraignantes. Ceci dit, on ne peut critiquer ni dénigrer, quand on est loin d’eux sachant qu’ils n’ont même pas de permanences».

    Les quelques-uns qui ont ouvert des bureaux pour recueillir les doléances des citoyens ont vite fermé boutique sitôt la fièvre de l’élection tombée. On les voit à l’occasion des visites ministérielles. Ils ne ratent généralement aucune «zerda» officielle. Mais pour les batnéens, dont ils tirent pourtant la légitimité, ils se sont évaporés au lendemain de leur élection. En effet, dans les moments difficiles, ils ont brillé par leur absence. La population de T’kout n’en pense pas moins, elle qui depuis des années, enterre ses enfants l’un après l’autre, emportés par la Silicose. Les cris de détresse des mères et des veuves de T’kout n’ont trouvé aucun écho auprès des sénateurs et députés qui ont tourné le regard à l’instar des institutions de l’Etat.


    Réveil opportuniste


    Au lieu de tirer vers le haut, ces élus se sont prêtés aussi au jeu dangereux des luttes tribales comme en témoigne la crise qui paralysie actuellement l’université ou encore le CHU et la santé en générale, malade de l’indigence des responsables locaux et la cupidité des lobbys.
    Cependant, nos députés surtout, tentent un retour sur scène depuis quelques temps, et se rapprochent maladroitement de la population. L’exemple de la grève qui a secoué pendant des mois l’usine de l’ERIS de Sériana est édifiant. Au lieu d’épouser la cause des travailleurs remontés contre les salaires misérables, plusieurs députés issus du FLN et du RND, se sont rapprochés des grévistes pour les convaincre de reprendre le travail et éviter les problèmes. Ce rôle de pompier semble plaire aux élus qui visiblement, se sont rangés du côté des pouvoirs publics.

    Après les émeutes de janvier 2011, le député Mohamed Bouras s’est particulièrement illustré en activant ses relais associatifs pour anticiper sur d’éventuels soulèvements populaires à Batna. Ce «réveil» intéressé s’explique, selon Hocine Kadri, professeur de sciences politiques à l’université Hadj Lakhdar, par l’approche des élections législatives. «Pendant les deux années du milieu du mandat, ils se sont absentés mais dernièrement ils reviennent pour sur scène et se positionnent en l’espoir de décrocher un deuxième mandat. Ils savent aussi que le ticket sera plus cher sachant que désormais près de la moitié des sièges est perdue d’avance au profit des femmes», explique notre interlocuteur.  L’universitaire estime aussi que «malheureusement, la culture de la rente qui domine, a gagné ces hommes politiques et de façon générale, les règles du jeu ne permettent pas le choix des députés sur la base du mérite».
    Nos élus, très mal élus, à cause du taux de participation ridicule, aux législatives de 2007, auront visiblement du mal à convaincre les électeurs de leur faire encore confiance.              

    Nouri Nesrouche
  • anp.org

    IV. LA CONSOLIDATION DU GROUPE DES « DESERTEURS » DE L'ARMEE FRANÇAISE

    _______________________


    9. La décennie rouge : tâche noire dans l'histoire de l'Algérie. Le règne de la médiocrité et de la violence (1989 - 2000)

     


    Les événements d'Octobre 88 ont servi de déclic non pas pour instaurer un système démocratique comme on l'a laissé entendre, mais pour sauver le régime et détourner le pouvoir au profit de leurs auteurs, tous proches de certains milieux français. En d'autres termes, les deux clans Belkheir et Hamrouche, instigateurs des événements d'octobre, ont choisi le « changement » comme moyen indispensable à la survie du régime et pour consolider leurs positions respectives.

    Les deux clans bénéficient, d'une certaine manière, de l'appui de la France qui ne met jamais ses œufs dans le même panier. François Mitterand, alors Président de la République, applaudit à l'effondrement du système du parti FLN et pense que l'heure est à « l'établissement de la démocratie » en s'exprimant sur les événements lors du Conseil des ministres du 12 octobre 1988151, c'est-àdire un jour après le retour au calme en Algérie. Une telle prise de position rapide reflète en fait l'implication de la France et de Mitterand dans le processus de « démocratisation » en Algérie dans le but de démolir le FLN. Partisans de « l'Algérie française » et de la guerre à outrance contre le FLN et contre le peuple algérien entre 1954 et 1962, certains dirigeants français dont Mitterand et certains appareils dans l'administration française retombent dans leurs fantasmes pour régler leurs comptes avec l'Histoire et avec le mouvement national algérien. Pour mieux comprendre la décennie rouge qui consacre en Algérie l'avènement du « parti de la France », nous allons la diviser en deux périodes de longueur inégale, mais d'importance équivalente.

    151 Cf. Hubert Coudurier, Le Monde selon Chirac, p. 193 (Paris: Calman-Lévy, 1988).

     

    9.1. Période 1989 – 1991 : le lancement de la démocratie de façade

    La désignation de Kasdi Merbah comme Premier Ministre en novembre 1988 pour une période plutôt éphémère (novembre 1988 septembre 1989) a été mise à profit par le clan Hamrouche pour se placer dans une situation plus favorable dans la course au pouvoir, pensant damer le pion au clan Belkheir.
    Certes, les deux chefs de clans ont besoin de la confiance du Président Chadli au cours de cette période pour mener à bien leur plan respectif. Mais Hamrouche, impatient, met les bouchées doubles. Il est très présent dans la préparation du VIème Congrès du FLN (novembre 1988) et de l'élection présidentielle (décembre 1988). Il anime avec zèle le groupe chargé d'adapter la Constitution française à l'Algérie, adoptée en février 1989. En même temps, son groupe animé par Ghazi Hidouci lui prépare en secret son programme de gouvernement dont il aura besoin en septembre 1989.
    Belkheir est aussi très actif avant, pendant et après le Congrès du FLN. Il s'implique dans l'organisation et la manipulation des résultats de l'élection présidentielle. En 1989, bien que concurrents, Belkheir et Hamrouche restent cependant d'accord sur deux points en particulier, mais pour des raisons différentes :

    • Gêner Kasdi Merbah et le harceler dans son action gouvernementale pour le faire échouer dans sa mission. Leur plan réussit.

    • Encourager au maximum la création de partis politiques pour atomiser la société civile et rester maîtres du jeu.

    La réalisation de ces deux objectifs devrait permettre aux deux clans d'avancer un peu plus, selon leurs calculs, pour s'emparer du pouvoir chacun pour son propre compte, convaincus tous deux que l'atomisation de la vie politique n'autorisera aucun parti politique de disposer de la majorité absolue dans la future l'Assemblée Nationale dans le cadre du système démocratique de façade qu'ils veulent instaurer152.
    152 Les rapports des services de sécurité au chef de l'Etat, ainsi que les fuites provoquées au sujet d'un sondage d'opinion opéré par ces mêmes services, affirmaient que, lors des

    Il convient de rappeler que « les réformes politiques », engagées après les événements d'octobre 1988 et élaborées dans l'antichambre du pouvoir par des personnages fertiles en fourberies et en ruses, ont été octroyées sans consultation ni au sein du FLN dont les deux clans se réclament, ni ailleurs. Ces « réformes » ne constituent en fait qu'une mystification destinée à perpétuer l'exercice du pouvoir en place. On confond démocratie et multipartisme. On assiste ainsi, sous l'impulsion de la Présidence de la République, à une floraison de partis avec des programmes vagues, pratiquement identiques, à l'exception du FFS, (qui existe depuis 1964 mais qui n'a jamais été reconnu auparavant) du FIS et du parti communiste, dont les choix idéologiques et politiques respectifs sont clairs.
    Car ce qui est essentiel dans une démocratie, c'est d'accepter le principe fondamental de l'alternance du pouvoir en respectant le verdict populaire exprimé lors d'élections transparentes et honnêtes, puisque c'est le peuple qui constitue la source de la souveraineté. Or cela n'est pas admis en Algérie et ce refus vide la démocratie de son contenu. Ainsi, le multipartisme débridé et encouragé par le pouvoir ne vise en définitive qu'à l'émiettement de la société et à l'atomisation des forces politiques vives, dans le but inavoué de perpétuer un régime dépassé et discrédité153.
    C'est dans ce contexte de crise politique que Hamrouche est désigné comme Premier Ministre en septembre 1989.

     

    9.1.1. Le clan Hamrouche
    La désignation de Hamrouche comme chef de gouvernement consacre l'élimination définitive de la course au pouvoir de son acolyte Hedi Khediri qui faisait courir des rumeurs entre 1987 et 1988 sur sa nomination imminente comme Premier Ministre.
    élections législatives prévues en 1991, le parti qui sera vainqueur (soit le FIS ou le FLN) dans ce rendez-vous électoral ne dépassera pas 25% des voix exprimées.

    153 Ce multipartisme et cette atomisation de la société, mais non la démocratie, figurent d'ailleurs en bonne place dans le programme d'action des généraux putschistes, élaboré en 1991, et mis en œuvre dès le coup d'État de janvier 1992. Pour plus de détails sur ce programme, cf. Mémoires du général Khaled Nezzar, op. cit., pp. 217-230.

    Hamrouche s'appuie sur ce que l'on pourrait appeler l'aile « civile » de hizb França. Son action de au cours de son mandat de 21 mois s'articulera autour de trois volets :

    • Poursuivre « les réformes économiques ».

    • Gérer le dossier brûlant de la dette.

    • Conquérir le FLN et en faire un instrument pour renforcer son pouvoir.

    9.1.1.1. Poursuite des « réformes économiques »
    On a beaucoup parlé des réformes entre 1989 et 1991, notamment des réformes économiques tant galvaudées par les media aux ordres d'un gouvernement du sérail qui se fait appeler pour la circonstance « gouvernement des réformes » et pour lequel elles ne constituent en fait qu'un fonds de commerce politique.
    Nous avons déjà évoqué dans le chapitre précédent le contexte dans lequel les réformes économiques ont été conçues et mises en oeuvre au cours de la première phase 1981-1985. Celles-ci ont été soutenues dans une seconde étape par d'autres mesures organisationnelles et juridiques arrêtées en 1986 et 1987. C'est dans le cadre d'une démarche globale et cohérente que ces réformes avaient été lancées en 1981 dans le but d'améliorer à terme les conditions de fonctionnement de l'économie, de renforcer l'efficacité des agents économiques et de réunir les conditions de maximisation de la production et du surplus ré-investissable.
    Le mandat de Merbah (novembre 1988 - septembre 1989) a été mis à profit par le clan Hamrouche pour préparer son programme de gouvernement et passer à l'offensive en vue de consolider sa position dans la course vers les cimes du pouvoir.

    a) Application des « réformes »
    Présenté à l'Assemblée Nationale Populaire (APN) en septembre 1989, le programme du gouvernement du sérail, dit des « réformes », s'articule autour des idées maîtresses suivantes :

    1. Mettre un terme aux mécanismes administratifs qui constituent un frein au « développement des stratégies d'investissements et de production ».

    2. Mettre fin au système d'organisation centralisé qui ne permet pas de réagir à la crise économique subie par l'Algérie.

    3. Récupérer la rente confisquée par les spéculateurs et les « trabendistes » et l'affecter aux fins productives.

    4. Faire que le Trésor n'intervienne plus pour financer les investissements des entreprises, les relations entre celles-ci et les banques devenant des relations commerciales.

    5. Créer des offices chargés d'organiser la régulation des marchés de produits importés.

    6. Appliquer la nouvelle loi relative aux prix (adoptée par l'Assemblée Nationale sous le gouvernement Merbah), lutter contre l'inflation en recourant à une politique monétariste et préserver le pouvoir d'achat de la population.

    En fait, le gouvernement Hamrouche s'est beaucoup éloigné du contenu de la réforme et de son programme adopté par l'APN, si bien que les actions qu'il a lancées dans de nombreux domaines ont eu des résultats négatifs.

    b) Résultats de la politique des « réformes »
    Quels sont les résultats de cette politique des « réformes » mises en œuvre entre 1989 et 1991 ?
    Nul ne peut nier la mauvaise application des « réformes » annoncées, comme en témoignent les faits suivants :

    1. Pas de mise en place des mécanismes économiques devant remplacer les mécanismes administratifs. Il en résulte que les entreprises sont restées tiraillées entre l'ancien et le nouveau système. Pas d'autonomie effective des entreprises. Pas d'activités des fonds de participation154.

    154 Créés par décret, les fonds de participation participent au capital d'entreprises publiques des différents secteurs par le biais des actions que leur transfère l'Etat. Ils exercent à ce titre leur droit de surveillance des activités de l'entreprise par l'intermédiaire de leurs représentants au sein du conseil d'administration de cette dernière. Les fonds de participation sont dotés d'un conseil d'administration dont les membres sont nommés par le

    2. Continuation de l'ingérence administrative dans le fonctionnement des sociétés d'Etat. Dans ce cadre, la confusion des procédures d'approvisionnement et de financement extérieur des sociétés d'Etat est telle que les crédits à l'importation décidés par le gouvernement en décembre 1989 pour l'année 1990 ne sont même pas mis en place 8 mois plus tard.

    3. Licenciement massif des cadres. Censés être les promoteurs des réformes et de l'autonomie des entreprises publiques, les cadres en sont devenus les premières victimes.

    4. Aggravation de la situation économique et financière des entreprises publiques est due notamment à la non concrétisation des engagements pris par le gouvernement pour l'amélioration de leur situation financière. La décision annoncée par le gouvernement de transformer les crédits à court terme des entreprises publiques en crédits à moyen et long termes en 6 mois n'a jamais été mise en œuvre.

    5. Marginalisation de l'agriculture. L'étouffement de l'agriculture est une autre caractéristique de l'application dogmatique des « réformes ». Pas de facteurs de production pour les agriculteurs. Pas de financement à cause de l'application aveugle du principe de commercialité, à cause des taux d'intérêt trop élevés et à cause de la politique monétariste restrictive.

    6. En matière de commerce extérieur, légalisation du « trabendisme ». Au lieu de « récupérer la rente » confisquée par les spéculateurs et les « trabendistes » et de l'affecter aux fins productives, comme il l'a annoncé en septembre 1989 devant l'APN, le gouvernement préfère légaliser l'économie de comptoir privilégiant l'importation et la consommation au détriment des investissements productifs dans une perspective électoraliste.

    gouvernement. En fait, les fonds de participation ne constituent qu'un écran entre l'Etat, dont le capital est inaliénable, et l'entreprise, soumise aux lois du marché et donc candidate à la dissolution et à la liquidation. Ces fonds de participation ne constituent en fait qu'une mystification opérée par le clan Hamrouche pour déplacer la tutelle des entreprises d'état de leurs ministères respectifs vers le ministère des finances et le Premier Ministre.

    7. Politique monétariste rigide. L'application stricte et brutale des mesures monétaristes arrêtées par le gouvernement a causé beaucoup de dégâts à l'économie nationale, d'où :

    • pas de relance de l'économie, contrairement à ce qui a été annoncé ;

    • baisse de la production et du taux de croissance économique ;

    • ralentissement, voire arrêt, d'unités de production publiques et privées ;

    • pénuries des matériaux de construction et ses conséquences fâcheuses sur le rythme de la construction ;

    • accroissement du chômage ;

    • augmentation rapide du taux d'inflation.

    8. Aggravation des tensions sociales. Les grèves se multiplient à un rythme sans précédent, et s'étendent à l'ensemble des activités économiques et sociales, y compris l'administration. En effet, c'est la première fois depuis l'indépendance qu'une grève est déclenchée au siège du ministère des Affaires étrangères.
    Au total, la mauvaise application ou la non application des « réformes » s'est traduite par l'extension du mécontentement populaire, la démoralisation des cadres et la perte de crédibilité du « gouvernement des réformes ». Cette perte de crédibilité est aggravée par la manière dont le dossier de la dette extérieure a été géré.


    9.1.1.2. Gestion de la dette extérieure
    La dette extérieure, considérée comme sujet tabou au cours des annés 1970, très redoutée par les citoyens est perçue comme le principal responsable de la crise économique. Les Algériens ont l'impression que les pouvoirs publics leur cachent la vérité à ce sujet. Le peuple algérien ne savait pourtant pas que l'Algérie a subi la thérapeutique du Fonds Monétaire International (FMI) en 1990 et 1991. En effet, le gouvernement Hamrouche a appliqué le programme du FMI sans le FMI, mais dans le cadre d'un accord signé avec la Banque Mondiale.

