Saïd Bouteflika a décidé de rendre publique la lettre que lui a adressée Hicham Aboud où il lui porte de graves accusations. Le frère cadet du président de la République refuse de se taire et l’ancien capitaine du DRS continue de le défier. « La plainte est la bienvenue. Il la déposera parce que je lui ai posé des questions à travers une lettre qui lui a été destinée exclusivement à titre privé ? », réplique M. Aboud dans une déclaration à TSA ce lundi 10 février. Et d’ironiser : « le conseiller spécial du président de la République a besoin d’un conseiller juridique et de conseillers en communication ».
Ce matin, Saïd Bouteflika a affirmé, en exclusivité à TSA, avoir reçu une lettre de Hicham Aboud, par le biais de la présidence de la République, et avoir ordonné de la rendre publique pour prendre l’opinion publique à témoin. Lire
« Ce n’est pas du chantage ! »
Au-delà des critiques, la lettre de l’auteur de La mafia des généraux suscite de nombreuses questions. La première concerne le timing choisi. Son envoi intervient trois jours après l’interview accordée par Amar Saâdani à TSA et où celui-ci formule de virulentes critiques contre le DRS. « Cette lettre a été écrite depuis trois mois. Mais je n’avais pas réussi à avoir son numéro de fax. Ce dernier m’a été récemment envoyé », se justifie M. Aboud. « En juin, j’avais déclaré lors d’une conférence de presse que je préparais un livre sur les perversions de Saïd Bouteflika », ajoute-t-il. Notre interlocuteur réfute catégoriquement la thèse du chantage. « Je n’ai pas à faire du chantage ! Quand je fais de l’investigation, je n’écris jamais sur une personne sans l’avoir consultée. Je l’ai fait avec le général Larbi Belkheir, avec Mohamed Raouraoua et Melzi par exemple », affirme-t-il avant d'insister : « Je n’ai rien à voir avec Saâdani ou le général Toufik. Ce général Toufik, je ne saurai me mettre sous sa protection ou rouler pour lui alors qu’il est incapable de se protéger lui-même ».
« Le général Toufik veut rendre service à Saïd Bouteflika ! »
Hichem Aboud dit d’ailleurs être sur le point de publier une contribution intitulée « cette pseudo guerre des clans ». Une guerre qui se fait, selon lui, « à sens unique et dans laquelle le général Toufik, qu’on présente comme étant ‘’Reb Dzair’’, ne cesse de prendre des coups de la part d’un homme qui n’a aucune fonction officielle dans l’État algérien ». Cet homme est « Saïd Bouteflika qui a pris en otage l’Algérie, son peuple et son président pour servir ses propres intérêts personnels et la clique qui l’entoure ». Pour lui, le patron du DRS voulait même rendre service à Saïd Bouteflika. « Au moment où il recevait des coups de sa part (limogeage de ses cadres, limitation de ses prérogatives, suppression de certaines structures du DRS), le général Toufik m’a envoyé des émissaires pour me supplier de renoncer à la rédaction du livre. Chose que j’ai refusé ! », jure Hichem Aboud avant de lancer : « le général Toufik veut rendre service à Saïd Bouteflika ».
« S’il ne répond pas à mes questions, je mettrai ces informations au conditionnel »
Autre question que suscite la lettre de Hichem Aboud, celle liée aux preuves qu’il détient vu les graves accusations qu’il formule à l’encontre de Saïd Bouteflika. « C’est ce qui se dit ! Moi, je veux combattre la rumeur par des informations. S’il ne répond pas, j’aurais mis ça au conditionnel. J’aurais dit que c’est la rumeur », dit-il. Dans sa lettre, Hichem Aboud évoque d’abord la vie privée du frère du président de la République. « Je n’ai jamais envisagé de rendre public les détails sur son homosexualité tenant compte de la pudeur du lecteur algérien et du fait que mes enfants vont lire ce livre », se défend-il. Ces détails doivent être envoyés, selon lui, à un psychologue qui sera chargé d’élaborer une analyse en vue de dresser « le portrait de Saïd Bouteflika ».
Hichem Aboud dit les avoir mentionnés dans sa lettre pour prouver au destinataire qu’il était « parti très loin dans ses investigations ». Il parle et accuse Saïd Bouteflika de corruption et cite certaines affaires comme Sonatrach et l’autoroute est-ouest « Je lui ai posé la question sur la facture de l’hôtel Meurice. C’est connu qu’ils (les membres de sa famille, ndlr) ont séjourné dans cet établissement où la nuit coûte 2600 euros et qu’ils étaient nombreux. Au lieu d’écrire des généralités, j’ai préféré demander le montant. Ce sont des gens qui racontent cela ! », dit-il.
L’ancien directeur de Mon journal et Djaridati, deux quotidiens aujourd’hui disparus, ne détient visiblement pas de documents prouvant certaines de ses affirmations. « Dans les pratiques mafieuses, vous n’arriverez jamais à obtenir des preuves matérielles. Sinon, on sort du cadre mafieux. La mafia ne laisse pas de trace ! », argumente M. Aboud.
Et puis dans l’investigation, « on s’appuie sur des témoignages qu’on doit recouper pour arriver à l’information. Et ils sont nombreux, ceux qui vont se bousculer pour donner des informations en tout genre. Et, je ne suis pas facile pour me laisser faire et dicter n’importe quoi, c’est pour cette raison que je lui ai envoyé une lettre », explique-t-il.
« Pourquoi je voue de la haine à Saïd Bouteflika ! »
Hichem Aboud ne porte pas le frère du président de la République dans son cœur et il ne s’en cache pas. « Je lui voue plutôt de la haine ! », lâche-t-il sans ambages. Les raisons sont nombreuses. D’abord, les poursuites judiciaires dont il a fait objet et dont il tient pour responsable Saïd Bouteflika. Des poursuites lancées suite à un article paru dans ses deux quotidiens sur l’état de santé du chef de l’État et son retour en Algérie. Ensuite, « il (Saïd Bouteflika) a pris la décision, le 6 juin, de me priver de la pub de l’ANEP. Il a actionné la justice pour m’interdire de sortir du territoire national et il a actionné l’imprimerie pour suspendre le tirage des deux quotidiens pour une dette de 4,5 milliards de centimes alors que d’autres journaux avaient des dettes de 200 à 300 milliards de centimes », raconte-t-il.
Et Hicham Aboud de poursuivre : « Il (Saïd Bouteflika) va plus loin en actionnant les services de police pour me mettre sous écoute téléphonique. Deux personnes avec lesquelles j’étais en contact téléphonique ont été convoquées au commissariat central d’Alger, ce sont les deux frères Adimi, deux colonels à la retraite », relate notre interlocuteur.
Saïd Bouteflika « pousse le bouchon trop loin », poursuit-il, « en ordonnant à la police de lancer un mandat d’arrêt international à mon encontre et de demander au consulat général de Lille de me priver du renouvellement de passeport, de l’inscription sur la liste électorale et de la carte consulaire ». En fait, Hichem Aboud annonce clairement son objectif à travers son nouveau livre : « Comment voulez-vous que je ne fasse pas payer à Saïd Bouteflika toutes ces injustices et exactions ? Il se comporte en petit dictateur et par mon livre je vais le remettre à sa place ».