Par Le Matin DZ |
Au premier plan, Karim Djoudi et Ahmed Ouyahia
Dans le cadre des activités culturelles organisées par l’Institut des ressources humaines d’Oran, j’ai eu l’honneur d’être l’invité par cette institution le 21 aout 2011 pour un large débat avec la société civile oranaise. J’ai axé mon intervention autour des liens indissociables entre le niveau des réserves de change et le niveau des réserves d’hydrocarbures notamment celles du gaz.
Malgré, que l’Algérie ait pompé entre 1962 et 2011 plus de 15 milliards de barils uniquement pour le pétrole, sans compter le gaz soit plus que les réserves actuelles estimées à 12 milliards de barils, elle reste une économie totalement rentière, exportant 98% des hydrocarbures. L’intégration selon des sources récentes du Ministère de l’investissement ne dépassant pas 10%. Paradoxe, pour un pays pétrolier et gazier et cela concerne d’autres produits pétroliers et gaziers, l’Algérie via les traders a importé 330.000 tonnes de gasoil en juillet et août 2011, le montant ayant dépassé les 300 millions de dollars en 2009 et également de l'essence super sans plomb pour une quantité de 130 000 tonnes pour une valeur d'environ 130 M USD pour juillet 2011, avec autant de quantités en prévision pour le mois d'août. C’est que les discours des responsables algériens occultent les vrais problèmes tant des impacts de la crise mondiale sur l’Algérie que des solutions pour y faire face. Aussi le débat avec la société civile a porté sur douze questions posées au gouvernement qui ne saurait occulter l’impact de la crise mondiale.
Où sont les vrais chiffres M. le ministre ?
Première question : fait surprenant le ministre des Finances dans une déclaration à l’APS en, date du 13 août 2011 indique qu’à fin 2010 les réserves de changes de l’Algérie étaient de 160 milliards de dollars alors que dans le bulletin numéro 13 en date de juillet 2011 de la Banque d’Algérie, le montant des réserves est évaluée à 162 milliards de dollars y compris les réserves d’or, la presse financière internationale l’ayant évaluées à 173,63 milliards de dollars fin juillet 2011. Par ailleurs, concernant la dette extérieure (principal et intérêts), le gouverneur de la Banque d’Algérie devant l’APN fin 2010 annonçait 3,9 milliards de dollars alors que le ministre des Finances annonce 5,2 milliards de dollars. Pourquoi cette différence de 1,3 milliard de dollars ? L’Algérie s’est-elle endettée à nouveau rendant urgent la synchronisation des données du ministère des Finances et celles de la Banque d’Algérie. Entre le 1er janvier 2011 et le 30 juillet 2011, quel a été l’accroissement des réserves de change et les données internationales sont-elles vérifiées ou fausses ? Pourquoi cette différence de plus de 11 milliards de dollars et ce manque de communication afin de faire taire les rumeurs dévastatrices traduisant le divorce Etat-citoyen ? Il ne suffit pas de dire, c’est une vérité élémentaire de l’économie publique que les réserves de change ne sont qu’une contrepartie de la masse monétaire, transformée en dinars. Dans ce cas, ne faut-il pas que le gouvernement lève la confusion entre les réserves de change et le Fonds de régulation des recettes (au 1er janvier 2011 4693 milliards de dinars) qui traduit la différence entre le prix réel du marché des hydrocarbures moyenne annuelle et la fourchettes des 37 dollars fixée par la loi des finances, fonds évalué en dinars. Tout dérapage du dinar par rapport au dollar (monnaie de référence pour les hydrocarbures) augmente artificiellement le Fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière. Le gouvernement ne fait-il pas un pari hasardeux sur un cours du pétrole supérieur à 100 dollars le baril à prix constants pour continuer dans l’actuelle dépense publique dont le déficit budgétaire est de 33,9% du PIB (environ 63 milliards de dollars US) et plus de 40% dans al loi de fiances prévisionnelle 2012 et comprimer artificiellement l’inflation par des subventions
Deuxième question. Certes la valeur des importations dépasse pour 2010/2011 40 milliards de dollars mais le véritable document de référence doit être non la balance commerciale mais la balance de paiement qui inclut les mouvements de capitaux dont les services qui dépassent 11 milliards de dollars, moyenne annuelle 2009/2011, ce qui porte le montant à plus de 51 milliards de dollars. Le FMI évaluant l’importation des biens et services entre 2011 à 2012 à plus de 54 milliards de dollars ; ce qui montre que le passage du Remdoc où la traçabilité invoquée existe déjà au Crédoc a été un mauvais choix comme j’ai eu à le souligner entre 2009/2010, tout en ayant pénalisé tout un tissu productif de PMI/PME ne s’étant pas attaqué à l’essentiel, je veux dire la rationalisation de la dépense publique et son optimalisation.
