Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LES PRATICIENS DE SANTE', DONNEZ VOTRE AVIS. - Page 31

  • Hollande : un voyage inutile et regrettable - Par Mohamed Benchicou

     

     

    Il aurait eu plus d'effet avec une barbe et une perruque blanches, un bonnet rouge, une paire de bottes.

    Hollande : un voyage inutile et regrettable - Par Mohamed Benchicou

    Dans Alger où l'on ne célèbre plus Noël depuis l'éveil du puritanisme islamiste, cela aurait, ma foi, donné un peu de piquant à cette visite qui en manqua tellement. Parce qu'enfin, la France, depuis toujours, et surtout à cette période de l'année, la France ça a la saveur des bonbons, des chocolats, des grands pains d'épices, des cadeaux pour tous, pour les uns mais aussi pour les autres, des éloges à Bouteflika qui sonnent déjà comme autant de soutiens au prochain mandat l'autocrate algérien, mais aussi quelques visas de plus à ceux-là, pour accompagner... Oui, en Père Noël, à la rigueur.

    Mais, rétorquerait-on du côté de Bercy, cette France sans le sou, n'a même plus de friandises à mettre dans sa hotte. Et puis, cela aurait fait trop Saint-Nicolas. Quel mauvais goût, aurait ajouté Mme Benguigui ! Non, pas Saint-Nicolas dont on se souvient qu'il vint lui aussi à Alger, un mois de décembre de l'an 2007, sur son pakjesboot, avec sa grande barbe blanche et sa mitre, et qui repartit avec un chèque de 5 milliards de dollars, confirmant le paradoxe des temps qui courent : le père Noël vient moins pour les cadeaux que pour le bol de lait que les enfants déposent devant la cheminée. François Hollande, c'est la France en crise mais une France élégante, qui tient à sauver les apparences. Cela dit, cette fois, l'exercice s'avère un peu ardu. Car enfin, M. Hollande, qu'êtes-vous donc venus faire, chez nous, à Alger livré aux barbouzes-proxénètes si ce n'est de serrer la main aux barbouzes proxénètes, ceux-là même dont on dira demain "on ne savait pas", demain, quand il sera trop tard ? Bouteflika, qui feint de ne pas avoir entendu les réponses un tantinet méprisantes de Paris aux revendications algériennes de repentance pour les crimes coloniaux, sera le seul gagnant de ce safari regrettable.

    Sauf à faire l'injure à François Hollande de le classer parmi ceux, chérubins sans avenir, qui pensent pratiquer la politique sans cynisme, nul ne pourrait donner crédit d'innocence à sa démarche. Il restera de son voyage à Alger comme un arrière-goût de tromperie, une sorte de délit de compagnonnage avec un des derniers autocrates arabes encore en exercice et qui n’en demandait pas tant. Il n’y a qu’à lire le subtil article du Point pour le deviner : "C'est Hollande qui doit être fêté et pourtant les drapeaux français sont rares, clairsemés dans la foule, alors que les couleurs algériennes et les portraits de Bouteflika sont partout. Au milieu des youyous et des déflagrations de pétoires en tout genre, on entend des cris d'amour adressés à Bouteflika et des "One two three Algérie" chantés par des jeunes déchaînés. On se demande alors qui, du chef de l'État français ou de son homologue algérien, est la vedette de cette fête." Quelle urgence y avait-il à se pavaner avec un autocrate affaibli politiquement, isolé sur le plan international, et dont la France ne pouvait ignorer qu'il se maintient au pouvoir par la trique, le bakchich, le mensonge et tous ces outrages répétés aux valeurs démocratiques ? N'est-ce pas M. Fabius qui, parlant de la France et des révoltes arabes devant les étudiants de sciences politiques, en juin dernier à Paris, rappelait solennellement qu'"il n’est pas de société libre sans possibilité d’alternance politique et sans pluralisme", lançant cette promesse sentencieuse qui résonne encore à nos oreilles : "Nous dénoncerons toute tentative de confisquer le pouvoir ou de restreindre les droits démocratiques" ?

    A voir les scènes d’Alger, le serment est plutôt mal parti. Nous espérons, pour la réputation de la diplomatie française et la légende de Talleyrand, que M. Fabius ne s’est pas laissé prendre par toutes ces fadaises que le président algérien, avec de nouveaux accents de prophète démocrate, a cru habile d'aligner dans sa grotesque interview à l'AFP. Il ne lui manquait que le nez rouge quand, pathétique, il affirmait vouloir réformer le système et "amener notre dispositif législatif et réglementaire aux standards universels actuels". Il y avait du Machiavel et du Scapin dans ce personnage qui se désavouait publiquement, ne répugnant pas à se revendiquer des réformes de 1989, celles-là dont il avait pourtant déclarées qu'elles avaient affaibli l'Algérie et "l'avaient livrée à un "totalitarisme millénariste" et "à un déferlement de violence brutale". (El-Moudjahid, 7 juin 2005). Le revoilà, sept ans plus tard, partisan des révoltes d’octobre 1988 qu’il avait qualifiées de "la plus grande fitna (crise sanglante) jamais connue depuis l’ère d’Ali Ibn Taleb."

    Dans sa posture délicate, Bouteflika est prêt à promettre la lune à tous ceux qui lui épargneraient le sort de Ben Ali. La lune ou quelque chose de démon, comme dirait Caligula. La Constituante, la démocratie, l’alternance, le bonheur… Il sera Mandela, Mirabeau, Barnave, Cazalès et même l'abbé Maury, pourvu qu'il reste un peu Louis XVI et plus du tout "Bouteflika l’indésirable", "Bouteflika dégage !", quelle infamie ! Il laissera les représentants du peuple décider de l'avenir, il abolira les privilèges féodaux, réhabilitera le tiers Etat, supprimera tous les titres de noblesse, pourvu qu'il demeure roi. Le temps que se taise le vacarme d’une révolution qui a déjà emporté trois dictateurs arabes.

    L'avez-vous donc cru, cher François Hollande, qu'on surprend à Alger porteur d'éloges envers celui qui a violé la Constitution algérienne pour rester au pouvoir à vie ? A l’heure où les tyrans chutent face à la rue survoltée, quoi de plus salutaire qu’une gloriole dite par un dirigeant du "monde libre" ? C’est cela, le but de la politique, pour Machiavel, faire croire, puisque la finalité ce n'est pas la morale mais la réussite : obtenir et conserver le pouvoir ! La politique est un art de la dissimulation au nom de l'efficacité. Et l’efficacité, ici, c’est s’assurer de sa propre succession pour 2014 ! Je ne crois pas que l'Elysée soit dupe de tout cela. M. Hollande qui, en dépit des apparences, n'est pas connu pour son goût pour la sainteté, n'ignore pas que chez nous, la politique reste la science des forbans, une basse aptitude, celle de se jouer des esprits communs, à tromper, louvoyer, pour la seule finalité qui compte, conserver le pouvoir personnel, y compris dans les moments les plus désespérés. Que la méthode rencontre encore quelque succès auprès de ce gotha de l'esbroufe et du mensonge qu’est devenue la classe politico-médiatique algérienne, est chose fort logique. Chez nous, la politique a fini par devenir chose de vils entremetteurs et la presse affaire de Jourdain enrichis et de barbouzes reconvertis.

    Nous savions depuis Balzac que l'hypocrisie est, chez une nation, le dernier degré du vice. Ajoutée à l’ignorance et à la fatuité des prévôts, elle devient, chez nous, un mode de gouvernance. C'est comme ça. Mais la France, cher M. Hollande, la France de gauche, c'est censé être différent ! On attendait du nouveau pouvoir de gauche qu'il laissât à la droite cette besogne peu originale qui consiste à faire commerce du narcissisme de Bouteflika, de son manque d’épaisseur et de son envoûtement pour la France. Chirac comme Sarkozy, en ont fait un profitable business. Cela suffit. L'épisode de l’association entre Gaz de France (GDF) et Sonatrach, suggéré par Sarkozy et accepté par Bouteflika, est encore dans les esprits. Oui, on avait espéré du nouveau pouvoir socialiste, par fidélité à Jaurès, qu'il divorcerait avec cette tentation française de vouloir se servir de ce président fasciné par la France.

    Après tout, cela relève d'une nostalgie de la vieille France bourgeoise, quand Alexandre de Marenches, "pacha" du SDECE, disait : "L’Algérie, c’est la profondeur stratégique de la France". Entre Jaurès et Alexandre de Marenches, il faut choisir, même si des esprits savants nous répètent que l'avenir de la France en tant que puissance influente est moins en Europe où elle est surclassée par l’Allemagne mais dans le sud, salutaire nouvel espace économique et politique où elle pourrait prendre le leadership. Ah oui, il y a le Sahel. L'intervention militaire au Mali. Mais Bouteflika avait tout accepté il y a un mois de cela ! Il y a bien longtemps que l'Algérie n'a plus de voix et que sa diplomatie ressemble à ces anciens charmes de créatures autrefois belle et que l'on n'évoque plus que pour maudire le temps qui passe trop vite.

    En juin dernier, Laurent Fabius déclarait vouloir assumer le paradoxe de Jacques Berque qui disait en 1956, à propos du monde arabe : "Nous avons le devoir de contribuer à de jeunes libertés, ne fût-ce que pour ménager en elles notre place. Proclamer l’avenir de la chose franco-arabe, au moment où beaucoup, parmi les autres et parmi nous, le déchirent, l’audace semble paradoxale. Je soutiendrai ce paradoxe…". Il ne suffisait donc pas de choisir entre Jaurès et Alexandre de Marenches, il faut encore y ajouter Jacques Berque ! La partie ne s'annonce pas simple pour Hollande ni pour Fabius. Joyeux Noël quand même !

    Mohamed Benchicou

  • La France démocratique soutien de l’Algérie autocratique !

     


    Par Le Matin |

     

     

     

    Le président François Hollande est venue en Algérie seulement pour voir le Pouvoir d’Alger qu’il sait pourtant autocratique. Comme avant lui ses prédécesseurs. Jack Chirac et Nicolas Sarkozy ont fait de même respectivement en 2003 et 2007.

     

    Bouteflika et Hollande à Alger. Bouteflika et Hollande à Alger.

     

    Pendant que la France démocratique change trois fois de présidents de la république, l’Algérie autocratique s’accroche toujours à un Président vieillissant et peut être sombrant dans une incapacité physique et mentale. L’ex-puissance coloniale a vécu trois scrutins présidentiels depuis 1999 pour élire trois hommes différents, tandis que l’ex-colonie a organisé autant de votes pour élire la même personne. Ceci dit, l’autocratie d’Alger cherche à travers cette visite excessivement médiatisée, l’assurance, la confiance et le soutien du nouveau locataire de l’Elysée.

     

    Trois Présidents, dont deux de droite et l’actuel de gauche, ont tous effectué des voyages en Algérie. Ils ont tous été reçus par le même président Bouteflika. En France la pratique démocratique est effective. En Algérie, elle est tout simplement inexistante. L’alternance au pouvoir est un principe qui cimente la pratique démocratique française. Par contre ce principe, pourtant consacré un moment par la limitation des mandats présidentiels à deux dans la constitution de 1996, est renié en Algérie par le viol constitutionnel de 2008.

     

    Hollande, comme avant lui Sarkozy et Chirac, s’il vient en Algérie c’est la France qu’il engage et non pas une caste ou une nomenklatura. Lui, pourtant quand il était premier secrétaire du PS disait que la France devait "encore des excuses au peuple algérien", déclare présentement à Alger : «Je ne viens pas ici faire repentance ou présenter des excuses. Ce n'est pas ce qui est demandé, ce n'est pas ce que je veux faire.». Il le dit avec assurance et rejoint ainsi l’avis de la majorité des Français. En effet, selon un sondage lancé sur le NET par MSN et la chaine de télévision privée M 6, 72% des français ont répondu non à la question «la France doit elle présenter des excuses à l’Algérie».

     

    Par contre, la caste d’Alger en contre partie d’un soutien français inconditionnel et permanant, a fait taire toutes les voix antifrançaises parmi ses propres relais. Aucune organisation de ce qu’on appelle famille révolutionnaire, pourtant fervents partisans de la repentance, n’a osé quoique ce soit. Pis, des anciens moujahids, cadres, sénateurs et députés FLN, ont applaudi le président français lors de son passage au parlement algérien qui n’est pas du tout démocratique. Une caste avec sa clientèle qui n’est pas représentative, par conséquent n’engage aucunement les Algériens. Et d’ailleurs, c’est parmi cette clientèle que la caste a réquisitionné pour offrir un bain de foule artificiel à François Hollande.

     

    L’Algérien lambda, envie seulement le Français pour le mode de gouvernance qui régit son Etat, basé sur l’égalité, la justice et la liberté. Il est encore jaloux du progrès et de la meilleur vie offerte sur le sol de l’Hexagone. Il sait que le ciel français est indéfiniment clément que le sien. Son désir c’est plus de visas et de préférence long séjour, plus de libre circulation des personnes. Repentance, excuses, passé, il a les surpassées depuis longtemps. Depuis, il a compris que c’est de la pure démagogie parce que les promoteurs des voix antifrançaises sont les premiers acquéreurs de l’immobilier parisien, les clients potentiels des hôpitaux et cliniques luxueuses françaises…Il le sait encore, depuis que la caste algéroise paye avec l’argent du contribuable, l’acteur Gérard Depardieu, accusé d’exil fiscal et dont l’attitude est qualifié de minable par le Premier ministre de Hollande, pour poser avec le Président Bouteflika.

     

    Le Président Hollande et les Français n’ignorent pas cela et savent pertinemment que l’évolution démocratique de l’Algérie de Bouteflika vers un Etat de droit respectueux des libertés, n’est pas pour demain. Qu’il soit amené à Tlemcen où partout en Algérie, le Président français, s’inscrivant dans la continuité, est venu pour le Pouvoir autocratique d’Alger. Il lui porte l’énième soutien. Et tant que la France ne se démarque pas de caste autocratique algéroise, il n’y aura aucune vérité qui pourra séduire les Algériens.

     

    Zoubir Zerarga

  • À quand le New Deal algérien?

    Posté par Rédaction LQA 18 Kamal Guerroua «Le temps ne s’occupe pas de réaliser nos espérances, il fait son oeuvre et s’envole» Euripide, philosophe athénien (485-405 av.J-C) L’Algérie est une perle rare pour ceux qui savent la sauvegarder, une prairie fertile pour ceux qui savent l’entretenir, un chantier productif pour ceux qui savent l’exploiter et un paradis sur terre pour ceux qui savent l’aimer. On veut bien titiller les consciences et réveiller ce fol espoir d’un retour aux sources authentiques de l’algérianisme, de l’algérianité ou de «l’algérianitude». Cet étrange sentiment de fierté et d’amour-propre qui vibre en chacun de nous dès que le drapeau national flotte au vent et hisse ses couleurs «verte, blanc, rouge» au firmament, on aimerait bien aussi tisonner les braises presque éteintes de notre fraternité d’antan, celle qui a permis à nos ancêtres d’arracher l’indépendance sans plier à la volonté des usurpateurs ; celle qui doit aujourd’hui commencer par la première cellule familiale de la société et culminer au plus haut sommet des institutions de l’État. Afin de sauver le pays, la fraternité doit être le mot d’ordre national «une fraternité dans les rêves et les espérances, les craintes et les incertitudes». Néanmoins, à bien observer la réalité, on n’y trouve que désaveu et désenchantement car le corps de l’Algérie est sous anesthésie prolongée, c’est un grand malade. On dirait qu’un vers solitaire consume à petit feu ses tripes et le dévore de l’intérieur. Est-ce à dire par là que c’est l’apathie du pays ou le destin maudit d’une génération perdue qui en est la cause? Génération du désespoir pour certains, foutue et irrécupérable pour d’autres, morte aux yeux de tous, qu’importent les épithètes du moment que ladite génération aurait mérité et mérite encore à mon humble avis le qualificatif de «résistante». Résistance à la hogra, à la malvie, aux passe-droits, au chômage, à l’éclatement de la famille traditionnelle, au syndrome de…«dégoûtage» et j’en passe. A bien y regarder, en remontant le fil de l’histoire contemporaine de notre patrie, on se rend compte bien vite que trois éléments cancérigènes sont à l’origine du malheur dont on souffre : le colonialisme, la dictature et l’islamisme dans la mesure où les séquelles et les avatars de cette «triade maléfique» ont mis les bâtons dans les roues du processus de reconstruction nationale. L’écrivain syrien Burhane Ghalioun affirme à juste raison que les États arabes dans leur grande majorité sont le pur fruit d’«une inertie historique» et non plus la résultante d’une dynamique graduelle de civilisation (1) Il est vrai que, analysé sous l’angle socio-anthropologique, ce constat est à bien des égards fort pertinent. Car, étant stagnés dans une phase de «préorganicité pérenne», ces États ou semblant d’États n’ont pu s’en défaire qu’au terme d’un processus de cohabitation ou de conflictualité avec le monstre colonialiste (protectorats, mandats, condominium ou tout simplement colonisation). En effet, la sociologie politique apporte la preuve que la personnalité de l’individu ressemble en bien des points à celle de l’État ou de la Nation du fait qu’elle ne se forge qu’après s’être frotté avec l’autre. Ceci dit, en plus de l’évolution naturelle des nations, il y a le critère de la connaissance de l’autre qui entre en jeu. La seule tare, c’est que dans le cas algérien, la rencontre avec les français s’est faite dans la violence du colonialisme. Par ailleurs et sur un autre aspect, il est significatif de rappeler que l’expérience historique fournit des leçons utiles aux pays. S’étant aperçu des dérives et des limites de l’ancien système face à la grande dépression qui a asphyxié les États Unis à la fin des années 30, le président Roosvelt (1882-1945) a lancé son projet «New Deal», littéralement «le nouveau contrat», lequel fut une rupture, «un aggiornamento» et en même temps une rénovation du vieux «contrat social» théorisé deux siècles auparavant par le philosophe des Lumières Jean Jacques Rousseau (1712-1778). Après une période de prohibition (lutte contre tous les fléaux sociaux) tendant à moraliser la société et à la discipliner, Roosvelt, à l’instar de son aîné prédécesseur Georges Washington (1732-1799) qui a libéré les siens de l’emprise britannique, s’est empressé à restructurer son pays et à le faire sortir de son isolement mondial. Ce fut un vrai projet social contre la pauvreté et l’exclusion. Les grandes nations sont ainsi faites: les initiatives personnelles accouchent de grands projets et les ruptures donnent naissance à des ouvertures, «la dialectique du changement» est au cœur des stratégies politiques des dirigeants. Aujourd’hui en Algérie, comparée à cette dynamique des américains, on remarque que notre patrie a emprunté un tout autre cheminement. La montée inexorable du fatalisme et du désespoir parmi la jeunesse et même chez la vieille génération a mis en veilleuse toute velléité du salut national. La profondeur des peurs et l’absence d’horizons dépeignent l’image d’un pays qui marche au ralenti et avance de biais : deux pas en arrière et un tout petit pas en avant. Pour s’en convaincre, il ne suffit qu’à suivre l’actualité. Dès son investiture après des mois d’attente marathonienne à la tête de l’exécutif, Abdelmalek Sellal, un technocrate sans affiliation partisane, a promis de nettoyer le pays, le nettoyer bien sûr au sens propre et au sens figuré. Au bout du compte: peine perdue et discours creux puisque la réalité du terrain laisse à désirer. Outre la corruption des âmes, l’Algérie profonde est confrontée aux monticules d’ordures ménagères qui jonchent les rues et à des décharges publiques à ciel ouvert sans contrôle ni normes d’hygiène. Maintenant on aimerait bien s’interroger ce que l’on veut bien nettoyer «les rues, les hommes, les bâtisses officielles, le vice des responsables ou le désert nu…» et cela sera sans doute une question légitime et rationnelle. Signataire des accords internationaux ayant pour visée la promotion de la politique du «développement durable», le pays, quoique nanti d’un excédent de réserves de change sans précédent dans son histoire est, semble-t-il, incapable de se procurer de simples incinérateurs pour recycler ses déchets, protéger ses citoyens et la nature. Alors à quoi cela sert-il de parler de la lutte contre la corruption avec un grand «C»? Rien d’étonnant à cela, une majeure partie de nos villageois et citadins se désintéressent de «la bonne gouvernance», de «la citoyenneté» , de la gestion des deniers publics, de cette kyrielle de concepts que l’on invente chaque jour moulés dans un arabe classique bien ciselé à l’écran des télévisions, son unique souci est, comble d’ironie, le phénomène des ordures qui salissent son espace public. A qui la faute au peuple non éduqué, aux responsables véreux, ou à l’État défaillant? Justement, «les algériens sommes-nous de bons citoyens…!» est le slogan crée dernièrement par un groupe d’internautes sur les réseaux sociaux afin de répondre à cette problématique. Assurément, ses membres n’en ont rien compris, ils veulent des explications urgentes «Messieurs» les responsables. Allez sur le terrain, bougez-vous et répondez! Il est clair qu’un bon nombre de nos compatriotes commencent à déraisonner à force de raisonner sur cette situation désolante du pays. L’état des centres d’accueil et des «dyar rahma» donne un aperçu éloquent du quotidien difficile des foyers algériens. Il paraît bien que la délinquance politique et «la voyoucratie» ont l’ascendant sur le patriotisme et la citoyenneté. Aussi est-on en droit de pense qu’à trop s’en remettre à la potion de la rente, nos élites empêchent le pays de décoller. Elles accusent une terrible panne d’idées. Le drame c’est qu’au moment des soins, nos responsables choisissent les capitales occidentales comme gîte de villégiature et de convalescence, on dirait qu’ils souffrent du syndrome de schizophrénie dissociative : ils vivent ici, se soignent là-bas et nous gavent les esprits de ce nationalisme bas niveau ! La dégradation des mœurs de nos élites est aujourd’hui chose évidente (2). Dans certaines localités de l’ouest algérien, de simples citoyens achètent des actes de naissance à 200 dinars la pièce, le service public s’est transformé en réceptacle de «tchkara» et de «mâarifa». Le plus dramatique c’est que les algériens, soit par crainte ou sagesse, refusent de payer la rançon du changement et croient naïvement échapper à l’ankylose tout en restant à la lisière de ce qui se passe autour d’eux et chez eux. L’hypertrophie politique est telle que les forces vives de la nation s’inféodent peu à peu à l’indifférence. Or, pour qu’il y ait changement encore aurait-il fallu qu’il y eût auparavant une prédisposition citoyenne, une ligne de conduite et une charte nationale concertée pour une sortie définitive de la crise : bien entendu, il s’agit ici de crise de valeurs, d’éthique, d’idées et de management. Le devenir de la nation est affaire de tous car la débâcle est nationale et tout le monde en est responsable à quelques degrés près. Nos élites sont appelées à cesser de téter aux mamelles de la rente, de la démagogie et du mensonge. Le spectre du tribalisme ressurgi de nulle part à la faveur des dernières élections locales renseigne à bien des égards sur l’état de délabrement avancé de la sensibilité démocratique. Les fraudeurs y ont trouvé leur compte. La municipalité est devenue un lieu de lucre et des affaires douteuse, la majorité des candidats, avouons-le bien en ce papier, y sont attirés parce qu’ils espèrent satisfaire leurs appétits matériels sur le dos de communes sinistrées et budgétivores. C’est vraiment grave, le poste de maire, si important et si honorable soit-il sous d’autres cieux, porte dans le cœur de nos citoyens une connotation très péjorative ces dernières années. La maladie du politique et de la politique a gangrené l’atmosphère des relations sociales déjà combien fragilisées au bout de dix ans de guerre civile sans merci (1992-2000). Un tas de facteurs participent à cette dévalorisation sociale de la politique, d’abord, le mépris des responsabilité au niveau local, ce qui dévoile d’ailleurs la vraie nature de la société algérienne. Nombre de nos jeunes diplômés fuient toute participation dans une liste électorale municipale en raison de l’image peu flatteuse qu’ils s’en font, l’inconscient collectif est noyé de faux clichés relayés par une populace à la limite de l’analphabétisme. Dans un pays sain, c’est la haute sphère qui approvisionne les masses de «carburant idéel» en leur distillant les message intellectuel, philosophique et politique que ces dernières s’attèlent, le temps venu, à tamiser et à assimiler. Or, en Algérie, c’est l’inverse qui se produit, la nature des rapports de forces «élites-masses» est faussée par une espèce de processus de déculturation ou osons ici le terme de «décérébration massive» tantôt mis en branle à dessein par les autorités publiques tantôt subi de facto par aussi bien le pouvoir que la société suite à une mauvais diagnostic du terrain et des phénomènes voire suite aux séquelles des crises à répétition auxquelles la patrie a survécus. En toute logique, lorsque un militant d’une formation politique se porte candidat dans une échéance électorale, il doit au minimum connaître les principes de son parti, ses idéaux, la ligne idéologique qu’il défend, ses assises et son ancrage démographique. En Algérie, des quidams analphabètes s’aventurent dans des joutes politiques à l’aveuglette. D’aucuns soutenus par des affairistes, d’autres par des comités de quartiers éphémères et sans utilité publique tandis que la plupart nagent dans l’eau trouble des alliances contre-nature. Ainsi l’état de blocage systématique de presque la moitié des communes a-t-il donné lieu lui aussi à une gabegie insurmontable. Il n’est point inutile de rappeler que c’est dans la gestion des deniers publics dans le cadre des collectivités locales que la patrie retrouve le meilleur remède contre les forces d’inertie qui bloquent les réformes en haut lieu. L’Algérie a besoin comme l’aurait bien souligné l’auteur Tarek Ghezali de l’engagement du radical (l’opposant frontal au régime), du pragmatisme du réformiste (celui qui a un pied au pouvoir sans en faire réellement partie), de l’intelligence de l’éditorialiste (la presse, l’intelligentsia et les médias alternatifs) et de la lucidité du désabusé (le jeune algérien) (3) . Tous ces profils divergents et contrastés ont intérêt à se coaliser pour qu’il y ait véritablement changement. De toute manière, une étude sociologique sérieuse de la dynamique sociétale en Algérie post-1988 devrait être menée en urgence par des spécialistes afin de déceler tous les dysfonctionnements qui entravent le progrès du pays. Fait étrange! Par moments, on sent que le pouvoir algérien ou le système social dans sa globalité est dépassé par l’ampleur de la régression tout azimut du pays. Par endroits, on pressent que celui-ci fait litière de toute forme de dignité et apporte sa contribution au pourrissement de la société. En conséquence, le dilemme devient insoluble et le peuple insolvable. Les répercussions sont à moyen et à long terme très pernicieuse car le pays se vide de ses compétences et de sa jeunesse. Tout le monde rêve de partir et laisser le pays à l’abandon. Cela risque de ressembler à long terme au phénomène d’émigration décrit dans la pièce théâtrale «Babor l’Australie» par l’humoriste Mohammed Fellag. Il y a même des types qui sont prêts à vendre tous leurs biens et dépenser des centaines de millions pour quitter leurs familles et les leurs pourvu qu’ils puissent goûter à «la douce galère» de l’hexagone. En réalité, la mobilité en Algérie pose problème et les algériens se connaissent mal entre eux : rareté de lignes ferroviaires sécurisées, cherté de la vie, vétusté du réseau routier, peu d’investissement du privé dans le secteur des transports…etc, le tout mélangé à l’absence de plans urbanistiques (annuaires, pages jaunes… etc). Au Sahara, dans les zones pétrolières, on circule par autorisation, le grand sud utile économiquement, l’est moins politiquement. En guise de conclusion, comme on pourrait bien le constater, le verrouillage systématique de la société a engendré la réclusion et le repli de celle-ci sur soi. A titre d’exemple, l’hôtellerie, pour ne parler que de ce secteur est un échantillon de l’échec algérien. C’est un créneau très négligé, à titre indicatif, la ville d’Alger possède moins d’une vingtaine d’hôtels alors que celle de Doha au Qatar, mini-État au Moyen Orient, en est dotée de plus d’une centaine bien les deux pays soient rentiers! En plus, la nuit les boutiques algéroises baissent rideau tôt, signe on ne peut plus de la mort de la vie nocturne dans une ville méditerranéenne très prisée de part et d’autre. Un exemple de détail qui résume à lui seul le drame algérien. Mais peut-on à l’image des américains inventer notre New Deal, mazal l’espoir dixit feu Hasni. Notes de renvoi: 1- Burhane Ghalioun, Le malaise arabe : l’État contre la Nation, éditions la découverte, 1991 2- Noël Boussaha, «Frontière est: prostituées, zetla, cigarettes…, tout passe» journal El Watan, 14 décembre 2012 3- Tarik Ghezali, cinq algériens et un changement, Jeune Afrique N 2701 du 14 au 20 octobre 2012 Kamal Guerroua, universitaire