    Voici quelques mesures prises par le gouvernement algérien en 1990 après des négociations avec la Banque Mondiale pour l'obtention d'un prêt important et qui correspondent au programme d'ajustement structurel préconisé par le FMI.
    En ignorant, voire en dénigrant, les réformes économiques entreprises entre 1981 et 1884, puis en s'attribuant la paternité de ces réformes depuis 1989, le clan Hamrouche pense tirer seul les bénéfices d'une relance économique qu'il considère avec légèreté à sa portée. Les faits ont montré que non seulement le détournement à son profit de la politique des réformes n'a pas produit les effets escomptés et annoncés avec un grand tapage, mais également, que la mise en œuvre des « réformes » s'est éloignée sur le terrain des objectifs fixés. Là aussi, on se rend compte que l'écart entre le discours et le parcours est énorme. Sur cette question centrale, le clan Hamrouche est resté fidèle à l'ancien système qu'il prétend vouloir changer. Rien, en fait, n'a changé quant au fond, aux méthodes et à la démarche.

    L'Histoire retiendra la médiocrité de ce gouvernement et sa méconnaissance de la complexité des faits économiques et sociaux de l'Algérie ainsi que de la non prise en compte du phénomène de la mondialisation de l'économie. Sur le plan international, ce gouvernement s'est contenté de s'aligner sur les visées françaises en Algérie, en ignorant les dimensions et les véritables enjeux de la globalisation. L'absence d'une volonté politique de construction du Maghreb tendant à organiser l'intégration économique régionale et l'absence d'une politique dynamique de diversification des échanges extérieurs de l'Algérie avec le monde arabe et d'autres pays du Tiers Monde, pour réduire les retombées négatives de la globalisation suffisent pour illustrer les limites de cette politique partisane de la francophonie, politique qui considère que seules des relations privilégiées avec la France sont en mesure d'aider l'Algérie à sortir de sa crise économique et donc politique.
    La perte de crédibilité de ce gouvernement sur le plan interne ne l'a pas empêché de se tourner vers le FLN pour le conquérir et l'utiliser à des fins politiciennes pour rester au pouvoir, voire le consolider dans le cadre des élections législatives alors programmées pour le 27 juin 1991, et pour se positionner pour l'élection présidentielle à venir.

    9.1.1.3. Tentative de domestication du FLN
    Il est clair que le FLN couvait une crise interne depuis fort long-temps. C'est pourquoi, l'évaluation objective de la portée de l'instrumentalisation du FLN par le gouvernement entre 1989 et 1991 mérite que soit rappelé le contexte de la crise où a été mené le FLN.

    a) Crise de légitimité du FLN
    Le FLN a toujours disposé d'un projet social viable inspiré par la philosophie de Novembre 1954, des idéaux et des valeurs nationales, de la plate-forme de la Soummam (1956) à la Charte Nationale (1976) en passant par la Charte de Tripoli (1962) et par la Charte d'Alger (1964).
    Le problème du FLN n'a jamais été un problème de doctrine, mais bien plutôt un problème d'application intimement lié au choix des hommes et aux méthodes de travail. La principale déviation réside dans l'écart entre le discours et le parcours, entre les textes fondamentaux adoptés et leur mise en œuvre. Disposant au départ d'un pouvoir hégémonique acquis par la légitimité historique et en considération des impératifs de reconstruction nationale, l'une des grandes erreurs du FLN fut de n'avoir éprouvé à aucun moment le besoin de se ressourcer à la légitimité populaire constamment renouvelée et seule garante de sa crédibilité et du succès de son action. Le fait d'agir par une sorte de procuration en dehors de toute légitimation populaire constamment vérifiée par des voies démocratiques a été à l'origine de la crise de légitimité.
    La priorité accordée depuis 1965 par le pouvoir à la construction de l'Etat a relégué au second plan la mise en place d'un véritable parti enraciné dans les masses. Officiellement parti au pouvoir, le FLN est devenu un parti du pouvoir. Il a en fait servi d'alibi, de légitimation, d'instrument au pouvoir de l'Etat et de simple appareil servant de courroie de transmission d'une politique conçue et mise en œuvre par les autorités du pays.

    Si la base militante a toujours été dans son écrasante majorité saine, le FLN s'est vidé au cours de ses crises successives d'un grand nombre de ses éléments sincères et patriotes pour laisser la place à l'infiltration au sein de l'appareil d'éléments opportunistes attirés par les privilèges de la responsabilité.
    L'absence de démocratie dans le fonctionnement interne du parti et d'un dialogue véritable et fécond entre la base militante et les instances de l'appareil, le rejet de toute critique constructive, la non prise en charge des préoccupations de la base, le choix non démocratique des responsables à tous les niveaux ainsi que celui des candidats aux élections communales, régionales (de wilaya) et législatives, tout cela a contribué à la sclérose du parti et à la rupture avec la base donnant naissance à une crise de confiance. C'est dans ce contexte que le clan Hamrouche a essayé de domestiquer le parti sous le couvert de « la rénovation du FLN ».

    b) « Rénovation » du FLN
    Certes, l'adaptation du FLN aux nouvelles conditions politiques s'impose, notamment à la suite de l'adoption de la Constitution de février 1989 qui ouvre formellement le champ politique à la compétition et à la démocratie. Or, pour réussir, toute tentative d'adaptation ou de rénovation du FLN devrait répondre à certains critères et aux exigences de l'avenir. Cela n'a pas été le cas.
    La « rénovation » du parti a été plutôt une opération politicienne détournée pour utiliser l'appareil du FLN comme couverture à la politique gouvernementale. Par cette opération, on a voulu non seulement éloigner de la scène politique un certain nombre de dirigeants patriotes et intègres non acquis, mais encore mettre en oeuvre une politique économique et sociale en contradiction avec les idéaux et les principes du FLN.
    La « rénovation » du parti a porté sur une sorte d'opposition qu'on a voulu créer entre les générations de militants, les jeunes et les moins jeunes, les anciens et les nouveaux. Cette démarche erronée utilisée par le clan Hamrouche comporte des clivages factices et dangereux pour la cohésion du parti et son efficacité. Elle

    constitue un facteur de division et de confusion supplémentaire ouvrant la voie aux opportunistes.
    Une démarche saine consisterait plutôt à créer une symbiose entre les générations de militants, la seule ligne de démarcation devant se situer au niveau du degré d'engagement et de fidélité non à l'égard des hommes, mais des principes, des orientations et de la doctrine du FLN ainsi qu'au niveau de la sincérité, de la compétence, de l'expérience et de l'intégrité de chacun.
    Si le problème est d'attirer la jeunesse vers le parti, il faut alors offrir une politique dans laquelle la jeunesse se retrouve, non pas par des slogans fractionnels mais par des actions concrètes qui reflètent les aspirations fondamentales du peuple algérien.

    En même temps, on annonce tapageusement dans les médias que le FLN est l'initiateur des « réformes » politiques et économiques lancées par la Présidence et par le gouvernement Hamrouche. Or c'est faux. Les réformes politiques n'ont pas été initiées par le FLN et n'ont même pas été discutées par le FLN, comme nous l'avons examiné dans le chapitre précédent. La base militante ainsi que la direction politique, c'est à dire le comité central, en ont pris connaissance en même temps que les citoyens par voie de presse. Les réformes politiques ont été élaborées en dehors de toute consultation préalable du FLN à quelque échelon que ce soit. Quant au dossier des « réformes économiques », il a été présenté par le gouvernement au comité central du FLN pour approbation lors de sa session du 1er mars 1990. Compte tenu du fait qu'il s'agit d'un document partiel qui ne peut être considéré comme un programme d'action et après de longs débats, le comité central a décidé de le considérer comme un document d'information. Pas plus. Par contre, le comité central a discuté et adopté d'autres mesures concrètes destinées à améliorer la situation économique et sociale que le gouvernement n'a pas respectées dans la mise en œuvre.

    La tentative de domestication du FLN, par voie de « rénovation », a finalement échoué même si le gouvernement continuait à disposer du soutien des opportunistes au sein du comité central.
    Aux partisans du clan Hamrouche qui invitaient alors des responsables de quitter le FLN et de créer d'autres partis, j'ai dit en son temps que « ceux qui croient aux principes et aux choix fondamentaux du FLN et qui militent pour leur concrétisation ne sauraient le quitter. Par contre, ce sont ceux qui ont dévié et dont les actions économiques et sociales se sont considérablement éloignés des textes fondamentaux du FLN qui devraient le quitter et créer leur propre parti. Il ne faut ni inverser les valeurs ni les rôles. Il est temps de sortir du 'trabendisme' politique »155.
    Au cours de cette période de transition caractérisée par la reconnaissance du multipartisme, de la liberté d'expression et de la compétition politique, la politique du gouvernement devrait être celle du FLN dont il se réclame et non l'inverse. Le temps est révolu où l'on utilisait l'appareil du FLN en faisant tout en son nom tout en ignorant ou dédaignant ses idéaux et ses principes. Le gouvernement a utilisé tous les moyens imaginables pour gagner les élections communales et de wilaya en juin 1990, notamment en envoyant en campagne électorale des ministres ainsi que des membres du comité central du FLN pour soutenir les candidats FLN dans les premières élections multipartites de l'Algérie depuis 1962. Mais la défaite du FLN aux élections communales et régionales de juin 1990 a montré, si besoin est, les limites de ce gouvernement156.
    C'est à ce moment-là que l'offensive du clan Belkheir s'intensifie pour éliminer Hamrouche et placer ses pions.

     

    9.1.2. Le clan Belkheir
    9.1.2.1. Rappel sommaire de la consécration de Belkheir
    Il convient de revenir un peu en arrière pour mieux situer le contexte de la succession de Hamrouche qui consacre la suprématie du clan Belkheir, qui représente en quelque sorte l'aile militaire du « parti français », et qui ne dispose plus alors de concurrent au sommet des institutions du pays.

    155 Cf. Interview donnée par Abdelhamid Brahimi au quotidien El Moudjahid du 22 octobre 1990.
    156 Sollicité pour faire campagne pour les candidats du FLN aux élections communales, j'ai décliné l'offre parce que je ne me reconnaissais plus dans les nouvelles orientations du FLN. C'est la raison pour laquelle j'avais démissioné du comité central en octobre 1990, tout en restant militant du FLN, auquel je reste attaché à ce jour par principe.


    En effet, Larbi Belkheir, appuyé par quelques officiers supérieurs anciens éléments de l'armée française qui constituent un clan bien soudé, n'a pas attendu 1989 pour consolider ses positions. En fait, son travail de sape et de minage a commencé dès 1980 lorsqu'il a été nommé secrétaire général de la Présidence de la République. Après avoir consolidé la confiance que le Président Chadli a placée en lui au cours de son premier mandat, Belkheir est passé à la vitesse supérieure pour renforcer son camp au sein des institutions de l'Etat, notamment à partir de janvier 1984. Ses actions s'étendent pratiquement à tous les domaines tant internes qu'externes.

    a) Sur le plan interne
    Sur le plan interne, Belkheir cultivant l'image du collaborateur « fidèle, docile et discipliné » du Président de la République, est associé par ce dernier à toutes les décisions importantes de l'Etat. Il est devenu incontournable pour la nomination aux emplois supérieurs de l'Etat, y compris celle des membres du gouvernement.
    D'autre part, comme le chef de l'Etat est aussi secrétaire général du parti FLN, Belkheir joue, entre autres, (concuremment avec les services de sécurité) un rôle décisif dans le choix des membres du comité central, soumis à l'approbation du Congrès du FLN, notamment lors du Vème Congrès (décembre 1983) et du VIème Congrès (novembre 1988) et intervient même dans le fonctionnement de l'appareil du FLN.

    Comme le chef de l'Etat est aussi ministre de la Défense, Belkheir est chargé du suivi du fonctionnement de l'armée et des services de sécurité civils et militaires. Son poids s'est considérablement accru après l'élimination du général major Mostefa Beloucif.
    Par ailleurs, en sa qualité de secrétaire général de la Présidence, puis de directeur du cabinet présidentiel, Belkheir joue un rôle très actif dans la nomination des walis, des chefs de daïra, des directeurs généraux de banques et d'entreprises publiques et des ambassadeurs (dans les pays considérés stratégiques) et en profite pour y placer des éléments qui sont fidèles à son clan en damant le pion aux ministres concernés.

    En 1984, il crée un corps d'inspection à la Présidence dont la direction est confiée à Ahmed Oundjela, un ancien magistrat proche de lui. Ce département d'inspection générale se superpose à la Cour des comptes créée en 1980 et placée sous la tutelle de la Présidence. Ces deux institutions deviennent vite un instrument redoutable de règlement de comptes pour éliminer des responsables dans tous les domaines (ministres, membres du comité central du FLN, walis, directeurs généraux de banques et de sociétés d'Etat, ambassadeurs, etc.) et les remplacer par des éléments acquis à sa cause.

    b) Sur le plan externe
    Sur le plan externe, Belkheir, investi de la confiance totale du chef de l'Etat, réussit à avoir la prééminence des relations extérieures notamment avec la France, l'Arabie Séoudite et le Maroc aux dépens du ministre des Affaires étrangères. Le Premier Ministre ainsi que tous les ministres concernés par des dossiers de coopération avec ces trois pays le savent. Ses relations officielles et officieuses avec la France sont spécifiques et très denses. Au fil des années, il devient le passage obligé pour les relations politiques, diplomatiques, économiques, militaires, sécuritaires et souterraines157 avec la France. Ses relations avec les différents milieux français sont très fréquentes, d'après les informations dont je dispose. Ses interlocuteurs privilégiés se trouvent au Palais de l'Elysée (Présidence de la République française) et à la place Beauveau (ministère de l'Intérieur) où il entretient des relations suivies. De nombreux faits et indices suggèrent que les relations multiformes de Belkheir avec les différents centres de décision français sont asymétriques et jouent en faveur des intérêts français en Algérie. En effet, il semble que de nombreux moyens sont utilisés du côté français pour infléchir l'action de l'Algérie dans différents domaines. Cela va du chatouillement de l'amour-propre et de l'orgueil des dirigeants algériens à la manipulation des faits pour orienter les décideurs algériens dans le sens souhaité par les milieux français non seulement dans le domaine extérieur, mais également dans le domaine intérieur.

    157 Par « relations souterraines », nous entendons des relations avec certains services spéciaux français, connus pour leur mentalité colonialiste et leur comportement anti-algérien.

    L'extension du rôle de Belkheir dans les rouages de l'Etat et les succès enregistrés au profit de son clan au fil des années aiguisent son ambition. C'est ainsi qu'après les événements d'octobre 1988, il passe à l'offensive.

    9.1.2.2. L'offensive du clan Belkheir
    L'action offensive de ce clan a été quelque peu perturbée, mais pas jugulée, par la nomination du gouvernement Hamrouche en septembre 1989. Dans l'intervalle, ce clan s'est attelé à procéder à des changements au sein de l'armée. En effet, l'élimination du généralmajor Mostefa Beloucif en novembre 1986 a inauguré une nouvelle phase caractérisée par la domination progressive de l'ANP, au plus haut niveau, par des « déserteurs » de l'armée française, rompant le fragile équilibre entre ces derniers et les généraux nationalistes, anciens maquisards. La nomination du général Khaled Nezzar comme chef d'état-major en 1989, en remplacement du général-major Abdallah Belhouchet, a accéléré ce processus.

    a) Les changements au sommet de la hiérarchie miltaire
    L'année 1989 marque un tournant dans le rôle de l'ANP dans le domaine politique. Dès 1962, l'emprise de l'armée sur le pouvoir politique est confirmé dans les faits. C'est l'ALN, devenue ANP, qui a installé Ben Bella aux commandes du jeune Etat en 1962. C'est aussi elle qui l'a destitué en 1965. Entre 1965 et 1978, Boumediène dominait seul la scène politique en représentant à la fois l'armée, l'Etat et le FLN. Durant cette période, l'armée n'était pas impliquée, en tant qu'institution, dans la gestion des affaires politiques du pays. Les missions de l'ANP, définies par la Charte Nationale, consistaient à :

    • « défendre l'intégrité du territoire et l'intangibilité de ses frontières ;

    • défendre la Révolution socialiste ;

    • contribuer au développement du pays et à l'édification d'une société nouvelle »158.

    158 National Charter, édition Minisrty of Culture and Information, 1981, p. 90. Traduction de l'auteur.

    Mais la présence des militaires dans les rouages de l'Etat s'est faite dans un cadre institutionnel. La politique intérieure et extérieure étaient du domaine du Président Boumediène, seul. Entre 1979 et 1988, la mainmise de l'armée et des services de sécurité sur l'Etat et sur le FLN s'est faite avec la bénédiction du Président Chadli de manière également institutionnelle. Le rôle des militaires et des services de sécurité dans le fonctionnement des appareils de l'Etat et du FLN s'est considérablement accru au cours de cette période.