Dans ce cadre, quel a été l’impact de la dépense publique 200 milliards de dollars entre 2004/2009 et 280 milliards de dollars entre 2010/2013 dont 130 de restes à réaliser montant de mauvais choix de projets, un gaspillage croissant des ressources financières du pays, les infrastructures absorbant actuellement 70% de la dépense publique n’étant qu’un moyen au détriment de l’entreprise et la ressource humaine, pilier du développement ?
Troisième question. Combien de réserves de change sont placées à l’étranger ? 80% comme l’affirmé le même ministre des Finances devant les députés courant 2010 ? Dans quelles monnaies dollars, euros, yen, livres sterling, 45%, en dollars, 45% en euros, 5% en livres sterling, 5% en yen, selon certaines sources ou 80% en dollars selon d’autres sources, sachant que 98% des exportations en devises (économie de rente) se font en dollars ? Dans quelles proportions entre bons de trésor américains, dans des banques centrales européennes, asiatiques, dans des banques internationales privées dites AAA dont certaines ont été décotées ? A quel taux d’intérêt et donc à quel rendement tenant compte du taux d’inflation mondial et des taux directeurs qui sont depuis 2009/2010 pour la FED entre 0-0,25%? Affirmer que le taux est de 3% suppose un placement à moyen et long terme et non à court terme ? La leçon pour l’Algérie il est étonnant que la majorité des observateurs algériens s’appesantissent sur les réserves algériennes placées en bons de trésor américains d’environ 60 milliards de dollars et oublient que 75 milliards de dollars sont placées dans des Banques centrales européennes ou dans des banques dites cotées AAA alors qu’il y a eu récemment avec la crise grecque dépréciation des obligations de bon nombre de pays européens et que certaines banques dites AAA qui ont été décotées ce qui entraine forcément des rendements faibles, voire négatifs pour ceux garantis par les Etats, ou pertes d’une fraction du principal si les banques ont fait faillite ?
Quatrième question. Quelles sont les réserves d’or ? Le cours de l’once d’or a évolué ainsi : en moyenne annuelle en 2001 de 300 dollars, en 2004 de 400 dollars, en 2005 de 600 dollars, en 2008/2009 moyenne fluctuant entre 800/1000 dollars. En août 2011, avec la crise grecque dans la zone euro et la crise de l’endettement américain, il a franchi plus de 1.800 dollars l’once. Pour l’Algérie, le FMI l’a estimé à 173,6 tonnes fin 2009, une valeur d’environ 6,07 milliards de dollars au cours de 2009, soit 4,3% des réserves de change ? Ce montant a-t-il été augmenté depuis soit par d’autres achats ou la production aurifère de Tamanrasset ? L'or de l'Algérie a été acheté essentiellement sous le règne du défunt Kaïd Ahmed, alors ministre des Finances, et si l’on avait acheté de l’or en 2008/2009 les réserves de change de l’Algérie en termes de parité de pouvoir d’achat seraient en août 2011 de plus de 320 milliards de dollars US. Et le montant aurait plus élevé si l'on avait acheté des actions dévalorisées fin 2008 dont le cours pour certains a remonté à plus de 300% courant 2011 ?