  • EXCLUSIF. Gaz de schiste : la France va explorer en Algérie

    L’Algérie, terrain d’expérimentations pour FAFA !! Posté par Rédaction LQA Le Point.fr – Publié le 20/12/2012 à 10:33 Un accord permettant d’expérimenter une alternative à la fracturation hydraulique sur le territoire algérien sera signé. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a fait quelques confidences jeudi matin à un petit nombre de journalistes. Dans ses propos, une information : la France et l’Algérie vont prochainement signer un accord permettant des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l’exploitation des gaz de schiste. On sait le sujet sensible et capable de fâcher tout rouge l’allié écologiste. Les quelques permis d’exploitation à des fins de recherche délivrés sur le territoire national sont en effet considérés par les Verts comme des chevaux de Troie, prélude à l’exploitation tout court. Mais le gouvernement ne renonce pas à l’idée d’un mode d’exploitation moins dangereux pour l’environnement que la fracturation hydraulique, le seul disponible actuellement. C’est donc en Algérie que ces recherches seront menées. Les Algériens, eux, ne risquent pas de râler. Par Michel Revol

  • François connaît-il Ahmed ?

     

    20121219.jpg 

     

     

    Contrairement à juillet 1830, les descendants du duc de Bourmont de décembre 2012 ne viendront pas par la mer mais par les airs, en avion spécial. Ils n'accosteront pas à Sidi Fredj mais au couloir VIP de l'aéroport d'Alger, par où la délégation française devrait gagner la capitale turque où tout a été repeint sur le trajet, façades et passants triés. La route de l'aéroport, mais aussi Zighout Youcef, Larbi Ben M'hidi et Didouche Mourad, trois parmi les glorieux martyrs rafraîchis pour l'occasion. A Tlemcen, où M. Hollande devrait se recueillir sur la tombe de l'armée des frontières, tout a aussi été repeint et la ville, contrairement à Alger, a même décrété la journée de jeudi fériée, chômée et payée. Et pour cause, M. Hollande devrait aller à l'université pour se faire bombarder docteur honoris causa, s'ajoutant en tant que personnalité de premier plan au clan de l'Ouest.

    Mais bien sûr, à Alger ou Tlemcen, il ne s'agit que de façade : donner un semblant de vie à un pâleur bien réelle, maquiller un vieux régime en faux jeune dynamique et nettoyer «win ichouf Ahmed», là où Ahmed peut voir. François Hollande, bien que son pays soit resté 132 ans en Algérie, ne connaît pas Ahmed et aucun guide local ne va lui expliquer de qui il s'agit car il sera surtout question de protocole et de symbolique entre un vieux couple qui a raté tout autant son mariage que son divorce. Le volet économique ayant été écarté de la visite pour des raisons de pudeur, les problèmes de pension alimentaire et de la charge des enfants seront reportés à une date ultérieure.

    Seul avantage pour les indigènes : M. Sellal le décorateur d'extérieur et M. Benyounès son nettoyeur de surfaces vont enfin avoir du travail et pourront justifier leur salaire. Mais au départ de M. Hollande, ces indigènes qui auront été parqués, fichés et lavés à grande eau, se poseront encore la même question : quand le président algérien s'y est rendu en visite officielle, les autorités françaises ont-elles repeint Paris ?

     

    Chawki Amari
  • Pierre qui roule et autres clichés géologiques !

    Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com 


    la France très intéressée par le savoir-faire algérien en matière de … …badigeonnage d’une ville en 48 heures chrono ! Les pierres ont volé haut lors de la récente visite du président Moncef Marzouki à Sidi-Bouzid, la ville martyre tunisienne. Les manifestants, frères et sœurs d’un marchand ambulant devenu célèbre, n’apprécient pas la tournure prise par la révolution du jasmin. Donc, les pierres ont volé haut, s’abattant sur les officiels. Les pierres ont aussi volé haut et continuent de voler haut en haute, moyenne et basse Egypte. Là-bas, les héros de Place Tahrir n’apprécient que moyennement le chemin poilu emprunté par la révolution anti-Moubarak. Alors, là-bas itou, les pierres ont volé haut. Et continuent de voler. En Algérie, l’observatoire non agréé des pierres qui volent à la figure des très hauts dirigeants du pays est formel. Certes, les pierres volaient encore chez nous haut, très haut il y a quelques années de cela. Des marques sur la carrosserie d’une Mercedes 500 de la présidence faisant foi. Mais depuis, et sans que cet observatoire n’avance d’explications, les pierres algériennes ont subitement cessé de voler sur le trajet d’un cortège de type 1. Pourquoi les pierres tunisiennes et égyptiennes volent encore le plus normalement du monde, alors que leurs homologues algériennes se sont retrouvées frappées d’immobilisme chronique ? On ne peut que spéculer autour de ce mal mystérieux qui frappe notre géologie. Des fans de Mick Jagger et de toute pierre qui roule croient dur comme fer en l’existence gardée secrète d’une brigade à la mission en théorie impossible mais en l’occurrence fort bien remplie : celle qui consiste à coller les pierres qui jonchent les trajets dits sensibles. De nuit, de préférence, les commandos-colleurs sillonnent le pays, cartes et bidons de colle forte en main et s’emploient méthodiquement à coller tout caillou au sol, le fixant aussi solidement que l’immunité de Chakib Khelil. Du coup, même en colère, les manifestants algériens se tuent la santé à essayer d’arracher en vain des cailloux forcément indécollables. Une explication qui satisfait également un autre fan-club, celui de la famille Pierrafeu. Les adorateurs de ce dessin animé culte croient eux aussi dur comme… pierre (j’avais envie déjà de la faire cette vanne, dix lignes plus haut !) que les pierres algériennes ne volent plus parce que le régime passe son temps à les coller. Mais, contrairement aux fans de Mick Jagger et des Rolling Stones, les amis des Pierrafeu sortent de cette histoire avec une morale essentielle, fondamentale qu’ils nous délivrent ainsi, d’un bloc (eh oui, celle-là aussi, celle du bloc, je n’allais tout de même pas la rater) : pour réussir dans ce pays, mieux vaut investir dans la colle. Forcément, la colle, c’est un secteur d’avenir ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.

  • L'autre France

     

    Par Maamar Farah
    L’annonce de la signature d'un accord entre Renault et l'Algérie a été abondamment commentée dans les sites d'information français. Outre le fait que les intervenants n’ont pas compris que la nouvelle usine ne se fera pas au détriment de l'emploi en France, ce qui nous a plus attristé, ce sont les points de vue infantiles, les visions étriquées, les mots offensants et moqueurs, les insultes aux Algériens de France et un tas d'autres joyeusetés qui montrent que certains esprits sont restés bloqués sur un matin ensoleillé de juillet 1962...
    Ce n'est pas sur le site du Front National que nous avons vu ces imbécillités écœurantes mais sur la page Web d’un quotidien prestigieux : Le Figaro ! A l'homme d'Etat et vieil ami sincère et dévoué de l'Algérie, nous disons toute notre considération et lui souhaitons bon courage pour le reste de son quinquennat : il en aura besoin pour résister à tous ces nostalgiques abreuvés aux sucreries bêtifiantes de la propagande réactionnaire et ces revanchards bernés par l'extrême droite et sa nouvelle alliée, la plus périlleuse pour la France multiraciale, égalitaire et fraternelle : la droite populaire !
    maamarfarah20@yahoo.fr
    «La fin du monde un vendredi ! Et pourquoi pas un samedi ou un dimanche ? C'est encore un coup des sionistes et des nouveaux croisés ! Quoi le calendrier maya ? Tu le connais toi ce Maya, ça doit être un agent du Mossad !»
    Tata Aldjia

