A pied d’œuvre depuis plus d’une année, la justice suisse semble faire peser des soupçons sur plusieurs ressortissants algériens, lesquels seraient impliqués dans cette affaire de corruption. En cause, une série de mouvements de fonds enregistrés sur la place bancaire suisse et que la police fédérale helvète pourrait bien lier à des versements de pots-de-vin présumés qui auraient permis à la firme d’ingénierie canadienne d’obtenir des contrats auprès de Sonelgaz.
Ainsi, d’après notre confrère El Khabar, la police fédérale suisse aurait adressé, le 12 juillet, une correspondance à la cellule de traitement du renseignement financier, basée à Alger, afin d’obtenir des renseignements concernant 4 ressortissants algériens, dont un ancien haut cadre de Sonelgaz (en faisant référence par ses initiales à Abdelkrim Benghanem, ex-PDG de Sonelgaz, ainsi qu’à son fils Mohamed Nazim). Des renseignements concernant notamment une hypothétique inculpation par les juridictions algériennes dans une affaire de corruption impliquant SNC- Lavalin, et le cas échéant les charges retenues plus particulièrement contre l’ex-patron de Sonelgaz, si les personnes sur lesquelles pèsent les soupçons de la police suisse sont connues des services de la CTRF pour avoir effectué des opérations financières à caractère douteux, et enfin si ces dernières ont déjà eu à se reprocher quelques délits, ou des poursuites par le passé. Une correspondance qui a reçu une fin de non-recevoir de la part de la CTRF qui, dans sa réponse du 15 juillet, affirme que les investigations qu’elle a effectuées sur la base des données, dont dispose la cellule, n’ont abouti à aucun résultat, et que les personnes concernées ne sont pas connues des services de la CTRF. Une réponse qui aurait induit, d’après notre confrère, les autorités suisses en erreur et qu’il met sur le compte de collusions personnelles entre le premier responsable de la cellule, le PDG de Sonelgaz et le frère du président de la République.
Toutefois, des sources proches du dossier nous ont confié que les faits sont loin d’être aussi simples. Le fait est que la demande émane de la cellule suisse de renseignement financier qui est sous l’autorité de la police fédérale. Selon les mêmes sources, une telle requête doit impérativement répondre, selon les règles régissant les rapports entre les diverses cellules du renseignement dans le monde, à un certain nombre d’impératifs. Il s’agit, selon elles, d’apporter des arguments ou des éléments de preuve afin d’étayer la demande de renseignement, or, poursuit-on, «les Suisses n’ont pas pu ou pas voulu communiquer sur d’hypothétiques éléments de preuve». Et d’ajouter que si ces personnes sont sous le coup d’une enquête de police, ou font l’objet de poursuites judiciaires, d’autres mécanismes existent et seraient d’autant plus efficaces afin de faire toute la lumière sur cette affaire, à l’image d’un échange de bons procédés entre les polices des deux pays ou encore sur la base de commissions rogatoires, et d’échanges d’information dans le cadre d’un accord d’entraide judiciaire, accord signé et entré en vigueur dès 2007.
Un argumentaire qui pourrait se tenir si l’on considère que les autorités helvètes et, selon ce que rapporte El Khabar, ont posé un certain nombre de conditions, concernant l’impossibilité pour la CTRF de faire usage des éléments transmis dans le cadre d’une poursuite judiciaire, ou procédure administrative et fiscale, et encore moins en tant qu’élément de preuve dans un acte d’accusation. Nos sources précisent également que la cellule de renseignement financier helvète a demandé un certain nombre de renseignements concernant des faits couvrant la période allant de 2004 à 2006, période au cours de laquelle la CTRF algérienne n’était pas encore structurée et manquait d’être opérationnelle à 100%.
Il faut néanmoins préciser que la CTRF s’appuie sur les déclarations de soupçon répercutées par les banques et les assureurs pour établir des dossiers à traiter et le cas échéant soit à transmettre à la justice, ou encore à classer en attente d’une demande d’entraide à l’international.
En tout état de cause, l’affaire SNC Lavalin risque d’être riche en rebondissements. Les autorités suisses enquêtent sur cette affaire depuis mai 2011. Riad Ben Aïssa, vice-président directeur de la division construction chez SNC-Lavalin et responsable des opérations de la firme en Afrique du Nord, est déjà sous les verrous, tandis que le neveu de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Farid Bedjaoui, qui aurait joué le rôle d’intermédiaire pour l’obtention de contrats en Algérie contre le versement d’importantes commissions, est dans l’œil du cyclone. Il y a quelques mois, la résidence de ce dernier à Paris avait été fouillée par les polices française, suisse et italienne. C’est de dire que les comptes et mouvements de fonds de ressortissants algériens pouvant avoir un lien de près ou de loin avec toute cette affaire sont actuellement sous la loupe.