    L'adoption de la nouvelle Constitution le 23 février 1989 a été suivie le 4 mars 1989 par le retrait des militaires du comité central et de la direction du FLN. Ce retrait a été justifié officiellement par le respect de l'armée du multipartisme et du processus de démocratisation. Mais les événements montreront que ce retrait n'a été ni neutre ni innocent. Il consacrait en fait une coupure avec la période antérieure où l'armée respectait et défendait les choix politiques et idéologiques du pays. Désormais, les généraux « déserteurs » de l'armée française, mentalement colonisés, allaient s'orienter vers une politique caractérisée par l'islamophobie et par leur haine de l'arabophonie en se situant aux antipodes des constantes nationales et des composantes de la personnalité algérienne affirmées par toutes les Constitutions de l'Algérie depuis 1963. Pour avoir les mains libres, ces généraux, représentant un courant politique minoritaire, ont conforté leurs positions au sein de l'armée entre 1988 et 1990 en persuadant le Président Chadli à procéder à certaines nominations et mises à la retraite dont les victimes étaient des généraux qui n'appartenaient pas à leur mouvance ou à accepter la démission de certains généraux nationalistes. C'est ainsi qu'en 1988 il a été procédé aux changements suivants :

    • le général Medjdoub Lakhal Ayat, mis à la retraite ;
    • le général Mohamed Alleg, mis à la retraite ;
    • le général Ali Bouhadja, mis à la retraite ;
    • le général El Hachemi Hadjeres, mis à la retraite et affecté au secrétariat du FLN ;
    • le général Hocine Ben Maalem, affecté à la Présidence de la République ;
    • le général Larbi Si Lahcène, mis à la retraite et nommé ambassadeur ;
    • le général Zine El Abidine Hachichi, mis à la retraite et nommé ambassadeur.

    Ce mouvement, qui n'a affecté que les anciens maquisards, a été suivi en 1989 par le départ des généraux nationalistes suivants :

    • le général-major Abdallah Belhouchet, chef d'état-major, mis à la retraite ;
    • le général Kamel Abderrahim, sous-chef d'état-major, démissionne à la suite de la nomination du général Khaled Nezzar au poste de chef d'état-major dont il ne partage pas la conception de défense nationale et de fonctionnement de l'armée. Sa démission est acceptée. Il fait prévaloir ses droits à la retraite ;
    • le général Liamine Zeroual, sous-chef d'état-major démissionne après un désaccord avec le général Khaled Nezzar sur la réorganisation de l'armée. Il est mis à la retraite et est nommé ambassadeur ;
    • le général Abdelmadjid Chérif, mis à la retraite à la suite d'une réflexion faite sur le général Khaled Nezzar en présence du colonel Hartani, alors directeur de l'hôpital de Aïn Naadja, à Alger.

    En 1990, le général Mohamed Ataïlia a démissionné à la suite des instructions obstructionnistes données par le général Khaled Nezzar (qui venait d'être nommé ministre de la Défense) aux chefs des Régions militaires pour l'empêcher de mener correctement sa mission d'inspecteur général des armées159.
    Parallèlement, il a été procédé à la nomination des « déserteurs » de l'armée française aux postes suivants :

    • le général Khaled Nezzar, nommé chef d'état-major en 1989, puis ministre de la Défense en 1990 ;
    • le général Abdelmalek Guenaizia, nommé chef d'état-major en 1990, en remplacement du général Khaled Nezzar ;

    159 Cf. L'interview donnée par le général Atailia au quotidien londonnien en langue arabe Al Hayat du 25 mars 2000.

    • le général Mohamed Touati, (proche du parti RCD), nommé conseiller du ministre de la Défense en 1990, poste qu'il occupe encore en 2000 ;
    • le général Abbes Ghazaiel, nommé commandant de la Gendarmerie nationale en 1988 ;
    • le colonel Mohamed Mediene160, nommé responsable de la Sécurité militaire en 1989, fonction qu'il occupe encore en 2000 ;
    • le général Mohamed Lamari a connu une ascension fulgurante à partir de 1989, date de mise à la retraite des généraux nationalistes cités plus haut. Il a été très actif dans la répression des émeutes d'octobre 1988. En 1992, il a créé et dirigé les troupes spéciales chargées de lutter contre les islamistes armés. Il est connu pour sa répression implacable du mouvement islamiste. En 1993 il est nommé chef d'état-major, poste qu'il occupe jusqu'à ce jour (au moment où ces lignes sont rédigées).

    Ces remaniements au sommet de la hiérarchie militaire, dont Larbi Belkheir et Khaled Nezzar étaient les inspirateurs, constituaient une étape décisive vers le coup d'Etat et avaient été suivis par d'autres changements dont nous parlerons plus bas. A travers ces changements, les généraux de hizb França, représentant un courant très minoritaire, visaient à dominer sans partage l'armée et à l'utiliser comme instrument d'une politique répressive et policière, loin des constantes nationales et de l'intérêt général du pays.
    Mais le succès politique imprévu du Front Islamique du Salut (FIS) sur le terrain en 1990 et 1991 a excité l'ardeur du clan de ces généraux, culturellement aliénés, à accélérer les choses et à passer à l'offensive.
    Partisan de la manière forte, le clan Belkheir accuse le gouvernement Hamrouche de laxisme et de mollesse face à la montée du « péril islamique ». Quelques exemples permettent d'illustrer la na
    160 Bien que le général Mohammed Mediene n'ait pas fait l'armée française, il fait partie du clan des « déserteurs » par affinité politique et déracinement culturel, et en est un membre acharné et très actif.

    ture de cette offensive pour s'emparer du pouvoir, en faisant tout pour empêcher le FIS d'accéder au pouvoir démocratiquement.

    b) Elections communales
    Au lendemain des élections municipales de juin 1990, les généraux « déserteurs » de l'armée française ont été surpris par la victoire du FIS qui a remporté 55% des communes du pays. C'est à ce moment-là qu'une réunion regroupant les généraux Khaled Nezzar, chef d'état-major, Mostepha Cheloufi, secrétaire général du ministère de la Défense, Abbas Gheziel, commandant de la Gendarmerie nationale, et Mohamed Mediene alias Toufik, responsable de la Sécurité militaire, a eu lieu autour de Belkheir, au siège de la Présidence de la République, mais à l'insu du chef de l'Etat. Leurs discussions sur le succès inattendu du FIS et sur l'avenir immédiat du pays ont abouti à l'adoption d'un plan d'action destiné à empêcher le FIS d'arriver au pouvoir par la voie des urnes.
    Ils ont convenu d'essayer de convaincre le Président Chadli si-non d'annuler purement et simplement l'organisation des élections législatives prévues pour le premier trimestre 1991, du moins en différer la date pour gagner du temps. Enfin, ils ont conclu que si les élections législatives ont lieu malgré tout, ils préféreraient « transformer l'Algérie en un lac de sang que d'accepter une Assemblée Nationale dominée par le FIS »161. C'est ainsi que la préparation d'un coup d'Etat a commencé.
    Ils ont, en effet, réussi à faire différer trois fois la date de ces élections, malgré l'engagement public du chef de l'Etat sur des dates précises. Mais ils n'ont pu faire reporter la date du 26 décembre 1991, date à laquelle les élections législatives ont finalement eu lieu. La suite est connue.

    c) Mesures destinées à gêner le fonctionnement des municipalités dirigées par le FIS
    Belkheir et ses acolytes ont réussi à convaincre le gouvernement Hamrouche de prendre des mesures d'ordre administratif et régle
    161 Ces informations m'ont été communiquées le lendemain de cette fameuse réunion par un cadre supérieur dont je ne peux dévoiler le nom et les fonctions pour des raisons de sécurité.

    mentaire destinées à gêner les activités des élus du FIS au niveau des municipalités.
    Dans ce cadre, des mesures réglementaires ont été arrêtées tendant à réduire les prérogatives des maires élus du FIS au profit des secrétaires généraux des mairies, leurs subordonnés, et au profit des chefs de daïra, tuteurs des mairies de leur circonscription administrative. Les élus du FIS se sont ainsi trouvés pris en sandwich entre de simples agents administratifs de la mairie et le chef de daïra, chargé de la tutelle des mairies. D'autre part, pour geler carrément l'action du FIS au niveau local, d'autres mesures ont été prises telles que celle tendant à réduire considérablement le budget ou à bloquer purement et simplement les crédits alloués aux municipalités contrôlées par le FIS.

    d) Multiplication des provocations du FIS
    Parmi les multiples provocations entreprises par Belkheir et les généraux du clan pour intimider les islamistes et les humilier en vue d'affaiblir politiquement le FIS, citons quelques exemples significatifs.
    D'abord, une vague de répression s'est abattue sur les dirigeants et les militants du FIS, notamment à l'occasion de la grève décidée par ce parti en juin 1991. Les autorités militaires ont envoyé, avant l'aube, des troupes à la place des Martyrs, à Alger, en tirant sur de paisibles manifestants qui y ont organisé un sit-in pacifique la veille. De nombreux manifestants ont été tués et d'autres grièvement blessés. Le syndicat créé par des islamistes, proches du FIS, a été dissous. Des milliers de responsables et de militants du FIS ont été licenciés pour fait de grève et un grand nombre d'entre eux ont été arrêtés par voie administrative. Cette vague de répression a été couronnée par l'arrestation en juin 1991 de Abassi Madani et de Ali Belhadj, respectivement président et vice-président du FIS, à la suite d'un voyage secret qu'aurait entrepris Belkheir à Paris.

    D'autre part, une grande publicité dans les médias a été donnée à une circulaire du ministère de la Défense imposant des restrictions sévères au personnel civil employés dans différents organismes placés sous la tutelle de ce ministère, y compris les hôpitaux, en interdisant aux hommes le port de la barbe et aux femmes le port du foulard, sous peine de licenciement.
    Enfin, une série de perquisitions ont été entreprises dans des mosquées par l'armée162. On a même vu des soldats fouler aux pieds le Coran, lors de telles perquisitions. De telles pratiques haineuses et détestables sont complètement étrangères aux mœurs des Algériens. Du jamais vu.

    e) Démission du gouvernement Hamrouche
    C'est dans ce climat de terreur, de violence et de violations de la Constitution, des lois, des droits de l'homme et des libertés fondamentales que Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense, et Belkheir ont réussi à obtenir du Président Chadli la proclamation de l'état d'urgence. Ils ont pu également arracher du chef de l'Etat la décision de démettre le gouvernement Hamrouche, lui repro-chant manque de fermeté et laxisme. La démission de ce dernier est annoncée le 4 juin 1991, alors que le Président Chadli venait de confirmer publiquement son soutien à Hamrouche le 2 juin. Ils ont aussi pu obtenir la décision de reporter pour la troisième fois les élections législatives prévues pour le 27 juin 1991.
    La désignation de Ghozali comme Premier Ministre consacre la victoire de Belkheir, de Nezzar et du clan hizb França et constitue une étape décisive vers la prise du pouvoir, tout le pouvoir, qui se concrétise avec le coup d'Etat de janvier 1992.

    9.2. Le coup d'Etat de janvier 1992 : coup d'envoi d'une longue période de violence

    Lorsque le FIS a remporté 188 sièges sur 220 au premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991, tandis qu'il reste bien placé pour le second tour, l'armée a pris le pouvoir en déposant le Président Chadli Bendjedid et en annulant purement et simplement les élections.
    Les généraux de hizb França ont justifié leur coup d'Etat par les arguments suivants :
    162 Source : Entretien que j'ai eu avec l'imam de la mosquée en question.

    1) Le FIS veut s'emparer du pouvoir par la force (sic).

    2) Si le FIS arrivait au pouvoir, il ne respecterait ni la Constitution, ni les lois et ruinerait le pays politiquement et économiquement.

    3) La nécessité d'assurer l'ordre et de rétablir l'autorité de l'Etat.

    4) La nécessité d'organiser le décollage économique et de lutter contre le chômage.

    Que s'est il passé en fait après le coup d'Etat ?
    Force est de constater que les généraux putschistes qui ne disposaient ni de la légitimité historique, ni de la légitimité populaire, ni de la légalité constitutionnelle, avaient pris le pouvoir par la force, en recourant à la répression et à la terreur, dans l'impunité et au mépris de la Constitution, des lois nationales et des conventions internationales, notamment celles relatives aux droits de l'homme, signées d'ailleurs par l'Algérie. L'insécurité s'était largement répandue au fil des années à l'ensemble du pays où l'autorité de l'Etat s'était évanouie. La situation politique, économique et sociale s'était lamentablement détériorée au cours de la décennie 1990, comme nous allons le voir plus bas dans le détail.
    A l'intérieur, les généraux putschistes comptent sur deux choses pour réussir : d'une part, sur la force pour mater les gens qui pen-sent différemment d'eux en luttant par les armes contre les idées et les convictions politiques des citoyens et, d'autre part, sur la promesse de vente de 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud faite par Ghozali (qu'ils ont gardé comme Premier Ministre après le coup d'État) pour éponger la dette extérieure et lancer un grand programme de travaux publics destiné à résorber le chômage. Ils pensaient pouvoir de cette manière renverser le soutien populaire en leur faveur en deux ans (délai qu'ils se sont fixés euxmêmes et qui correspond à la fin du mandat du Président Chadli) et acquérir ainsi la légitimité, pour justifier leur maintien au pouvoir.
    A l'extérieur, la junte compte sur l'appui politique, diplomatique, financier et militaire de la France. Voyons maintenant de plus près ces trois points.


    9.2.1. L'implication de la France dans la crise algérienne
    Il convient tout d'abord de rappeler que Mitterand, alors Président de la République, était ministre de l'Intérieur en novembre 1954, lorsqu'il a déclaré que la seule négociation possible avec le FLN était « la guerre par tous les moyens », et que Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur entre 1993 et 1995, connu pour son soutien massif aux putschistes algériens, était impliqué dans notre guerre de libération comme parachutiste dans l'armée française. Edouard Balladur, alors Premier Ministre, confie à Pasqua et non au ministre des Affaires étrangères « le dossier de l'Algérie », considérant la crise algérienne comme une affaire intérieure française. Pasqua recrute à cet effet, comme conseiller spécial pour l'Algérie, Jean-Claude Marchiani, ancien parachutiste qui a lutté contre la libération de l'Algérie. Il est assisté dans cette tâche par des pieds noirs, dont certains étaient membres de l'OAS (organisation armée secrète), connue pour ses crimes contre des Algériens innocents et pour ses activités destructrices à la veille de l'indépendance de l'Algérie. Ce groupe de responsables français qui a une forte présence dans l'administration française, notamment dans les services de sécurité, profite de la crise algérienne pour prendre leur revanche et d'entreprendre, par l'entremise de généraux algériens, anciens éléments de l'armée française, la sale besogne qu'ils ne pouvaient achever eux-mêmes durant notre guerre de libération nationale163.

    Quelques exemples permettent d'illustrer l'implication de la France dans la crise algérienne.

    • Nous avons la preuve d'une conversation téléphonique, la veille du coup d'Etat de janvier 1992, entre le Président Mitterand et le général Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense, durant laquelle le Président français suggère à Nezzar de garantir au Président Chadli la vie sauve, en lui témoignant sa « compassion » et en lui promettant de l'aide164.
    163 A titre d'exemple, cf. Benoist Rey, Les égorgeurs. Guerre d'Algérie, chronique d'un appelé, 1959-1960 (Paris: Monde librairie-Los Solidarios, 1999). Ce livre, plusieurs fois censuré et interdit de paraître en France, donne une idée sur des crimes abominables commis par des militaires français en Algérie au cours de la guerre de libération..
    164 C'est le capitaine Haroun, ancien officier de la sécurité militaire, qui a révélé le contenu de cette conversation téléphonique, dans son témoignage devant la Commission des droits de l'homme du Parlement britannique (House of Common) le 22 janvier 1998 à Londres.

    • Depuis le coup d'État, la France qui prêche la démocratie en Afrique depuis le sommet franco-africain de La Beaule a fourni au régime militaire algérien un soutien, certes discret mais sans faille dans les domaines politique, diplomatique, militaire et économique. Le rééchelonnement de la dette extérieure n'a obtenu l'aval du FMI en 1994 qu'avec le soutien de la France qui s'est chargée de vaincre les réticences et les résistances des Etats-Unis et de la Grande Bretagne en particulier.
    • Entre 1992 et 2000, les médias français soutiennent franchement le régime dictatorial algérien. D'ailleurs, seuls les « éradicateurs » algériens et leurs représentants français, champions de la désinformation, sont invités à s'exprimer sur la crise algérienne en leur permettant de s'adresser à l'opinion publique française, européenne et internationale, sans donner la moindre occasion aux réconciliateurs d'exprimer leurs points de vue même s'ils représentent l'écrasante majorité du peuple algérien.

    • La France s'est prononcée publiquement contre la constitution d'une commission d'investigation internationale pour enquêter sur les massacres collectifs commis par des unités spéciales de répression et par des milices créées par le régime à Médéa, Rais, Ben Talha, Beni Messous, Relizane, etc. en 1997 et 1998, et sur les violations des droits de l'homme : torture, enlèvements, exécutions extrajudiciaires, etc. D'autre part, la France a fait du lobbying à Genève pour éviter toute résolution condamnant les violations des droits de l'homme par le gouvernement algérien durant les travaux de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, lors de sa session de mars-avril 1998 et de celle de juillet 1998165.