  • De «l’œuvre positive» de la France coloniale : déculturer, ensauvager


    Par Smaïl Hadj Hali
    Cent quatre-vingt-deux ans après le début de l’occupation coloniale, de larges secteurs de ce qu’il est convenu d’appeler les élites françaises(1) — politiques, artistiques, médiatiques, scientifiques, universitaires — sassent et ressassent «l’œuvre positive» de la colonisation.
    De telles postures révèlent a minima, non seulement l’ancrage et l’emprise écrasante de la «culture» coloniale, mais aussi l’idéologie de la supériorité — issue des théories sur les races — au sein de larges fractions de la société française. Elles révèlent tout autant, corrélativement à cette «culture», le mépris de ces élites pour des sociétés pour qui le système colonial a été une «période de deuil et de grande souffrance »(2) Ouvrons une parenthèse à ce sujet pour rappeler l’impérative nécessité de travailler sur les conditions de production des pseudos concepts et plus largement de la terminologie, qui ont structuré et structurent toujours les discours colonialistes et néocolonialistes( 3). Cet impérative critique concerne aussi les disciplines des sciences sociales et humaines, qui reprennent ces termes et légitiment ainsi une mystification. Cette approche peut contribuer, au-delà de l’interrogation critique, au démontage du contenu idéologique qui «entre en jeu dans ces imperceptibles falsifications». Défendre outrageusement, rageusement, comme le font certaines élites françaises, la «mission civilisatrice ou l’œuvre positive» de la France colonialiste c’est, pour citer Roland Barthes, «faire entrer une politique dans un monde de représentations immuables et nécessaires. C’est en un mot confondre l’ordre politique et l’ordre naturel», pour inscrire le premier dans la logique du mythe et déhistoriciser ainsi les faits politiques et sociaux. Or, il est entendu que «le mythe a pour charge de fonder une intention historique en nature, une contingence en éternité ». N’est-ce pas là la fonction de l’«œuvre positive», de la «mission civilisatrice» ou des bienfaits de la colonisation ? Ces termes, frappés du poids de l’évidence, conçus et induits, fondamentalement, par les théories sur les races, contribuent à former, formater, forger, objectiver — souvent en convoquant un discours à tonalité scientifique — une vision du monde fondée sur le paradigme des races, des civilisations et des cultures supérieures aux autres, lesquelles autres, par définition, n’ont ni civilisation ni culture. A propos de discours scientifiques, l’historien français C. Liauzu soulignait, en traitant du cas français, que «c’est bien au cœur de notre culture scientifique qu’il faut chercher certaines des origines des crises racistes», lesquelles, pourrions-nous ajouter ne sont pas sans lien organique avec le fait colonial.
    «Civiliser, instruire, éduquer»
    Dès les premiers temps de l’occupation coloniale «l’œuvre positive» et «civilisatrice» était donnée par les différents acteurs — civils et militaires — comme l’une des priorités, sinon la priorité, de la colonisation : «Civiliser, instruire, éduquer, régénérer», telle était la devise. «Appelée au beau rôle de coloniser une des régences barbaresques, la France a pris pour auxiliaire de sa marche le plus puissant moyen de civilisation, l’instruction. Pacifier et éclairer tour à tour ces contrées, y répandre de nouveau les bienfaits de la science qui les ont fuies depuis des siècles, telle est la noble mission qu’elle s’est proposée et qu’elle accomplira».(4) Les principes de la supériorité de la civilisation française sont à un mot près les mêmes que ceux que l’on peut lire ou entendre aujourd’hui : «Est-ce aux Français à civiliser les Arabes ou aux Arabes à civiliser les Français ? Mais les Français sont plus avancés que les Arabes en civilisation ; c’est donc à eux de donner la loi et les règlements.»
    Une société à la civilisation propre
    Mais que trouve la France en envahissant l’Algérie ? Comme le notait M. Lacheraf(5), c’est «une société bien organisée, à la civilisation propre, parfois comparable à celles du bassin méditerranéen, peut-être imparfaite dans son développement, mais dont l’amour de la liberté, l’attachement à la terre, la cohésion, la culture, le sens patriotique, les ressources et les idéaux communs à défendre contre l’ennemi national, donnent leurs preuves tout au long d’une guerre de conquête de près de 40 ans». Ces propos, confirmés par de nombreux travaux, indiquent que l’Algérie, à l’évidence, aurait pu connaître un tout autre destin si le colonialisme ne l’avait pas plongé, puis maintenu dans la régression culturelle et dans la torpeur d’une existence infra-humaine pour la quasimajorité de la population. La guerre totale menée, un moment envisagée et pratiquée dans une perspective «d’extermination totale» jusqu’à la défaite de l’Emir Abdelkader, en 1847 et au-delà de cette date, a détruit, ravagé, ruiné, les êtres, les liens sociaux, les institutions, les cultures, les animaux, le commerce, les biens de subsistance. La confiscation des biens collectifs, l’expropriation des terres, le séquestre des biens immobiliers ont systématisé la paupérisation des familles et la désintégration des communautés et généralisé disettes, famines et maladies, provoquant au final un désastre démographique. Dès lors, est-il exagéré de dire et de redire que ce système — considéré, toute honte bue, par des historiens et des hommes d’Etat français, récemment, comme un «système injuste» — a désagrégé la société algérienne et lui a interdit toute possibilité d’inventer, d’imaginer son «avenir historique », de penser sa modernité, de concevoir son rapport et son apport singuliers à l’universalité, en un mot d’exister. Qui peut encore croire un instant que l’Algérie n’aurait pas pu mieux faire que ses millions de victimes des guerres coloniales, de la mobilisation forcée des siens pour les guerres impérialistes, les famines organisées et les épidémies induites par celles-ci. Qui peut penser un instant qu’elle n’aurait pas mieux fait que les lois d’exception, le code de l’indigénat, les expropriations massives, la pratique systématisée et généralisée du racisme, la destruction de son système généalogique, ou encore les cinq techniciens en agriculture et les quelque 90% d’analphabètes dans les deux langues. C’est cela, et la liste est ouverte, l’héritage laissé par un système de gouvernement mû, entre autres, par une logique de destruction culturelle et d’«ébranlement du substrat mental» des individus et des groupes sociaux. Cette dernière caractéristique est-elle outrancière ? La réponse nous est copieusement fournie par les nombreux documents, relatifs à l’instruction, produits par les acteurs de la colonisation (officiers, administrateurs, chefs de bureau arabes). Ces textes, à leur corps défendant, rendent compte de la destruction systématique des réseaux d’instruction et de ce qui s’y apparente. Ces documents(6) révèlent, en outre, que le pouvoir colonial, au fur et à mesure que s’étendait son contrôle militaro- administratif sur les êtres et le territoire, découvre étonné, et inquiet, non seulement la place et le rôle de l’instruction, de l’éducation, dans la société, mais aussi l’intérêt que lui accordent les habitants des villes et des campagnes : «Toutes les tribus, tous les quartiers urbains avaient un maître d’école avant l’occupation française.» «Il faut reconnaître que les familles encourageaient les études et se croyaient moralement obligées d’envoyer leurs fils s’instruire loin d’elles.»(7) «A une époque où l’on découvrait en Europe le rôle de l’école publique, en Algérie, presque tous les enfants savent lire et écrire. Dans chaque village, il y a deux écoles… Tous les enfants de 6 à 10 ans fréquentaient l’école primaire.»(8) Ces notes indiquent bien que le monde urbain et rural était doté de lieux dédiés à l’instruction, certes, suite au long déclin de la civilisation arabe, qualité, niveau des connaissances, savoirs dispensés étaient insuffisants et rudimentaires, comparés aux avancées et au niveau des sciences et des techniques en Europe, à la même époque. Ceci admis, il n’est pas sans intérêt de noter que les familles et plus largement les communautés urbaines et rurales, «se croyaient obligées», comme le note un officier, d’assurer le minimum scolaire : apprendre à lire et écrire. Aux seuls garçons(9), il est vrai. Considérée alors comme «l’une des cinq plus belles villes de la Méditerranée», Alger comptait une centaine d’écoles primaires et 132 mosquées.(10) Grâce aux revenus des biens communautaires, la ville entretenait ses institutions scolaires et cultuelles et rémunérait ses enseignants. Dès les premiers temps de l’occupation, et comme pour vérifier l’état de guerre totale imposé par l’ennemi, cette infrastructure cultuelle et scolaire est l’objet de convoitises et de destructions. Des dizaines de mosquées sont rasées, une soixantaine occupées, à quoi s’ajoutent la dispersion et la répression de l’encadrement humain. A propos de l’usage des mosquées, un voyageur français note que «quelques-unes sont appropriées au culte catholique, d’autres sont converties en magasins, en pharmacies militaires. Une de ces dernières est même occupée, ô honte ! par l’administration des lits militaires ».(11) Ce destructions, ces violences, le chaos instauré par l’ennemi, provoquent dispersion, exode, exil de tous ceux, savants du culte, lettrés, enseignants, qui dispensaient instruction, éducation religieuse et s’occupaient des œuvres cultuelles. Dans un rapport officiel, l’administrateur civil d’Alger, Genty de Bussy, note que «plus de 80 écoles existaient à Alger avant la conquête, qu’elles ont été réduites de moitié par l’émigration des instituteurs, des grandes familles(12) et par l’occupation de plusieurs classes, entendons de plusieurs mosquées».(13) Véritable saignée, l’exil forcé des élites urbaines vers les cités du Maghreb (Tétouan, Tunis, Cyrénaïque), du Machreq (Alexandrie, Damas, El Qods) et de Turquie (Izmir, Istanbul)( 14), est suivi de celui, massif, d’élèves et d’étudiants qui n’ont plus la possibilité de parfaire leurs connaissances sur place. C’est ce que signale un chef de bureau arabe : «Les écoles du second degré ont disparu presque en totalité de la surface de l’Algérie. Les jeunes gens qui désirent acquérir quelques connaissances un peu étendues vont chercher à Tunis, Tripoli, Tétouan, en Egypte même un enseignement qui leur fait défaut.» Les autres cités ne sont pas en reste, et subissent le même sort qu’Alger. C’est le cas d’Oran, qui possédait : «… pour 12 000 ou 14 000 âmes, trois collèges et 50 écoles». Un chef de bureau arabe note qu’avant l’occupation, existait une «espèce d’école publique où étaient enseignés l’arithmétique, la grammaire, le droit musulman et la cosmographie ». «Cette école a disparu, mais rien ne l’a remplacée». Dans la région de Tlemcen, une trentaine de zaouïas, pour une population estimée à 125 000 habitants, assuraient un enseignement primaire, secondaire et supérieur. Dans les territoires administrés par la résistance algérienne, l’instruction, malgré l’état de guerre totale imposé, n’est pas délaissée. Un chef de bureau arabe pour la région écrit que lorsque «El Hadj Abdelkader commandait dans le pays, il avait contraint presque chaque douar à posséder un enseignant. Depuis, beaucoup ont disparu» (…), «les tribus sont plongées dans les ténèbres de l’ignorance les plus épaisses». Avec la guerre les zaouïas de Mascara ont disparu et les étudiants regagnent le Maroc pour poursuivre leur instruction, ajoute ce chef de bureau. Capitale, un temps de l’Emir Abdelkader et de la résistance organisée, Mascara, depuis sa prise, n’est plus en mesure d’assurer une instruction supérieure, alors que celle-ci y a «… brillé d’un assez vif éclat», renseigne un chef de bureau. L’est du pays n’est pas épargné. En 1837, année de sa chute, Constantine, dont la réputation intellectuelle est alors comparable à celle de Tunis et du Caire, possède 86 écoles primaires fréquentées par 1 350 élèves. A ce réseau, s’ajoute une infrastructure cultuelle de 37 mosquées et 7 médersas. En 1849, après 12 années d’occupation, Constantine ne compte plus que 60 jeunes gens dans l’enseignement secondaire. Sur les 90 écoles primaires que fréquentaient 1 500 élèves, il n’en reste plus qu’une trentaine pour 530 élèves(15). Si le système éducatif dans son ensemble subit les affres de la destruction coloniale, tout en maintenant, ici et là, à travers quelques fragiles structures une présence symbolique dans le primaire, l’enseignement secondaire et supérieur est tout simplement laminé.
    Désarmement moral et matériel
    C’est une action politique volontaire, consciente, délibérée qui a été implacablement menée par l’armée française dans le but explicite de briser toute espèce d’unité intellectuelle et spirituelle. Engagé dès le début de l’agression coloniale, le processus d’ensauvagement des «indigènes», induit par leur déculturation et leur dés-alphabétisation, fait partie des priorités durables de l’administration coloniale. Les Algériens s’y opposent. Leur résistance est telle que le général Ducrot, membre de l’état-major militaire, ordonne, en 1864, après 34 années de guerre totale : «Entravons autant que possible le développement des écoles musulmanes, des zaouïas. Tendons, en un mot, au désarmement moral et matériel du peuple indigène.»(16) Cette injonction criminelle est en phase, s’articule, pourrait- on dire, à celle qu’ordonne quelques années plus tôt le général-baron Bugeaud, adepte de la «guerre d’extermination totale», en sa qualité de chef des armées et de gouverneur général d’Algérie, à ses «Colonnes infernales» : «Il faut empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer.» L’articulation entre processus de déculturation et processus de destruction des cultures vivrières, s’inscrit dans une stratégie de paupérisation socioéconomique absolue et de désintégration des communautés. Cette stratégie est décrite dans des documents établis par des chefs de bureau arabes qui, rappelons-le, sont les ancêtres des sinistres SAS — sections administratives spécialisées —, créées en 1956. En 1846, le chef de l’instruction publique Lepescheux note qu’il ne reste plus que 400 élèves à Alger «les malheureux, dit-il, étaient autrefois entourés de considération et vivaient dans l’aisance ; aujourd’hui à l’exception de quelques-uns ils sont tous dans la misère». Cette situation n’a rien d’exceptionnel. De nombreux rapports et enquêtes(17) de l’armée réalisés durant les années 1850, 1860 et 1868 à Cherchell, Téniet El-Had, Jijel, Mascara, en Grande et Petite Kabylie, rapportent que «la misère de cette population est surtout la principale cause d’empêchement à l’égard de l’instruction ». Bien évidemment, cette «misère» n’est jamais, selon ces rapports officiels le produit, le résultat direct du système de gouvernement colonial. A Orléansville, «les écoles sont désertées. AAumale : «A la suite de la disette de 1868, les zaouïas ont été complètement désorganisées, sauf dans les Beni-Djaâd où l’on en trouve encore deux.» Près de Batna, «la misère a fait disparaître la plupart des écoles musulmanes que l’on y comptait». AAïn Beïda, «les Arabes, cela se conçoit, ne veulent pas payer l’instruction de leurs enfants à des tolbas alors qu’euxmêmes meurent de faim». A Boghar : «Une misère hideuse pèse sur nos tribus, les familles sont obligées souvent à vivre de racines et de baie de genévrier… les écoles sont plus désertes que jamais.» A Ténès, «beaucoup de familles sont obligées d’avoir recours aux racines du sol pour subvenir à leur entretien. Elles employaient à leur recherche leurs enfants, et un grand nombre d’élèves se trouvaient distraits de leurs études». Innommable, ce désastre social, économique, culturel, qu’amplifie une répression(18) systémique favorise le repli sur soi, l’intériorisation d’une psychologie de la détresse et de la désespérance et l’enfermement dans des comportements archaïques. Cela étant, ce système de gouvernement d’exception et ses logiques de domination et d’exploitation totales n’entament pas la préservation, certes, dans les conditions les plus dures, de multiples formes de résistance anticolonialiste actives et passives, émancipatrices ou équivoques quant à leurs issues. On mesure mieux le ridicule, la mauvaise foi, le chauvinisme, ou l’ignorance, de ces larges fractions élitaires quant à «l’œuvre positive» de la France coloniale dans le domaine de l’instruction, suite aux controverses qui ont entouré l’adoption de la loi du 23 février 2005. A cet effet, une cohorte hétéroclite, mais solidaire, d’intellectuels, d’artistes et d’hommes politiques, parmi lesquels des républicains de droite et de gauche, défendront bec et ongles, à travers interventions, émissions médiatiques, écrits journalistiques et déifications idéologiques l’œuvre positive coloniale de la civilisation. Tous, sans exception, martèleront, à cor et à cri, que la colonisation a bien eu des retombées et des effets positifs, parmi lesquels, au-delà des routes et des hôpitaux, les idées, la culture, mais aussi et surtout une dimension de celle-ci : l’instruction. Parmi eux, A. Finkelkraut, vanté par l’ex-président de la République N. Sarkozy comme «la fierté de la pensée française», aura été l’un des plus fanatiques défenseurs de cette «œuvre». Dans un entretien accordé au journal israélien Haaretz du 18 novembre 2005, il assène : «On n’enseigne plus que le projet colonial voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages ? On ne parle que des tentatives d’exploitation, de domination et de pillage.» L’avocat Arno Klarsfeld, actuel président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, nommé par Sarkozy, déclare au journal Libération du 30 décembre 2005 : «Je ne suis pas d’accord pour abroger l’article 4 de la loi du 23 février 2005. La France a construit des routes, des dispensaires, apporté la culture…» Et il conclut : «Le nier serait de l’aveuglement historique. » D’autres propos de la même veine tenus par des personnalités, des intellectuels, des artistes très en vue, à l’image de l’essayiste médiatique Pascal Bruckner, de l’écrivain et néanmoins défenseur-de-l’identité-française-en-danger Max Gallo, de l’économiste Jacques Marseille, de l’académicien Jean-Marie Rouart, du cinéaste Alexandre Arcady et ou encore du comédien Roger Hanin, donneront la preuve que «le crâne colonial pèse encore sur la connaissance». Mais bien avant cette apologétique coloniale, en 2001, suite à la publication du déballage morbide du tortionnaire Aussaresses, un homme d’Etat(19), républicain de gauche, rappelait avec vigueur «l’œuvre positive» de la France. Dans un texte intitulé Cessons d’avoir honte, il écrit : «On ne peut juger la période coloniale en ne retenant que son déroulement violent, mais en oubliant l’actif, et en premier lieu l’école, apportant aux peuples colonisés, avec les valeurs de la République, les armes intellectuelles de leur libération (…) «On peut soutenir sans paradoxe que c’est la France qui a permis à l’Algérie d’être la grande nation qu’elle est devenue».(20) Nous ne débattrons pas de ces non arguments, nous avons choisi de leur opposer quelques données chiffrées — ce sont celles de l’administration coloniale —, relatives à «l’actif» scolaire, et par extension à l’élévation de l’Algérie au rang de «grande nation» par la France civilisatrice, donnée comme vérité scientifique. Vers 1880, après un demi-siècle «d’œuvre positive», 10 000 enfants algériens, sur environ 500 000, soit 1,9% d’enfants d’âge scolaire avaient accès à une école publique ou privée(22). A titre comparatif, à la fin des années 1880, 100% des effectifs des 6 et 11 ans sont scolarisés en France, suite à la loi Jules Ferry(23) de 1882, auquel le président Hollande rendit hommage au lendemain de son investiture, sur une idée, semble-t-il, de Benjamin Stora, son conseiller historique. Notons au passage que de nombreux historiens et publicistes proches des milieux de la colonisation, mais aussi des officiers, admettaient qu’avant l’invasion coloniale, tous les enfants de 6 à 10 ans fréquentaient l’école primaire. En 1898, dix années après la promulgation pour l’Algérie de la loi sur la scolarisation obligatoire , le recteur d’académie en Algérie M. Jeanmaire, rapporte, certes dans le langage des dominants, que 97% d’enfants algériens «étaient restés étrangers à la langue française et à toute action de civilisation». Vers 1908, 30 400 enfants sur 700 000, soit 4,3% d’enfants d’âge scolaire fréquentaient, irrégulièrement, l’école coloniale. A la veille de la Première Guerre mondiale, en 1918, 5% d’enfants d’âge scolaire, soit 47 000, pour 850 000 étaient inscrits à l’école. En 1954, après 124 ans d’«œuvre positive», «l’actif scolaire» de J.-P. Chevènement, était de 10% environ d’enfants d’âge scolaire, d’après les chiffres de l’administration coloniale.
    Attitude des Algériens face à l’instruction et à la langue française
    Ces quelques données doivent-elles étonner ? En vérité, comme le notait en 1967 le sociologue Abdelmalek Sayad : «… Il n’a jamais été dans la nature de la colonisation d’assurer l’émancipation des colonisés, même au moyen de la langue, de l’école et de la culture coloniale. Convaincus que l’action de l’école devait, tôt ou tard, porter atteinte au fondement même de l’ordre qu’ils avaient instauré, les milieux de la colonisation ont toujours été farouchement opposés aux progrès de l’école française en Algérie». Cette analyse est largement confirmée par les pratiques et discours des colonialistes : «Lorsqu’il y aura partout des indigènes instruits qui pourront se renseigner sur les derniers progrès de la science, alors éclatera une formidable insurrection. » D’autres considèrent que «… c’était folie d’instruire les indigènes», et de leur permettre d’accéder à une instruction susceptible de leur offrir «diplôme et orgueil», qui en «feraient des déclassés et des concurrents, des agités ou des révolutionnaires ». D’autres enfin avertissent : «Si pour cette foule de gueux… l’instruction se généralisait, le cri unanime des indigènes serait l’Algérie aux Arabes.» Ce danger que l’instruction des «Arabes» pouvait faire peser sur le système colonial relevait des fantasmes du colonat et d’une population de «petits Blancs» qu’effrayait l’hypothétique promotion par l’école de quelques indigènes, une promotion qui leur ferait concurrence. Pour en finir avec ces fantasmes, rappelons que c’est «avec un peuple composé de 91% d’illettrés qu’en novembre 1954 fut déclenchée l’insurrection victorieuse. Cela ne veut nullement dire que le colonialisme a été vaincu par l’ignorance. Cela veut dire tout simplement que s’il avait fallu attendre pour déclencher la lutte que l’ignorance fut vaincue, l’insurrection eut été renvoyée aux calendes grecques»(24)
    S. H. A.

    1 - Il y a une constante, une continuité historique des élites françaises depuis 1830 dans la défense de l’idée de la «mission civilisatrice» confinant celle-ci au statut de patrimoine national.
    2 - Propos de l’historienne guadeloupéenne Maryse Condé.
    3 - Un exemple récent très significatif. Lors des «déclenchements » des pseudos printemps arabes, des politiques, de droite de gauche et de Navarre, des universitaires, des arabologues, islamogues et autres experts avaient tous dans la bouche un même mot : «Nous devons accompagner ces révolutions» ; «Il faut accompagner ces gens». Eternel et indécrottable paternalisme
    4 - Ainsi parlait, en 1834, l’intendant civil d’Alger, le gouverneur civil en quelque sorte, Genty de Bussy, dans un rapport adressé à ses supérieurs.
    5 - Algérie, nation et société, M. Lacheraf. Maspero, 1965. 6 - Une partie conséquente des informations mentionnées tout au long de cet article provient de l’ouvrage d’Yvonne Turin Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale. Maspero, 1971.
    7 - Général Daumas.
    8 - «Y. Turin. Op., cit.
    9 - En 1892, un décret colonial réglementant l’enseignement pour les «indigènes» excluait les filles.
    10 - Il est important de préciser que les mosquées et les zaouïas étaient généralement pourvues d’écoles, de médersas.
    11 - E. De Lumone, Promenade à Alger1865.
    12 - C’est nous qui soulignons
    13 - Peuplée de 50 000 habitants avant 1830, la ville d’Alger d’après une évaluation coloniale n’en comptait plus que 12 000 en 1833. C’est donc 38 000 personnes qui ont fui la ville.
    14 - Comme le note M. Lacheraf : «Ces choix dénotaient un ensemble de liens avec une catégorie de villes de l’Islam méditerranéen.»
    15 - La population de Constantine était estimée à 20 000 habitants en 1849. 16 - Cf. Les zaouïas, Smaïl Hadj Ali, revue Maghreb-Machrek, n°135, 1992.
    17 - Y. Turin, op, cité.
    18 - Des démographes français ont estimé entre 800 000 et 1 000 000 le nombre de victimes directes ou indirectes de la guerre de conquête, entre 1830 et 1871 pour une population de 3 millions de personnes. Voir les travaux récents du démographe algérien K. Kateb.
    19 - Il s’agit de Jean-Pierre Chevènement. Les graves divergences ici exprimées n’ôtent en rien sa solidarité, rare à cette époque du côté des élites politiques françaises, avec l’Algérie qui luttait contre la terreur théocratique. On comprend d’autant moins bien sa défense de la France coloniale, si ce n’est sa vision étroitement nationaliste du rôle de la France, laquelle occulte la nature impérialiste de sa politique extérieure. Cf la position française avec la Libye et la Syrie.
    20 - Bachir Hadj Ali, «Culture nationale et révolution algérienne» Alger, 30 mars 1963.
    22 - Nous ne débattrons pas de la qualité de cet accès, ni des fonctions de dressage et de soumission de l’institution scolaire coloniale.
    23 - On oublie, ou on feint d’oublier, que Jules Ferry, homme d’Etat raciste, joua un rôle considérable contre la commune de Paris et s’est enrichi en spéculant sur les denrées alimentaires durant celle-ci. Complice de Thiers dans le massacre des communards, il fut affublé du nom de Ferry-Famine par les révolutionnaires parisiens.
    24 - Bachir Hadj Ali, «Culture nationale et révolution algérienne» Alger, 30 mars 1963.

  • Celui qui n’a pas peur de sa femme n’est pas un homme !

    Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com 

    Tous les observateurs sont formels là-dessus : Hollande vient en Algérie les mains vides. Pas sûr qu’il en reparte dans le même état !  Celui ,qui n’a pas peur ,de ,sa femme ,n’est pas un homme !

    Tata Louisa vient de nous en faire la révélation : Abdekka ne briguera pas de quatrième mandat ! Et la dame de préciser tout de même qu’il s’agit là d’une «analyse politique personnelle et non celle du parti». Moi, très honnêtement, je suis partagé face à une telle déclaration. Par nature, je serais enclin à faire confiance à un avis féminin. Attention ! Ne vous méprenez pas. Il ne s’agit pas de machisme de ma part et de condescendance. Abadan ! Je sais juste que les femmes ont cette intuition que nous n’avons pas. Elles savent quand nous les mecs sommes au bout du rouleau. Elles sentent ce genre de trucs. Elles le devinent. Oui ! Oui ! Je sais que c’est encore le cliché de l’intuition féminine ressortie à chaque fois par la gent masculine. Mais pas que ! Je sais Tata Louisa extrêmement perceptive de ce genre de sentiments. Mais en même temps, je vous le concède, c’est un peu court ! Imaginez que je fasse mienne cette analyse de la dame, que je l’intériorise et que je la plaide d’ici à 2014. Et imaginez que le châtelain se présente quand même et brigue un 4e mandat ! Je ne pourrais même pas me retourner contre le Parti des travailleurs, puisque habile comme à son habitude, Tata Louisa a tenu à nous dire qu’elle parlait en son nom propre et nom au nom du PT. Je ne pourrais pas non plus me retourner contre la Tata elle-même. Eh oui ! Elle pourra toujours me rétorquer qu’elle n’a pas usé de la contrainte pour que j’adhère à sa théorie. Et je peux encore moins aller me plaindre à mon épouse d’avoir été ainsi blousé. Parce que la connaissant bien par contre, ma douce compagne peut vite se transformer en tigresse féroce et me reprocher toutes griffes dehors d’avoir écouté une autre femme qu’elle, de lui avoir fait confiance aveuglément et d’avoir hypothéqué ma crédibilité légendaire de chroniqueur sur la simple foi d’une déclaration faite par une dame au beau regard de braise. Oui ! Oui ! Je sais, là aussi, je cède au cliché courant s’agissant de Tata Louisa, celui de la belle passionaria dardant de ses mirettes implacables l’impérialisme occidental et ses valets du Qatar. Mais comprenezmoi bon Dieu ! Je suis dans de sales draps ! Vouer une confiance aveugle à Tata Louisa, faire mienne son analyse sur l’impossibilité d’un quatrième mandat, me mettre à dos les rares camarades que j’ai encore au PT et qui se démarquent de l’oracle de leur cheftaine, et par-dessus tout me fâcher avec mon épouse. Abdekka ne se présentera pas à un 4e mandat ? Wallah que je n’en sais rien. Demandez à la dame ! Moi, je préfère encore fumer du thé et rester éveillé à ce cauchemar qui continue, 4e mandat ou pas ! H. L.

  • Qui a dit que l’Algérie attendait le père Noël ?

