Les affaires rattrapent le candidat Sarkozy. Selon le journal en ligne d'investigation Mediapart, "le régime de Mouammar Kadhafi a bien décidé de financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007".
Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy
Ce pourrait être une bombe à quelques jours de l'élection présidentielle. Mediapart affirme détenir la preuve de la participation de l'ancien dictateur Mouammar Kadhafi au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
"Le régime de Mouammar Kadhafi a bien décidé de financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007", affirme samedi 28 avril le site d'investigation, qui met en ligne un document présenté comme officiel. Cette note aurait été communiquée par "d’anciens hauts responsables du pays, aujourd’hui dans la clandestinité". Elle serait "issue des archives des services secrets", aurait été "rédigée il y a plus de cinq ans", et aurait "échappé aux destructions de l’offensive militaire occidentale".
Le 12 mars, Nicolas Sarkozy avait bien entendu qualifié de "grotesque" un éventuel financement de sa campagne présidentielle de 2007 par Mouammar Kadhafi.
Plusieurs informations sont évoquées dans ce document. Premièrement le nom de Nicolas Sarkozy, "candidat aux élections présidentielles" (sic). Deuxièmement un montant d'une valeur de "50 millions d'euros". Ensuite la confirmation "d’un accord de principe" pris lors "de la réunion tenue le 6 octobre 2006".
Enfin d'autres noms, ceux des prétendus participants à cette réunion : "Brice Hortefeux", alors ministre des collectivités locales et fidèle compagnon de Nicolas Sarkozy, l'homme d'affaires franco-libanais "Ziad Takieddine", ainsi que "le directeur des services de renseignements libyens", Abdallah Senoussi, emprisonné en Libye et le "président du Fonds libyen des investissements africains", Bachir Saleh.
Quant au signataire de la lettre, ce ne serait autre que "Moussa Koussa", "connu pour avoir été l’un des plus proches collaborateurs de Mouammar Kadhafi et le mentor de deux de ses fils (Motassem et Saïf al-Islam)". Mais aussi, écrit Mediapart, "le patron pendant plus de quinze ans, entre 1994-2011, des services secrets extérieurs libyens, avant de devenir le ministre des affaires étrangères de la Libye." Moussa Koussa se trouve actuellement à l’étranger, il avait fui la Libye pendant la révolte du CNT.
La traduction de la lettre
Le site publie la version originale du document, ainsi que sa traduction :
"Service de la sécurité extérieure
Frère / Président du Fonds libyen des investissements africains
Que la paix soit sur vous… En référence aux instructions émises par le bureau de liaison du comité populaire général concernant l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, Monsieur /Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros.
Nous vous confirmons l’accord de principe quant au sujet cité ci-dessus, et ce après avoir pris connaissance du procès-verbal de la réunion tenue le 6. 10. 2006, à laquelle ont participé de notre côté le directeur des services de renseignements libyens, et le président du Fonds libyen des investissements africains, et du côté français, Monsieur /Brice Hortefeux, et Monsieur /Ziad Takieddine, et au cours de laquelle un accord a été conclu pour déterminer le montant et le mode de paiement. Que la paix soit sur vous et la miséricorde de Dieu et ses bénédictions…
Moussa Imuhamad Koussa
Chef du service de la sécurité extérieure"
Takkieddine confirme
C'est Ziad Takieddine, l'homme d'affaires au centre d'affaires de corruption liées au clan Sarkozy, qui a introduit dès 2005 en Libye les proches de l'actuel ministre de l'intérieur, notamment Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy lui-même. Rencontré par Mediapart vendredi 27 avril, Ziad Takieddine, dont l'avocate Samia Maktouf affirme qu'il "n'était pas présent à la réunion indiquée dans le document", déclare : "Ce document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat, que ces 50 millions d'euros aient été versés ou non."
Interrogé par le Nouvel Observateur, Me Maktouf affirme que son client "a jugé le document crédible, compte tenu des propos du fils de Kadhafi Saïf al-Islam lors de leur dernière rencontre selon lesquels il détenait les preuves d'un financement." Mais, poursuit l'avocate de l'homme d'affaires, "M. Takieddine dit qu'il n'était pas présent à la réunion évoquée dans le document."
Dans une interview au Nouvel Observateur début avril, Ziad Takieddine déclarait: "Il n'y a pas de financement en 2007. Il n'y a aucun financement en 2007. S'il y avait eu un financement, je l'aurais vu, ce serait passé entre mes mains, je savais tout ce qui se passait entre la Libye et la France."
En décembre 2007, le guide de la révolution libyenne a été accueilli en grandes pompes à Paris pourune visite de cinq jours. Une visite au protocole inhabituel : reçu à l'hôtel Marigny, conformément à ses caprices, le colonel a fait ériger dans les jardins une tente bédouine pour y accueillir ses invités.
En mars 2011, rappelle Mediapart, peu avant le déclenchement de la guerre sous l'impulsion de la France, "Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et un ancien chef des services secrets, Abdallah Senoussi, avaient tous trois affirmé publiquement détenir des preuves d'un financement occulte du président français".
Et le site de poursuivre : "La découverte de la note de M. Koussa exige désormais que s’engagent des investigations officielles – qu’elles soient judiciaires, policières ou parlementaires – sur cet épisode sombre et occulte des relations franco-libyennes." Peu après la publication de l'article de Mediapart, Bernard Cazeneuve, un des porte-parole de François Hollande, a demandé à Nicolas Sarkozy de "s'expliquer devant les Français".