    Aujourd'hui chacun peut s'apercevoir que l'Algérie a perdu le prestige qu'elle a acquis durant 132 ans de résistance, dont près de 60 ans de guerre contre le colonialisme français (entre 1830 et 1881, puis entre 1954 et 1962).

    165 Source : Joe Stork, Director of Advocacy-Middle East, Human Rights Watch, Washington D.C., qui a assisté aux travaux de la dite Commission des Nations Unies à Genève.

    Il est évident que la France est en train de reconquérir l'Algérie par d'autres moyens que ceux du colonialisme du siècle dernier. La France assure massivement son assistance militaire et la vente d'armes et d'équipements sophistiqués au régime militaire algérien pour renforcer le clan éradicateur et anti-démocrate en Algérie. Elle essaie, par l'entremise des généraux éradicateurs, d'alimenter une politique franchement hostile à la civilisation arabomusulmane dans laquelle se reconnaît le peuple algérien dans sa quasi totalité pour ramener l'Algérie au club de la francophonie166. La francophonie est devenue une idéologie pour reconquérir culturellement et économiquement les colonies perdues.
    Or l'Histoire nous enseigne que le colonialisme français s'était caractérisé en Algérie par une répression militaire, politique, économique et culturelle aveugle durant 132 ans. Cette répression multiforme était sanglante, farouche et inhumaine et fut suivie par une guerre sauvage contre le peuple algérien entre 1954 et 1962.

    Au lieu de payer des réparations à l'Algérie pour les innombrables crimes commis (des millions d'Algériens tués au cours du XIXème siècle et un million et demi de martyrs pour la seule période 1954-1962), les expropriations d'Algériens, ainsi que les di-verses destructions matérielles au cours de 132 ans d'occupation, certains milieux français font prévaloir cette période de sinistre mémoire et leurs préjugés pour s'octroyer des droits et la tutelle sur l'Algérie. Si des Français osent le faire au grand jour depuis 1992 c'est qu'ils bénéficient de la complicité d'Algériens, qui ne sont autres que les anciens éléments de l'armée française, qui contrôlent sans partage l'armée algérienne notamment depuis le coup d'Etat de janvier 1992, et ce, pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie.
    La seule différence entre ces quelques généraux algériens et Mobutu, c'est que la Belgique a réussi à faire promouvoir Mobutu du grade de sergent-chef, grade qu'il avait à l'indépendance du Congo, au grade de général en deux ans, pour devenir chef d'étatmajor au terme de la troisième année et chef d'Etat au bout de la

    166 Il convient de noter, dans ce cadre, que pour la première fois depuis l'indépendance (1962), le ministre des affaires étrangères algérien assiste à la réunion ministérielle de suivi de la conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France, tenue à Paris le 7 décembre 1999.

    quatrième année pour régner en dictateur et pour ruiner son pays. Pour la France, la promotion de sous-officiers et de souslieutenants algériens ayant opéré dans les rangs de l'armée française avant l'indépendance, au grade de général dans l'armée algérienne, a pris près de 30 ans. En effet, depuis 1989 et pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie, l'ANP est dirigée au plus haut niveau par des anciens éléments de l'armée française. En 1990, le ministre de la Défense, le chef d'état-major et le secrétaire général du ministère de la Défense sont des « déserteurs » de l'armée française, soutenus par d'autres généraux de la mouvance française dans des postes clés tels que le responsable de la sécurité militaire et son adjoint, le sous-chef d'état-major chargé des forces terrestres ainsi que le conseiller du ministre de la Défense. Ces deux derniers ont « déserté » l'armée française en 1961, à quelques mois seulement du cessez-le-feu.
    C'est pourquoi le régime militaire algérien, discrètement soutenu par certains milieux français, s'oppose à la démocratie, à la transparence, à la souveraineté du peuple et à l'application de la Constitution (qui définit clairement le rôle de l'armée) pour sa sur-vie et pour la pérennité des intérêts culturels et économiques français en Algérie.

    La plupart des Algériens ont l'impression que ce qui passe en Algérie depuis le coup d'Etat de 1992 est la continuation de la guerre de libération nationale. Chacun sait en Algérie que les généraux éradicateurs constituent le prolongement de la France en Algérie.
    Politiquement et culturellement, le rêve de la France est de ramener à jamais l'Algérie sous sa domination sous le couvert de son adhésion au club de la francophonie. Autrement dit, la France essaie de renforcer ses relations politiques, économiques et militaires à son profit avec l'Algérie pour les rendre irréversibles, sous le couvert de la culture française.
    La levée de boucliers en France, et dans les milieux éradicateurs algériens, assortie d'attaques en règle contre la langue arabe des mois durant, et ce bien avant l'entrée en vigueur de la loi relative à la généralisation de l'utilisation de la langue arabe fixée au 5 juillet 1998, est à cet égard significative.

    L'assassinat du chanteur kabyle Lounes Matoub, concocté par quelques généraux, dont Mohamed Touati, Mohamed Mediene et Smail Lamari et attribué aux islamistes, intervient à ce moment précis pour provoquer, canaliser et orienter la colère de la Kabylie contre la loi sur la langue arabe167. La manœuvre cynique ainsi opérée par les milieux éradicateurs ainsi que les attaques indécentes orchestrées par le biais des médias contre le général Mohamed Betchine, ministre conseiller à la Présidence de la République a été telle qu'elle a obligé le Président Zeroual et son gouvernement à renvoyer l'application de la loi sur l'arabisation aux calendes grecques et à se séparer de son ministre conseiller.

    Les Algériens sont intoxiqués depuis le coup d'Etat de 1992 (qui a précisément gelé la loi sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe alors en vigueur) par une propagande haineuse entretenue par certains milieux français, relayée en Algérie par les médias contrôlés par les généraux éradicateurs déracinés et mentalement colonisés. Ces derniers adoptent la violence et la répression comme une politique destinée à détourner l'Histoire de son cours naturel en essayant de discréditer l'Islam et en traitant la langue arabe d'« ennemi » public. L'amalgame et l'irresponsabilité de ces milieux les poussent jusqu'à traiter les défenseurs de la langue arabe de « terroristes »168. Ces éradicateurs échoueront bien sûr tôt ou tard comme a échoué le colonialisme français dont ils constituent aujourd'hui le prolongement en Algérie. Mais entre-temps, que d'injustice, que de sang, que de crimes, que de larmes.
    Sur le plan économique, la France considère l'Algérie comme un marché captif. Dans ce cadre, l'Algérie subit des pertes substantielles à travers des opérations répétitives et juteuses. Ceci est dû à l'existence de réseaux d'intérêts français dans la hiérarchie militaire, dans l'administration algérienne et auprès de certains opérateurs économiques publics algériens qui agissent dans l'opacité. Citons deux exemples seulement à titre d'illustration :

    167 Pour l'implication de ces généraux d'orientation française dans l'assassinat de Lounes Matoub, cf. Les révélations faites par « le mouvement algérien des officiers libres » sur Internet, www.anp.org. Cf. aussi le quotidien français Libération du 26 janvier 2000.
    168 Cf. les quotidiens El Watan, Le Matin et Liberté dans leurs différentes livraisons de juin et juillet 1998.

    • Importation des médicaments
    L'Algérie couvre la quasi-totalité de ses besoins pharmaceutiques par l'importation de France de médicaments, souvent périmés, à des prix beaucoup plus élevés que ceux du marché mondial. Il y a toujours eu, de manière récurrente, des scandales étouffés dans ce domaine entre 1970 et 2000. La perte subie par l'Algérie est double : le surcoût non justifié des produits importés et le nonremplacement des quantités fort importantes des médicaments périmés qui sont systématiquement détruits.
    Dans ce contexte, les milieux officiels algériens affirment, en août 1996, que le ministre de la Santé vient d'annuler un contrat avec une firme française parce que les prix des médicaments importés dépassent de 65% non pas les prix internationaux mais les prix habituellement pratiqués par la même entreprise française et que cette situation dure depuis 1994169.

    • Importation de céréales
    L'importation massive de céréales de France depuis le coup d'Etat de 1992 se traduit par un surcoût supérieur à 30%. Ce surcoût est le résultat de la conjugaison d'un prix plus élevé que le cours mondial des céréales et des conditions financières élevées des crédits commerciaux consentis à cet effet.
    Lorsque l'on sait que les importations algériennes en provenance de la France atteignent 34% de ses importations totales au cours des années 1990 contre 17% au cours de la décennie 1980 et que si l'on inclut les importations informelles, les importations de France dépassent aujourd'hui 50% des importations totales algériennes, on se rend mieux compte des dommages commerciaux et financiers causés à l'Algérie au moment où l'Algérie a tant besoin des devises. On comprend ainsi mieux pourquoi certains milieux à Alger, et à Paris, sont contre la démocratie et contre la transparence en Algérie.
    169 L'information a été donnée par la télévision algérienne le 6 août 1996 dans le journal télévisé à 20 heures locales. Mais aucune suite n'a été donnée à ces dépassements, comme hier et comme demain tant que le même régime est en place.

    D'autre part, certains dirigeants français répètent de temps à autre entre 1993 et 1997 que le rôle de la France en Algérie se limite à « l'aide économique » qu'elle apporte au pouvoir actuel pour surmonter les difficultés aiguës auxquelles il fait face et affirment que cette « aide est destinée au peuple algérien » (sic). Ces déclarations inspirent deux brefs commentaires :

    • « L'aide économique » dont parlent ces dirigeants n'est pas une « aide » destinée à l'Algérie, mais une aide à l'économie française. Chacun sait, en effet, que les crédits français à l'Algérie sont des crédits liés pour acheter uniquement des produits français. Et à quels prix.

    • La meilleure aide que la France pourrait apporter au peuple algérien est de ne pas intervenir, par généraux éradicateurs interposés, dans ses affaires internes pour laisser la démocratie s'exercer en Algérie et pour lui permettre de choisir librement et honnêtement les dirigeants en qui il a confiance. L'Algérie n'a besoin ni de tutelle, ni de courtiers. Le meilleur service que la France pourrait rendre à l'Algérie est qu'elle accepte que les relations économiques bilatérales soient équilibrées et transparentes et que soient pris en compte les intérêts des deux pays dans le cadre de la compétition internationale.

    Il ne saurait y avoir de stabilité en Algérie et dans toute la région sans retour à la souveraineté populaire et son respect. Mais le res-sentiment de certains milieux français à l'égard de l'Algérie trouble leur rationalité comme le fer perturbe la boussole.
    La fidélité des généraux éradicateurs à l'ancienne puissance coloniale est telle que, depuis 1992, ils ont eu recours aux mêmes méthodes que l'armée coloniale utilisait contre le peuple algérien du-rant la guerre de libération.

     

    9.2.2. Retour aux méthodes coloniales
    9.2.2.1. Similitude de l'approche du régime algérien depuis 1992 et de celle des autorités coloniales françaises
    Dans leur lutte contre la mouvance islamique, les généraux d'orientation française et leurs représentants dans les gouvernements Ghozali, Abdeslam, Malek, etc. et dans la presse utilisent les mêmes méthodes, voire les mêmes concepts et les mêmes mots que l'armée coloniale durant la guerre de libération entre 1954 et 1962 : action psychologique à travers la désinformation et l'intoxication, politique de la terre brûlée, quadrillage, ratissages, utilisation du napalm lors des attaques aériennes des maquis, des forêts incendiées, constitution de groupes d'autodéfense, création des brigades de la mort, assassinats de personnalités politiques, ouverture de camps d'internement dans le grand Sud algérien, torture, exécutions sommaires, enlèvements nocturnes, massacres collectifs d'Algériens innocents, exode de populations rurales pauvres vers des lieux considérés plus sûrs, etc.

    Les adversaires politiques de l'ordre établi sont traités de terroristes et d'éléments subversifs et sont privés des droits de l'homme les plus élémentaires.
    L'aveuglement dans le mimétisme du pouvoir colonial a poussé certains responsables éradicateurs comme Salim Saadi, alors ministre de l'Intérieur, à déclarer, en mars 1994, la « guerre implacable » aux islamistes, rappelant étrangement la déclaration que François Mitterand, alors ministre de l'Intérieur, a faite en novembre 1954 en affirmant que la seule négociation avec le FLN c'est « la guerre par tous les moyens ». La seule différence entre ces deux déclarations à 40 ans d'intervalle, c'est que Mitterand défendait « l'Algérie française » et que Salim Saadi milite pour la francisation de l'Algérie arabo-musulmane. Ceci montre bien que la nature de la lutte qui oppose le régime éradicateur algérien non pas aux islamistes seulement, mais aussi à la majorité écrasante du peuple algérien, est d'essence civilisationnelle.
    L'appareil de l'Etat et des services de sécurité sont encadrés et dominés par des éléments de hizb França très minoritaires dans l'Algérie d'aujourd'hui comme l'étaient hier les représentants du colonialisme français avant l'indépendance.

    9.2.2.2. Primauté de l'économique pour occulter des problèmes politiques aigus
    En 1992, le Haut Comité d'Etat considère, comme l'a fait la France en 1954, que le problème n'est pas politique mais essentiellement économique. Les Français disaient hier que les « Français Musulmans » ont besoin de pain et non de politique et niaient la soif de liberté et d'indépendance des Algériens. Les généraux éradicateurs d'obédience française affirment depuis 1992 que c'est le chômage qui est la cause du gonflement des rangs du FIS et nient la soif de démocratie et de justice sociale des Algériens.

    Pour mettre en échec le FLN et l'ALN, le général De Gaulle annonce en 1958 le « Plan de Constantine » comportant un programme d'investissements destiné à lutter contre le chômage. En 1992, le programme économique de la junte consiste à réaliser le rêve de Ghozali, alors Premier Ministre, de vendre 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud pour 6 à 7 milliards de dollars. Ces sommes permettraient de réduire la dette extérieure du pays et de lancer un vaste programme de construction d'un million de logements pour lutter contre le chômage, résorber la crise de logement et saper ainsi à la base le soutien des jeunes au FIS. Les généraux éradicateurs pensaient pouvoir renverser le soutien populaire en leur faveur et disposer ainsi de la légitimité pour justifier leur maintien au pouvoir. Les résultats sont éloquents : les généraux éradicateurs sont toujours au pouvoir (même si l'Algérie a eu entre 1992 et 2000 quatre chefs d'Etat et six Premiers Ministres), en fourvoyant le pays dans l'impasse avec l'accroissement sans précédent du chômage et le pourrissement grave de la crise politique.

    9.2.2.3. Les menaces proviennent de l'extérieur
    Entre 1954 et 1962, la France accusait « l'extérieur » et notamment l'Egypte d'aider les « rebelles et les terroristes » algériens. Depuis 1992, les généraux éradicateurs et leurs gouvernements successifs accusent « l'extérieur » et notamment l'Iran et le Soudan d'aider les « terroristes » islamiques. Et comme pour accréditer ses accusations, le régime algérien a rompu ses relations diplomatiques avec ces deux pays.

    9.2.2.4. Institutionnalisation de la violence
    En 1956, le Parlement français vote les pouvoirs spéciaux pour permettre au gouvernement Guy Mollet de renforcer la répression contre le peuple algérien. En 1992, le Haut Comité d'Etat déclare l'état d'urgence, d'ailleurs toujours en vigueur en décembre 1999. Les mesures de répression sont aggravées par le décret du 30 septembre 1992, copie aggravée du décret du 14 août 1941 pris par le gouvernement de Vichy170.
    Comme la violation de la Constitution et des lois en vigueur ne lui paraît pas suffisante pour « maîtriser » la situation sur le terrain, le régime algérien a excellé dans la violation des droits fondamentaux de l'homme : arrestations massives et arbitraires d'innocents parmi lesquels des élus municipaux, de nouveaux élus à l'Assemblée Nationale (élus au premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991), des professeurs, des ingénieurs, des médecins, des avocats, des commerçants et des étudiants envoyés sans jugement dans des camps d'internement ou jetés dans des prisons dans des conditions de détention inhumaines.

    9.2.2.5. La mouvance nationaliste et islamique sont « contre l'intelligence »
    Une vaste campagne est organisée depuis le coup d'Etat de 1992 par le régime algérien et par la presse française tendant à présenter les généraux de hizb França comme le parti des intellectuels et le FIS et les nationalistes comme le parti de l'obscurantisme et l'ennemi de l'intelligence. Le peuple algérien ne croit pas dans sa majorité à de telles assertions mensongères, comme il a rejeté des allégations du même type exprimées par le pouvoir colonial à l'égard du FLN et de l'ALN entre 1954 et 1962. Car, tout le monde sait que des intellectuels (médecins, avocats, professeurs, étudiants, etc.) sont injustement arrêtés, internés des années durant sans jugement, torturés, voire exécutés par des services de sécurité depuis 1992, comme l'ont été leurs aînés par l'armée française pendant la guerre de libération.