    19122012.jpg

    Par Badr’ Eddine MILI
    La naïveté politique est, probablement, la pire des infirmités dont puisse être affligé un Etat dans les relations qu’il lui arrive, par la force de la géographie et de l’Histoire, d’entretenir avec ses voisins. Heureusement que le nôtre a, de temps à autre, des éclairs de lucidité, dans son travail d’évaluation et de prospective des événements et des scénarios attendus ou espérés de son environnement international, pour ne pas se laisser piéger par les leurres destinés à lui faire lâcher la proie pour l’ombre ou, pis, à lui faire prendre les vessies pour des lanternes. Quoique…
    Depuis plusieurs mois, certains milieux des deux côtés de la Méditerranée s’échinent à présenter le président François Hollande sous les traits de l’heureux détenteur d’une pierre philosophale dotée du pouvoir de transformer les divergences séparant l’Algérie et la France en autant de ponts d’or, par la grâce desquels une montagne de contentieux vieille de 182 ans s’effondrerait, d’un claquement de doigts, comme par enchantement, un couplet déjà entendu lors des déplacements de Valéry Giscard d’Estaing, de François Mitterrand, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy qui se sont avérés, par la suite, être, tous, des attrape-nigauds, fabriqués dans les arrière-boutiques des gros intérêts néocoloniaux. Dans ces plans, dressés sur les terres d’une mystérieuse comète, François Hollande camperait même le rôle d’un père Noël qui viendrait déposer dans les cheminés des chaumières algériennes des cadeaux qui émerveilleraient petits et grands. La visite d’Etat, préparée, certes, avec beaucoup de soin, est déclarée réussie, avant même d’être entamée, un peu à la façon des congrès des partis uniques dont les résultats sont connus plusieurs semaines précédant la tenue de leurs assises. Il n’ y a pas à dire, la stratégie du marketing visant à vendre l’image présidentielle a été bien ficelée mais, malheureusement, pour ses spin doctors, la cible est hors de portée, car vaccinée depuis longtemps. Que l’on s’entende bien, ce n’est pas la personne du président français qui est en cause. Bien au contraire. François Hollande est connu pour être un homme d’une grande gentillesse, le plus BCBG de la classe politique française, le défenseur des valeurs humanistes héritées de ce qu’il y avait de plus honorable dans la branche progressiste du socialisme français, ce à quoi s’est ajoutée cette «normalité» promise, pratiquée et assumée depuis qu’il est entré à l’Elysée et, au nom de laquelle, il apparaît dans le costume d’un citoyen qui fait ses courses à pied, voyage, officiellement, en train, prend des bains de foule, sans protection ostensible, rédige ses discours sans l’aide de porte-plumes et va jusqu'à ramasser, par terre, sous l’œil des caméras, des documents qui lui avaient échappé des mains. De là à ce que ses concitoyens le croisent, un jour, circulant, dans les rues de Paris, sur un vélib’, à la mode des souverains scandinaves, il n’y a qu’un pas qu’il n’hésiterait pas à franchir si la situation le nécessitait. Et, ce qui ne gâche rien, il est, avec Michel Rocard et Jean-Pierre Chevènement, un vieil ami de l’Algérie, en tant que personne mais, aussi, dans le passé, en tant que dirigeant de parti et, maintenant, en tant que chef d’Etat, une position à partir de laquelle il a fait des déclarations sur notre pays que les Algériens n’avaient, jamais, entendues chez ses prédécesseurs. Mais encore une fois, ce n’est pas la personne qui fait problème, c’est la politique de l’Etat français vis-à-vis de l’Algérie, passé, présent et avenir, qui est en débat. Est-ce qu’être gentil et bien éduqué prédisposerait- il un homme à changer les choses, du tout au tout ? Est-ce que la «normalité» créditerait- elle son homme de la capacité de lever la chape de plomb qui pèse sur une perspective et de franchir toutes les lignes rouges et les barbelés du maquis de l’Etat français pour régler, de son seul fait, un tel problème. On dit qu’un dirigeant qui accède à une responsabilité de haut rang est contraint de tenir compte de considérations plus larges que celles de son cercle partisan, qu’il est obligé de louvoyer, d’atermoyer et se voir, parfois, forcé de prendre le contre-pied de ce en quoi il croyait, la veille, sous la pression de pesanteurs incontournables et des imprévus de la conjoncture. Entre le candidat à la magistrature suprême et le président en exercice, il y a, a-t-on coutume de justifier, un monde et même deux, celui dont il a émané et qui l’a élu et celui qui a voté contre lui, tous formant une nation aux intérêts et aux préoccupations de laquelle l’Etat lui demande de se vouer, entièrement et sans discrimination, en tant qu’expression de sa volonté générale. Et pas seulement, il doit, en plus, selon la même grille de lecture, compter avec les réalités, les ambitions et les concurrences des politiques transnationales qui prédéterminent celles de son propre pays, dans des domaines où c’est, souvent, la loi du plus fort qui prime. Toutes les opinions publiques, au monde, savent que les politiciens excellent dans le jeu du grand écart et que, rarement, ils tiennent leurs promesses, soit par manque de courage politique, soit par inclination au compromis. Qui n’a pas relevé, de ce point de vue, parmi ceux qui suivent, assidûment, l’actualité de la politique française, que le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayraut qui agit sous la responsabilité de François Hollande, a viré, parfois à 90°, sur de nombreuses questions internes et externes qui avaient, pourtant, fait l’objet de motions majoritaires incontestées. C’est le cas, pêle-mêle, de la révision du traité européen, de la politique fiscale, du logement, du nucléaire, du pacte de compétitivité, du taux de croissance, des relations avec l’Allemagne et de la crise grecque, des questions sur lesquelles se sont opérés, au contact direct avec les problèmes, d’amers recentrages, face aux menaces et aux exigences du patronat français et des multinationales, ce qui a fait aliéner à l’exécutif les soutiens parlementaires communiste et écologiste qui avaient été, pour une part, à l’origine de l’élection du président, et qui ne se reconnaissent, désormais, plus dans ses décisions. Sans vouloir l’excuser, les analystes qui attendaient de lui plus de pugnacité, expliquent qu’il a fléchi afin de ne pas sombrer dans l’œil du cyclone de la crise économique et, naturellement, de tenter de ralentir la chute brutale de sa cote de popularité dans les sondages. Ils avancent que dans la vie des nations et des gouvernements, la politique dépend de nombreux paramètres qui font que les vents soufflent, plus souvent qu’on ne l’imagine, dans des directions contraires à celles souhaitées par les navires, de la même manière que la santé n’est que la résultante d’un équilibre physique et biochimique entre variables en constant mouvement. Soit ! Il peut arriver que la raison d’Etat prédomine sur la volonté des individus, fussent-ils des présidents, mais il est, pour le moins, exigé de ces derniers une certaine fidélité aux engagements pris ; des engagements dont ils ne sauraient se dédouaner avec autant de désinvolture. Pour ne citer que l’exemple des dossiers sur lesquels les responsables algériens et français ont dû, déjà, plancher et continueront, sans doute, de le faire, pendant la visite d’Etat, il y en a deux qui renvoient à des visions qui sont, constamment, remises sur le métier, depuis l’indépendance, sans avoir reçu la moindre réponse, globale ou partielle, satisfaisante. Dans les conditions qui prévalent actuellement, en France, les observateurs avertis jugent plus qu’improbable le déblocage du processus menant à un partenariat exemplaire, tant le jeu est serré et la pollution politique ambiante corrosive. Fournisseur et client de l’Algérie de premier plan (un volume d’affaires de 10 milliards de dollars/ an dans les deux sens), l’Hexagone peine encore à reconnaître le bien-fondé de l’ambition de notre pays d’accéder au statut de puissance industrielle et le mesure, seulement, à l’aune d’un marché fonctionnant sur la base d’une sorte de deal imposé : énergie contre biens de consommation, formation contre culture et langue, immigration contre commerce, un pacte néocolonial qui ne dit pas son nom. Les projets arrachés, à l’issue d’un long travail d’usure, l’usine Renault et l’investissement dans les secteurs de la pétrochimie, des matériaux de construction, de l’agroalimentaire, de la pharmacie et de la PMI ne sont pas suffisants, en nombre et en capacité d’accumulation, pour déclencher une dynamique de développement généralisée et irréversible telle que souhaitée par l’Algérie. Visiblement, ce qui semble attirer, aujourd’hui, la France, c’est l’aisance financière de notre pays auquel elle fait du pied, en lui faisant miroiter la possibilité de prendre des parts dans le capital de secteurs importants de l’industrie française qui ont besoin, du fait de la persistance de la crise, d’argent frais, rapidement injectable, pour préserver un emploi et un pouvoir d’achat vacillants. Notre pays serait considéré, tout juste, comme une sorte de Qatar du Maghreb devant servir à renflouer les caisses d’entreprises à la dérive. En contrepartie de quoi ? Peut-être d’un peu de prestige et de quelques miettes de dividendes, sans impact sur son devenir, l’intérêt de l’économie algérienne étant de développer le pays et non de se porter au secours des pays européens en faillite, ainsi que le préconisent certains «économistes» algériens qui font l’apologie de «l’exception française». L’Algérie, faut-il le souligner, n’a pas vocation à jouer ce rôle. Peuplée, bientôt, de 40 millions d’habitants, elle aspire à utiliser ses ressources naturelles et humaines pour déclencher, le plus rapidement possible, le décollage après lequel elle court depuis la faillite de 1986 et la dislocation de son tissu industriel, tramée quelque part, dans les cercles qui ne pouvaient, alors, supporter que l’Algérie, sous la conduite du président Houari Boumediène, fût sur le point de parachever son indépendance politique par une indépendance économique, tenue pour proche et sûre. Certes, le projet Renault va susciter des industries périphériques génératrices d’emplois et de transfert de technologie, mais on se demande si son dimensionnement et son rayonnement sur la région ont fait l’objet d’études fiables, de sorte que l’entreprise, une fois mise en service, ne fasse pas doublon avec celle implantée au Maroc et ne soit pas contrariée, en termes de rentabilité, par l’étroitesse de son marché. La visite-éclair de Jean-Marc Ayraut, la semaine dernière, à Rabat, n’a-t-elle pas eu pour but de rassurer le Palais, là-dessus, ainsi que sur le Sahara occidental, un conflit sur lequel la position de la France n’a pas varié d’un iota ? Là aussi, c’est le souci de l’équilibre qui prévaut, une constante dans la politique française, sous tous les régimes, de droite comme de gauche. Comme quoi, les présidents et les gouvernements qui se succèdent à l’Elysée et à Matignon agissent, dans une parfaite continuité, dans le sens des orientations inspirées par les grands corps de l’Etat dépositaires de l’Histoire séculaire de la France et de «sa grandeur ». Une réalité sensible et perceptible, depuis toujours, et sur laquelle Benjamin Stora vient de faire des aveux révélateurs dans l’interview qu’il a accordé, le 15 décembre dernier, à El Watan, levant le voile sur les intentions de François Hollande à propos du deuxième dossier que traiteront Algériens et Français, lors de cette visite, à savoir le dossier de la mémoire. Il déclare, en effet, «qu’il y a un groupe (en France) dont on ne parle pas beaucoup et qui est très puissant, c’est l’institution militaire. Il ne faut pas oublier que près de 2 millions de soldats (français) sont allés en Algérie… et qu’à l’intérieur de ce grand groupe, une partie des gens reste attachée au nationalisme français qui s’est bâti au temps de l’Empire colonial et pas sur les principes républicains portés par la Révolution» et il conclut par une confidence qui a tout l’air d’être un effet d’annonce : un chef d’Etat s’attache à reconnaître un passé douloureux, mais, aussi, veille à rassembler une nation et à ne pas entretenir de fractures»… entendez, par là, que François Hollande est prisonnier de ce groupe et qu’il ne peut aller au-delà du minimum consenti, dernièrement, au sujet des massacres commis par Maurice Papon sur les quais de la Seine le 17 Octobre 1961. Se disant «réformiste, partisan de la reconnaissance, par étapes, des faits et des exactions commises par la colonisation» (relevez l’euphémisme), l’historien finit par expliquer que le grand fossé existant entre Algériens et Français réside en ce que «les premiers lisent l’Histoire par le commencement et que les seconds la lisent par la fin». En clair, il nous dit qu’il ne faut pas s’attendre à grand-chose de cette visite d’Etat parce qu’il n’entre pas dans les intentions du président Hollande «d’entretenir des fractures» et qu’il est dans une indisposition qui ne lui permet de se brouiller, ni avec l’armée, ni avec la droite, ni avec les ex-pieds-noirs et qu’il ne saurait faire plus qu’il n’a déjà accompli. On est donc, maintenant, édifié : les Algériens doivent se contenter de la politique des petits pas, applaudissant à un lancer de fleurs sur la Seine, par-ci, s’ébaubissant devant un hommage sélectif et tardif rendu à Maurice Audin, par-là, les enfumés du Dahra, les chaulés de Guelma, les défenestrés de Massu, les pendus d’Aussaresses et les guillotinés de la Casbah de Constantine et de Barberousse d’Alger ainsi que les victimes des massacres collectifs de Kherrata, de Setif et de Skikda devront prendre leur mal en patience et attendre que Paris daigne se rappeler de leur supplice dû à une politique coloniale génocidaire, sciemment conçue, sciemment exécutée et sciemment niée. Et puis, qu’est-ce que ce sempiternel marchandage : «faites votre travail de mémoire, nous ferons le nôtre», ce détestable parallélisme des formes sophistes auquel Stora, malgré ses mea-culpa, revient avec obstination ! Et pourtant, il est bien placé pour savoir que s’il y a une avancée remarquable opérée dans le travail mémoriel, c’est bien du côté algérien qu’elle s’est effectuée, particulièrement, à la faveur de la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance qui a enregistré, à ce sujet, une production d’œuvres de l’esprit sans précédent. Les premières assises de la littérature algérienne organisées, dernièrement, à l’initiative de l’Université d’Alger 2 ont été, à cet égard, très probantes. Les nombreux écrivains et chercheurs de plusieurs universités algériennes et étrangères comme Afifa Brerhi, Mohamed Sari, Ratiba Guidoum, Ahmed Menour, Elisabetta Bevilacqua, Kaddour M’Hamsadji, Aboulkacem Saadallah, Maïssa Bey, Mohamed Meflah, Rabia Djalti, Amine Zaoui, Yamilé Guebalou, Mohamed Magani, Djamel Mati, Ahmed Bedjaoui, le signataire de ces lignes et bien d’autres, invités à communiquer sur le thème de «la littérature et de l’Histoire», ont compulsé et mis à jour de précieuses informations sur l’apport du roman, du théâtre et du cinéma à la connaissance approfondie des innombrables séquences qui ont jalonné les combats de la Nation algérienne pour sa libération. Les colloques organisés par la société civile et les contributions qui paraissent, à profusion, depuis une année, dans les colonnes de la presse nationale sont, là, pour confirmer cette fulgurante percée qui est toute faite pour réconcilier le peuple algérien et sa jeunesse avec leur Histoire. Reste que pour reconstituer l’ensemble de ses pans, les auteurs ont besoin que leur soient restituées les archives écrites et audiovisuelles qui s’y rapportent. Toute la société élève la voix pour dire : «Rendez-nous notre mémoire pour faire le deuil de la perte de la moitié de notre nation, durant plus d’un siècle, dans le silence indicible de l’ignominie et de la honte.» A défaut du pardon pathétique qu’un Willy Brant a eu le courage de demander, à genoux, au peuple polonais, il y a 42 ans, François Hollande entendra-t-il ce cri et accordera-t-il son intime conviction avec ses actes en faisant de sa première visite d’Etat, à l’ étranger, un événement qui restera dans les annales ? A première vue et, selon les déclarations de son «porte-parole officieux», Benjamin Stora, la réponse est non ! Alors, le voyage ne sera-t-il, en fin de compte, qu’une péripétie, à la limite, commerciale et sécuritaire, dans une relation, en dents de scie, où le froid prend, à chaque fois, le dessus sur le chaud, accentué par les bruits de bottes que la partie française tient, coûte que coûte, à faire entendre du côté de Bamako, en usant de pressions «amicales» pour que l’Algérie s’aligne, malgré elle, sur l’option militaire arrêtée à Paris ? Raison d’Histoire et raison d’Etat ne faisant pas bon ménage, en politique, il est à craindre qu’à part la signature habituelle de quelques contrats, aussi mirifiques soient-ils, l’on ne donne pas tort, encore une fois, aux pythies qui prédisent un voyage protocolaire… sans plus.
    B. M.

    P. S.1 : Lire absolument le dernier numéro de Réflexions et perspectives, la revue de l’Université d’Alger 2, sur le cinquantenaire de l’Indépendance, coordonnée par Afifa Brerhi.
    P. S. 2 : En ces semaines riches en manifestations cinématographiques et audiovisuelles liées au même événement, je voudrais rappeler, ici, le souvenir et les services que la défunte Malika Touili a rendus à la Télévision algérienne et, en particulier, à l’émission Télé-Ciné- Club dont elle fut la pionnière à la RTA.

  • Comment tomber deux fois sur la même route

     

    Taille du texte normale

    Quelques jours après l'acquittement des bourreaux du correspondant d'El Watan à Tébessa, une sourde indignation est montée des profondeurs du pays. Messages de soutien, réactions de révolte et appels à des manifestations, rassemblements et hommages. Bien qu'unanime, le constat d'une justice soumise aux maffieux, aux puissances de l'argent et aux politiques n'est pas une révélation. Ce qui a frappé, c'est de réaliser avec tristesse et crainte comment l'on peut tomber deux fois : d'abord aux mains de féodaux intouchables, puis aux mains d'une justice improbable qui avalise l'attitude des premiers.

    Le cas Beliardouh n'est pas une affaire de corporation, mais un drame qui touche tout le monde parce qu'il peut arriver à chacun. Si un homme, déjà violenté, est poussé au suicide, c'est qu'il a eu raison puisque la justice n'a pas réussi à réparer l'injustice a posteriori. Et plus largement, si les correspondants sont ainsi les victimes des barons et des justices locaux, qui pourra alors transmettre ce qu'il se passe dans les régions ? Les termes de cette équation mise en place par les fossoyeurs du pays, autant constitutionnels qu'institutionnels, auront réussi à verrouiller toute solution, puisque même les autres correspondants locaux, témoins à charge des accusés, auront reculé avec cet argument recevable : qui va nous protéger ?

    Quand la violence s'imbrique dans l'impunité pour faire corps avec l'injustice, que reste-t-il comme recours ? A part se faire vengeance en s'achetant une arme au grand marché noir de la désillusion ou en montant au maquis par la voie nord de la colère, il n'y a pas grand-chose à faire. D'Alger, du haut d'un immeuble fraîchement repeint pour la visite de Hollande, l’on peut admirer à quel point tout est si loin et si fragile. Et contempler ces usines fumantes de désespoir qui, contrairement aux autres fabriques nationales, fonctionnent si bien et à plein régime.

     

    Chawki Amari
  • no moment

    20121217.jpg

  • Le samedi ou un autre jour, c’est à lui de voir !

     Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com Algérie.  pousse.jpg

    Dernière minute. La future usine Renault sera finalement implantée à … …Tibhirine !

    J’avoue que je ne connaissais pas ce «détail». Et je n’en ai pris connaissance qu’à travers le dramatique assassinat de masse qui vient de secouer les Etats-Unis ces dernières heures. Vous saviez, vous, que le président américain, que ce soit Obama aujourd’hui ou ses prédécesseurs, sont tous tenus par une «tradition» bien établie, celle de l’adresse une fois par semaine à leur peuple, le samedi, à travers les ondes de la radio ? Wallah que je tombe des nues en l’apprenant. Hebdomadairement, tous les samedis Obama parle aux Américains. Cette fois-ci, actualité brutale oblige, il a bien évidemment évoqué la tuerie du Connecticut. Les autres fois, en fonction de l’actualité, il peut aborder des sujets économiques, l’emploi, le chômage, l’école ou encore les transports et la santé. Et pour vérifier, j’ai donc écouté Obama parler à son peuple. Sensation bizarre tout de même, parce qu’inconnue pour moi. Un président peut parler à sa population une fois par semaine ! Ça existe ! C’est faisable ! Ce n’est pas incongru. Et même si un président, c’est un monsieur très pris, au planning surbooké, engagé sur plusieurs dossiers à la fois, recevant sans discontinuer un tas de personnalités, parfois venant de coins reculés de la planète, il se ménage une plage horaire en semaine, trouve le temps de s’adresser à son peuple. Mais alors, si Obama parle chaque samedi à ses concitoyens et administrés, c’est qu’il a forcément quelque chose à leur dire, n’est-ce pas ? D’où, me suis-je dit, l’absence d’adresse hebdomadaire à la nation chez Abdekka. La dernière fois que notre raïs nous a parlé, c’était à la veille des législatives du 10 mai, et encore, c’était pour nous révéler qu’il était cuit, au bout du rouleau, H. S. Il est vrai que pour dire ça, juste ça, pas la peine de revenir tous les samedis à la radio ! Mais pour nous dire autre chose ? Parce qu’il doit bien y avoir autre chose que Boutef’ pourrait nous dire. Et à la limite, nous pouvons tolérer qu’il ne vienne pas les dire tous les samedis. Nous sommes humains et nous ressentons de la compassion, que diable ! Nous le savons fatigué, épuisé même. Et donc, nous pourrions négocier deux samedis par mois, au lieu de quatre ! Voilà un compromis viable ! Allez ! Je vais même plus loin et me permettre de parler un peu en votre nom, ce que je déteste faire par ailleurs. Y a sidi, un seul samedi par mois. Un rendez- vous mensuel pour ne pas rajouter à son extrême fatigue. C’est pas bien, ça ? Et en plus, nous lui laisserions le choix du jour. Rien n’oblige Abdekka à nous parler le samedi. Peut-être déteste-il par nature parler le samedi. Peut-être a-t-il quelque chose de plus important à faire le samedi. Alors fichtre du samedi ! Il peut choisir le dimanche, le lundi ou tout autre jour de la semaine. Qu’il ne se sente surtout pas tenu de parler le samedi et pas un autre jour. C’est notre président tout de même. L’essentiel au fond étant qu’il nous parle bark ! A un moment donné. Même si c’est juste pour nous faire un coucou. Coucou, Mister Président ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.