Cinquième question. Les réserves de change de l’Algérie qui sont passées de 33,42 milliards de dollars en 2004 à 78 en 2007 à 110,6 en 2008, à 143,5 en 2009 et à 162 en 2010. Et 173 milliards de dollars début aout 2011 sont-elles un signe de développement ? Avoir des réserves de change en devises ou en or est une condition nécessaire, sécuriser l’investissement et surtout éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar par rapport aux devises où existe une corrélation d’environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, sinon le dinar flotterait à plus de 300 dinars un euro. Mais ce n’est pas une condition suffisante d’un développement durable et surtout provenant d’une rente, solution de facilité de la dépense monétaire sans impacts pouvant conduire au syndrome hollandais avec une corruption généralisée. Si la Chine a des réserves de change estimée à mars 2011 par les organismes internationaux à 3045 milliards de dollars dont 30%, suivie du Japon 1140, de la Russie 525, contrairement à l’Algérie sont placés en fonds souverains et une autre seulement en bons de trésor américain, des grandes puissances économiques comme l’Allemagne première exportatrice mondiale, a 221, la France 173, les Etats-Unis, première puissance économique mondiale trois fois le PIB chinois n’ont que 143 milliards.
La durée de vie des réserves pétrolière : 10 ans
Sixième question. Quelles sont les réserves de pétrole ? Dans La Revue statistique sur l’énergie dans le monde datée de juin 2004 de British Petroleum, le groupe anglo-américain réputé pour ses analyses et ses données chiffrées sur le secteur, indique que la durée de vie des réserves pétrolières de l’Algérie serait de 16 /18 ans. De façon plus précise, pour cette revue, les réserves prouvées de brut du pays auraient été en 2004, de 11,3 milliards de barils, soit environ 1,6 milliard de tonnes, représentent 1% des réserves mondiales. L’Algérie ayant produit en 2004 pour 1,8 million de barils/jour de liquides, rapportée au niveau d’extraction du pays, la durée des réserves serait selon cette source de 16 ans au 1er janvier 2005, donc restant à la date de 2011 environ 10 ans. Cela pose un vrai problème : entre-temps, y a t-il eu de découvertes significatives ou de réévaluations à la hausse des accumulations de brut dans les gisements ? Dans le cas contraire, l’Algérie sera un importateur net de pétrole à partir de 2020.
Septième question. Quelles sont les réserves de gaz ? L’Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel. Elle se classe à la dixième position avec des réserves mondiales. Elle est bien loin de la Russie, classée première, qui détient pas moins de 25,02%. Les réserves de gaz naturel ont été consolidées toujours selon La Revue internationale Gasoil à 4500 milliards de mètres cubes au 1er janvier 2010. L’Algérie fournit à l’Europe 25/30% de ses besoins en gaz naturel, ce qui représente 70% des exportations algériennes, étant le troisième fournisseur de gaz de l’Europe après la Russie et la Norvège, le gaz représentant 40% des recettes en devises. Quelle est la situation actuelle ? En dépit d’un redressement de situation en 2010– 55,28 milliards de mètres cubes de gaz naturel exportés contre 52,67 milliards de mètres cubes en 2009 –, l’Algérie peine toujours à maintenir le niveau des volumes exportés au-dessus de 60 milliards de mètres cubes, un seuil qui était bien conservé entre 2001 et 2008. Il est entendu que la demande extérieure des hydrocarbures pour l’Algérie d’une manière générale sera fonction d’une reprise ou pas de l’économie mondiale et de l’évolution du cours du dollar. Selon le gouvernement, la production de gaz naturel de l’Algérie, qui a connu en 2010 un recul de 2,4 % par rapport à 2009, devrait croître nettement d’ici à 2014 avec l’entrée en production de nouveaux gisements gaziers. Ces exportations peuvent être renforcées par la mise en production de nouveaux gisements qui devraient renforcer les capacités de production de gaz naturel de près de 25 milliards de mètres cubes d’ici 2014 ce qui nous donnerait 80 milliards de mètres cubes gazeux pour 2014.