    La répression culturelle (contre la langue arabe pendant la période coloniale et contre la langue arabe et les langues étrangères autres que le français par hizb França) et le ridicule ont été poussés par l'administration algérienne au point où l'équivalence des PhD (doctorat) obtenus aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, fussentils de Harvard, MIT, Oxford ou Cambridge, ne sont pas automatiquement reconnus comme les diplômes français. Des enseignants

    170 Cf. J. Vergès, Lettre ouverte à des amis algériens devenus tortionnaires, p. 27 (Paris: Albin Michel, 1993).

    d'universités attendent jusqu'à 8 ans et davantage pour voir leur PhD reconnu par les autorités universitaires et administratives algériennes.

    9.2.2.6. « Après nous le déluge »
    En 1960-61, le général De Gaulle, relayé par la presse française, répétait que si l'Algérie choisit l'indépendance, ce sera le chaos. Depuis 1992, les généraux éradicateurs et leurs représentants dans les médias algériens et français soutiennent que si les islamistes arrivent au pouvoir, même démocratiquement, ce sera la guerre civile, ce sera l'Afghanistan. Etrange similitude dans l'art de l'amalgame et de la confusion.
    Le rappel de ces quelques vérités illustre bien le caractère sousjacent de la crise civilisationnelle qui sous-tend la crise politique. L'appareil administratif répressif et le système éducatif tronqué hérités de la période coloniale ont compliqué la situation conflictuelle en Algérie entre une minorité mentalement colonisée, amarrée à la France et qui détient le pouvoir par la force d'une part et, la majorité écrasante du peuple qui aspire à des changements profonds du système d'une manière démocratique d'autre part.

    9.2.3. Le programme économique de la junte
    La primauté accordée à l'économique sur le politique par les généraux éradicateurs (qui n'ont aucun programme) justifie le maintien de Ghozali comme Premier Ministre après le coup d'Etat de janvier 1992 qu'ils considèrent capable de concevoir et mettre en œuvre un programme économique à la hauteur de la gravité des événements et avec lequel ils ont d'ailleurs beaucoup d'affinités politiques et culturelles.
    Le maigre programme économique de la junte consiste à mettre en œuvre la promesse de Ghozali, faite en été 1991, de vendre 25% des gisements de pétrole de Hassi Messaoud pour 6 à 7 milliards de dollars. Il s'agit de lancer, avec ces recettes providentielles, un vaste programme de construction d'un million de logements en quelques années pour lutter contre le chômage et résorber la crise de logement. Il s'agit aussi de réduire la dette extérieure de l'Algérie devenue un véritable boulet inhibant toute tentative de redressement économique.
    Les généraux éradicateurs espèrent ainsi surmonter la crise économique et améliorer la situation économique et sociale du pays. De tels résultats positifs leur permettraient d'obtenir l'adhésion populaire et justifier leur maintien au pouvoir.
    Quels sont en fait les tenants et aboutissants de la vente partielle de Hassi Messaoud ?

    9.2.3.1. La vente de Hassi Messaoud
    Les données techniques à la disposition de Sonatrach, élaborées par des firmes étrangères et notamment par la firme américaine De Gloyer and Mac Naughton, montrent que les réserves pétrolières récupérables de Hassi Messaoud représentent 66% des réserves de l'Algérie et estimées alors à 478 millions de tonnes. La vente de 25% de ces quantités correspond à près de 120 millions de tonnes soit autour de 960 millions de barils. Céder ces quantités à 6 ou 7 milliards de dollars comme cela a été annoncé équivaut à vendre notre pétrole aux firmes multinationales à 6 ou 7 dollars le baril au lieu du prix du marché qui fluctuait alors entre 18 et 20 dollars le baril. Cela signifie qu'une telle opération, si elle s'était réalisée, aurait privé l'Algérie de 12 à 13 milliards de dollars. Ce qui aurait représenté un transfert net de richesses considérables d'un pays pauvre vers des pays riches.

    Si l'on se place maintenant dans l'optique des déclarations de Ghozali qui estime que les réserves récupérables de Hassi Messaoud non pas à 478 millions de tonnes mais à 5 milliards de tonnes (ce que nous contestons), la vente de 25% de Hassi Messaoud serait alors de 1,25 milliard de tonnes, soit 19 milliards de barils. Le cadeau fait aux entreprises transnationales se situerait dans ce cas entre 120 et 140 milliards de dollars au prix du marché.
    De plus, l'idée de faire appel aux firmes multinationales pour exploiter à bon marché les gisements existants est en soi contestable. Ce qu'il aurait fallu encourager par contre, ce serait l'association de ces firmes étrangères dans l'exploration et la découverte de nouveaux gi

    sements pour augmenter nos réserves pétrolières en prenant des mesures incitatives appropriées.
    Par ailleurs, Ghozali affirme en 1991 que la vente de 25% de Hassi Messaoud va pouvoir assurer des recettes additionnelles de l'ordre de 140 milliards de dollars en quelques années seulement grâce à l'augmentation des exportations induites. Le temps a montré que ceci est une vue de l'esprit. Nous avons déjà démontré l'inanité de telles déclarations fantaisistes et sensationnelles171. En fait, de telles déclarations spectaculaires et sans fondement visent à anesthésier l'opinion publique nationale pour la détourner des par-tis politiques dont la popularité s'accroît de plus en plus au fur et à mesure que l'on se rapproche des élections législatives fixées au 26 décembre 1991, remportées d'ailleurs par le FIS et hâtivement annulées.

    Ces déclarations visent également à présenter Ghozali comme l'oiseau rare pour conforter les généraux éradicateurs qui l'ont fait nommer Premier Ministre. Ces déclarations visent enfin à rassurer les puissances étrangères et notamment la France en ouvrant à leurs firmes l'accès de gisements existants à très bon compte, d'une part, et en présentant l'Algérie comme un pays riche et un marché potentiel important, leur offrir des débouchés. Ils verraient ainsi leurs exportations vers l'Algérie s'accroître de manière substantielle, d'autre part.
    En fondant sa « politique économique » sur la seule vente de 25% de Hassi Messaoud, le gouvernement Ghozali soutient que seule l'accélération des exportations pétrolières sortirait l'Algérie de sa crise économique et financière et de sa situation d'endettement extérieur grave.
    En réduisant son programme économique à la seule vente du pétrole, le gouvernement occulte de ce fait les problèmes fondamentaux tels que la nécessité de développement de l'agriculture, l'organisation de l'intégration économique nationale, la relance du secteur de la construction et du bâtiment et des travaux publics, l'assainissement de l'économie, la création d'emplois, la réforme

    171 Nous avons critiqué avec détail la proposition de vente de 25% de Hassi Messaoud faite par Ghozali en son temps ; cf. Interview accordée par A.Brahimi au Jeune Indépendant, no.42 du 20-26 août 1991.Cf. aussi notre ouvrage Stratégies de développement pour l'Algérie, op. cit., pp. 348-352.

    fiscale, la réforme financière, la lutte contre la paupérisation rampante, etc. qui constituent autant de domaines urgents et cruciaux.
    Mais, malheureusement, ce n'est ni l'intérêt général, ni le développement réel de l'Algérie qui intéressent le gouvernement Ghozali et les généraux éradicateurs qui l'ont nommé. Il est clair que la vente de 25% de Hassi Messaoud s'inscrit plutôt dans la logique du « nouvel ordre mondial » déployé depuis la guerre contre l'Irak et caractérisé par le contrôle par les Etats Unis des réserves pétrolières gigantesques des pays du Golfe. Dans ce contexte, la France trouve le moment opportun pour contrôler à nouveau des gisements pétroliers algériens autrefois découverts par elle et nationalisés par l'Algérie en 1971 et en 1980. En somme, la France veut avoir son « Golfe » à elle. En effet, l'Algérie, outre sa position géopolitique stratégique, est devenue vulnérable par le poids très élevé de sa dette extérieure et constitue une cible « facile » pour les intérêts français.

    Dans ce cadre, le prêt de 100 millions de dollars consenti à la Sonatrach par la Banque mondiale avec un cofinancement à hauteur de 7,7 millions de dollars accordés par Total, société pétrolière française est très significatif. En effet, l'accord signé au début du mois d'août 1991 entre l'Algérie et le Banque mondiale sur ce prêt prévoit la « privatisation » des activités pétrolières ainsi que des conditions draconiennes de contrôle des activités de Sonatrach par la Banque mondiale. Ces conditions sont non seulement exorbitantes et disproportionnées par rapport au faible niveau du prêt et à la très forte capacité de remboursement de la Sontrach (dont les recettes extérieures tournent alors autour de 12 milliards de dollars par an), mais dérogent aux pratiques traditionnelles de la Banque mondiale.
    Le retour de l'entreprise française Total à Hassi Messaoud, dont les intérêts ont été nationalisés en 1980, semble avoir été bien organisé et bien enrobé. La vente de 25% de Hassi Messaoud, présentée comme une décision nationale salvatrice, a été en fait conçue par l'étranger et ne correspond nullement aux intérêts de l'Algérie.
    La mise en œuvre de cette politique de dénationalisation des hydrocarbures et de leur « privatisation » ainsi que l'habillage juri

    dique, financier et technique qui l'a accompagné ont donc été inspirés par l'extérieur, même si les acteurs visibles et moins visibles sont des Algériens dont certains font partie du gouvernement Ghozali.

    9.2.3.2. Relance de l'économie
    La relance économique est basée sur la privatisation déguisée des hydrocarbures. En effet, cette politique de privatisation des hydrocarbures, inaugurée par Ghozali en 1991, comme cela a été rappelée plus haut, est revenue en surface en 1995 et 1996, aboutissant à l'adoption par le gouvernement d'une nouvelle législation réglementant le secteur pétrolier et gazier. En conséquence, des contrats de « partenariat » ont été signés par Sonatrach avec 36 firmes pétrolières internationales. Les périmètres d'exploration et d'exploitation confiés à ces firmes étrangères n'excluent plus les gisements pétroliers existants comme auparavant. En effet, l'exploitation par des opérateurs étrangers de gisements déjà découverts correspond à une perte sèche pour l'Algérie et à une braderie de ressources stratégiques épuisables et non renouvelables.

    Cette nouvelle politique de privatisation déguisée172 et de liquidation des hydrocarbures est présentée par le gouvernement algérien comme un succès politique et financier international, parce que ces contrats impliquent des investissements de l'ordre de 10 milliards de dollars sur une période de 20 ans.
    S'agissant des contrats, leur impact sur l'emploi et sur la balance des paiements ne peut être que négligeable.
    D'une part, ces investissements ne représentent ni un transfert de capital à travers la Banque d'Algérie (la Banque centrale du pays), ni une injection de devises étrangères dans l'économie algérienne. Ces investissements représentent plutôt la valeur des équipements importés et utilisés par les compagnies étrangères dans les différents gisements désignés à cet effet et servent également au

    172 Les choses s'accélèrent en janvier 2000, puisque la privatisation de la Sonatrach, des banques et des compagnies d'assurances figure dans le programme du nouveau gouvernement et fait l'objet de commentaires divers de la presse algérienne. La privatisation de tels secteurs stratégiques et juteux ne se justifie nullement et correspond à une liquidation gratuite d'une bonne partie de la richesse nationale.

    paiement de différents services importés et des experts étrangers recrutés pour la circonstance.
    D'autre part, l'impact sur l'emploi est négligeable, compte tenu du niveau élevé de qualification du personnel requis, constitué essentiellement d'experts étrangers dont les salaires sont transférés à l'étranger. Le recours à la main d'œuvre algérienne non qualifiée sera forcément occasionnel et limité.
    Ainsi, les effets financiers des investissements pétroliers profitent davantage à l'étranger qu'à l'économie algérienne. Le gouvernement algérien et la presse aux ordres font l'éloge de ces contrats pétroliers et gaziers qui, disent-ils, vont contribuer à l'accroissement des exportations des hydrocarbures de l'Algérie et vont procurer au pays entre 14 et 15 milliards de dollars par an à partir de 2003.

    S'agissant de l' accroissement des exportations, l'Algérie, tenue par les accords de l'OPEP dont elle est membre, ne peut augmenter son quota à sa guise. Si elle le fait, d'autres pays suivront et les prix de pétrole chuteront automatiquement. La baisse du prix de pétrole ne peut pas être compensée par l'augmentation des quantités exportées, comme cela a été démontré sur le terrain au cours des 15 dernières années.
    S'agissant du niveau des recettes d'exportation des hydrocarbures estimé entre 14 et 15 milliards de dollars en 2003, présenté par le gouvernement en 1996 et 1997 comme un véritable boom financier, ne représente en définitive que le niveau déjà réalisé par l'Algérie entre 1979 et 1984, lorsque les revenus extérieurs procurés par les hydrocarbures variaient entre 13 et 14 milliards de dollars par an et ce, lorsque le dollar, unité de compte des transactions pétrolières, était beaucoup plus fort qu'aujourd'hui et que la population de l'Algérie ne dépassait guère 20 millions d'habitants. Ce que le gouvernement présente comme un succès financier sans précédent n'est en définitive qu'un retour au niveau des recettes d'exportation enregistré au cours de la première moitié de la décennie 1980, avec cette différence que la population algérienne se sera accrue de 12 millions en passant de 20 millions d'habitants au début des années 1980 à 32 millions en 2003. Avec le niveau des recettes d'exportation escomptées il sera impossible de satisfaire les besoins additionnels dans les domaines alimentaire, de l'emploi, des logements etc.

    Toute la politique du régime algérien est fondée sur la falsification, la désinformation et la manipulation des faits et des chiffres. Les importantes concessions faites aux firmes pétrolières étrangères au détriment de l'intérêt national sont ainsi présentées comme un succès politique et financier de l'Algérie au moment où la situation économique et sociale du pays se détériore lamentablement173.

    9.2.3.3. Détérioration de la situation économique
    La situation économique de l'Algérie s'est gravement détériorée depuis le coup d'Etat de 1992 comme en témoignent les paramètres suivants.

    • La production intérieure brute (PIB) par tête d'habitant est tombée dramatiquement de 2500 dollars par an en 1990 à 1376 dollars en 1997 pour atteindre 1661 dollars en 1998174.

    • La marginalisation continue de l'agriculture se traduit par l'augmentation des importations des produits agroalimentaires au point où celles-ci coûte au pays près de trois milliards de dollars en 1998.

    • En 1997-98, le secteur industriel public et privé hors hydrocarbures fonctionne à moins de 20% de sa capacité installée.

    • Le taux d'investissement (rapport entre l'investissement et la PIB) hors hydrocarbures observé depuis le coup d'Etat de 1992 n'a jamais été si bas au cours des trente dernières années. Une importante part des ressources financières disponibles est utilisée pour accroître les importations de biens de consommation, d'équipements militaires et d'armement. Les dépenses militaires ont considérablement augmenté au cours de la décennie rouge. Ces dépenses se sont accrues de 45% en 1994 et de 144% en 1995 pour atteindre 2 milliards de dollars en

    173 En 1996, lors des négociations de ces contrats entre Sonarach et les firmes pétrolières transnationales, « l'Algérie aux abois est en effet prête à accorder des concessions, ce qui constitue un retour en arrière comparé aux pratiques des pays du Golfe », comme le souligne Hubert Coudurier dans son ouvrage Le Monde selon Chirac, op. cit., p. 232.
    174 Cf. The Economist Intelligence Unit, London, December 1999.

    1996175. En 1998, ces dépenses ont augmenté de 100%. Tout cela au détriment des investissements productifs. Les dépenses militaires augmentent très rapidement pour répandre la terreur, tandis que la pauvreté s'étend à travers le pays résultant de l'aggravation de la situation économique.

    • L'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics s'est ralentie considérablement au point que la crise de logement est devenue explosive.

    • Le chômage, en augmentation constante, a dépassé le cap de 40% depuis 1997 et atteint 50%, voire davantage dans beau-coup de régions du pays. Le chômage frappe particulièrement les jeunes. En effet, les jeunes, âgés entre 16 et 29 ans, représentent 83% des chômeurs. Le nombre des chômeurs est passé de 1 300 000 en 1992 à plus de 3 500 000 en 1998.

    Comme les opportunités de création d'emplois sont rares, en raison de la tendance vers la baisse des taux d'investissement, le chômage va s'aggraver encore davantage pour atteindre des niveaux dramatiques au cours des prochaines années, puisqu'il augmentera à un rythme de 260 000 en moyenne par an.

    • L'inflation, résultant de l'augmentation conjuguée des prix des produits importés (causée par la dévaluation du dinar) et des coûts de production, a dépassé 40% en 1994 et autour de 32% en 1995, niveaux jamais vus depuis l'indépendance. La situation est beaucoup plus grave en réalité quand on réalise que le pouvoir d'achat des citoyens a dramatiquement baissé par rapport aux décennies 1970 et 1980 lorsque le consommateur algérien consacrait 40% de son budget aux produits alimentaires. Le niveau général des prix des produits de consommation essentiels a augmenté à un taux annuel moyen supérieur à 90% au milieu des années 1990 (200% pour le café, 120% pour le pain, 110% pour le lait, 90% pour le sucre, etc.). A tel point que le salaire d'un cadre moyen n'est plus en mesure d'assurer la couverture des besoins essentiels du ménage, pour

    175 Sources : The International Institute of Strategic Studies, Stokholm, Sweeden, 1996 ; The International Institute of Strategic Studies, London, UK, 1997.

    ne rien dire des titulaires de bas revenus et des chômeurs rongés par le dénuement et la pauvreté.