  • Les déboires fiscaux de “notre ami” Depardieu

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Gérard Depardieu a énergiquement réagi à la déclaration de Jean-Marc Ayrault qui a trouvé “minable” son choix de s’installer en Belgique pour fuir le taux élevé d’imposition des hauts revenus instauré par le gouvernement de gauche. Dans une lettre ouverte au Premier ministre français, l’ex-contribuable annonce sa décision de rendre son passeport et sa sécurité sociale.
    Puisque la bruyante controverse coïncide avec le voyage du président Hollande en Algérie, difficile de ne pas se souvenir qu’il fut un temps où Gérard Depardieu était un familier des mondanités politico-financières algéroises. Encore un peu et il serait, à l’heure actuelle, en bottes de caoutchouc à crapahuter dans son vignoble boueux quelque part entre Aïn Témouchent et Tlemcen. Il n’aurait peut-être pas opté pour la résidence belge pour fuir la pression fiscale de son pays.
    Les largesses de Khelifa avaient fait perdre à bien des stars le réflexe de déclarer leurs revenus. Catherine Deneuve fut la première à apprendre à ses dépens que les cachets acquis à l’algérienne, c’est-à-dire payés en espèces sous plis banalisés, sont passibles d’imposition. Bien sûr, jusqu’à ce que le juge la renvoie devant le percepteur, la belle Deneuve ne savait pas que même le contenu d’une enveloppe subrepticement tendue par un magnat algérien devait être aussi déclaré au fisc. On la comprend : c’était la première fois qu’on la payait pour dîner.
    Ce n’est pas parce qu’après cette soirée de septembre 2002 à Cannes, il y eut, plus tard, un procès et des rivières de commentaires sur “l’affaire Khalifa” que Depardieu, Deneuve, mais aussi Sting, Pamela Anderson, Naomi Campbell, Bono, Jack Lang, Hervé Bourges, Cheb Mami et tous ceux qui étaient de la fête, ne seraient plus les bienvenus. D’ailleurs, aucune de ces célébrités n’a été concernée par le procès en question. Non, c’était un procès local.
    Voyez, Bourges : présent à cette fameuse soirée cannoise et consulté pour le projet Khalifa TV, il est encore consulté pour le projet de loi pour “l’ouverture de l’audiovisuel”. Et même si, là-bas, il participe à la diversité communicationnelle régulée, il s’adapte ici, et sait défendre la conformité télévisuelle pré-contrôlée.
    Certes, notre pays n’est pas un pays de droit. Mais c’est ce qui fait son attrait pour les amateurs d’argent facile et les allergiques au devoir fiscal : c’est un pays de passe-droit. Et ses invités argentés y sont bien reçus : ils dînent à la table royale et couchent dans des résidences d’État. Et s’ils le souhaitent, ils peuvent bénéficier d’un terrain d’assiette pour leur projet immobilier, d’usine ou de vignoble.  Depardieu nous a pourtant suffisamment fréquentés pour savoir qu’il n’y a pas de rapport entre l’argent qu’on gagne et les impôts qu’on paye. Enfin… quand on en gagne beaucoup, parce que les salariés, eux, sont ponctionnés à la source et sont les seuls obligés d’ouvrir un compte. L’argent des riches circule dans les enveloppes, pour les euros, et dans les sachets, pour le dinar. Le fisc ne sait pas encore imposer la chkara.
    Non, Gérard, ta place aurait pu être parmi nous. Pas grand-chose n’a changé depuis l’époque de ton ami Khelifa.

  • Factum politique à l’usage du Président François Hollande en visite d’Etat à Alger.

     

    • 14
       
      Share

     

    Abdelkader DEHBI

    Monsieur le président,

     

    Votre visite imminente au pouvoir politique en place à Alger, que vous savez illégitime et mafieux à plus d’un titre, me donne l’occasion à travers ce factum politique, de m’adresser aussi, à une opinion publique française trop souvent abusée par les mensonges, les manipulations ou les silences, d’une désinformation sournoisement orchestrée par les médias, les lobbies autres relais de l’Ordre dominant, dont la France officielle est partie intégrante ; un Ordre dominant, usurpant le statut de « Communauté Internationale » pour mieux dissimuler sa vraie nature d’idéologie hégémonique impérialiste, sioniste et raciste, fondée sur les postulats détestables de l’exploitation, du bellicisme et de l’exclusion ; un Ordre dominant, parfaitement conscient des nouvelles donnes géostratégiques, doublées d’une conjoncture de crise économique persistante annonçant la fin prochaine de sa suprématie, qui semble reparti pour un tour, dans une nouvelle ère de Croisade contre l’Islam et le monde musulman pour tenter une fois de plus d’en contrôler les ressources, tout en cherchant à en empêcher l’inexorable renaissance, en tant qu’alternative idéologique, humaniste et morale crédible, contre le règne de la violence, de l’argent et de la chair qui ravage une société occidentale, désormais en phase historique décadente.

     

    Une nouvelle ère de Croisade contre l’Islam et le monde musulman essentiellement tendue sur quatre directions:

     

    1./ L’instrumentalisation politique du « terrorisme » réel ou souvent préfabriqué dans les officines de l’Ordre dominant et amplifiée à souhait, par les médias aux ordres pour briser psychologiquement chez les citoyens de base dans nos pays, toute volonté d’activité politique ou de résistance contre l’injustice et l’arbitraire des puissants, à l’intérieur comme à l’extérieur, et les décourager contre toute revendication pour le respect de leur dignité humaine, de leur liberté et de leurs droits civiques qui sont les conditions incontournables pour l’instauration d’Etats de Droit et d’Institutions authentiquement démocratiques dans nos régions ;

     

    2./ L’encouragement, voire la mise en place, si nécessaire par la violence dans nos pays – et l’exemple du pouvoir en place à Alger en témoigne – d’un réseau de régimes politiques supplétifs et corrompus, véritables satrapes des temps modernes, totalement inféodés aux intérêts des puissances de l’Ordre dominant qui les protège en retour, contre leurs propres peuples qui leur dénient toute légitimité ;

     

    3./ L’instauration de contrôles multiformes – à travers leurs officines, leurs chancelleries et leurs réseaux bancaires et financiers –  sur nos économies nationales pour les maintenir dans la dépendance et la surveillance de nos ressources financières et de l’usage qui en est fait, pour compromettre tous les investissements dans des secteurs éminemment stratégiques comme l’Education, la Santé ou l’Agriculture, tandis que les budgets des équipements militaires et sécuritaires sont surdimensionnés et constituent une véritable hémorragie nourrissant les marchands de canons et autres industriels de la mort ainsi que leurs complices compradores;

     

    4./ L’exclusion par la marginalisation à l’intérieur ou l’exil sur l’étranger, de nos plus brillantes élites intellectuelles et de nos meilleures compétences scientifiques et techniques de standing international, que notre pays compte par dizaines de milliers, pour les tenir éloignés du champ des responsabilités politiques et de la gestion des affaires publiques Ceci afin de maintenir dans nos pays, le règne de la médiocrité, de la vénalité et de la trahison. Sauf le respect que l’on doit avoir pour une frange infime de cadres supérieurs de la nation, civils et militaires confondus, constituée par d’authentiques patriotes intègres et compétents, que les hasards de carrière ont fourvoyés dans les structures d’un Etat malade.

     

    La France officielle complice du régime algérien

     

    Monsieur le président,

     

    Tout a été dit ou presque sur la tragédie algérienne des années 90. Des centaines, peut-être des milliers de documents, de témoignages, de livres, en arabe comme en français et dans d’autres langues, ont été écrits sur le long calvaire du peuple algérien, isolé du monde extérieur, sans défense et sans recours, faisant face les mains nues  aux lois martiales barbares de ses bourreaux grisés par leur pouvoir ; des soudards « patricides » , pétris de complexes et débordant de rancune contre leur propre peuple. Un long calvaire souvent vécu par les algériens entre la désinformation et le blackout le plus total des médias aux ordres, en Algérie comme en France.

     

    Vous permettrez donc, Monsieur le président, au simple citoyen algérien que j’ai la fierté d’être, de vous dire crûment combien votre visite à Alger, tout autant que les visites officielles de vos deux prédécesseurs – M. Chirac en 2003 et M. Sarkozy en 2007 – ou celles d’autres leaders européens, étasuniens ou de l’Otan, témoigne une fois de plus, de la grave crise morale qui gangrène aujourd’hui plus que jamais auparavant, les puissances occidentales dont la France en particulier, volontiers donneuse de leçons de démocratie, de liberté, voire d’éthique politique… en tant que ces visites d’officiels occidentaux, sont perçues par une large frange du peuple algérien, comme de véritables forfaitures politiques et morales faisant hypocritement l’impasse, pour de basses considérations d’intérêts – pas toujours d’ordre public d’ailleurs – sur les terribles préjudices humains et matériels infligés au peuple algérien, tout au long des années 90 et dont certains relèvent de la qualification de Crimes de Guerre, du fait du pouvoir politique en place auquel vous vous apprêtez à rendre visite ; un pouvoir illégitime et mafieux,  issu – excusez du peu – d’un double Coup d’Etat :

     

    – Celui  du 11 Janvier 1992, perpétré par une junte de généraux putschistes, avec la complicité servile de leurs mentors civils, les « démocrates » autoproclamés, contre la volonté souveraine du peuple algérien qui venait d’élire démocratiquement en Décembre 1991, une large majorité parlementaire, sous les couleurs du Front Islamique du Salut ;

     

    – Celui du 15 Avril 1999, abusivement qualifié d’ »élections présidentielles », portant à la présidence de la République, un candidat unique, M. Bouteflika, désigné par les généraux putschistes aux termes d’un deal immoral et honteux, conclu par-dessus la tête du peuple algérien et de l’intérêt de la Justice ;

     

    Pour ce qui est du premier Coup d’Etat, j’en rappelle brièvement le bilan effroyable, dûment documenté par de nombreuses associations nationales ou ONG étrangères et s’établissant pour la période 1992 / 1999, que les algériens ont coutume de qualifier de « décennie noire » à plus de 200.000 morts; entre 15.000 et 20.000 « disparus »; des populations entières meurtries, sinistrées et déplacées, par centaines de milliers. Ce bilan désastreux, tant au plan humain et moral qu’au plan matériel est la conséquence directe des décisions et actes originels qui ont accompagné le Coup d’Etat, à savoir :

     

    – destitution du Chef d’Etat légitime du pays, le défunt président Chadli Bendjedid, mensongèrement maquillée en « démission »;

    – proclamation inconstitutionnelle d’un Etat d’Urgence qui s’est révélé meurtrier en autorisant tous les excès de la violence d’Etat ;

    – désignation inconstitutionnelle d’un pseudo « Haut Conseil d’Etat » de 5 membres dirigé dans les faits par deux des généraux putschistes, Larbi Belkheir et Khaled Nezzar et présidé par le défunt Mohamed Boudiaf rappelé de son exil, le 16 Janvier 1992 et assassiné le 29 Juin de la même année, en pleine réunion publique télévisée depuis Annaba par ceux-là mêmes qui l’ont sollicité en croyant pouvoir le manipuler ;

    – instauration du couvre-feu dans les grandes villes pour couvrir toutes sortes d’exactions des forces sécuritaires ;

    – déportation dans le Grand Sud Algérien, par avions cargos et autres moyens de transport de l’armée, de plus de 15.000 citoyens accusés à tort ou à raison de « sympathies islamistes » et parqués dans 7 Camps de Concentration, parmi lesquels, l’ancien Site militaire de Reggane, où des centaines d’entre eux seront affectés à vie, par les radiations atomiques remontant aux essais nucléaires français des années 60 ;

    – rafles et arrestations massives, de jour comme de nuit, dans les quartiers populaires, contre les islamistes ou supposés tels et dont des milliers feront partie des 15 à 20.000 « disparus », ou feront l’objet d’exécutions sommaires, c’est-à-dire  extra-judiciaires ;

    – création de Tribunaux d’Exception, fonctionnant sur le mode des procédures expéditives et prononçant systématiquement les peines les plus lourdes, y compris les peines de mort ;

    – apparition ex nihilo, de milices et autres escadrons de la mort et de l’assassinat ciblé, commandités par les généraux putschistes et opérant sous faux pavillon des GIA et autres groupuscules dits « terroristes », infiltrés ou créés de toutes pièces, afin de faire basculer les opinions nationale et internationale contre les islamistes ; dans les pures traditions de la « guerre psychologique », car, comme par une étrange répétition à l’identique, des méthodes de la répression coloniale dans ses épisodes les plus sanglants, on retrouvera parfois à la tête de la répression anti islamiste – terrible ironie de l’Histoire ! – jusques aux mêmes soudards en chair et en os, reconvertis entre-temps, en « généraux » de l’armée algérienne, cassant du « barbu » ou du « tango » – comme ils disent entre eux pour brocarder les islamistes –  comme il cassaient naguère du « fellaga » aux cotés des tortionnaires de Bigeard et autres Aussaresses ;

    – massacres effrayants par leur sauvagerie, dans des agglomérations isolées ou à la périphérie des grandes villes, de populations civiles innocentes par centaines – en majorité des femmes et des enfants – soupçonnées de « sympathies islamistes », à l’exemple de ceux qui se sont déroulés dans le courant de l’été 1997 dans la banlieue d’Alger, à Bentalha ou à Raïs entre autres et qui ont soulevé l’indignation du monde entier. Au point de des voix autorisées de personnalités et autres organisations internationales militant pour les Droits de l’Homme, ont commencé à exiger haut et fort, une enquête internationale indépendante, pour faits de Crimes de Guerre contre les responsables de tels massacres.

     

    Cette dernière tragédie a suscité une immense émotion dans une opinion internationale effrayée par l’ampleur et la sauvagerie des massacres. Un peu partout dans le monde, des voix de personnalités, et pas des moindres, se sont élevées pour exiger une enquête indépendante et l’instauration d’un Tribunal Pénal International ad-hoc, pour juger les coupables de ces Crimes de guerre, dûment documentés, sur la foi de témoignages irréfragables enregistrés par de nombreuses associations nationales indépendantes et ONG internationales.

     

    Elle a aussi constitué – cette dernière tragédie –  un tournant décisif dans le cours des choses, en ce sens que les généraux putschistes, pris de panique à l’idée de devoir rendre des comptes par devant un Tribunal Pénal International ad-hoc, ont cru pouvoir échapper aux poursuites pénales en concluant avec M. Bouteflika le deal immoral et mafieux cité plus haut et aux termes duquel, moyennant sa désignation reconductible à la tête de l’Etat algérien, celui-ci s’engageait à les amnistier au plan intérieur et à les protéger, au plan extérieur, contre toute poursuite judiciaire devant un Tribunal Pénal International ad-hoc, pour les Crimes Imprescriptibles commis durant la décennie noire. Un véritable marché de dupes, quand on sait que, d’une part, les Crimes de Guerre sont Imprescriptibles  et que d’autre part, en prenant part à ce deal mafieux, M. Bouteflika relève lui-même, aux yeux du Droit pénal, du chef d’accusation de complicité et d’entrave à la Justice, a fortiori, à la Justice internationale en matière de Crimes de Guerre !. Mais qu’importe, ce deal immoral a permis à M. Bouteflika, malgré son état de sénescence avancée et ses lourds handicaps de santé –  connus même par les médecins du Val de Grâce… – de tenir la dragée haute aux généraux qui l’ont fait roi, en les menaçant, chaque fois que l’un des membres de son clan familial ou politique était dénoncé pour corruption, de ressortir les dossiers de Crimes de Guerre les concernant.

     

    Ainsi donc, et comme si les malheurs de sang et de larmes de la décennie noire n’y suffisaient pas, l’arrivée au pouvoir de M. Bouteflika et de son clan, a fait entrer l’Algérie de plain-pied, dans une nouvelle décennie noire : celle de la grande corruption qui ravage quotidiennement notre pays qui a été mis en coupe réglée entre clans au pouvoir, par la prédation au grand jour des biens publics, par le bradage des ressources du pays aux intérêts étrangers, par les pillages en règle du patrimoine national et l’éclatement à intervalles réguliers, d’énormes scandales financiers et de détournements hors échelle, à coups de milliards de dollars au préjudice du peuple algérien, à la faveur du relèvement substantiel des recettes pétrolières et d’une aisance financière sans précédent, dont les surplus en devises étrangères dépassent largement aujourd’hui, le seuil de 220 milliards de dollars, gérés sous la seule responsabilité de M. Bouteflika et son clan, dans l’opacité la plus totale sans qu’aucune Institution nationale ou Autorité publique de contrôle n’en connaissent ni les adresses financières, ni la structure fiduciaire,  ni les mouvements scripturaux, ni l’emploi, ni les profits générés. Ce qui constitue en soi, un cas de forfaiture gravissime, justifiant largement la mise en accusation publique du Chef de l’Etat lui-même, de son Gouvernement et du Gouverneur de la Banque d’Algérie.

    Un Chef de l’Etat corrupteur qui achète tout,  y compris la paix sociale en dilapidant des sommes énormes dans une consommation effrénée n’ayant aucun impact économique intérieur mais profitant largement à la faune adventice d’une clientèle politique de parvenus, faite de compradores, de concessionnaires et autres nouveaux riches ; au grand dam de millions de familles démunies dont certaines en sont réduites à aller fouiller les décharges publiques. Un Chef d’Etat corrupteur, devenu maître dans la pratique exécrable et immorale des enveloppes et des « mallettes », généreusement distribuées sur fonds publics, pour acheter les servilités politiques à l’intérieur ou les silences et les complaisances des puissants à l’extérieur. Pour acheter aussi, le silence ou la complaisance de certains médias bien en vue, à l’exemple du « Monde » et autres « Nouvelobs », pas très regardants sur le chapitre de la déontologie professionnelle, qui ont récemment rewrité de vulgaires pages publicitaires à l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance – probablement rédigées à Alger même – et  payées rubis sur l’ongle par le clan Bouteflika à coup de centaines de milliers d’Euros, pour les transmuter en « reportages » journalistiques élogieux à la gloire d’un Chef d’Etat surréel, visiblement accroché par le syndrome de certains Ubus africains des années 70 de triste mémoire et caressant probablement des rêves impériaux et peut-être même, dynastiques…

     

    En finir avec la « Françalgérie » néocoloniale.

     

    Monsieur le Président,

     

    La tragédie humaine qu’a vécue l’Algérie durant les années 90,  n’a nullement empêché les gouvernements français successifs de protéger leurs anciens soudards coloniaux, promus généraux en Algérie, en fermant les yeux sur les pires de leurs exactions, de leurs crimes,  relevant quasiment tous, de la qualification de Crimes de guerre, c’est-à-dire du ressort d’un TPI ad-hoc. Pis encore, ces gouvernements français successifs ont parfois commis de véritables actes de forfaiture, relevant du délit d’entrave à la Justice, comme ce fut le cas pour le général Khaled Nezzar, chef de la junte, aujourd’hui sous le coup d’une instruction judiciaire en Suisse, du chef d’accusations graves et documentées, pour fait de Crimes de Guerre… alors qu’en Avril 2001, ce même général – sur les instances pressantes de M. Bouteflika –  avait été scandaleusement soustrait à la Justice française et exfiltré sur l’Algérie par le gouvernement socialiste de cohabitation, alors dirigé par votre ami M. Jospin, qui a ainsi déshonoré la signature de la France, pays qui a ratifié la Convention de New York de 1984 contre la torture.

    Ce qui laisse planer de graves interrogations, sur la nature réelle des relations entre Paris et le régime en place à Alger depuis le putsch de Janvier 1992.

     

     

    Monsieur le Président,

     

    Pardonnez-moi d’emprunter ici, l’heureuse et pertinente formule de la « Françalgérie », pour dénoncer une fois de plus, la collaboration extra-institutionnelle et contre-nature, inacceptable, entre les barbouzeries respectives des Services algériens et français, de la police politique et du renseignement, au nom du sempiternel et ô combien commode alibi, qu’est devenue la « guerre contre le terrorisme » – ce nouveau monstre du Look Ness – qui continue de couvrir tant d’exactions et tant crimes. L’expression de « guerre contre le terrorisme », cachant mal un encodage occidental sournois, pour désigner une véritable Croisade contre l’Islam, doublée d’un redéploiement néocolonial avançant à visage découvert en appuyant inconditionnellement les régimes totalitaires  et corrompus dans nos régions,

    Une collaboration qui s’est singulièrement développée entre l’Algérie et la France, depuis le putsch de Janvier 1992, en-dehors du moindre contrôle, laissant de larges marges à l’arbitraire, à la manipulation et aux mensonges d’Etat, souvent nourris il est vrai – chaque fois qu’il s’agit de stigmatiser notre émigration ou l’Islam et les musulmans – par les propos irresponsables et incendiaires de vos propres ministres français de l’Intérieur, de Pasqua à Vals, en passant par les Sarkozy et autres Guéant, l’un y allant de son « Karcher » l’autre, portant des jugements d’ignare sur la Civilisation musulmane, quand l’autre crie désespérément sa fidélité éternelle – et quasi canine – à Israël sans que personne ne le lui ait demandé… Allez donc savoir là-dedans, qui est de gauche et qui est de droite… tant est devenue consensuelle et « politiquement correcte », la posture islamophobe en France.