Huitième question. Quel est l’impact de la révolution du gaz non conventionnel et de la forte consommation intérieure ? La production à un rythme rapide des gaz non conventionnels aux USA et en Europe n’explique t-il pas en partie cette situation alors que l’Algérie tablait sur des exportations de l’ordre de 85 milliards de mètres cubes pour 2011/2012, ce qui devient une impossibilité du moins pour cette échéance ? Le temps étant de l’argent, l’Algérie ne risque-t-elle pas de perdre des parts de marché au profit d’autres concurrents ? Le prix du gaz non conventionnel, encore qu’existe un problème de la dégradation de l’environnement, grâce la technique du forage horizontal est actuellement de 4/5 dollars donnant les USA exportateur de gaz horizon 2020, ne freinera-t-il pas l’importation de gaz algérien pour ne pas dire l’annuler où Sonatrach devait approvisionner la côte Est des USA ? Par ailleurs, où en est la consommation intérieure du gaz ? Selon le rapport de la CREG, hypothèse forte excluant l’abandon des projets programmés par le ministère de l’Energie, la demande globale intérieure en gaz horizon atteindra 62,96 milliards de m3, soit un rythme d’évolution annuel moyen de 11,3% entre 2008 et 2013 et de 6,7% entre 2013 et 2018. Pour l’hypothèse moyenne, cela approche 50 milliards de mètres cubes gazeux. Dans ce cas, cela ne pèsera-t-il pas sur la capacité de l’Algérie à honorer ses engagements gaziers envers l’étranger en raison de l’augmentation de sa consommation interne d’ici à 2018 ? Les économies d’énergie supposant un nouveau modèle de consommation énergétique, une politique des prix plus rationnelle et le développement de sources alternatives d’énergie (le solaire) pour les besoins du marché national permettrait d’alléger la pression de la demande sur l’offre de gaz et donc pour l’Algérie d’honorer ses engagements internationaux.
Neuvième question. Quelle est la durée des réserves de gaz ? Concernant le calcul de la durée de vie des réserves de gaz, il y a lieu de préciser que pour l’Algérie, en fonction du coût de Sonatrach qui est un sujet tabou alors qu’il est déterminant pour sa rentabilité réelle. Selon mes calculs,la rentabilité des installations de Medgaz (Espagne) et Transmed (Sicile) via l’extension de Galsi (Sardaigne) nécessite un prix de cession entre 9/10 dollars et pour le GNL 14/15 dollars. Le calcul des réserves et quel que soit le pays est fonction de l’évolution de la concurrence des énergies substituables, du coût et du prix international et non de découvertes de gisements physiques qui peuvent être non rentables. En cas de l’hypothèse, d’un coût moyen de ¾ dollars la durée des réserves diminuant en cas d’accroissement et inversement en cas de baisse, d’un prix moyen de 14/15 dollar le MBTU pour le GNL s’accroissant ou baissant proportionnément selon le prix du gaz par canalisation( GN), et selon les scénarios variables pour la cession du prix du gaz par canalisation nous aurons les prévisions suivantes : -prix du gaz 9/10 dollars le million de BTU par canalisation : 25 années de réserves ; -prix du gaz 4/5 dollars : entre 15/16 ans de durée de vie des réserves ; - en cas d’un prix supérieur à 15 dollars : la durée serait supérieure à 30 ans, les gisements marginaux devenant alors rentables. La durée de vie des réserves sera moins longue si les prévisions du ministère de l’Energie d’exporter plus de 100 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2020 se réalisent et si la consommation intérieure est plus importante que prévue du fait du bas prix de cession du gaz.
Dixième question. Quelles perspectives ? Un débat objectif ne peut dissocier l’analyse des rendements des réserves de change des réserves d’hydrocarbures, puisque provenant de cette sphère, ainsi que de la stratégie future du développement. Afin de transformer cette richesse virtuelle en richesse réelle. Le vrai débat qui dépasse largement l’aspect monétaire est de relancer la sphère réelle afin de créer des emplois créateurs de valeur ajoutée afin de diminuer les tensions sociales renvoyant à des facteurs politiques, sociaux et culturels du fait que le blocage est d’ordre systémique et pas seulement à des facteurs économiques. Là dessus, débat essentiel et stratégique pour le devenir de l’Algérie, le gouvernement actuellement est absent alors que la population passera de 36 millions à 50 millions sans pétrole dans 10/15 ans, sans gaz dans 25/30 dans le cas d’un scénario raisonnable. L’objectif stratégique pour l’Algérie est la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures supposant une gouvernance renouvelée, la valorisation de l’entreprise et son support la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources des hydrocarbures, supposant de profondes réformes politiques et économiques solidaires. L’Algérie n’a pas d’autres choix, deux variantes.
Abderrahmane Mebtoul