    • La dette extérieure est passée de 26 milliards de dollars en 1992 à 34 milliards en 1998 et dépasse 40 milliards de dollars, si l'on inclut la dette militaire qui est soigneusement dissimulée des statistiques officielles. La dette extérieure constitue un lourd fardeau qui va, dans le contexte économique actuel, aggraver la récession et inhiber les efforts de relance économique dans les années à venir.

    • Le contrôle des importations (dont la valeur varie entre 10 et 11 milliards de dollars par an) par une poignée d'hommes qui se sont substitués aux monopoles détenus auparavant par l'Etat et la généralisation de la corruption (estimée à 2 milliards de dollars par an) ont créé une nouvelle classe parasitaire de prédateurs qui détourne à son profit des fortunes colossales. Ceci est d'autant plus grave que le commerce extérieur représente en Algérie 65,7% de la PIB (production intérieure brute) en 1999 et 68,4% en 2000176.

    La privatisation de l'Etat et l'économie de marché dévoyée qui l'accompagne se sont traduites par une forte concentration de la richesse entre les mains d'une minorité ainsi que par la paupérisation, la pauvreté et l'exclusion sociale qui caractérisent désormais la société algérienne.
    Les promesses théâtrales de Ghozali ainsi que les promesses de relance de l'économie faites par le Président Liamine Zeroual pas-sent mais la misère matérielle et intellectuelle reste et s'aggrave au fil des années. Toute la politique du régime militaire d'orientation française est fondée sur la falsification, la désinformation et la manipulation des faits, non seulement dans les domaines politique et économique comme on vient de le voir, mais aussi et surtout dans le domaine sécuritaire qu'il privilégie en répandant la terreur.

     

    9.2.4. La politique de la terreur
    Les généraux éradicateurs s'appuient sur quelques partis politiques marginaux, des pseudo-démocrates qui ont d'ailleurs été tous éliminés lors des premières élections législatives pluralistes du pays tenues le 26 décembre 1991 et qui ont, aussitôt après la proclamation des résultats, appelé à leur annulation. Leur élimination par les urnes est tout à fait naturelle et sans surprise puisqu'ils sont coupés des masses. Pour se maintenir au pouvoir, les généraux éradicateurs comptent principalement sur l'utilisation de la force et sur la division des partis politiques représentatifs (en les infiltrant et en les manipulant par le biais des services de sécurité).

    176 Source : The Economist Intelligence Unit, London, December 1999.

    Au lendemain du coup d'Etat, la junte a engagé sa politique sécuritaire basée sur la répression tous azimuts. Des dizaines de milliers d'Algériens innocents, militants ou sympathisants du FIS, ont été arrêtés et envoyés soit en prison soit dans des camps d'internement au Sahara. La torture, les enlèvements à domicile ou au lieu de travail, les exécutions extrajudiciaires sont devenus depuis lors des pratiques quotidiennes.
    Dès la première semaine du coup d'Etat, des milliers d'officiers de l'armée, jeunes et moins jeunes, ont été mis à la retraite anticipée, parce que suspectés d'avoir des sympathies avec la mouvance islamique ou simplement parce qu'ils font la prière.
    Des unités spéciales chargées de la répression, telles que les « Ninja » ou les « escadrons de la mort », ont été mises sur pied. Leur nombre dépasse 60 000 hommes. Ils subissent un entraînement spécial, y compris le lavage de cerveau, et s'adonnent à la drogue. Les officiers encadreurs de ces unités spéciales auraient subi un stage en France.

    L'échelle de la répression s'étend vite au-delà des militants du FIS et touche pratiquement tous ceux qui osent dénoncer ou contrecarrer politiquement et pacifiquement la politique répressive du régime ou ceux qui ne pensent pas comme eux.
    Les assassinats de personnalités politiques ont été inaugurés très tôt à partir de 1992. Mohamed Boudiaf, proclamé chef d'Etat par des généraux en mal de nationalisme, a été exécuté sur leur ordre six mois seulement après parce qu'il a osé tenter de trouver une solution politique à la crise et osé s'attaquer au dossier de la corruption177. Kasdi Merbah subit le même sort parce qu'il a préconisé la réconciliation nationale et un dialogue entre le pouvoir et les partis représentatifs, y compris le FIS. De Boudiaf et Merbah à Abdelkader Hachani, assassiné en novembre 1999, en passant par le général Saidi Fodil (dont l'assassinat a été maquillé en accident de voiture), Boubekeur Belkaid, ancien ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Merbah et Abdelhak Benhamouda, alors secrétaire général de l'UGTA, les assassinats politiques reflètent la dégradation continue de la situation sécuritaire. « En Algérie, les crimes politiques ont tous conservés leur part d'ombre »178 et démontrent que la violence est une politique délibérée du pouvoir.

    La violence est, en effet, alimentée par la junte. Aux unités spéciales de répression fortes de 60 000 hommes créées en 1992, le pouvoir décide dès 1993-94 de former des milices. En même temps, les services de Sécurité militaire passent à l'offensive en créant ou en infiltrant et en manipulant les « groupes islamiques armés » (GIA)179.
    Redha Malek, alors Premier Ministre, et son ministre de l'Intérieur Salim Saadi demandent publiquement en 1993 la création de milices pour « terroriser les islamistes ». « Il est temps que la peur change de camp » déclare Redha Malek, ne faisant que paraphraser le ministre français de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua qui avait invité quelque temps auparavant les autorités algériennes à « terroriser les islamistes ».
    1) Depuis septembre 1993, les GIA, soutenus par les services de la Sécurité militaire, ont commencé à s'attaquer aux étrangers, aux journalistes et aux intellectuels. Cela a été fait pour diaboliser les islamistes et pour gagner le soutien de l'opinion publique en France et en Occident en vue de renforcer le pouvoir de la junte.

    Les Algériens disposent de preuves suffisantes dans ce domaine comme l'enlèvement des diplomates français puis leur libération, l'assassinat des Français lors de l'attaque du centre français de Ain Allah, situé à une centaine de mètres du quartier général de la sécurité militaire ou comme l'enlèvement et l'assassinat des sept moines de Tibehrine, très estimés d'ailleurs par la population et respectés par les islamistes de Médéa180, l'assassinat d'intellectuels comme le Professeur Boucebsi, Dr Boukhabza, etc., ou de journalistes tels que Tahar Djaout, Abada, Harirache et tant d'autres, ont été décidés par les services de sécurité et attribués aux islamistes.

    177 Des informations détaillées sur les généraux, dont notamment Smail Lamari, qui ont commandité l'assassinat de Mohammed Boudiaf et de Merbah ont été fournies par le « mouvement algérien des officiers libres » dans leur site sur Internet déjà cité.
    178 Cf. le quotidien français Le Monde du 25 novembre 1999.
    179 Dr. Ahmed Djedai, alors premier secrétaire du FFS, n' a pas tort d'appeler les GIA les groupes islamiques de l'armée.


    Une fois l'objectif des éradicateurs atteint en moins de deux ans avec la mobilisation des médias en France contre la mouvance islamique, les assassinats des intellectuels et des journalistes ont subitement cessé comme par enchantement.

    2) Dès 1994, au lieu de s'attaquer à des objectifs militaires et aux cercles responsables de l'annulation des élections législatives gagnées par le FIS auquel ils sont supposés appartenir, les GIA ont ciblé dès le départ l'AIS, et la base sociale du FIS.

    3) En 1994 et 1995, des compagnies entières de soldats ont déserté leurs casernes avec armes et bagages pour rejoindre des islamistes dans les montagnes de Tablat, Larba ou dans la région de Ain Oussara. Tous les déserteurs ont été exécutés par les GIA.
    Par contre, lorsque de jeunes soldats désertent leurs unités pour rejoindre les maquis islamistes où les GIA ne sont pas implantés, comme cela est arrivé dans la région de Ain Defla au mois d'avril 1995, c'est à l'armée que revient la charge de les poursuivre avec de gros moyens (infanterie, artillerie et aviation combinées en même temps) en utilisant toutes sortes d'armement, y compris le napalm importé, dont l'usage est internationalement interdit. A la suite de ces attaques, l'armée annonce avoir tué plus de « 2000 terroristes ». On annonce cela au moment où le pouvoir affirme officiellement que le nombre des « terroristes » n'excède pas 2000 sur l'ensemble du territoire. Ce qui signifie que les deux mille victimes des raids de l'armée dans la région de Ain Defla en une seule journée sont en fait des civils. Ces innocents paysans qui habitent les montagnes ont été tués parce qu'ils sont suspectés d'aider des islamistes armés et des déserteurs que l'armée n'arrive ni à localiser ni à fortiori à atteindre.

    180 Voir le témoignage de Ali Benhjar, émir de la « Rabita Al Islamia Li Da'wa wa Al Jihad », qui opère dans la région de Médéa, document dactylographié daté de juillet 1997 ; cf. aussi le quotidien Le Monde du 7&8 juin 1998.


    4) Cheikh Mohamed Saïd et Abderrezak Redjam, deux leaders du FIS, ont rejoint les GIA en compagnie de nombreux militants en mai 1994 sans savoir que les GIA sont infiltrés et manipulés par les services de sécurité. Tous sans exception ont été sauvagement égorgés par les GIA.

    5) Le cas de Antar Zouabri est frappant. Chef des GIA depuis 1996, il est décrit par la presse aux ordres comme un héros insaisissable. Maintes fois, sa mort a été annoncée officiellement par l'armée, mais chaque fois contredite sur le terrain.
    L'hebdomadaire français Paris-Match écrit, dans sa livraison du 9 octobre 1997, que les services secrets britanniques du Scotland Yard, ont été surpris de découvrir que les conversations téléphoniques entre « le siège » des GIA en Algérie et l'Egyptien soi-disant « cheikh » Hamza, leur représentant à Londres et responsable de la publication des GIA, Al-Ansar, émanaient en fait d'une caserne de l'armée algérienne.
    D'ailleurs, le quotidien El Watan, proche de la Sécurité militaire, mentionne dans son numéro du 27 avril 1998 que l'armée a entre-pris à l'ouest de l'Algérie une opération militaire d'envergure contre des groupes islamistes, opposés au GIA de Zouabri.

    6) Les différents attentats organisés en France, notamment dans le métro de Paris et attribués au GIA, ont été planifiés par les services secrets algériens. Dans ce cadre, une personnalité française m'a affirmé que le Président Chirac a envoyé un message au Président Zeroual, après l'élection présidentielle algérienne de novembre 1995. Ce message souligne, entre autres, que le Président français ne permettra plus jamais aux services secrets algériens d'organiser des attentats en France. Comme par hasard, depuis cet avertissement français, il n'y a plus eu aucun attentat « islamiste » en France. Le GIA s'est immédiatement évaporé du paysage français par miracle.

    7) La France et de nombreux pays occidentaux savent que les GIA sont infiltrés et hautement manipulés par la Sécurité militaire algérienne. En effet, depuis février 1995, de nombreux médias français tels que Radio France Internationale, les quotidiens Le Monde,

    Le Figaro, Libération, les hebdomadaires comme L'Express, le Point et bien d'autres organes ont mentionné plus d'une fois l'infiltration des GIA par les services secrets algériens. Le Monde du 5 mars 1998, par exemple, signale que tous les services secrets occidentaux sont convaincus que le GIA est infiltré par les services secrets militaires algériens pour discréditer les islamistes et maintenir un climat de terreur pour éviter toute révolte.
    Au total, que les crimes à grande échelle ou les massacres de familles entières soient l'œuvre des escadrons de la mort ou des milices ou des GIA manipulés, il est clair que la politique de terreur pratiquée entre janvier 1992 et avril 2000 (au moment où ces lignes sont rédigées) constitue pour le régime algérien une politique délibérée et réfléchie pour survivre et se maintenir au pouvoir par la force et la violence, en s'opposant à la libéralisation politique, au processus démocratique et à la volonté populaire.

    Cette répression physique est soutenue par une répression politique et culturelle puisque l'on assiste depuis le coup d'Etat de 1992 à une attaque systématique, par le biais des média contrôlés par la Sécurité militaire, contre les symboles de l'Algérie de toujours à savoir : l'Islam, la langue arabe, l'unité nationale, la solidarité, la justice sociale, etc.
    Le régime algérien, soutenu politiquement, diplomatiquement, financièrement et militairement par la France, s'attaque à ces symboles par le fer et le sang. Tout simplement parce que la majorité des Algériens a voté en faveur des islamistes en 1990 et en 1991. On a l'impression que la répression qui s'abat sur le peuple algérien depuis 1992 ainsi que le battage médiatique qui le sous-tend visent à faire regretter aux Algériens leur indépendance et à punir le peuple algérien pour le choix qu'il a souverainement exprimé lors des élections législatives de décembre 1991, hâtivement annulées.

    Tout cela fait partie de la campagne internationale de diabolisation de l'Islam, redevenu le nouvel « ennemi total » de l'Occident181. Le pouvoir algérien, en mal de légitimité, utilise la violence anti-islamique pour obtenir la reconnaissance internationale et devenir fréquentable. Conscient de son impopularité, (c'est le moins que l'on puisse dire) à l'intérieur et de son isolement relatif à l'extérieur, le pouvoir a essayé de se donner une légitimité en renouant avec le processus électoral en novembre 1995, mais pas avec la démocratie dont le peuple algérien est assoiffé.

    181 Formule consacrée remise au goût du jour par Samuel Huntington, ‘The Clash of Civilizations' in Foreign Affairs, vol. 72, No3, Summer 1993.


    9.2.5. De période de transition en période de transition : l'introuvable stabilité
    La première période de transition annoncée par le Haut Comité d'Etat (janvier 1992-décembre 1993 qui correspond à la fin du mandat du Président Chadli Bendjedid) a été un échec. En effet, le pouvoir pensait mettre à profit cette période pour résorber la crise politique et renverser la tendance en sa faveur. Force est de constater que les objectifs de stabilité politique et de relance économique fixés n'ont pas été atteints et que la crise multidimensionnelle s'est davantage aggravée.
    La deuxième période de transition (janvier 1994 - novembre 1995), caractérisée par la « nomination » de Zeroual comme chef d'Etat aboutit à l'impasse. Au cours de cette période ni la politique sécuritaire musclée qui a montré ses limites, ni les négociations minées entre le pouvoir et les deux leaders du FIS, Abassi Madani er Ali Benhadj, n'ont permis le retour à la normale.

    Le jeu politique est complètement fermé. Le contrat national signé à Sant' Egidio en janvier 1995 par six partis politiques représentatifs et le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme constitue incontestablement une contribution positive pour sortir l'Algérie de la crise et de la tragédie dans laquelle elle a été menée. Mais le pouvoir a raté une occasion en or pour mettre fin à l'effusion de sang et ouvrir une nouvelle période chargée de grands espoirs en rejetant le contrat national « globalement et dans le détail ». La paix est déclarée indésirable par le régime. La crise algérienne devient plus aiguë avec l'augmentation du nombre des victimes de la violence et l'extension de la paupérisation des populations.
    Cependant, le pouvoir finit par réaliser en 1995 son isolement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Pour survivre et gagner du temps le régime, conscient de son manque de légitimité, décide de revenir au processus électoral interrompu en janvier 1992. De gros moyens ont été mobilisés pour d'une part améliorer son image politique à l'extérieur en poursuivant sa politique de la violence pour terroriser le peuple algérien et, d'autre part en promettant la relance économique dans un proche avenir182.
    C'est pourquoi le régime inaugure une nouvelle période de transition par le retour à la démocratie de façade. C'est dans ce cadre que l'élection présidentielle de novembre 1995 et les élections législatives et locales, organisées respectivement en juin et octobre 1997, visent essentiellement l'amélioration de la crédibilité du régime à l'extérieur, notamment auprès des pays occidentaux.

    En novembre 1996, des amendements de la Constitution sont adoptés. Ces amendements vident le Parlement de ses prérogatives. Les élections législatives de 1997 sont caractérisés par une fraude massive. Les statistiques officielles prétendent que le taux de participation a été de 65,5% au niveau national alors qu'il n'atteint même pas en réalité 50%, et qu'il a été de 43% à Alger alors qu'il ne dépasse guère 17% de source crédible. Le Rassemblement National Démocratique (RND), le parti présidentiel, créé trois mois seulement avant les élections est présenté comme le vainqueur en disposant de la majorité relative à l'Assemblée Nationale.