    Une collaboration qui est allée jusqu’à susciter de graves soupçons contre les Services algériens et français, portant sur l’organisation en commun, de criminelles manipulations de l’opinion publique, ainsi qu’en témoigne par exemple, la ténébreuse affaire de l’attentat terroriste de Juillet 1995, dit de la station Saint-Michel du RER à Paris, sur les circonstances duquel, aucune enquête publique parlementaire ou indépendante n’a été diligentée par les autorités françaises, pour confirmer ou démentir les graves accusations mettant en cause une manipulation criminelle organisée de concert, entre Services algériens et français, pour faire basculer l’opinion du peuple français contre les islamistes algériens établis en France ou qui y avaient trouvé refuge, afin d’échapper à la répression des milices et autres commandos, commandités par les généraux putschistes.

    Sans oublier l’affaire dite des internés de Folembray où l’on vit, le 9 Novembre 1993, une opération « coup-de-poing-manipulation-spectacle » montée en coordination entre les Services algériens et les barbouzes du sulfureux Pasqua. Des policiers déboulant au petit matin et procédant brutalement aux arrestations dans leurs domiciles, devant parents, épouses et enfants, de dizaines d’algériens suspects de sympathies islamistes pour les transférer manu-militari dans une caserne de Folembray : une véritable forfaiture d’Etat, contre des algériens dont certaines résidaient depuis de longues années en France et y exerçaient régulièrement leur métier. A l’exemple de l’avocat, Me Ahmed Simozrag et de ses compagnons. d’exil, qui ont ensuite été arbitrairement exilés sans jugement et sans ressources au Burkina Faso où – faute de porter des patronymes sonnant comme Gilad Shalit –  ils continuent de moisir  depuis Août 1994, c’est-à-dire depuis 18 ans aujourd’hui, pour simple délit d’opinion islamiste, dans une indifférence criminelle totale des médias algériens et français, si prompts à larmoyer par ailleurs, sur le drame des chiens-perdus-sans-collier…

    Ce qui conduit à poser d’une manière globale, le drame humain de dizaines de milliers de familles algériennes, séparées du jour au lendemain d’un des leurs, en particulier parmi les universitaires, scientifiques et autres intellectuels, qui ont choisi l’exil forcé à leur corps défendant, pour échapper à la répression des polices politiques et/ou aux persécutions procédurières et tatillonnes de l’Administration publique, en raison de leurs opinions – pas nécessairement de sensibilité islamiste – hostiles au régime corrompu des généraux et de leurs servants civils et militaires. Ce drame est encore vécu à ce jour, par des milliers de familles, malgré l’imposture dite de la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » et de ses textes d’application scélérats qui prétendent interdire tout débat national sur la tragédie de la décennie noire, en exigeant par ailleurs, des exilés politiques désireux de rentrer au pays, un engagement écrit, à respecter des conditions dégradantes et indignes, restreignant leur liberté citoyenne, comme le fait de renoncer à faire de la politique. Ceci dans le but ignoble et criminel, de maintenir éloignés de leur patrie, des centaines, sinon des milliers de scientifiques et chercheurs de haut standing, dont beaucoup jouissent d’une réputation internationale, maintenant ainsi, une grande nation pleine de potentialités comme l’Algérie, sous la férule d’une dictature répressive de gérontes délabrés et corrompus, qui ont perdu tout sens du réel et toute légitimité. Y compris cette légitimité « historique » dont ils se gargarisent tant, mais dont ils ont trahi la cause et les principes moraux.

     

    Je n’aurais pas l’inélégance ici, d’oublier de citer les victimes françaises de la décennie noire en m’interrogeant sur la signification de ce black-out officiel observé par les deux gouvernements, sur l’odieuse affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996, qualifié laconiquement, de « bavure » par les uns ou de « coup fourré » entre Services parallèles par les autres…Tout cela, dans l’opacité et surtout, l’impunité la plus totale, de part et d’autre.

     

     

    Repentance et Traité d’amitié vont de pair

     

    Monsieur le Président,

     

    Le gouvernement de la France ne pourra pas se dérober indéfiniment à son devoir de solder sa dette morale historique et donc imprescriptible, d’une repentance solennelle à l’égard du peuple algérien qui en est l’ayant-droit légitime et le récipiendaire exclusif. Une repentance  dont ne sauraient l’y subroger aucunes personnes physiques, ni aucunes instances ou institutions, qui parleraient illégitimement en son nom. En termes plus clairs, ni le Chef de l’Etat actuel, ni la junte clandestine des généraux putschistes, installés au pouvoir par la violence et la fraude, ne sont qualifiés pour en revendiquer le mérite ou en retirer de quelconques dividendes politiques.

    Cette reconnaissance historique est en effet incontournable qui seule, pourrait lever les obstacles socio psychologiques accumulés tout au long de l’Histoire coloniale – et même récente… et constituera un nouveau fondement juridique et moral, véritable socle auquel pourront solidement s’arrimer, les futures relations entre nos deux pays, entre nos deux peuples, fondées sur des rapports d’égal à égal, dans le strict respect réciproque de la personnalité de chacune de nos deux nations et des intérêts mutuels bien compris entre nos deux pays, loin des discours de circonstance et de l’insignifiance des gesticulations deçà-delà, des saltimbanques de la politique, ceux de Paris comme ceux d’Alger. Des relations saines et apaisées donc, d’où seront bannies les dérives des collaborations opaques, des copinages scélérats et autres magouilles  extra-institutionnelles entre Services, relevant censément de deux Etats souverains, mais qui s’autorisent en l’absence de tout contrôle politique, à faire bon marché de la légalité, de la morale, des Libertés publiques et des Droits de l’Homme.

    Ce qui pose immanquablement la question de l’illégitimité du pouvoir algérien aujourd’hui en place, contre la volonté souveraine d’un peuple qui ne l’a pas désigné pour le représenter.

    C’est vous dire combien, Monsieur le Président, à l’aune de ces nécessaires  préalables d’assainissement politique et moral, indispensables à la refonte des relations entre nos deux pays, entre nos deux peuples, des dossiers comme le « Grand traité d’amitié » que vous avez vous-même récemment évoqué, ou encore celui dit de l’Union pour la Méditerranée, font figure – pardonnez ma franchise – d’aimables gadgets politiciens, manifestement destinés à tromper son monde en escamotant la seule vraie problématique qui vaille qu’on s’y attelle honnêtement et loyalement en priorité : la moralisation et la normalisation des relations politiques et diplomatiques entre nos deux Etats : Une France qui n’aura pas à rougir d’une déclaration solennelle reconnaissant les crimes de la colonisation et ceux de la guerre d’Algérie, le sang des algériens n’étant en rien moins précieux que celui des juifs ou de toute autre communauté humaine martyrisée Une Algérie debout, souveraine et maîtresse de son destin, gouvernée par d’authentiques représentants du pays, tenant leur légitimité du seul peuple algérien.

    Conclusion

     

    Monsieur le président,

     

    Car, par-delà les terribles blessures qu’a endurées et continue encore d’endurer le peuple algérien, du fait de la décennie de sang découlant du Coup d’Etat criminel du 11 Janvier 1992, perpétré par une poignée de généraux putschistes contre la volonté souveraine de ce même peuple, rares sont ceux parmi les citoyens de ce pays qui commettent la grossière erreur de confondre l’Institution militaire de notre pays qu’est l’Armée Nationale Populaire, et les généraux putschistes qui auront à répondre de leurs actes.

    Ceci pour vous dire qu’il ne se trouvera pas un seul citoyen algérien digne de ce nom, pour souhaiter que notre armée puisse devenir une espèce de gendarme de la région et auxiliaire de l’Otan, en charge de contribuer aux desseins impérialistes manifestes des puissances occidentales.

    Je ne conclurai pas cette interpellation, sans vous dire toutes les préoccupations et toutes les interrogations qui pèsent sur le peuple algérien à propos de la situation confuse et opaque qui règne au Nord du Mali ; à nos frontières Sud donc, où la seule éventualité d’une présence armée de la France ou de l’Otan, suscite de profondes inquiétudes dans la mesure où il ne se trouvera pas un seul citoyen algérien digne de ce nom, à qui l’on fera accroire que le déploiement de ces forces armées étrangères signifie autre chose qu’une menace imminente et concrète contre la sécurité de notre pays et la pleine souveraineté de notre peuple sur ses territoires et sur ses ressources naturelles ; une souveraineté reconquise sur le colonialisme, au prix d’un des plus grands tributs humains que l’Histoire des guerres d’indépendances ait jamais connus et que ce peuple est prêt à rééditer, par fidélité envers ses aïeux ; par loyauté envers les centaines de milliers de martyrs de la lutte anticoloniale et de la guerre de libération ; par obéissance aux commandements de l’Islam, sacralisant la défense de la patrie.

     

    Car, par-delà les terribles blessures qu’a endurées et continue encore d’endurer le peuple algérien, du fait de la décennie de sang découlant du Coup d’Etat criminel du 11 Janvier 1992, perpétré par une poignée de généraux putschistes contre la volonté souveraine de ce même peuple, rares sont ceux parmi les citoyens de ce pays qui commettent la grossière erreur de confondre l’Institution militaire de notre pays qu’est l’Armée Nationale Populaire, et les généraux putschistes qui auront à répondre de leurs actes.

     

    Ceci pour vous dire qu’il ne se trouvera pas un seul citoyen algérien digne de ce nom, pour penser que notre armée, héritière d’une Armée de Libération Nationale qui a laissé son empreinte dans l’Histoire de la décolonisation, puisse se transmuter en une espèce d’armée de mercenaires auxiliaire de l’Otan, en charge de contribuer aux desseins impérialistes manifestes des puissances occidentales. Et je me demande même, si les hommes du régime en place eux-mêmes oseraient le penser.

    Abdelkader DEHBI.

  • A« on donne un coup de pinceau pour les beaux yeux de leurs parrains ».lgerie:

    Visite de François Hollande :

    • 12
       
      Share

    Le président français arrivera mercredi

    Alger se fait belle

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    El Watan le 17.12.12

     

    A Alger, d’aucuns sont outrés, en effet, de voir que les autorités déploient autant d’efforts pour «maquiller» la capitale,
    en délaissant ces mêmes quartiers le reste du temps.

    Ah’na manestahlouche ! », peste un jeune chauffeur de taxi algérois, résidant à Raïs Hamidou (ex-La Pointe), et devant accompagner une famille à Bologhine. «Nous, nous  ne méritons pas un coup de peinture. Normal. Toi, tu ne t’appelles pas François. Tu t’appelles Mohamed !», lâche-t-il chemin faisant, en longeant le cimetière chrétien de Saint-Eugène l’une des escales prévues de François Hollande, lors de son séjour algérois. Alors que des peintres en bâtiment s’employaient à blanchir le mur d’enceinte du cimetière, notre chauffeur renchérit : «Ils n’auraient pas fait ça pour un cimetière musulman. Nous, nous comptons pour du beurre.» Puis, en passant devant une école au mur extérieur décrépi, il lance : «La preuve, cette école ne mérite-t-elle pas une couche d’enduit ? Le budget embellissement, il va dans leur poche !» Ce type de réactions revient dans la bouche de nombre d’Algérois pour qui la visite de Hollande se résume à une couche de vernis étalé sur les murs d’«Alger la grise». Une histoire de «cosmétique», en somme. Et qu’il suffit de gratouiller ce fard pour que la ville se montre sous son vrai visage.

    A Alger, d’aucuns sont outrés, en effet, de voir que les autorités déploient autant d’efforts pour «maquiller» la capitale, en délaissant ces mêmes quartiers le reste du temps. Depuis quelques jours, on s’échine, à grand renfort de manœuvres et de matériels, à ravaler les façades, refaire les trottoirs, réparer les lampadaires et pavoiser les grands boulevards. En traversant Alger-Centre, on est d’emblée interpellé par cette débauche d’énergie pour le revêtement des immeubles ponctuant le parcours de François Hollande. A hauteur de la place Audin, des carreleurs se tuent à lustrer la placette circulaire ornée d’une horloge, le cœur battant de la rue Didouche. Un échafaudage est suspendu à l’entrée du tunnel des Facultés, tandis qu’une stèle flambant neuve, calée entre le tunnel et l’OPU, et ciselée en hommage à Maurice Audin, s’apprête à être inaugurée par le septième président de la Ve  République.
    «Nous sommes encore des indigènes»
    Sur certaines artères, un dispositif de sécurité exceptionnel est visible à l’œil nu, comme aux abords du cimetière chrétien de Bologhine – encore lui – où plusieurs véhicules de police quadrillent le périmètre. Une longue haie de barrières de police est déjà alignée. Des caméras de vidéo-surveillance ont été vissées aux remparts du cimetière. «Je n’ai jamais vu ces caméras auparavant», assure un habitant du quartier, avant de lancer : «Sans cette visite, on n’aurait pas vu tous ces travaux d’embellissement de sitôt.»

    Ces travaux se poursuivent même de nuit, avons-nous observé, notamment le long du boulevard Zighoud Youcef où une pléthore de camions de chantiers ont pris place. Des grues, des échafaudages, ainsi que des dizaines de bidons de peinture sont mobilisés. Différentes entreprises privées de BTP ont été appelées à la rescousse pour cette besogne, à l’instar de cette entreprise spécialisée dans le «nettoyage industriel et les revêtements spéciaux», comme on peut le lire sur l’un de ses engins. Elle a été sollicitée pour une intervention délicate sur certaines façades nécessitant un travail d’hydrosablage à l’image de ce bâtiment cossu de la Banque d’Algérie, à proximité du Sénat. D’autres camions portent le sigle de l’OPGI de Dar El Beïda. Sur certains bâtiments, comme celui jouxtant le journal El Moudjahid, des ouvriers travaillent d’arrache-pied à tous les étages. Le siège de la wilaya d’Alger fait l’objet d’une attention particulière. Ce qui fait sourire les habitants du coin, c’est que ces interventions «esthétiques» ne concernent que la partie visible d’El Bahdja. Il suffit de jeter un œil sur l’envers du décor, pour se rendre compte que les immeubles qui ne donnent pas sur le Front de mer ne sont pas choyés de la même manière.

    Sur la place faisant face à l’hôtel Aletti, trois jeunes normaliens, tous étudiants à l’ENS de Bouzaréah, devisent allègrement en contemplant le port. Pour eux, la visite de François Hollande est un non événement. «C’est quel jour déjà ? », s’enquiert malicieusement l’un d’eux. «Ils sont en train de repeindre les bâtiments de la France», jette, ironiquement, l’un de ses acolytes. Allusion à l’architecture coloniale qui domine le paysage. «Que va nous apporter concrètement cette visite ? Des visas ? Faut pas rêver ! Des excuses officielles ? La France ne va jamais s’excuser. Ils viennent avant tout pour leur business», assène Amine, 21 ans, originaire de Tissemssilt, avant d’ajouter : «Donc, pour nous, gens du peuple, c’est la hadath (non-événement).» «Ils maquillent la ville pour leur hôte. Pas pour nous. Vous n’avez qu’à voir la gueule de nos villes dès qu’il pleut. Venez voir l’état de nos routes à Tissemssilt ! »

    Et d’asséner : «Une bonne partie du peuple n’a pas encore accédé à l’indépendance.» Même son de cloche chez cet homme en colère, «un pur enfant de La Casbah», comme il dit. «Moi j’avais 6 ans pendant la Bataille d’Alger. J’ai tout vu. Ma famille a tout donné à la Révolution. Regardez dans quel état se trouve La Casbah.
    Après, on donne un coup de pinceau pour les beaux yeux de leurs parrains pendant que nos lieux historiques tombent en ruine. Ma Yahachmouche ! Ils n’ont décidément pas honte ! En 2012, nous sommes encore des indigènes. En quoi je suis citoyen algérien ? En quoi je suis indépendant ? Je n’ai pas de travail, je n’ai pas de logement, je n’ai pas de dignité. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais écrit à l’ONU et j’aurais demandé la nationalité terrienne. C’est tout ce que je suis : un Terrien ! »
    «Faisons le compte, M. Hollande !»
    Boulevard Che Guevara. Sur la façade de l’APC de La Casbah, d’autres manœuvres juchés sur des échafaudages se pressent d’asticoter d’autres pans d’Alger la Blanche rongés par la rouille et la pollution, sous le regard de Ali La Pointe, Hassiba Ben Bouali et autre Taleb Abderrahmane, immortalisés dans des portraits en céramique. Pendant ce temps, un homme aux cheveux blancs, emmitouflé dans sa doudoune, remplit tranquillement une grille de mots croisés d’un journal en arabe, au milieu du square Port Saïd. C’est ammi Mohamed, 62 ans, un retraité de l’Entreprise nationale de réparation navale (Enarav) où il y a passé 33 ans. Originaire de Chahna, près de Chakfa, dans la wilaya de Jijel, Mohamed Boulhart a grandi dans la fournaise des maquis de la Wilaya II. «J’ai pas moins de 32 chouhada dans ma famille. La maison familiale, celle de mon oncle surtout, était un centre administratif et un tribunal du FLN», raconte-t-il. «Je me souviens encore des groupes de moudjahidine qui transitaient par nos terres. Mes tantes et mes sœurs ont servi dans le djebel», poursuit-il. «Moi-même, je prenais mes cours sur des tablettes coraniques sous les bourdonnements de l’aviation coloniale qui harcelait sans cesse notre village.» Et de nous confier : «Mon père a reçu 5 balles dans le corps des mains de l’armée coloniale en raison de son engagement nationaliste.

    Il avait encore des balles au bassin même après 1962. Il en a tellement pâti qu’il a rendu l’âme seulement deux ans après l’indépendance, exactement le 7 juillet 1964. Je me souviens encore de ses souffrances à l’hôpital de Constantine. Mon père a refusé toute rétribution. Il nous exhortait sur son lit de mort à n’accepter aucune pension. Nous avons fait ça pour Dieu et pour l’Algérie, disait-il, pas pour des considérations matérielles.» A l’appui de son témoignage, ammi Mohamed nous apprend, dans la foulée, que l’une des rues d’Alger a été baptisée du nom de l’un de ses oncles, en l’occurrence la rue Salah Boulhart, anciennement rue Drouillet, celle qui abrite l’hôtel Suisse. «La France doit d’abord reconnaître ses crimes coloniaux», martèle Mohamed Boulhart. «Pour moi, la colonisation est une injustice et on ne peut pas passer ça sous silence. Dieu, lui-même pardonne tout, sauf l’injustice. Et moi, je ne l’accepte pour personne.

    Donc, la France doit reconnaître ses torts. On parle d’un million et demi de martyrs. C’est une supercherie ! Il faut compter l’ensemble des morts sur 132 ans de colonisation, pas uniquement ceux de la guerre de Libération. Il faut compter aussi les victimes des essais nucléaires de Reggane. Il faut parler du pillage des ressources de ce pays tout au long de la période coloniale. Il faut parler de nos bagnards envoyés à Cayenne et en Nouvelle-Calédonie, nos forçats qui ont contribué à construire la métropole elle-même avec nos meilleures pierres arrachées à la force de leurs bras. La France doit reconnaître tout cela, après, il faut qu’on parle de l’indemnisation de tout. Il faut qu’on fasse les comptes une bonne fois pour toutes. Nous ne demandons pas de compensation financière.

    L’argent, l’Algérie en a. François Hollande est venu parler affaires, alors parlons affaires. En fait d’indemnisation, il faut exiger un transfert de technologie, de savoir-faire. Par exemple, pour développer l’industrie nucléaire. Voilà comment il faut traiter avec la France. Il faut accueillir M. Hollande avec courtoisie, mais il faut se dire les choses en face. De toute façon, M. Bouteflika a vécu la Révolution et nous n’avons pas à lui montrer son travail. Mais il faut se dire les vérités, et il faut négocier d’égal à égal avec la France. Il faut se dire que la France a besoin de nous. França ma bqat’che. Le marché maghrébin est sa seule issue.» Enfin, ammi Mohamed fait sienne la fameuse boutade de Boumediène : «Nous acceptons de tourner la page, mais il n’est pas question de la déchirer !»

  • La base américaine secrète en Algérie: Comme si vous y étiez!

     

    • 67
       
      Share

    par D.Benchenouf

    Le Canard enchaîné a livré, dans sa dernière édition, une révélation sur une base américaine secrète en Algérie.
    L’information est très importante, encore que décalée. Elle a le mérite de lever un black-out sur cette question, observée avec rigueur, autant par la presse algérienne, pour les raisons évidentes que l’on sait, que par la presse française, qui ne s’intéresse à nos histoires que dans la mesure où elles pourraient les concerner directement.

    Iherhir n’est pas Tamanrasset…

    Le problème, dans cet article du Canard enchaîné, est que les informations qu’il donne ne sont pas tout à fait exactes.
    En fait, j’avais déjà traité de ce sujet en 2008, dans mon ex blog, Tahia bladi, aujourd’hui perdu. Dans les articles que j’avais publié sur cette affaire de base secrète américaine, j’avais donné des indications très précises, sur l’emplacement de cette base, sur la société qui l’avait réalisée, sur certains opérateurs qui ont été impliqués dans sa réalisation technique, sur les cercles qui ont pesé sur la lourde décision de son implantation, à l’insu du peuple algérien.
    J’avais bien précisé qu’il ne fallait pas confondre cette base, avec l’antenne de la CIA qui se trouvait à Tamanrasset, au niveau de la base aérienne.
    C’est dans cette confusion qu’est tombé le Canard enchaîné.
    Cette antenne américaine, n’a jamais été vraiment secrète. Elle avait été installée au début des années 90, masquée par l’opération qui consistait à allonger la principale piste d’atterrissage de Tamanrasset, qui devait éventuellement servir de voie de dégagement d’urgence pour la navette Coloumbia. C’est à la faveur de ces travaux, financés par les USA, que la « station d’écoute », pour reprendre les vocables officiels, fut installée à l’intérieur d’une caserne de l’armée algérienne, où se trouvaient déjà ceux de la DRS. Le nombre des agents américains qui se trouvaient dans cette structure avoisine la dizaine de personnes. Le chiffre de 400 agents, avancé par le Canard enchaîné, est tout à fait invraisemblable. Il est tout à fait inimaginable que tant d’agents puissent passer inaperçus, des années durant, dans une ville comme Tamanrasset, où tout se sait. Cette station d’écoute, dispose d’un matériel très sophistiqué, capable de capter des conversations, mêmes codées, à une très longue distance. Chose que le régime algérien cache à tous ses voisins, et au peuple algérien.

    Je crois que le Canard enchaîné a été induit en erreur, en citant ce chiffre, par une circonstance un peu particulière. Parce qu’effectivement, la vraie base secrète, celle d’Iherher, qui n’a jamais été vraiment opérationnelle, a dû accueillir, dans l’urgence, et avant même qu’elle ait été achevée, 400 Marines qui venaient d’une base américaine en Allemagne, et qui se rendaient au Mali, pour une opération dont on ne sait rien. les aéronefs qui les transportaient se sont posés sur la piste d’Iherher, d’ou les Marines ont été acheminées, de nuit, vers le nord du Mali.
    Construire une base est aussi facile que de créer l’AQMI …
    Mais qu’en est-il, en réalité de cette base américaine d’Iherher ?
    Cette base, aujourd’hui démolie en grande partie, avait été projetée par les concepteurs néocons qui avaient commencé par envisager la politique du Grand Moyen Orient, puis celle, plus réaliste, de l’Africom.
    Le Sahel, avait fini par s’imposer comme une région d’une grande importance géostratégique. Des gisements très importants y avaient été décelés, ainsi que dans les pays limitrophes. La Chine, qui avait compris que c’était là, la seule région pétrolifère où elle pouvait enfoncer un coin, avait commencé à s’installer en Afrique. Et tout particulièrement au Soudan. D’où le tollé sélectif soulevé par la guerre du Darfour. Des condamnations, du même type que ceux qui concernaient le Tibet, axés sur une politique d’endiguement de la Chine(Containment).
    Les Américains étaient tout à fait déterminés à faire main basse sur cette région, de la même manière qu’ils contrôlaient le Golfe et le moyen Orient, à fortiori que le Sahel se révélait un centre stratégique pour le futur. Situé au vrai centre du monde géographique, allant du Canal de Suez jusqu’à l’océan atlantique, ce couloir pétrolifère, sera appelé à devenir, dans l’imagination des futurologues américains, la vraie frontière extérieure entre l’Europe et l’Afrique. Une région tampon, qui sera déterminante dans les flux migratoires.
    Pour cela, et d’autres raisons encore, les Américains décidèrent de créer l’Africom, sous des prétextes philanthropiques qui seraient ridicules s’ils n’étaient cyniques.
    L’Africom aurait donc mission de veiller à la sécurité de cette région, de lutter contre le terrorisme international et de le prévenir. Mais comme il était inexistant en ces lieux désolés, il fallait donc le créer. Certains services américains, qui avaient enrôlé des généraux algériens, mais aussi des personnalités politiques, et qui connaissaient très bien la technique du DRS qui consiste à créer des groupes terroristes, comme les GIA, puis à les utiliser contre les populations civiles, demandèrent donc à leurs amis du DRS de provoquer un climat de violence dans le Sahel et dans les pays limitrophes. Ils savaient bien que le DRS était parfaitement capable de ce genre de mission, puisqu’ils l’avaient déjà éprouvé dans des opérations internationales, dans le traitement et le retournement d’islamistes, dans leur enlèvement, leur transport, et jusqu’à leur torture ou leur discrète exécution, quelque part dans le Sahara. La sous traitance du DRS, dans la « lutte anti-terroriste » est un secret de polichinelle. Plusieurs hauts gradés américains, et y compris deux secrétaires d’Etat, ont publiquement salué l’ »efficacité » des « forces de sécurité » algériennes. Une efficacité et une compétence tout à fait remarquables, pour des techniques qui font appel à la gégène, à la tronçonneuse, et autres tenailles.

    Et c’est ainsi que le DRS, qui avait déjà infiltré très profondément le GSPC, jusqu’à sa plus haute hiérarchie, demanda à celui-ci de s’affilier à la Qaeda. Et c’est ainsi que le GSPC du DRS devint la Qaeda du Maghreb Islamique, avec la bénédiction du numéro 2 de la Qaeda de Ben Laden. Les pays du Maghreb et du Sahel allaient découvrir, en l’espace de quelques semaines, que ce GSPC agonisant, qui parvenait à peine à trouver de la nourriture et des abris de fortune, dont les émirs négociaient une reddition généralisée, était devenu une force militaire organisée, puissamment armée, dotée d’un budget qui lui permettait de rouler carrosse en plein désert, et de relancer sa politique de recrutement. La nouvelle Qaeda était devenue subitement d’une telle puissance, que même les chefs coutumiers touaregs, et les gros contrebandiers du Sahel, les groupes de pression les plus influents dans ces régions, venaient faire acte d’allégeance aux émirs.

    Néocons, généraux algériens, copains comme cochons…

    Avant cela, les choses ne traînaient pas. Les Américains avaient réussi à pénétrer au coeur du régime algérien, en y faisant nommer un de leurs agents les plus efficaces, comme Ministre de l’Energie, c’est à dire du Pétrole et du Gaz. Le fameux Chakib Khalil, dont on dit qu’il fut l’un des meilleurs assassins financiers de la CIA. Comble du cynisme, cet homme devint, non seulement Ministre du pétrole algérien, mais président de l’OPEP.
    Il faudrait toute une encyclopédie pour traiter de toutes les affaires où il avait mouillé, et qui se calculent en dizaines de milliards de dollars.
    Mais l’une des plus emblématiques de son action fut celle de la BRC. Un méga scandale qui fit étouffé, dans un consensus général, par tous les barons du régime, y compris par le Président de la République et les génraux les plus influents du régime. Parce que Chakib Khalil les avait tous mouillés. En centaines de millions de dollars. La BRC fut dissoute en violation de la loi, sans véritable audit.
    Entre autres affaires, toutes plus incroyables les unes que les autres, il y eut celle de la base américaine.
    Plusieurs généraux, dont deux principaux, parmi les plus terrifiants du régime, celui qui contrôlait le trafic de drogue à destination de l’Europe et l’un des plus grands criminels contre l’humanité, commis contre des populations civiles, avaient accepté de parrainer l’affaire. C’était le temps des affaires. En ces années 90, pendant que la mort s’abattait sur les populations, que le terrorisme faisait des ravages, jusqu’en France, et qu’il instaurait un climat de terreur indicible, les généraux, leurs clientèles et leurs parentèles, s’enrichissaient en milliards de dollars.
    Chacun d’eux avait son propre monopole. Qui celui du blé, qui celui du médicament, qui celui de la drogue, qui celui de l’armement et ainsi de suite, pour tout ce qui pouvait rapporter. La construction de cette base fut donc placée sous la protection de ces deux généraux majors.
    Dans la pratique, le terrain choisi soigneusement pour cette base, par les Américains eux-mêmes, se trouve dans le Sahara, au Tassili, au sud-est du pays, près des frontières de la Libye et du Niger, à quelques kilomètres d’un hameau qui porte le nom de Iherhir, au sud d’Illizi.
    Les travaux ont été confiés à la BRC. De grosses enveloppes ont été « remises » à plusieurs barons du régime, dont Chakib Khalil et nos deux généraux. Cet argent n’a pas été versé par les Américains, mais par la BRC, Brown Root & Condor (BRC, joint-venture entre Sonatrach et Haliburton, une société qui appartient à Dick Cheney, entre autres néocons du même cru)

    La BRC a sous traité la partie BTP de cette base à la société canadienne RSW – SCATT ».
    Un nombre impressionnant de troupes a été déployé autour du chantier, en plein désert. Nul ne pouvait approcher, à moins de 10 km du site. Mais les quelques informations qui nous sont parvenues, malgré tout, nous apprennent que la circonférence du mur d’enceinte de cette base est d’une dizaine de kilomètres. Plusieurs infrastructures y sont présentes, dont une piste d’atterrissage de 4000m, une piscine olympique d’une capacité d’accueil de 1000 personnes. C’est dire que ce n’est pas un petit cantonnement de fortune, destiné à accueillir une unité de l’armée.( Encore que, selon des informations dignes de foi, cette base a longtemps servi de base arrière à l’émir du GSPC, Abderazak el Para, qui se trouve en ce moment même en villégiature chez le DRS, alors que la justice algérienne, qui sait très bien où il se trouve, l’a condamné à une peine par contumace.)

    Des officiels algériens se vantent de construire une base américaine…

    En 2004, la firme RSW-Scatt a invité de hauts gradés algériens à visiter une de ses filiales, au Canada. Ces responsables avaient donné une courte interview au journal d’entreprise, et ils se sont laissés photographier. Ils ne pensaient pas que ce tout petit journal d’entreprise pouvait tomber entre les mains de l’opposition algérienne. Nous avons gardé leurs photos et leurs déclarations.
    Voici un extrait de cet article:
    « Une délégation d’Algérie a effectué un court séjour à Eastmain les 18 et 19 mai dernier. Le commandant de la base aérienne de Tamanrasset, Yazid Zeraïbi, le commandant Ahmed Mouhamou, du ministèrede la Défense, et Pierre Demers, ing., directeur de projet à la firme RSWScatt, souhaitaient visiter nos infrastructures pour en savoir davantage sur ce qui se fait chez nous.Mentionnons que l’Algérie est à construire un campement à la base militaire de Tamanrasset, campement qui pourra accueillir 2 000 personnes. (l’article sur la délégation algérienne sur la photo de gauche)-Le commandant de la base aérienne de Tamanrasset, Yazid Zeraïbi, le commandant Ahmed Mouhamou, du ministère de la Défense, et Pierre Demers, ing., directeur de projet à la firme RSW-Scatt ont fait partie de la délégation en visite au chantier. »

    Il faut juste préciser que « le campement à la base militaire de Tamanrasset » dont il est question était la façade officielle du projet de « IHERHIR »
    La base de Iherhir fut démolie après le scandale BRC. Le régime algérien comprit qu’il était temps de mettre fin à un conflit de clans qui risquait de l’emporter corps et biens. Il comprit, en effet, que si le peuple algérien était informé de tous les aspects de ce scandale, y compris cette affaire de haute trahison qu’était la construction de cette base secrète, cela pourrait aboutir à un situation qu’il ne pourraait plus contrôler. De plus, les choses commençaient à changer aux USA, et les forces néocons avaient effectué un repli stratégique sur certaines de leurs stratégies. L’arrivée de Obama au pouvoir, même si elle n’induisait pas de changements aussi radicaux qu’on pourrait le penser, avait néanmoins sonné le glas pour les plus ultra, et les plus visibles, qui dirigeaient une politique maghébine et sahélienne de la Qaeda. C’est cela qui décida probablement le régime à démolir cette base, du moins à la démanteler. C’est cela qui inversa aussi un certain rapport de forces au sein du régime, et qui déboucha sur la mise à la retraite du général M.Lamari et au limogeage de Chakib Khalil. Entre autres bouleversements souterrains.

    Et pour mieux en convaincre ceux qui resteraient un tant soit peu sceptiques, voici une localisation satellitaire qui nous a été aimablement transmise par un ami. Vous pourrez zommer au plus près. Vous verrez des infrastructures consédérables, que rien ne justifie dans ce coin perdu du Tassili, une route de plusieurs kilomètres, qui ne mène nulle part, si ce n’est à cette base. Vous y verrez aussi les restes de qui ressemble à une piste d’atterrissage, dont on croit reconnaître les contours.
    Voici la géolocalisation, il suffit de cliquer dessus, et d’aller y faire un tour: BASE AMERICAINE

  • Profession mendiant

    Le phénomene se répand à Khenchela

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

     

     

     

     

    Des femmes n’hésitent pas à utiliser des bébés pour susciter la pitié des passants.

     

    Le phénomène de la mendicité a pris des proportions alarmantes ces derniers temps dans la wilaya de Khenchela. En effet, le nombre de mendiants  ne cesse d’augmenter, donnant de la ville une image honteuse. Dès le matin, de nombreuses personnes, des hommes, des femmes, sans limite d’âge, dont  la plupart viennent d’autres wilayas, s’approprient les endroits stratégiques, très fréquentés. Des femmes utilisent des enfants, y compris des nourrissons, pour mieux susciter la pitié des passants.  Ils occupent les rues principales,  les parvis des mosquées, des magasins, des banques, des marchés, des arrêts de bus... pour attendrir les gens avec une façon particulière de demander une pièce.

    Certains exhibent leur handicap, alors que d’autres imaginent plein d’astuces pour quémander. Cela va de l’ordonnance médicale pour l’achat de médicaments, au manque d’argent pour le voyage, etc. Des femmes mendient avec des bébés, qu’elles couchent à même le sol; elles transforment la rue en véritable nursery avec tout le paquetage des couches bébé, biberons, boîtes de lait, boîtes de médicaments… Bref, une situation indigne qui devrait interpeller les services de la DAS. A ce propos, un citoyen témoigne: «Même si quelques mendiants sont réellement dans le besoin, la plupart quémandent par paresse et amour du gain facile; la mendicité est pour eux une activité lucrative qui rapporte mieux qu’un emploi. Qui mérite vraiment la charité ? »  
     

     

    Kaltoum Rabia
  • no moment

    20121213.jpg

  • La petite musique de nuit

     

     

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

     

    Après le beau temps, la pluie. M. Ksentini a raison de s’énerver, l’Algérie est plus que jamais, aux yeux de tous, un pays corrompu où tout s’achète, une mairie, une décision de justice, un diplôme ou une place dans un cimetière. Mais ce n’est qu’un constat, l’avocat chargé de la défense du régime n’a pas expliqué comment peut-on appliquer ces mécanismes que d’autres pays ont trouvé pour combattre la pieuvre dont les tentacules repoussent quand on les coupe. Soupçonné par la justice de son pays d’avoir versé 200 millions de dollars à des cadres de Sonatrach à l’époque de Chakib Khelil, le patron de Saipem a été licencié, en attendant la suite de l’enquête. De l’autre côté de l’affaire, ces cadres qui auraient touché des pots-de-vin n’ont pas été inquiétés et personne n’a démissionné à Sonatrach. Il y a donc deux justices, celle qui traque le corrupteur et celle qui porte des lunettes sombres.

    Il faut peut-être se rappeler que l’Italie, de tradition mafieuse, avait vu son système entier, politique et économique, totalement corrompu, mais a réussi en quelques années à nettoyer le pays et permettre à sa justice de s’autosaisir, comme dans le cas de Saipem. Pourquoi la justice algérienne ne s’autosaisit-elle pas ? Parce qu’elle est soumise à l’exécutif, un mécanisme très simple qu’il n’est toujours pas prévu de réformer. C’est dommage, car l’Algérie possède un nettoyeur affiché, en la personne de Abdelmalek Sellal, et des moyens humains et matériels suffisants. Comment aborder une pieuvre, sachant qu’elle est plus difficile à chasser qu’un petit vendeur informel ?  Il n’y a que deux méthodes, la combattre de face en visant la tête, ou danser avec elle sachant qu’elle a huit tentacules et peut faire tourner la tête des meilleurs danseurs du pays. 100 jours après sa nomination, M. Sellal semble avoir choisi. Ce qui expliquerait que le soir, on entende de la musique au Palais du gouvernement. 

     

    Chawki Amari
  • Assassinat des moines de Tibhirine. La lettre de l’avocat des parties civiles à François Hollande

     

    • 0
       
      Share

    Monsieur le Président,

    Conseil des parties civiles dans la procédure d’instruction ouverte au mois de février 2004 sur l’enlèvement, la séquestration et l’assassinat des sept moines français de Tibhirine, je m’adresse solennellement au président de la République française pour que puisse progresser la légitime recherche de la vérité.

    Le dossier d’instruction a connu des avancées significatives ces dernières années, mais reste aujourd’hui suspendu à la coopération des autorités algériennes. Le 16 décembre 2011, le juge d’instruction en charge de la procédure, Monsieur Marc Trévidic, a délivré une commission rogatoire internationale à destination de l’Algérie, mais il n’a pu depuis lors obtenir, pour l’accomplissement de celle-ci, la réponse positive attendue lui permettant de se rendre sur place.

    Aussi, à la veille de votre visite en Algérie et de votre rencontre avec le président Bouteflika, j’ai l’honneur de vous solliciter afin que cette question de la nécessaire coopération des autorités algériennes dans l’exécution de la commission rogatoire internationale soit évoquée lors de vos entretiens.

    Alors que les autorités algériennes ont à plusieurs reprises affirmé qu’elles n’avaient rien à cacher au sujet de l’affaire des moines de Tibhirine, un refus de collaboration complète de leur part avec la justice française ne pourrait que contribuer à entretenir la suspicion sur leur attitude.

    Au-delà de son caractère tragique, l’affaire des moines de Tibhirine, demeurée très présente dans les mémoires collectives, revêt un aspect symbolique fort pour la bonne harmonie des relations franco-algériennes qui ne peut reposer que sur la transparence et la sincérité, et non la dissimulation et le mensonge.

    Soyez assuré en tout cas, Monsieur le Président, que c’est la seule recherche de la vérité qui guide la démarche des parties civiles que je représente, et motive la demande formulée dans la présente lettre ouverte, à laquelle je ne doute pas que vous aurez à cœur de donner une suite favorable.

    Je vous en remercie par avance, et vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

     Patrick Baudouin Avocat à la cour de Paris, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)

  • Ahmed MAHIOU : «La justice algérienne n’est pas indépendante»

     

    • 9
       
      Share

    Ahmed Mahiou. Professeur en droit international

    «La justice algérienne n’est pas indépendante»

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    El Watan le 13.12.12

    - Vous évoquez dans une conférence le déséquilibre des pouvoirs après la révision constitutionnelle de 2008. En quoi les pouvoirs ont été déséquilibrés ? Quelles répercussions a pu avoir cette situation sur le fonctionnement de l’Etat ?
    Quand je parlais de déséquilibre instauré par la révision de la Constitution, je parlais du déséquilibre au sein du pouvoir exécutif. Il était dualiste dans la Constitution de 1989, il y avait le chef de l’Etat qui exerçait les pouvoirs les plus importants et il y avait aussi le chef du gouvernement qui avait les siens. Ce dernier définissait la politique du gouvernement, bien sûr avec l’aval du chef de l’Etat. Il présentait son programme en tant que chef du gouvernement à l’Assemblée populaire nationale devant laquelle il est responsable. On a donc mis fin à ce système. On peut comprendre les raisons pour lesquelles on remet en cause un système en préférant avoir l’option que le chef de l’Etat n’a pas à partager le pouvoir exécutif, pour avoir une vision unitaire du pouvoir exécutif et non pas une vision dualiste, dans laquelle le chef du gouvernement est issu de la majorité parlementaire. Si on renonce à ce dualisme de l’Exécutif, je ne vois pas l’intérêt finalement d’avoir un Premier ministre, ne vaut-il pas mieux à ce moment-là aller vers un régime présidentiel purement et simplement, où il n’y a que des ministres et où le chef de l’Etat est à la fois avec ses attributs aussi chef de gouvernement.

    Ce qui va poser dans ce cas un nouveau problème de déséquilibre entre le chef de l’Etat et le Parlement. Soit donc, on va vers le régime présidentiel et le meilleur modèle est le système américain, et dans ce cas, il y a deux pouvoirs indépendants, il n’y a pas d’action de l’un sur l’autre, comme dans un régime parlementaire. Vous savez que dans un régime parlementaire, le chef du gouvernement est désigné au sein de l’Assemblée nationale et dans cette Assemblée il faut avoir une majorité. Et si on ne l’a pas, on perd la fonction de Premier ministre. Dans un régime présidentiel, il n’y a pas une telle responsabilité. Le Président est là, et il n’y a pas de moyens d’action du Parlement à son égard. Et inversement, il faudra faire la même chose, à ce moment, il ne faut pas que le Président ait des pouvoirs d’action à l’égard du Parlement. Or, actuellement dans le système algérien, le Président a le pouvoir de dissolution. S’il n’est pas satisfait du fonctionnement de l’Assemblée nationale, il peut la dissoudre autant qu’il veut. On peut rester dans l’ambiguïté entre un régime présidentiel et un régime parlementaire, mais ce n’est pas toujours facile de trouver un bon équilibre. Dans les deux systèmes, c’est possible que l’on puisse en trouver un, mais il faut peut-être choisir entre les deux. Je ne crois pas que l’Algérie soit mûre pour un régime parlementaire, le Président n’a pratiquement aucune fonction, cela ne correspond pas à l’histoire de l’Algérie, ni à la situation actuelle. Pour qu’il y ait un régime parlementaire, il faut qu’il y ait de vrais partis politiques. Le problème n° 1 du système politique algérien est que les partis politiques sont réduits en miettes. Il y avait un certain moment de partis dominants ou le FLN avec l’aide d’un autre parti  arrivait à constituer une majorité. Mais avec l’émiettement de tous les partis, y compris le FLN lui-même, on ne peut pas avoir de Parlement qui puisse remplir sa fonction. Donc, on n’arrivera pas à dégager une majorité pour avoir un gouvernement qui va bien sûr agir sous le contrôle de l’Assemblée nationale. C’est à tout cet ensemble d’éléments auxquels il faut réfléchir calmement pour voir quel est le système qui peut s’adapter à l’Algérie. Avec en perspective de ne pas penser à résoudre les problème immédiats tels que le prolongement des mandats du Président. Il faut réfléchir à un système politique à long terme qui va, comme on l’a dit à l’époque, survivre aux hommes. Ça n’a pas été fait.