    Le Sénat, prévu par la nouvelle Constitution de 1996, comprend 144 membres dont 48, représentant le tiers bloquant, sont nommés par le Président Zeroual et 96, représentant les deux autres tiers, sont choisis parmi les élus locaux. Là aussi, la fraude a joué à fonds puisque le RND gagne 80 des 96 sièges. Tant et si bien que le Président Zeroual contrôle le Sénat avec une majorité de 128 soit 90% de ses membres. Alors que le chef d'Etat a besoin de 25% seulement des sénateurs pour bloquer n'importe quelle loi adoptée par l'Assemblée Nationale, au terme de la Constitution amendée en 1996.
    La fraude au niveau du taux de participation et au niveau des quotas des partis politiques illustre bien la fermeture du champ politique ainsi que l'état d'esprit des gouvernants. Les élections présidentielles de 1995 et les élections législatives et locales de 1997 n'ont apporté aucun changement. Le général Zeroual, chef d'Etat nommé en 1994, est devenu le Président Zeroual après les élections. Abdelkader Ben Salah, président du Parlement désigné, devient le président de l'Assemblée Nationale. Ahmed Aït Ouyahia, Premier Ministre avant les élections nationales est confirmé dans ses fonctions après les élections.

    182 Concernant la relance de l'économie, on a vu plus haut l'echec des promesses faites par le Président Zeroual à ce propos.


    Le seul changement enregistré sur le terrain est l'aggravation de la situation dans tous les domaines, y compris celui de l'économie pour lequel des promesses et des engagements ont été pris publiquement par le Président de la République et par son chef de gouvernement.
    Cette troisième période de transition s'achève comme les précédentes. La crise politique s'aggrave. La situation économique et sociale devient catastrophique. Les promesses gouvernementales de paix et de relance économique passent, mais la misère reste.
    La quatrième période de transition démarre avec l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la Présidence de la République. La réconciliation nationale et le retour à la paix constituent le thème central de Bouteflika lors de la campagne électorale des présidentielles. Son discours politique entre les mois de mai et septembre 1999 a diagnostiqué sans complaisance la crise multidimensionnelle en identifiant les carences et les blocages du système et a provoqué un espoir immense. Toutefois, ce discours politique n'a pas été suivi, un an après son arrivée au pouvoir, de mesures concrètes sur le terrain pour améliorer la situation.

    Mais force est de constater que la recrudescence de la violence, alimentée par un clan au pouvoir, la formation tardive du gouvernement (8 mois après l'arrivée de Bouteflika au pouvoir) et l'échec précoce de la loi sur la concorde civile dénotent la prééminence des éradicateurs au sein du pouvoir. L'espoir suscité par le discours politique de Bouteflika a commencé à s'éroder rapidement. Comment peut-on, dans un tel contexte, réaliser les promesses de re-lance économique à « forte croissance », reprises à son compte par le nouveau Premier Ministre, nommé en décembre 1999.
    En 2000, le pouvoir pense résoudre la crise par la seule relance de l'économie en escamotant les autres aspects, notamment l'aspect politique, exactement comme l'a fait le Haut Comité d'Etat en 1992. Sans tirer les enseignements de cette longue période d'affrontement, de discorde, de passions violentes, d'atomisation de la société et d'échecs de toutes sortes. Nous voilà revenus, en avril 2000 à la case départ. C'est le cercle vicieux. Rappelons encore une fois de plus qu'entre janvier 1992 et avril 2000, l'Algérie a eu quatre chefs d'Etat, sept Premiers Ministres et des centaines de ministres dont certains sont remerciés juste quelques mois après leur nomination, tandis que les généraux Mohamed Lamari, Mohamed Me-diene (très lié à Larbi Belkheir et Khaled Nezzar), Mohamed Touati et Smaïl Lamari responsables du coup d'Etat de 1992, de la répression et de la détérioration de la situation dans tous les domaines sont toujours en fonction. Le prix est vraiment très élevé. En huit ans, l'Algérie est devenue méconnaissable. Elle a été ramenée 40 ans en arrière.

    D'ailleurs, le Président Bouteflika est fragilisé en moins d'un an d'exercice. Est-il libre de ses mouvements ? On constate que jus-qu'au mois d'avril 2000 (au moment où ses lignes sont rédigées) qu'il n'a pu engager sur le terrain aucune des réformes annoncées par lui pour redresser la situation dramatique du pays décrite par lui-même sans complaisance aux mois d'août et de septembre 1999, à l'exception de la création d'une commission nationale chargée de la réforme judiciaire.

    Quatre séries de faits témoignent de la fragilisation de Bouteflika : le mouvement des généraux intervenu en février 2000, les réactions à la privatisation (notamment celles de la Sonatrach, des banques et des terres agricoles), les protestations publiques véhémentes de l'UGTA et de certaines personnalités politiques contre la personne de Bouteflika et contre sa politique de concorde civile et enfin l'escalade de la violence.

    1) Il est clair que le mouvement touchant le corps des généraux, annoncé le 24 février 2000 par la Présidence de la République, porte l'emprunte des généraux Mohamed Lamari et Mohamed Mediene alias Toufik. La mise à la retraite de plusieurs généraux anciens de l'ALN tels que Tayeb Derradji, Rabah Boughaba, Chaabane Ghodbane et Makhloufi Dib, entre autres, constitue l'aboutissement d'un long processus « d'épuration » de l'ANP des officiers supérieurs nationalistes entamé depuis 1989. L'équilibre, au sommet de l'ANP, entre maquisards et anciens éléments de l'armée

    française déjà altéré depuis la disparition de Boumediène et fragilisé depuis une dizaine d'années est définitivement rompu aujourd'hui. Ironie du sort, c'est le Président Bouteflika, fidèle à Boumediène et ancien officier de l'ALN (comme il aime le rappeler luimême), qui signe le décret mettant fin aux fonctions des derniers généraux de l'ANP, anciens maquisards. L'armée est désormais verrouillée et contrôlée par un clan minoritaire sur tous les plans.

    2) La décision présidentielle d'accélérer le processus de privatisation ainsi que l'annonce de la privatisation de la Sonatrach à hauteur de 75%, de celle des banques et des terres agricoles ont été abondamment commentées par la presse. Certains articles du quotidien El Watan (proche du général Mohamed Mediene, alias Toufik) porte des critiques sévères sur le Président Bouteflika dans ses livraisons des 26, 27 et 28 février 2000 et signale les réserves des « décideurs » (c'est-à-dire les généraux éradicateurs) sur la manière dont la privatisation est abordée par les hommes du Président de la République en faisant état de divergences, dans ce domaine, entre Ahmed Benbitour, Premier Ministre et les trois ministres, fidèles à Bouteflika, chargés de la Participation et de la Coordination des réformes, de l'énergie et des mines, et des finances. Le FLN, membre important de la coalition, rejette la privatisation de la Sonatrach et des terres agricoles. L'UGTA menace, par la voix de son secrétaire général, de recourir à une démonstration de force pour dénoncer la politique économique du gouvernement. « Les politiques annoncées d'accélération des réformes et de réorganisation de l'économie nationale » ne sont pas conformes au « contenu et à la finalité du projet national de sortie de crise tel que compris et soutenu par l'UGTA », écrit Révolution et Travail, l'organe de l'UGTA183. Une dizaine de jours plus tard, le secrétaire général de l'UGTA menace le gouvernement en affirmant publiquement que « celui qui parle de privatisation sans passer par nous, nous le massacrerons »184.

    3) Au cours des mois de mars et avril 2000, la presse dite « indépendante », proche de la sécurité militaire, souligne l'échec de la politique de concorde civile de Bouteflika et s'élève avec véhémence contre le projet d'amnistie générale qui serait en préparation au niveau de la Présidence de la République. Cette presse sert également de caisse de résonance aux pressions publiques exercées par l'UGTA et certaines associations et personnalités politiques, telles que Hachemi Cherif et Abdelhak Brerhi, qui s'opposent à la politique de concorde civile. Par ailleurs, le fait que Ghozali, ténor de hizb França et ancien Premier Ministre de Belkheir et de Nezzar185, multiplie des déclarations fracassantes contre la personne de Bouteflika et non contre son programme, sans souffler mot sur les dérives du régime militaire, montre bien que cette offensive contre le chef de l'Etat est orchestrée par les généraux éradicateurs.

    183 Cf. le quotidien algérien Le Matin du 15 avril 2000.
    184 Cf. le quotidien La Tribune du 26 avril 2000 qui reconnaît que le numéro 1 de l’UGTA « a développé, durant plus d’une heure, un discours d’une rare violence […et] en est arrivé jusqu’à déraper verbalement ».


    4) L'escalade de la violence, au cours des derniers mois de l'année 1999 et des quatre premiers mois de l'année 2000, est due au clan hizb França au sommet de la hiérarchie militaire. Citons uniquement trois exemples significatifs pour illustrer le message politique déstabilisateur adressé au Président Bouteflika par les généraux de hizb França :
    Il est tout de même curieux que le massacre de 29 citoyens innocents, attribué aux islamistes, ait été commis en août 1999 à Béni Ounif, près de Béchar, dans une région où il y a la plus forte concentration militaire dans le pays et où aucune activité des islamistes armés n'a été signalée depuis le début des violences en 1992.
    Par ailleurs, au mois d’avril 2000 les autorités, par presse interposée, font état d'une « incursion du GIA au sud de Oujda », au Maroc. Les soi-disant islamistes s'étaient retirés en Algérie, nous dit-on, après avoir « pillé plusieurs habitations » et « semé la panique parmi les habitants de Jbel Osfour »186.
    Il est clair que ces crimes ont été organisés, à plusieurs mois d'intervalle, dans le but de faire torpiller toute tentative de rapprochement avec le Maroc. Les généraux de hizb França sont, en effet, connus pour leur hostilité au rétablissement des relations humaines et économiques avec le Maroc ainsi que pour leur opposition à tout projet de construction du Maghreb. A qui profitent donc ces crimes ? La réponse à cette question nous éclaire sur les commanditaires de tels actes abominables, sachant par ailleurs, que parmi les « lignes rouges » tracées au Président Bouteflika par les généraux de hizb França, le Maroc figure en bonne place.

    185 En effet, ce sont les généraux Belkheir et Nezzar, « déserteurs » de l'armée française qui ont convaincu le Président Chadli de nommer Ghozali comme Premier Ministre, pour succéder à Hamrouche en juin 1991. Ce sont eux qui l'ont également maintenu à ce poste sous Boudiaf, après le coup d'Etat de janvier 1992.
    186 Cf. La Tribune du 23 avril 2000.


    On nous signale, en outre, que le vendredi 21 avril 2000 le ministre de l'Agriculture Saïd Barkat avait échappé à un attentat, alors qu'il était en visite de travail à Magtaa Lazrag dans la commune de Hammam Melouane (wilaya de Blida). Une bombe a explosé à 15h30, soit quelques minutes après le départ du ministre à l'endroit précis où il se trouvait avec la délégation qui l'accompagnait187. Cette tentative criminelle a été également attribuée aux islamistes. Qui pourrait organiser un tel attentat bien calculé, pour faire davantage peur que de mal, lorsque l'on connaît les mesures draconiennes de sécurité prises lors des déplacements des délégations ministérielles ? Cela relève de la guerre psychologique dont seuls les services de sécurité détiennent les secrets.

    Le 23 avril 2000, on nous apprend que sept douaniers ont été assassinés non loin de Hassi Messaoud, région pétrolière de haute sécurité où les Algériens ne peuvent circuler sans laisser-passer délivré par les autorités. Cette région est, en effet, déclarée « zone d'exclusion » depuis 1994. La presse aux ordres a accusé les islamistes du Groupe Salfiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) de Hassane Hattab, basé dans la région de Tizi Ouzou, soit près de 900 km du lieu de l'assassinat des douaniers188.
    Le lieu et la date du crime ne semblent pas fortuits. L'assassinat des douaniers dans la « zone d’exclusion » ne constitue-t-il pas un message codé de hizb França au président-directeur général de la Sonatrach et au ministre de l'énergie, tous deux considérés comme des hommes de Bouteflika ? En tout cas, ce crime ignoble coïncide avec trois faits concomitants :

    • Certains médias français expriment publiquement leur déception et leur amertume en affirmant que « les autorités algériennes privilégient les firmes américaines dans l'exploitation des champs pétroliers »189.

    187 Cf. La Tribune du 22 avril 2000.
    188 Cf. El Watan du 23 avril 2000.

    • Le rachat par Sonatrach de 40% des parts de la société américaine Arco à Rhourde el Baguel en avril 2000 « a fait couler beaucoup d'encre (en France) dès lors que la compagnie française Elf – absorbée elle aussi par Total – s'est intéressée à l'acquisition de la part d'Arco »190. En effet, le gisement de Rhourde el Baguel a été convoité par Elf depuis 1998.

    • L'assassinat des douaniers a eu lieu une semaine après la signature d'un contrat de prospection et de développement de gisements pétroliers entre la compagnie américaine Amerada Hess Corp. et Sonatrach191, dans une région convoitée par la compagnie pétrolière française.

    Ces trois faits illustrent le sentiment de frustration et de déception de certains milieux français et de leur prolongement en Algérie, les généraux de hizb França.
    Ces quatre séries de faits montrent que le processus de déstabilisation du Président Bouteflika par les généraux éradicateurs a bel et bien été amorcé. Ce sont les mêmes méthodes qui ont été utilisées par ces mêmes généraux pour déstabiliser le Président Zeroual, lorsque les premières attaques ont été lancées contre lui et contre son proche collaborateur, le général Mohamed Betchine, par la presse aux ordres en novembre et décembre 1996. Il a résisté jusqu'à septembre 1998 lorsqu'il a annoncé sa « démission ». Que Bouteflika termine ou pas son mandat actuel, les gens pensent déjà au successeur. Le compte à rebours pour une cinquième période de transition a déjà commencé192.

    189 Cf. La Tribune du 19 avril 2000.
    190 Ibid.
    191 Cf. le quotidien français Libération du 24 avril 2000.
    192 Le quotidien français Libération signale, dans sa livraison du 15 avril 2000, que Chérif Belkacem, ancien ministre de Boumediène, vient d'appeler à une « nouvelle période transitoire qui devra être menée par un collège représentatif des institutions et de la société civile ».


    Finalement peut-on savoir, huit ans et demi après le coup d'Etat de 1992, quel modèle de société les généraux éradicateurs veulent instaurer en Algérie ?
    Souhaitent-ils instaurer le libéralisme ? Assurément non. Non point pour des raisons idéologiques, mais parce que le libéralisme préconise la liberté économique, la compétition et des risques. Or, le jeu de la libre entreprise et la transparence du marché mettront en péril les privilèges économiques, les gains faciles et les combines des groupes d'intérêt liés au clan des éradicateurs. Pourtant, ceux-ci sont soutenus politiquement par les libéraux comme le PRA et d'autres partis fabriqués par le pouvoir.
    Veulent-ils établir le communisme ? Certainement pas. Mais le soutien de certains communistes, comme le MDS, parti de El Hachemi Chérif, leur est précieux pour lutter contre la mouvance islamique et contre le mouvement nationaliste authentique.

    Veulent-ils instaurer le socialisme? Sûrement pas. Pour la simple raison qu'ils sont contre l'option socialiste, même s'ils sont soutenus politiquement par les socialistes du FLN et d'autres partis marginaux. Leur refus du socialisme se manifeste, entre autres, par leur hostilité au FFS, le plus vieux parti socialiste d'Algérie, un parti pourtant crédible et représentatif. Il est d'ailleurs candidat à la déstabilisation par les services de sécurité, notamment depuis 1999.

    Veulent-ils établir un système démocratique ? Evidemment non. Parce que les éradicateurs ne représentent qu'un courant très minoritaire coupé des masses s'appuyant sur des partis marginaux autoproclamés démocrates. C'est pourquoi, ils n'admettent ni la compétition politique honnête ni les libertés, en particulier la liberté d'expression. Ils s'opposent, par la force et la fraude, à la transparence et à la souveraineté du peuple. Ils disent non à tout. Ils disent non toujours. Leurs propos et leurs actes sont fondés sur la perversion, la dépravation et la corruption. Leurs actes consistent à éliminer des gens honnêtes et intègres, et à contrecarrer tout projet constructif et toute proposition positive en faveur de la paix, de la réconciliation nationale et de l'intérêt général.
    Ils ne sont ni libéraux, ni communistes, ni socialistes, ni démocrates. Ils ne veulent surtout pas entendre parler d'alternance basée sur des règles démocratiques. Leur système est pervers et est composé d'un mélange de tendances politiques contradictoires, dont le seul facteur commun repose sur le rejet de la civilisation arabomusulmane et sur leur alignement sur hizb França. En un mot, ils ont le pouvoir et tiennent à le garder à tout prix. C'est pourquoi, depuis le coup d'Etat de 1992, Mohamed Lamari et Mohamed Me-diene se sont attelés à changer systématiquement la physionomie de l'armée, à l'occasion des promotions périodiques des officiers, en favorisant la tendance hizb França au fil des années193. Ils pen-sent ainsi avoir verrouillé l'armée pour consolider leur pouvoir, celui d'un clan minoritaire et pour éviter tout changement, au mépris de la légitimité populaire et de la volonté de la majorité écrasante des Algériens.

    Le peuple algérien, quant à lui, aspire ardemment à la démocratie, à la liberté, à la paix, à la justice sociale et à la dignité.
    La question centrale qui se pose avec acuité, depuis quelques années, se rapporte à la nature même du régime. Le régime militaire actuel n'a ni points de repères idéologiques clairs, ni valeurs morales et spirituelles, ni programme politique, ni stratégie économique, ni vision à long terme. C'est l'impasse totale. D'ailleurs, le débat sur cette question cruciale est relancé en mars 2000 par la polémique entre Ali Kafi, (ancien chef de la wilaya II durant la guerre de libération et chef d'Etat entre 1992 et 1993) et Khaled Nezzar, (« déserteur » de l'armée française, ancien ministre de la Défense et membre du haut comité d'Etat entre 1992 et 1993), ainsi que le déballage public qui s'en est suivi, ont montré le vrai visage du régime. Les diverses sorties médiatiques du général à la retraite Khaled Nezzar, au cours des mois de mars et d'avril 2000 pour défendre les « déserteurs » de l'armée française mis en cause par Ali Kafi, consistent à nourrir la haine contre ceux qui pensent différemment de lui et de son clan minoritaire, et à justifier la violence et la répression qu'il souhaite voir s'intensifier194.

    Il agit en parrain du cercle fermé des « déserteurs » de l'armée française et se présente ainsi comme le porte parole de l'ANP, au moment où il n'a aucune fonction officielle. Il s'élève violemment contre les propos tenus par le général Mohamed Ataïlia195 qui préconise l'arrêt de l'effusion du sang en recommandant l'amnistie générale et la réconciliation nationale pour sortir l'Algérie de la tragédie où elle a été menée. Le leitmotiv du général à la retraite Nezzar est la violence, encore de la violence, toujours de la violence. Non seulement son agitation médiatique et ses discours triomphalistes ne font guère avancer le débat, mais illustrent bien l'inanité effarante de la démarche inaugurée par le coup d'Etat de janvier 1992 et fondée sur la violence et la répression. Le peuple algérien, fatigué de ses sorties médiatiques et des conséquences dramatiques de la guerre qui est menée en Algérie depuis plus de 8 ans par les « déserteurs » de l'armée française et par hizb França, n'aspire qu'à la paix et au changement par la voie démocratique.

    193 Le lieutenant Messaoud Alili, qui s'est refugié en Espagne à bord de son hélicoptère en février 1998, m'a affirmé au cours d'un entretien, que l'état-major de l'armée organise les promotions des officiers, essentiellement sur des critères subjectifs et d'affiliation à leur mouvance. Tant et si bien que leurs sbires représentaient 80% du corps des pilotes en 1998, contre 20% en 1992.
    194 En mars 2000, Khaled Nezzar traite publiquement Ali Kafi d'intégriste et d'agent des services égyptiens. Il l'a fait, en bon élève dans les mêmes termes que ses aînés, les dirigeants français, qui traitaient certains dirigeants de la Révolution algérienne d'agents égyptiens durant la guerre de libération.



    Le commandement de l'armée ne peut continuer à s'interposer et à imposer au peuple algérien majeur un régime dictatorial enrobé d'une démocratie de façade. L'armée et les services de sécurité devraient s'abstenir d'intervenir dans la vie politique en revenant au rôle qui leur a été défini par la Constitution.
    Au début de ce XXIème siècle et 38 ans après l'indépendance, d'aucuns s'interrogent si l'Algérie ne se portait pas mieux sous le statut colonial que sous le régime néocolonial des généraux de hizb França. Le fait qu'une telle question soit envisagée montre le degré de gravité et de déliquescence atteint aujourd'hui par la société algérienne. Je pense, pour ma part, que le peuple algérien refuse dans son écrasante majorité tant le colonialisme que le néocoloniasme.
    C'est pourquoi, il est grand temps de remettre au peuple sa souveraineté et la liberté de choisir ses représentants et ses dirigeants dans la transparence et la légalité.

    Seule la réconciliation nationale permet à l'Algérie de sortir de cette sinistre tragédie. Je considère pour ma part, que seule la réconciliation nationale est en mesure de sortir l'Algérie de la crise multidimensionnelle et de l'impasse actuelle grâce à un dialogue global entre le pouvoir et les partis politiques, autonomes et réellement représentatifs, sans exclusion.
    Le but de ce dialogue est de préparer le retour à la souveraineté populaire dans la transparence et dans la démocratie sans fraude, ni falsification des faits et des réalités. Le retour à la démocratie pas-sera nécessairement par une période de transition caractérisée en particulier par :

    • La fin de l'effusion de sang.

    • La levée de l'état d'urgence.

    • La libération de tous les détenus politiques.

    • Le désarmement des milices.

    • L'annulation de tous les textes législatifs et réglementaires répressifs arrêtés depuis janvier 1992.

    • La fin des pratiques répressives (arrestations arbitraires, enlèvement, torture, liquidations physiques extrajudiciaires).

    • Le respect des libertés, notamment la liberté d'expression, y compris l'accès des représentants des partis politiques aux médias lourds dont le fonctionnement est assuré par les impôts des citoyens.

    195 Cf. L'interview donnée par le général Mohamed Atailia au quotidien londonnien en langue arabe « Al Hayat » dans sa livraison du 25 mars 2000.

    Seules des mesures d'apaisement de ce type, selon un plan déterminé avec un échéancier précis, sont en mesure de créer des conditions favorables au rétablissement de la paix et à la réconciliation nationale, nécessaires à la reconstruction du pays dans la solidarité et la justice sociale et garantes de la cohésion nationale et de la stabilité.
    Sans la réconciliation nationale et sans la paix il ne saurait y avoir de démocratie, ni de relance économique, ni de stabilité, ni d'investissements étrangers (en dehors des hydrocarbures où les investissements n'ont aucun impact sur l'emploi et sur la balance des paiements).
    Il est temps de régler politiquement la tragédie de l'Algérie qui s'est aggravée depuis 1992, de revenir au processus démocratique, et de respecter la souveraineté populaire afin de permettre l'émergence de responsables patriotes, compétents et soucieux de l'intérêt général pour gérer les affaires publiques dans la transparence. La paix et la stabilité de l'Algérie seront alors, mais alors seulement, assurées.

     


    Conclusion

    A une longue période de stabilité et de paix sociale où l'Algérie eut trois chefs d'Etat en 29 ans (1962 - 1991), a succédé une période d'instabilité, de turbulences et de répression au cours de laquelle il y a eu quatre chefs d'Etat, six Premiers Ministres et des centaines de ministres, près de 200 000 morts, des milliers de disparus, 600 000 déplacés de leur lieu de résidence196 et un million de victimes de la violence197 en huit ans (janvier 1992 - janvier 2000).
    Ces chiffres suggèrent qu'il y ait eu un changement à partir de 1992. En fait, la nature du régime est la même. Les différences enregistrées d'une période à l'autre sont des différences de degrés et non de nature. Parce que toutes ces périodes ont une multitude de facteurs en commun que nous avons évoqué dans les différents chapitres de cet ouvrage.

    La différence majeure entre ces périodes examinées tout au long de ce livre réside dans le fait que l'instabilité gouvernementale observée depuis 1992 contraste avec la remarquable stabilité des quatre ou cinq généraux (membres influents du clan des « déserteurs » de l'armée française) qui disposent du pouvoir réel depuis le coup d'Etat et l'annulation des élections législatives et occupent toujours les mêmes fonctions à ce jour.
    Le principe de la prééminence du militaire sur le politique, puisé dans notre guerre de libération, est remis en honneur pour la circonstance par les « déserteurs ». Mais, depuis 1992 nous avons affaire à un régime minoritaire et discrédité qui s'impose par la force contre la volonté du peuple. Il en est résulté d'ailleurs des conséquences dramatiques pour l'Algérie sur tous les plans.

    196 Chiffre avancé par Abdellatif Benachenehou, ministre des finances et rapporté par la presse écrite algérienne le 29 mars 2000.
    197 Ce chiffre a été cité par le Président Bouteflika lors sa conférence donnée à Crans Montana, en Suisse, quelques semaines après son accession au pouvoir.

    Le noyau dur du régime militaire n'a jamais eu le courage de s'emparer directement du pouvoir, ni d'imposer le modèle politique qu'il privilégie, à supposer qu'ils en aient un. Ce groupe restreint qui détient le pouvoir réel a préféré avoir recours à d'autres intermédiaires, connus pour leur nationalisme, pour les placer à la tête de l'Etat. Ils ont commencé par choisir Mohammed Boudiaf en janvier 1992, puis Ali Kafi six mois après, ensuite Liamine Zeroual en janvier 1994 avant d'être candidat à l'élection présidentielle de novembre 1995, mais sans achever son mandat pour être remplacé par Abdelaziz Bouteflika en 1999.

    Les faits montrent que ce clan, constitué d'un nombre restreint de généraux, se cache toujours derrière un chef d'Etat ou un projet présidentiel, tout en s'appuyant sur quelques partis marginaux fabriqués par le régime et autoproclamés démocrates, pour poursuivre sa politique éradicatrice en faisant prévaloir sa stratégie sécuritaire et répressive, fondée sur la confrontation et l'exclusion des courants politiques représentatifs. Cette politique de confrontation, fondée sur la division, la discorde, la haine, la guerre fratricide ainsi que sur l'atomisation de la société et le verrouillage de l'espace politique, en vue de se maintenir au pouvoir et sauver le régime, a été à l'origine de bien des dérives.

    Toutes les fausses solutions servies par le pouvoir entre 1994 et 1999 qui vont du simulacre de dialogue organisé dans le cadre de la conférence nationale par la Présidence de la République (1994) au projet de concorde civile (1999) en passant par les pseudonégociations entre la Présidence et les dirigeants du FIS, Abassi Madani et Ali Belhadj (1995) constituent l'expression du refus du changement et de l'alternance du pouvoir par la voie démocratique. Comme en témoigne le rejet spontané et brutal par le régime du contrat national signé par six partis politiques et la ligue algérienne de défense des droits de l'homme en janvier 1995, comprenant des propositions concrètes pour un règlement global de la crise.
    L'appropriation de l'Etat par ce clan qui foule aux pieds la Constitution et la souveraineté populaire a contribué à ruiner le pays dans tous les domaines.

    En effet, la politique répressive inauguré par le coup d'Etat de 1992 et les velléités de domestication de la société ont eu des conséquences politiques, économiques et sociales désastreuses.
    L'incompétence, la mauvaise gestion, la corruption, l'impunité, les dysfonctionnements de l'économie, de l'administration et de la justice, ont contribué à discréditer davantage le régime, à aggraver la crise de confiance et à accélérer la dégénérescence du système.
    Le pays est méconnaissable en ce début de millénaire. L'Algérie a été ramenée 40 ans en arrière. L'anéantissement de la classe moyenne, autrefois garante de la cohésion et de la paix sociales, l'extension de la pauvreté et l'exclusion sociale constituent une bombe sociale à retardement redoutable.

    L'aggravation de la situation économique, avec la chute des investissements productifs hors hydrocarbures, le ralentissement des activités économiques, la baisse dramatique du revenu par tête d'habitant, l'augmentation du chômage, l'inflation galopante, la paupérisation rampante, la généralisation de la corruption, le contrôle des importations par quelques barons, la dilapidation des richesses et de la rente pétrolière ont conduit l'Algérie au bord de l'abîme à la fin de la décennie 1990.
    La politique de terreur inaugurée par le coup d'Etat de 1992 avec tous les dépassements qu'elle comporte ainsi que l'éternelle « nécessité de rétablissement de l'autorité de l'Etat » ont servi en fait d'alibis au refus de la démocratie.
    Ainsi, l'approche sécuritaire, le discours politique qui la soustend et les pratiques policières qui ont tourné le dos à la volonté populaire, aux libertés, à la justice sociale et à la réconciliation nationale ont lamentablement échoué.

    Ni la falsification des faits, ni les déformations monstrueuses, ni la désinformation, ni les manipulations, ni les manœuvres dilatoires, ni le monologue, ni l'autosatisfaction des décideurs ne sortiront l'Algérie de la situation catastrophique où elle est plongée de-puis 1992.
    Les questions relatives à la légitimation, à la rationalisation et à la modernisation de l'Etat, à la réconciliation nationale et au rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés restent toujours posées et exigent sans plus tarder des réponses claires

    sous formes de réformes, de programmes d'action et de mesures concrètes pour sortir l'Algérie de cette terrible tragédie et la mettre sur les rails du développement économique et social.
    Sinon, la détérioration continue de la situation économique et sociale et l'aggravation du mécontentement populaire pourraient conduire à l'explosion populaire aux conséquences imprévisibles.
    Au cours des 8 dernières années, l'Algérie a perdu trop de victimes, trop de temps et trop d'argent et se trouve dans l'impasse.

    Il est temps que la raison et la sagesse prévalent sur la violence, la haine et la discorde. Seule la voie du dialogue, de la réconciliation nationale et le retour à la souveraineté populaire dans la transparence peuvent sortir l'Algérie de la tragédie catastrophique actuelle.
    Engagée dans une voie pacifique et démocratique, l'Algérie peut alors, mais alors seulement, être reconstruite dans la paix, la tranquillité, la fraternité, la solidarité et la justice sociale.
    C'est cette voie qui garantira la stabilité en Algérie, dans le Maghreb et dans le bassin méditerranéen.
    D'autre part, la globalisation ou la mondialisation de l'économie ne devrait pas servir de prétexte aux groupes occultes et aux barons de l'importation liés au régime pour imposer à l'Algérie le libéralisme sauvage, au mépris des intérêts du pays et des couches populaires.
    Il est temps de repenser totalement la politique algérienne poursuivie jusqu'ici à l'égard de la construction du Maghreb198. Car, seule l'intégration maghrébine peut permettre à l'Algérie et à ses partenaires maghrébins de faire face aux défis de la globalisation et les mettre sur la voie de la croissance économique durable et du développement.

    Fondée sur une approche structurelle, la construction du Maghreb devrait s'organiser autour d'objectifs communs d'investissements, de production et d'échanges en vue d'accroître les flux réels et financiers intra-maghrébins. L'établissement d'un espace économique maghrébin implique également la mise en œuvre d'une politique régionale commune de développement des ressources humaines pour renforcer la solidarité agissante entre les pays membres et rendre le processus d'intégration maghrébine irréversible échappant aux aléas et aux contingences politiques.
    Les défis et les enjeux sont de nos jours tels que les actions limitées au seul espace national ne sauraient être suffisantes dans un monde comme le nôtre, agité et chargé de contraintes extérieures considérables.

    198 Cf. Abdelhamid Brahimi, Le Maghreb à la croisée des chemins à l'ombre des transformations mondiales (Genève: Hoggar et Londres: Centre for Maghreb Studies, 1996)


    En effet, le monde est aujourd'hui caractérisé par la constitution de regroupements régionaux et par l'existence ou la création de vastes espaces économiques.
    Dans ce contexte, la construction du Maghreb devient un impératif.
    Par ailleurs, pour être durable et solide, l'intégration maghrébine doit nécessairement s'accompagner de la démocratisation de la vie politique, économique, sociale et culturelle des pays maghrébins.
    Ainsi, dans sa marche vers l'unité et le progrès, le Maghreb carrefour des civilisations, peut jouer un rôle positif dans l'établissement de passerelles véritables entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, et constituer un facteur appréciable de stabilité dans le Monde arabe, dans le bassin méditerranéen et en Afrique.

     

    Abréviations

    ALN : Armée de Libération Nationale ANP : Armée Nationale Populaire APC : Assemblée Populaire Communale APW : Assemblée Populaire de Wilaya BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le Déve
    loppement
    CDF : Commandement Des Frontières
    CIG : Comité Interministériel de la Guerre
    CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne
    EMG : Etat Major Général
    FFS : Front des Forces Socialistes
    FIS : Front Islamique du Salut
    FLN : Front de Libération Nationale
    FMI : Fonds Monétaire International
    GIA : Groupes Islamiques Armés
    GNL : Gaz Naturel Liquéfié
    GPRA : Gouvernement Provisoire de la République Algérienne
    MALG : Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales
    MNA : Mouvement National Algérien
    MTLD : Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocrati
    ques
    OAS : Organisation Armée Secrète
    PCA : Parti Communiste Algérien
    PRS : Parti Révolutionnaire Socialiste
    SAS : Sections d’Action Spéciale
    UDMA : Union Démocratique du Manifeste Algérien
    UGTA : Union Générale des Travailleurs Algériens

    http://www.anp.org/fr/hizb-Franca/hizb-Franca7.html#9