     

    - Pour revenir à la révision de la Constitution qui a supprimé la limitation des mandats présidentiels, ils disent que cela n’a pas touché au grand équilibre…
    C’est faux : supposant qu’il y ait des élections franches et loyales qui vont dégager une majorité différente, c’est le chef l’Etat qui désigne le Premier ministre et il n’est pas obligé de le prendre dans la majorité, contrairement à l’ancienne Constitution. Supposons que la majorité va refuser, il va dissoudre l’Assemblée, et si c’est la même majorité qui est renvoyée, il faut qu’il parte, qu’il démissionne ça veut dire qu’il a été désavoué. L’ancienne Constitution permettait de résoudre ce problème. Dans l’actuelle, le système est un peu bloqué. Pour qu’il fonctionne, il faut que la majorité soit toujours d’accord avec le chef de l’Etat. Et c’est là où je dis qu’on a déséquilibré le système. Par exemple, on ne peut pas faire avec notre système actuel une sorte de cohabitation comme en  France. François Mitterrand a cohabité avec une majorité de droite. Jaque Chirac l’a fait avec une majorité socialiste. Certains pensaient qu’il y avait un vice de forme dans la Constitution française, mais cela a permis un certain équilibre du système. Nous, maintenant avec cette réforme de 2008, nous ne pouvons plus avoir ce système-là, et cela pourrait conduire à un blocage.

     

    - Lorsqu’il y a eu cette révision en 2008, ses partisans n’arrêtaient pas de dire que cela n’est pas une atteinte à la démocratie et au principe d’alternance…
    Ce n’est pas une atteinte, mais je dis tout simplement que si on veut appliquer le système démocratique et le principe de l’alternance, il faut limiter les mandats. Je ne suis pas contre qu’un Président revienne après avoir fait l’impasse sur un mandat pour postuler à la présidence de la République, mais pour assurer l’alternance, il est bon de limiter à deux mandats. Comme c’est le cas en Russie. Le président Poutine a régné pendant deux mandats, puis il est parti pour laisser sa place à son Premier ministre. Il y a une forme un peu perverse à laquelle on débouche : on donne l’illusion qu’il y a alternance, mais en fait, c’est une fausse alternance. Il y a une alternance de personnes, mais il n’y a pas d’alternance de projets politiques. Alors comment trouver la possibilité autant que faire ce peu, c’est-à-dire comment assurer à la fois l’alternance des personnes et de projets politiques en même temps ?

     

    - On s’apprête à une nouvelle révision de la Constitution dont on ne connaît pas encore les contours, mais quelles sont les choses qu’on pourrait réformer dans la prochaine Constitution ?
    Le premier problème est celui que je viens d’évoquer : comment faire pour qu’il y ait un équilibre des pouvoirs ? La démocratie suppose une alternance au pouvoir. Ce n’est pas un parti politique aussi efficace soit-il qui reste éternellement au pouvoir. Il faut donc prévoir par-delà la Constitution dans la vie politique et dans les lois qui l’organisent, un système permettant une alternance, à travers une concurrence loyale des projets politiques, c’est une  bonne chose pour n’importe quel pays. C’est cela la démocratie. Ce n’est pas une forme de parti unique, ou bien un projet unique sous une apparence démocratique. Le deuxième point : la Constitution, il faut en assurer le respect et la conformité. Il faut qu’il y ait un vrai Conseil constitutionnel. Et un Conseil constitutionnel indépendant des pouvoirs. Ce n’est pas le cas en Algérie. Donc, d’une part avoir un vrai Conseil constitutionnel, qui est en même temps ouvert aux recours des citoyens pour qu’ils puissent contester la conformité d’une loi devant les tribunaux algériens. Si je suis poursuivi en justice parce que je n’ai pas respecté la loi, j’aimerais pouvoir dire qu’on applique une loi qui ne respecte pas la Constitution. Et j’aimerais bien qu’il y ait un organe que l’on puisse saisir. Ce n’est pas à moi-même de saisir le Conseil constitutionnel, je soulève un problème de non constitutionnalité d’une loi, c’est au tribunal lui-même de dire qu’il y a un problème de constitutionnalité et de le renvoyer devant le Conseil constitutionnel. Evidemment avec des filtres pour éviter d’encombrer l’institution et que toute personne qui est poursuivie pour avoir violé la loi peut pouvoir invoquer la non-conformité avec la Constitution. Il faut que le juge lui-même s’autosaisisse s’il voit que la requête est sérieuse.

     

    - Vous avez fait des propositions de dispositions constitutionnelles sur l’enseignement et le secteur économique,  pensez-vous que sans cela le pays va continuer à s’empêtrer dans les blocages ?
    Oui, par-delà l’enseignement, et l’économie c’est l’ensemble des secteurs de la vie en Algérie qui sont concernés. Il faut que la bureaucratie cesse de faire sa loi, de retarder tous les projets, de tout bloquer. Qu’elle cesse d’être une source de rente et de corruption. Dès que quelqu’un détient le pouvoir, il veut le rentabiliser, c’est-à-dire le monnayer. Cela devient plus dramatique et s’accentue. L’ensemble des textes qu’on a adoptés ne sont pas appliqués sérieusement. Parce que d’une part, on a une accumulation de textes inutiles : on n’as pas besoin de trente-six mille textes pour combattre la corruption. Ce dont on a besoin, c’est l’application des textes par des organes qui soient indépendants du pouvoir. C’est-à-dire une justice indépendante. La justice en Algérie, j’ai le regret de le dire n’est pas indépendante. Certes, elle ne se mêle pas de tous les procès qu’il y a tous les jours devant les tribunaux ; l’indépendance de la justice se juge aux affaires sensibles. Des affaires qui peuvent toucher les domaines sensibles ou les politiques sont impliqués, ou des personnes haut placées sont impliquées. Une justice indépendante est celle qui dans ces cas-là statue de manière indépendante. Il ne peut y avoir de respect de la loi s’il n’y a pas d’organes capables de sanctionner et qui soient indépendants de toutes formes de pouvoir et de pressions, politiques, économiques ou sociaux.

     

    - Concernant la profusion de partis politiques…
    Oui, avoir 36 partis ce n’est pas sérieux. Jamais un régime est démocratique parce qu’il y a un nombre incroyable de partis politiques. Une démocratie, c’est quand il existe quelques partis politiques sérieux, ayant des projets économiques, des projets de société qui s’affrontent devant les électeurs et qui, à l’issue des élections loyales, on détermine celui qui a obtenu l’aval, soit en ayant la majorité ou contribuer par le système d’alliance pour dégager une majorité. On ne fait pas pousser les partis politiques comme des champignons au lendemain de la pluie. Ils apparaissent et ils disparaissent, l’on ne sait même pas pourquoi. Il faut avoir quatre, cinq partis sérieux porteurs d’un projet et se présenter devant le peuple qui aura à choisir.

    Said Rabia
  • la bourrique :le met de choix de l'algerie

    Les Algériens ont-ils encore mangé de la viande d’âne ?

    • 5
       
      Share

    algerie focus
           
    Mardi 11 décembre à 13:49

     

     

    La viande d’âne pourrait bien être de retour dans les boucheries algériennes. La police a de nouveau saisi ce lundi 10 décembre une importante cargaison de carcasses d’ânes et d’ânons dans la ville de Tiaret.

    La viande d’âne revient au coeur de l’actualité avec cette nouvelle découverte. Au moins une dizaine d’ânes morts ont été retrouvés dans le sud de Tiaret. Ils étaient destinés à être vendus à des bouchers. Ce n’est pas la première fois que cette viande est vendue aux consommateurs algériens, à leur insu, comme ce fut le cas il y a quelques mois, lors du Ramadan, où plusieurs dizaines de boucheries avaient été complices de cette arnaque. Des trafiquants d’ânes tuent les bêtes et les distribuent ensuite aux bouchers qui la font passer pour de la viande bovine ou ovine. De mauvaise qualité, la viande de l’âne est alors vendue au même prix que celle de l’agneau ou du mouton.

    Ce trafic représente donc un marché juteux pour les revendeurs d’ânes qui n’hésitent pas à faire leur petit commerce non seulement en Algérie, mais également en Tunisie ou encore en Libye. En 2011, un important réseau algérien avait été démantelé à Bir el Ater, au sud de la wilaya de Tébessa. Les trafiquants avaient tenté de faire passer plusieurs quintaux de viande d’âne dans ces deux pays.

  • demander pardon d'avoir ete colonisee par france

    De la frontière nécessaire entre la langue et les baragouineurs !

    Par Hakim Laâlam Email : hlaalam@gmail.com

    A ce rythme, et d’ici la fin de la visite de Hollande chez nous, j’espère que l’Algérie ne va pas finir par … …demander pardon d’avoir été colonisée ! J’entends ici et là des analystes et des observateurs vachement avertis de la vie politique algérienne employer le mot «tractations» pour parler de ce qui se passe autour des APC et de leur mise en place après le scrutin hyper-enthousiasmant du 29 novembre dernier. Je ne voudrais pas intervenir dans le volet politique. Et préfère me limiter à celui de la langue. Messieurs ! Messieurs ! Allons ! Allons ! La langue française ne s’est pas faite comme ça, sur le battement de cils d’un sac poubelle noir empli d’argent. La langue française ne s’est pas construite comme se construisent les hideux blocs de béton désarmé sur les murs desquels les propriétaires n’hésitent pas à accoler des plaques avec inscrit dessus le mot «Villa». La langue française n’est pas le fruit d’un arbre obtenu par l’hybridation sauvage d’un ancien flutiste de cabaret et d’une tenancière de maison close atteinte de varices énormes, partout sur le corps, sauf sur sa langue fourchue. La langue française n’est pas le résultat d’une naissance miraculeuse, comme celle qui a vu un jour poindre d’entre les cuisses flétries du régime un parti politique en moins d’une demi-heure, sous un sapin au pied duquel étaient déjà emballés de gigantesques cadeaux sous la forme de militants, d’électeurs, de députés et de sénateurs prêts à l’emploi. La langue française ne résulte pas d’une fausse déclaration en résistance face à l’ennemi ou d’un certificat de patriotisme acheté au marché de Tidjelabine. En un mot comme en cent, la langue française s’est construite avec des règles et des canons très précis. Et dans cette langue française, le mot «tractation» a un sens clairement défini : il s’agit d’une négociation, parfois secrète, souvent discrète. Tout sauf ce qui se passe dans la plupart des conseils communaux de notre cher et grand pays. Que ce qui se déroule dans les caves glauques de nos mairies soit appelé «bazar», je veux bien l’admettre. Qu’il soit appelé «trabendo», je veux bien aussi. Qu’il soit désigné sous le vocable «Ch’kara», je dis oui ! Qu’il soit appelé «truanderie», j’acquiesce ! Qu’il soit qualifié de «banditisme », j’adhère ! Qu’il soit labélisé «pratique mafieuse», je le comprendrais fort aisément. Mais de grâce, n’employez surtout pas le mot «tractations». Faites de la politique comme bon vous semble ! Analysez ce que vous voudrez bien analyser. Peignez vos murs à votre guise et accrochez les lampions que vous souhaiteriez accrocher à vos édifices communaux. A la limite, je m’en contre-fiche un peu. Mais laissez la langue française tranquille. Ne la violez pas ainsi en voulant étendre le mot «tractations» sur un marécage aux relents fétides. Dans un marigot où même les plus vieux et endurcis alligators n’arrivent pas à survivre. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. H. L.

  • les juges corrupus algeriens

    SAÂD GUERBOUSSI ET SES TROIS COMPLICES ACQUITTÉS
    La deuxième mort de Beliardouh

    Ahurissant ! Saâd Guerboussi, le puissant président de la Chambre de commerce et d’industrie de Tébessa, ainsi que ses trois complices, Zaoui Hocine, Allaoua Mohamed et Rezaïguia Mohcen, ont été acquittés par le tribunal criminel de Tébessa.
    Un simulacre de procès où, étrangement, des témoins oculaires à charge s’étaient absentés a contrario d’autres, à la volte-face sidérante. Ironie du sort, ce sont deux confrères présumés du défunt Abdelhai Beliardouh qui voleront au secours de Saâd Guerboussi et ses complices après avoir situé perspicacement durant toute l’instruction, les responsabilités dans les supplices subis par la victime. «Confrères» amnésiques, semblerait-il, devenus par on ne sait quel tour de sorcellerie, des témoins à décharge à la solde des accusés. Le verdict prononcé très tard dans la soirée de mardi était tombé tel un couperet pour les ayants droit, partie civile et leurs avocats respectifs. Ces derniers qui ont dû mener une première bataille juridique s’agissant de la constitution des parties civiles, la famille du défunt et le quotidien El Watan, récusées par la défense des accusés mais néanmoins admises par le tribunal après délibération. Aussi regretteront-ils les absences des témoins à charge qui avaient délivré à la police des dépositions détaillées sur l’enlèvement et les violences subies par la victime. Absences qui ne seraient pas dues, à leur avis, au hasard et auxquelles le président d’audience aurait pu pallier en ordonnant leur présentation quitte à recourir à la force publique puisque la loi l’y autorise. L’instruction de l’affaire avait déjà buté à ce même cas de figure mais le juge en charge de l’affaire était allé jusqu’à délivrer des mandats d’amener pour pouvoir auditionner les témoins à charge. Réduite à ne s’appuyer que sur les contradictions relevées dans les auditions, séance tenante, des accusés et des «faux témoins», la partie civile s’en était pourtant bien tirée à travers les plaidoiries de Mes Khaled Bourayou, Zoubeir Soudani et Ali Meziane induisant un réquisitoire corroborant du ministère public qui a retenu des peines de dix années d’emprisonnement pour les quatre accusés. Le procureur de la République, qui s’est manifestement inscrit en faux par rapport au verdict rendu, usera certainement de ses prérogatives de pourvoi en cassation du jugement alors que pour les avocats de la partie civile, la question n’est même pas discutable, «nous ferons appel». Une position partagée par tous, car «le combat pour le triomphe de la justice doit se poursuivre », a estimé le directeur d’ El Watan, Omar Belhouchet, qui s’est dit «choqué par ce verdict et scandalisé par la volte-face de témoins, on ne peut mieux amnésiques. J’aurais aimé que justice soit faite mais nous avions en face quelqu’un (Guerboussi) de très puissant. A Tébessa, c’est lui la justice. D’autant plus qu’il nous revient à l’esprit qu’il fut l’un des plus importants bailleurs de fonds pour les besoins de la campagne électorale de Bouteflika et l’un des plus fervents défenseurs de son programme. Nous ne pouvons, dès lors, nous empêcher de faire le lien entre ces activités, l’influence qu’il peut avoir et le verdict rendu dans ce procès». Pour Me Zoubeir Soudani, «ce procès est la démonstration parfaite de ce qu’on appelle, la subornation de témoins. Ceux à charge qui se rétractent au dernier moment sous la pression et ceux qui se détournent à 180° pour plaire aux puissants. Et s’il y avait une volonté de faire ramener les témoins à charge, rien n’aurait empêché la tenue d’un procès équitable». Me Ali Meziane pense, lui, que ce procès est «l’aboutissement d’une manipulation qui a duré dix ans. Dans ce procès, il n’y a pas que les paroles qui partent, les écrits aussi disparaissent. Ce que nous avons toujours craint s’est produit malheureusement au terme de cette audience. Les témoins oculaires qui ne sont pas venus pour des raisons que l’on peut imaginer, d’autres que le défunt comptait hélas parmi ses confrères et qui ont opéré un revirement honteux, c’est dire que tout n’est pas fortuit».
    K. G

  • «Bungalow 33» ou la faillite de la justice !

    Par Maamar Farah
    Je me permets d'emprunter à mon ami Kamel Daoud, dont j'ai pu apprécier la gentillesse, le talent et la finesse d'esprit au cours d'un séjour oranais, ces quelques lignes qui montrent que la république des coquins est au bord de la faillite morale : «A Béni-Saf, dans l'ouest de l'Algérie, on l'appelle l'affaire du «Bungalow 33».
    Des juges, des magistrats, un cadre de la Wilaya sont arrêtés dans le bungalow en question et inculpés pour création de lieu de débauche, séduction de mineurs, folies et orgies. L'affaire fera boum dans le ciel et dans les bureaux du ministère de la Justice qui y enverra un inspecteur. Sauf que quelques semaines après, elle est tout simplement réduite à une blague : l'affaire est requalifiée lors du procès qui eut lieu cette semaine, puis ses suites abandonnées pour vice de procédure. Les gendarmes n'ayant pas à faire cette perquisition selon le tribunal, on cherche maintenant celui qui a dénoncé les fêtards et le procureur a abandonné les charges contre les prévenus qui ne se sont même pas présentés au procès...»
    Kamel Daoud, in Le Quotidien d'Oran
    «Ils sont cousins, fils ou frères de qui, ces juges ? Le pauvre Baroche (affaire similaire à Annaba), qui était lui aussi en compagnie de cadres algériens pour les mêmes «plaisirs», devrait être libéré ! Sinon, ce serait deux poids deux mesures et du racisme anti-français !»
    Tata Aldjia

  • no moment

    V10-300x214.jpg

  • Le DRS, cet arbre qui cache… le fiasco d’une génération

     

    • 73
       
      Share

      Zehira HOUFANI BERFAS

    Si le DRS[1] n’existait plus, beaucoup d’Algériens s’échineraient à le réinventer. Et pour cause, la situation profite à bien des gens. En premier lieu, les affiliés du pouvoir qui jouissent des privilèges de la rente et qui feraient tout pour que rien ne change. En second lieu, ce qui reste de l’« élite » du peuple qui peut d’une certaine façon s’en laver les mains de la situation de l’Algérie, et ainsi occulter une évidence fort dérangeante : son incapacité politique et intellectuelle à assumer les défis de ce grand pays et de son histoire.

     

    À l’année longue, que ce soit au sommet de l’échelle socio-politique et intellectuelle, ou à la base du citoyen lambda, la référence à la tyrannie du DRS modèle les comportements et le langage des gens. On soutient que le DRS est à la fois capable et responsable de tous les revers qui affectent le pays. De la plus petite corruption de l’agent communal, au choix du chef de l’État. On comprend bien qu’entre l’extrémité de ces deux exemples, c’est toute une culture de gaspillage et de violation des lois qui s’est instaurée et dont le résultat s’affiche à travers l’état de déliquescence général de la société. Et bien sûr, qui dit déliquescence de la société dit aussi saccage du pays, comme en témoignent les places le plus souvent dégradantes qu’occupe l’Algérie dans les classements mondiaux, et ce dans divers domaines de la vie nationale rongée par l’incompétence et une corruption endémique.

     

    C’est avec cette image peu flatteuse de 2012, boursouflée de plaies sociales et alourdie de multiples déficits, que notre pays s’apprête à franchir la nouvelle année 2013. D’ores et déjà, une chose est presque sûre, le DRS sera encore de la partie pour justifier la poursuite du désordre, et suppléer aussi bien l’incompétence des gouvernants que les incommensurables failles de la classe politique et intellectuelle nationale. Des failles qui seront occultées par la peur du DRS, qu’on décrit tel un phare, dont le faisceau lumineux traque impitoyablement tout mouvement citoyen soucieux de l’intérêt du pays. Il y a tant de discours sur sa tyrannie qu’on s’interroge sur cette toute puissance qu’on lui prête pour paralyser un pays de 36 millions d’habitants. À juste titre.

     

    Certes, la réputation de nos services de renseignement (DRS-SM) est une des pires au monde, mais elle ne peut justifier à elle seule l’état des choses en Algérie. Aujourd’hui, la fragmentation du pouvoir, l’éveil des populations (surtout les jeunes), la circulation de l’information dans le nouveau contexte international, sont autant de facteurs qui affectent le potentiel répressif du DRS, tel qu’on le conçoit. Comme l’atteste d’ailleurs l’anarchie dans laquelle baigne le pays depuis des décennies malgré les discours d’assainissement que s’empresse de réchauffer chaque « nouveau » gouvernement.

     

    À y regarder de près, le DRS semble s’être métamorphosé en une constellation d’intérêts, formant une secte politico-affairiste que la majorité dénonce, tandis que la minorité qui s’en nourrit, protège de toutes ses forces. Les adeptes de cette dernière forment autour des « décideurs » une impressionnante foule, où se côtoient élus, ministres, généraux, importateurs, représentants des classes politiques, médiatiques, bref, tous les affiliés du système unis par les liens de la rente et ce qu’elle génère comme avantages et corruption. Ils sont le véritable carburant du système pour ne pas dire son âme. L’ex. P.M. Sid-Ahmed Ghozali « estime leur nombre à quelques 2 millions d’Algériens » et parle d’un «parti clandestin » au service du système, sans autre religion, ni idéologie que celle du profit et des privilèges. Les partisans du changement politique ont donc affaire à cette caste au pouvoir fondamentalement opposée à l’avènement d’un État de droit qui mettrait en péril ses intérêts. D’où son acharnement à maintenir le statu quo, d’une part, en entretenant l’agitation d’une scène politique stérile, et d’autre part, en usant de l’épouvante du DRS qui a toujours hanté les gens et neutralisé leur volonté de changement.

     

    Quand chacun prendra conscience que cette caste, imputable du chaos socio-économique et politique du pays, ne jouit plus d’impunité pour sévir comme elle le faisait par le passé, et qu’elle doit sa survie au « consentement » de la majorité, alors, le DRS sera chose du passé, au grand dam de tous ceux qui en profitent ou s’y abritent. D’ici là, le fiasco de la génération de l’indépendance, qui a inscrit l’Algérie dans les pires registres de la gouvernance, se poursuit au rythme de la dilapidation des richesses nationales, et du désarroi de plus en plus profond d’une société en mal d’idéal et de fierté.

     

    Zehira Houfani Berfas,

    écrivaine